La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/01/2001 | SUISSE | N°1P.633/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 29 janvier 2001, 1P.633/2000


«AZA 1/2»
1P.633/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

29 janvier 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Nay, Aeschlimann,
Catenazzi et Mme la Juge suppléante Pont Veuthey.
Greffier: M. Zimmermann.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

le Comité d'initiative "Sauvons nos parcs", case postale
232, à Genève, Rémy P a g a n i, rue du Village-Suisse 14,
à Gen

ève, et Germaine K i n d l e r, chemin de Vincy 2, à
Genève,

contre

l'arrêté rendu le 26 juillet 2000...

«AZA 1/2»
1P.633/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

29 janvier 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Nay, Aeschlimann,
Catenazzi et Mme la Juge suppléante Pont Veuthey.
Greffier: M. Zimmermann.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

le Comité d'initiative "Sauvons nos parcs", case postale
232, à Genève, Rémy P a g a n i, rue du Village-Suisse 14,
à Genève, et Germaine K i n d l e r, chemin de Vincy 2, à
Genève,

contre

l'arrêté rendu le 26 juillet 2000 par le Conseil d'Etat du
canton de Genève, dans la cause qui oppose les recourants
à Mark M u l l e r, avenue Bertrand 7, à Genève, à la Cham-
bre genevoise immobilière, rue de Chantepoulet 12, case pos-
tale 2189, à Genève, et au Conseil municipal de la Ville de
G e n è v e;

(art. 85 let. a OJ; art. 68A ss Cst. gen.; art. 15A ss
LExt.; nullité d'une initiative communale au regard du
droit cantonal en matière d'aménagement du territoire)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Les art. 15A à 15G de la loi genevoise sur l'exten-
sion des voies de communication et l'aménagement des quar-
tiers ou localités, du 9 mars 1929 (LExt.), régissent les
plans d'utilisation du sol et les règlements d'application
que les conseils municipaux sont compétents pour adopter se-
lon l'art. 30 al. 1 let. p de la loi genevoise sur l'admi-
nistration des communes, du 13 avril 1984 (LAC). En matière
communale, le droit d'initiative peut porter notamment sur
les "études d'aménagement du territoire communal", dans les
limites du droit fédéral et cantonal (art. 36 al. 1 let. d
LAC).

En décembre 1997, un groupe de citoyens de la Ville de
Genève a lancé une initiative populaire municipale, intitu-
lée "Sauvons nos parcs". Cette initiative tendait à ce que
le Conseil municipal de la Ville de Genève prenne une déli-
bération

"ayant pour objet de compléter le plan d'utilisation du sol
de la Ville de Genève et son règlement d'application con-
formément aux art. 15A et 15C LExt. et 30 al. 1 let. p LAC,
en affectant à des espaces verts inconstructibles, au sens
de l'art. 15B al. 1 let. b LExt., tous les parcs et prome-
nades publics (y compris les quais) et espaces de verdure,
privés ou propriété d'une collectivité publique, lorsqu'ils
sont ouverts au public ou existent en vertu d'un plan
d'affectation du sol (tel le parc des Contamines, objet de
la votation de juin 1997), d'une autorisation de
construire ou de tout autre acte officiel, sur le territoire
de la Ville de Genève, sous réserve, en ce qui concerne la
Campagne Rigot (parcelles numéros 2182, 2183 et 2184) de la
reconstruction du collège Sismondi au bas du parc, en
bordure du chemin Rigot. En conséquence, aucune construction
nouvelle, y compris la création de voies de circulation, de
parkings ou d'installations sportives, ne sera admise sur
ces espaces verts, sous réserve de constructions de peu
d'importance nécessaires à l'entretien de ces espaces ou
d'aménagements légers, tels que des espaces de jeu pour
enfants ou une buvette, toute dérogation éventuelle devant

être soumise à l'approbation du Conseil municipal".

Le 25 mars 1998, le Conseil d'Etat du canton de Genève
a constaté que l'initiative avait abouti.

Le 2 septembre 1998, le Conseil administratif de la
Ville de Genève a présenté au Conseil municipal un rapport
concluant à ce que l'initiative, incompatible avec le droit
cantonal, soit déclarée nulle.

Le 2 décembre 1998, le Conseil municipal de la Ville
de Genève a adopté une proposition de délibération déclarant
valide l'initiative.

Par arrêté du 26 juillet 2000, le Conseil d'Etat a
admis, dans la mesure où il était recevable, le recours
formé par Mark Muller et la Chambre genevoise immobilière
contre la délibération du 2 décembre 1998. Il a déclaré
nulle l'initiative, au motif que celle-ci heurterait les
prescriptions du droit cantonal sur l'aménagement du terri-
toire, tant à raison de l'objectif poursuivi que des moyens
prévus pour l'atteindre.

B.- Agissant par la voie du recours de droit public au
sens de l'art. 85 let. a OJ, le Comité d'initiative "Sauvons
nos parcs", ainsi que Rémy Pagani et Germaine (Bichette)
Kindler, demandent au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêté du
26 juillet 2000, de reconnaître la validité de l'initiative
et d'ordonner aux autorités communales de poursuivre la pro-
cédure.

Le Conseil d'Etat a produit des observations tendant au
rejet du recours.

Muller et la Chambre genevoise immobilière concluent au
rejet du recours, dans la mesure où il serait recevable.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- L'arrêté attaqué, rendu en dernière instance canto-
nale, touche aux droits politiques, en l'occurrence le droit
d'initiative au niveau communal; il peut, partant, faire
l'objet d'un recours de droit public au sens de l'art. 85
let. a OJ (consid. 1 non publié de l'ATF 123 I 175). Pagani
et Kindler, citoyens actifs de la Ville de Genève, ont qua-
lité pour agir (ATF 121 I 138 consid. 1 p. 140, 252 consid.
1b p. 255, 357 consid. 2a p. 360 et les arrêts cités). Cela
rend superflu l'examen du point de savoir si le Comité
d'initiative, qui aurait été constitué après le dépôt de
l'initiative selon ce qu'indique l'arrêté attaqué, a lui-
même qualité pour agir.

2.- a) A teneur de l'art. 68A al. 2 Cst. gen., auquel
renvoie l'art. 36 al. 2 LAC, l'initiative communale est
adressée au conseil municipal et lui demande de délibérer
sur un objet déterminé. Cela signifie que l'initiative com-
munale ne peut être présentée qu'en termes généraux, sous
les traits de l'initiative dite non formulée, à l'exclusion
de l'initiative formulée, c'est-à-dire celle qui est rédigée
de toutes pièces. Le Conseil d'Etat a rejeté expressément le
grief des intimés selon lesquels l'initiative litigieuse ne
respecterait pas cette condition de forme et constituerait,
en raison de son caractère précis et rigide, une initiative
formulée prohibée par le droit cantonal. Il n'y a pas lieu
de revenir sur ce point, malgré les doutes que l'on peut
éprouver à ce sujet (cf. ci-dessous consid. 4b et 5b).

b) Une initiative (quelle que soit sa formulation) doit
respecter les conditions matérielles qui lui sont imposées.
Elle ne doit, en particulier, rien contenir de contraire au
droit supérieur, cantonal, fédéral ou international. L'auto-
rité appelée à statuer sur la validité matérielle d'une ini-

tiative doit en comprendre les termes dans le sens le plus
favorable aux initiants, en usant des méthodes d'interpré-
tation reconnues. La marge d'appréciation de l'autorité de
contrôle est plus grande lorsqu'elle examine une initiative
non formulée. En effet, lorsqu'elle se trouve en présence
d'une initiative rédigée de toutes pièces, sous la forme
d'un acte normatif, l'autorité de contrôle se fonde sur le
texte de l'initiative, sans prendre en compte la volonté
subjective des initiants (ATF 124 I 107 consid. 5b/aa
p. 119; 112 Ia 382 consid. 5 p. 386; 111 Ia 292 consid. 2
p. 295 et les arrêts cités). En revanche, l'autorité doit
tenir compte du fait qu'elle sera appelée à concrétiser un
simple voeu émis par les citoyens, en édictant les normes
nécessaires. La marge d'appréciation dont elle dispose à
cette fin peut lui permettre de corriger d'éventuelles im-
perfections de l'initiative. Cela ne signifie pas, pour au-
tant, qu'une initiative non formulée ne saurait jamais aller
à l'encontre du droit supérieur, parce que l'autorité char-
gée d'examiner l'initiative pourrait librement en corriger
les défauts éventuels sous ce rapport; une telle conception
s'écarterait du voeu des initiants et porterait atteinte à
l'expression libre de la volonté du peuple (ATF 124 I 107
consid. 5b/aa p. 119 et les arrêts cités).

c) Le Conseil d'Etat a jugé l'initiative incompatible
avec le droit cantonal régissant l'aménagement du territoi-
re. Le Tribunal fédéral examine cette question sous l'angle
restreint de l'arbitraire (ATF 123 I 175 consid. 2d p. 178-
182).

Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole gravement
une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou
lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le sentiment
de la justice et de l'équité; à cet égard, le Tribunal fé-
déral ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité can-
tonale de dernière instance que si elle apparaît insoutena-

ble, en contradiction manifeste avec la situation effective,
adoptée sans motifs objectifs et en violation d'un droit
certain. En outre, il ne suffit pas que les motifs de la dé-
cision critiquée soient insoutenables, encore faut-il que
cette dernière soit arbitraire dans son résultat (ATF 126 I
168 consid. 3a p. 170; 125 I 10 consid. 3a p. 15, 166 con-
sid. 2a p. 168; 125 II 129 consid. 4b p. 134 et les arrêts
cités). Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une autre
interprétation de la loi soit possible, ou même préférable
(ATF 124 I 247 consid. 5 p. 250/251; 120 Ia 369 consid. 3a
p. 373; 118 Ia 497 consid. 2a p. 499 et les arrêts cités).

3.- Aux termes de l'art. 15A al. 1 LExt., les communes
élaborent avec l'Etat et adoptent des plans d'utilisation du
sol approuvés par leur conseil municipal. Ces plans visent à
maintenir et à rétablir l'habitat dans les quatre premières
zones de construction au sens de l'art. 19 de la loi d'ap-
plication de la LAT, du 4 juin 1987 (LALAT), et dans leurs
zones de développement, d'y favoriser une implantation des
activités harmonieuse et équilibrée, tout en garantissant le
mieux possible l'espace habitable et en limitant les nuisan-
ces qui pourraient résulter de l'activité économique.

a) Sur le vu de cette norme, les plans d'utilisation du
sol ne peuvent régir que les terrains sis dans les quartiers
de la Ville de Genève qui se trouvent dans les limites des
anciennes fortifications (première zone à bâtir au sens de
l'art. 19 al. 1 let. a LALAT); les terrains sis dans les
quartiers édifiés sur le territoire des anciennes fortifi-
cations et les quartiers nettement urbains qui leur sont
contigus (deuxième zone à bâtir au sens de l'art. 19 al. 1
let. b LALAT); les terrains compris dans les régions dont la
transformation en quartiers urbains est fortement avancée
(troisième zone à bâtir au sens de l'art. 19 al. 1 let. c
LALAT); les terrains compris dans les zones destinées aux
maisons d'habitation comportant en principe plusieurs loge-

ments (quatrième zone à bâtir au sens de l'art. 19 al. 2
LALAT). Les plans d'utilisation du sol s'appliquent en outre
aux zones de développement, régies par la loi genevoise sur
les zones de développement, du 29 juin 1957 (LZD), relatives
aux quatre zones considérées. A contrario, les plans d'uti-
lisation du sol ne peuvent s'appliquer aux autres zones à
bâtir définies par la LALAT (soit la cinquième zone à bâtir
destinée aux villas, la zone industrielle et artisanale, la
zone ferroviaire et la zone aéroportuaire, au sens de l'art.
19 al. 3 à 6 LALAT) et les zones de développement y relati-
ves, pas davantage qu'à la zone agricole (art. 20 al. 1
LALAT), à la zone viticole protégée (art. 20 al. 2 LALAT),
à la zone de gravières (art. 20 al. 3 LALAT), à la zone des
bois et forêts (art. 23 LALAT), à la zone de verdure (art.
24 al. 1 à 3 LALAT), aux zones sportives (art. 24 al. 4
LALAT) et aux zones de jardins familiaux (art. 24 al. 5
LALAT).

Selon l'arrêté attaqué, les terrains visés par l'ini-
tiative seraient, pour l'essentiel, classés dans la zone de
verdure et dans la cinquième zone de construction, englobant
notamment la plupart des parcs de la ville de Genève et les
rives du lac, y compris la Place des Nations et la Campagne
Rigot. En cela, l'initiative tendrait à déterminer, par le
moyen du plan d'utilisation du sol, l'affectation de ter-
rains qui sont soustraits à son champ d'application terri-
torial.

Les recourants contestent cette appréciation, en fai-
sant valoir que, selon l'art. 15B al. 1 LExt., les plans
d'utilisation du sol ont pour but de donner une ligne di-
rectrice quant à l'affectation du territoire communal, en
répartissant celui-ci en terrains à bâtir (let. a) et en
espaces verts (let. b). Ils en tirent la conclusion que la
commune peut étendre l'application des plans d'utilisation
du sol à tous les "secteurs d'espaces verts et de détente"

se trouvant sur l'ensemble du territoire communal, ce à quoi
ne ferait pas obstacle le classement éventuel de ces ter-
rains dans d'autres zones que les quatre premières zones
de construction et les zones de développement y relatives.
Cette conception n'est pas compatible avec le texte clair
de l'art. 15A al. 1 LExt. A supposer que le sens de cette
norme devait être éclairci selon les méthodes usuelles (ce
qui n'est pas le cas), l'interprétation très extensive qu'en
font les recourants rendrait superflu, pour ne pas dire in-
compréhensible, le renvoi aux quatre premières zones de
construction que fait l'art. 15A al. 1 LExt. A cela s'ajou-
te, d'un point de vue systématique, que l'art. 15B LExt.,
dont se prévalent les recourants, ne peut être appliqué
qu'en relation avec l'art. 15A de la même loi qu'il concré-
tise. Les lignes directrices mentionnées à l'art. 15B al. 1
LExt. concernent ainsi l'affectation du territoire communal
uniquement dans la mesure où celui-ci est compris dans le
périmètre défini par l'art. 15A al. 1 LExt. Cette interpré-
tation de la loi, retenue par le Conseil d'Etat, n'est assu-
rément pas arbitraire.

b) L'initiative prévoit de rendre inconstructibles les
terrains qu'elle vise. Or, cette mesure n'est pas prévue par
la LExt. Les plans d'utilisation
du sol ont pour objet de
fixer des lignes directrices quant à la répartition du ter-
ritoire communal compris dans le périmètre défini par l'art.
15A LExt., en distinguant les espaces verts des terrains à
bâtir (art. 15B al. 1 LExt.), puis en répartissant ceux-ci
entre un secteur d'intérêt public (art. 15B al. 2 let. a
LExt.), un secteur d'habitation ou de logements (art. 15B
al. 2 let. b LExt.) et un secteur de travail ou d'emplois
(art. 15B al. 2 let. c LExt.). Cette répartition faite, le
règlement annexé au plan d'utilisation du sol détermine les
indices d'utilisation et le taux de répartition entre les
différents secteurs, afin d'assurer notamment un équilibre
entre l'habitat, les activités et les secteurs de détente

(art. 15C LExt.). Ces dispositions ne prévoient pas la pos-
sibilité pour les communes d'édicter d'autres mesures, no-
tamment celle consistant, comme le voudraient les initiants,
à désigner des secteurs non constructibles. Les recourants
rétorquent à cela que la mesure qu'ils préconisent revient
simplement à fixer, pour les terrains concernés, un indice
nul d'utilisation. Cette conception, outre qu'elle revient
à jouer sur le sens des termes légaux, ne peut pas être par-
tagée pour la raison que les indices d'utilisation concer-
nent les secteurs d'habitat et d'activités et constituent le
moyen d'atteindre l'objectif d'équilibre et de développement
harmonieux visé à l'art. 15A al. 1 LExt. La fixation d'un
indice d'utilisation pour des espaces verts ou de détente ne
présente guère de sens. Contrairement à ce qu'allèguent les
recourants, l'arrêt rendu le 11 janvier 1991 par le Tribunal
fédéral dans la cause Ventouras (1P.227/1990) ne dit pas que
le plan d'utilisation du sol, au sens des art. 15A ss LExt.,
permet de prévoir la création d'espaces verts avec un taux
nul d'utilisation. Dans cette affaire qui portait sur l'amé-
nagement de terrains à bâtir, le Tribunal fédéral a tout au
plus admis que les plans d'utilisation du sol peuvent être
assimilés à une étude d'aménagement, entrant dans le domaine
de l'initiative communale selon l'art. 36 LAC, pour donner
à l'affectation du territoire communal la "ligne directrice"
évoquée à l'art. 15 al. 1 LExt. (sur la nature ambiguë des
plans d'utilisation du sol à cet égard, cf. Thierry
Tanquerel, La participation de la population à l'aménage-
ment du territoire, Lausanne, 1988, p. 257).

c) Le Conseil d'Etat reproche aux initiants d'avoir
omis de mentionner, dans le texte de l'initiative, la ré-
serve de l'art. 15A al. 3 LExt., à teneur duquel les plans
d'utilisation du sol ne s'appliquent pas aux bâtiments des-
tinés principalement à un équipement public de la Confédé-
ration, du canton, de la Ville, d'établissements ou de fon-
dations de droit public, ainsi qu'aux terrains de la Confé-

dération, du canton et de la Ville sur lesquels seraient
édifiés des bâtiments destinés aux organisations intergou-
vernementales bénéficiant d'un accord de siège. Cette omis-
sion n'est pas sans importance. Il est en effet notoire que
sur la rive droite du lac, à l'intérieur des limites terri-
toriales de la Ville de Genève, se trouvent des terrains,
d'une surface totale assez considérable, qui tombent sous
le coup de la clause d'exclusion de l'art. 15A al. 3 LExt.
Il ne serait pas indifférent à l'électeur appelé à signer
l'initiative ou à se prononcer sur celle-ci, de connaître
la règle de l'art. 15A al. 3 LExt., laquelle restreint dans
une mesure non négligeable la portée de l'initiative. Cela
étant, celle-ci ne pourrait de toute manière déroger à
l'art. 15A al. 3 LExt., norme de droit supérieur, de sorte
que l'on pourrait se demander si l'omission reprochée ne
constitue pas un défaut mineur et réparable de l'initiative.

d) Ce point souffre de rester indécis, le Conseil
d'Etat pouvant de toute manière admettre sans arbitraire
que l'initiative est incompatible avec l'art. 15A al. 1
LExt., mis en relation avec les art. 15B et 15C de la même
loi, s'agissant de son champ d'application territorial et
de la mesure d'inconstructibilité des espaces verts qu'elle
prévoit.

4.- Selon le Conseil d'Etat, l'objectif poursuivi par
les initiants ne pourrait être atteint que par la création
de zones de verdure au sens de la LALAT, soit par la modifi-
cation des plans d'affectation, soit par l'adoption de plans
de quartier. Or, cette matière relèverait des autorités can-
tonales, sur les compétences exclusives desquelles l'initia-
tive empiéterait. Les recourants soutiennent, au contraire,
que les communes seraient habilitées à soumettre les espaces
verts (lesquels ne se confondraient pas, selon eux, avec les
zones de verdure au sens de l'art. 24 LALAT) à une réglemen-
tation plus stricte que celle prévue par le droit cantonal.

a) La LALAT règle la procédure d'élaboration des plans
d'affectation au sens de l'art. 14 LAT (art. 1er let. b
LALAT). Parmi les plans d'affectation ("plans de zones",
selon la terminologie genevoise), la loi distingue les zones
ordinaires, les zones de développement et les zones proté-
gées (art. 12 LALAT). L'art. 13 LALAT énumère les autres
types de plans d'affectation, parmi lesquels figurent les
plans d'utilisation du sol régis par les art. 15A ss LExt.
(art. 13 al. 1 let. g LALAT). La zone de verdure fait partie
des zones ordinaires définies par le Chapitre III de la loi.
A teneur de l'art. 24 LALAT, cette zone comprend les ter-
rains ouverts à l'usage public et destinés au délassement,
ainsi que les cimetières (al. 1); les constructions, ins-
tallations et défrichements sont interdits s'ils ne servent
l'aménagement de lieux de délassement de plein air, respec-
tivement de cimetières (al. 2); toutefois, si la destination
principale est respectée, le département cantonal peut ex-
ceptionnellement, après consultation de la commission canto-
nale d'urbanisme, autoriser des constructions d'utilité pu-
blique dont l'emplacement est imposé par leur destination,
et des exploitations agricoles (al. 3). Le Conseil d'Etat
propose au Grand Conseil l'extension de la zone de verdure
au fur et à mesure de l'accroissement des besoins de l'ag-
glomération (art. 25 al. 1 LALAT). Aux termes de l'art. 25
al. 2 LALAT, le Conseil d'Etat veille à inclure dans ces zo-
nes les surfaces répondant à leur but, telles que notamment
les parcs, jardins et squares situés dans les zones bâties
(let. a), ainsi que les surfaces en bordure des cours d'eau
et du lac (let. b). Les zones de verdure font partie des zo-
nes réservées ("zones à protéger", selon la terminologie ge-
nevoise) au sens de l'art. 27 LAT (art. 29 let. g LALAT).

Il apparaît ainsi que la zone de verdure au sens de
l'art. 24 LALAT pourrait accueillir les espaces de verdure
ouverts au public, ainsi que les parcs et promenades pu-
blics, visés par l'initiative, réalisant ainsi les objectifs

de celle-ci (comme l'atteste au demeurant le fait, évoqué
par les recourants eux-mêmes, qu'une grande partie des ter-
rains visés par l'initiative est déjà classée dans la zone
de verdure). Le pouvoir de décider de la création de zones
de verdure appartient au Grand Conseil, selon ce que pré-
voient les art. 15 à 16 LALAT, les communes disposant tout
au plus d'un droit de suggestion (art. 15A al. 1 et 2 LALAT)
ou de proposition (art. 15A al. 2 et 4 LALAT). Pour le sur-
plus, c'est au Conseil d'Etat que revient la tâche de propo-
ser l'extension progressive de la zone de développement, en
y incluant des espaces verts qui correspondent à ceux que
l'initiative voudrait protéger. Le Conseil d'Etat est aussi
compétent pour adopter les plans localisés de quartier (art.
5 al. 7 LExt.); ceux-ci peuvent notamment englober des espa-
ces libres privés ou publics, notamment des places, des pro-
menades, des espaces verts et de jeux pour enfants, sous
réserve de la compétence du Grand Conseil dans le cas visé à
l'art. 5 al. 8 LExt. Enfin, conférer au Conseil municipal la
compétence de déroger à l'interdiction de bâtir posée par
l'initiative, comme le voudrait celle-ci, est incompatible
avec l'art. 26 LALAT qui confie cette mission au département
cantonal. Pour toutes ces raisons, le Conseil d'Etat pouvait
admettre sans arbitraire que l'initiative viole la LALAT
parce qu'elle permettrait à la Ville de Genève de créer, de
fait, des zones de verdure alors que la compétence en appar-
tient uniquement à l'autorité cantonale.

b) Sans prétendre que le catalogue des plans d'affecta-
tion de la LALAT ne serait pas exhaustif, ou que cette loi
déléguerait aux communes la compétence de créer des zones de
verdure, les recourants objectent que le plan d'utilisation
du sol, en tant qu'instrument complétant la planification
cantonale, permettrait à la Ville de Genève de prendre les
mesures qu'ils préconisent. Ils soutiennent qu'en maintenant
l'art. 15B LExt. au moment d'adopter l'art. 24 LALAT, le lé-
gislateur cantonal aurait sciemment prévu deux régimes dis-

tincts, l'un de droit cantonal, l'autre de droit communal,
applicables aux espaces verts. Cette analyse heurte le texte
légal, car il serait inconcevable de laisser subsister, à
côté de zones de verdure établies selon les prescriptions de
la LALAT, des espaces verts rendus inconstructibles en vertu
de plans d'utilisation du sol, alors que ceux-ci sont défi-
nis comme de simples "lignes directrices" selon l'art. 15B
LExt. Une pareille hypothèse paraît d'autant moins envisa-
geable en l'espèce que l'initiative, même exprimée sous for-
me de voeu, est rédigée d'une manière extrêmement précise et
détaillée et l'inconstructibilité des espaces verts qu'elle
prévoit est établie d'une manière rigoureuse. Ces traits
donnent à l'initiative litigieuse un caractère contraignant
et obligatoire, au point que la délibération qui la concré-
tiserait constituerait, de fait, un nouveau type de zone de
verdure, concurrente à celle régie par l'art. 24 LALAT. Or,
le droit cantonal ne prévoit pas une telle possibilité. Il
suit de là que le classement des terrains visés par l'ini-
tiative dans des zones de verdure constitue un moyen appro-
prié pour réaliser les buts poursuivis par l'initiative. A
cela s'ajoute que le plan d'utilisation du sol et son règle-
ment d'application doivent se conformer au plan directeur
cantonal et aux plans de zones existants (art. 15D let. c
LExt.). Cette obligation marque la relation hiérarchique
entre les plans d'affectation et les plans d'utilisation du
sol, subordination difficilement compatible avec la thèse
de compétence concurrente défendue par les recourants.

c) Ceux-ci reprochent au Conseil d'Etat d'avoir appli-
qué la loi de manière différente dans l'affaire concernant
l'initiative du même nom concernant la Ville de Carouge. Ils
se prévalent dans ce contexte de l'arrêté rendu le 29 juil-
let 1998 par le Conseil d'Etat. Cette décision concernait
une proposition à maints égards comparable à l'initiative
litigieuse, à la différence près que les terrains visés par
celle-là étaient classés dans la zone à bâtir (la quatrième

zone urbaine au sens de l'art. 19 al. 2 let. a LALAT), soit
dans le champ d'application territorial des plans d'utilisa-
tion du sol, tel qu'il est défini par l'art. 15A al. 1 LExt.
Pour le Conseil d'Etat, cette distinction de fait permet-
trait de traiter l'initiative litigieuse d'une manière dif-
férente de celle concernant la Ville de Carouge. Quoi qu'il
en soit, la seule évocation de l'arrêté du 29 juillet 1998
ne suffit pas pour démontrer que la solution retenue dans
l'arrêté attaqué serait arbitraire au sens de la jurispru-
dence rappelée ci-dessus.

5.- Les recourants reprochent au Conseil d'Etat de ne
pas avoir interprété l'initiative dans un sens conforme au
droit supérieur.

a) Lorsque le texte de l'initiative se prête à une in-
terprétation la laissant apparaître comme conforme au droit
supérieur, elle doit être déclarée valable et soumise au
peuple, quitte à annuler partiellement l'initiative, pour
autant que la partie subsistante puisse former un tout cohé-
rent et corresponde à la volonté des initiants (ATF 124 I
107 consid. 5b p. 118/119; 121 I 334 consid. 2a p. 338, 357
consid. 4 p. 362 et les arrêts cités). Ces principes sont
concrétisés, pour ce qui concerne le Conseil municipal, par
l'art. 68C al. 2 et 3 Cst. gen.

b) Les initiants veulent que la Ville de Genève modifie
le plan d'utilisation du sol et le règlement d'application
afin d'affecter à des espaces verts inconstructibles tous
les parcs et promenades publics, ainsi que tous les espaces
de verdure, privés ou publics, ouverts au public, sis sur
le territoire communal. L'initiative litigieuse est rédigée
dans des termes précis et clairs, tant pour ce qui concerne
son objet, les terrains visés, le but poursuivi, que les
moyens choisis à cet effet. Elle contient une réglementation
complète qui ne laisse guère de marge de manoeuvre à l'au-

torité chargée, en principe, de la concrétiser. Celle-ci ne
dispose en effet pas de la possibilité de restreindre le
champ d'application de l'initiative, d'en changer le but ou
les moyens choisis pour atteindre celui-ci. En cela, l'ini-
tiative ne se prête à aucune interprétation favorable aux
initiants. Les recourants ne prétendent pas, pour le sur-
plus, que l'initiative devrait être comprise comme le voeu
de voir les autorités cantonales protéger les terrains
qu'elle vise par le moyen de la zone de verdure ou du plan
localisé de quartier, ou de restreindre la portée de la
clause d'inconstructibilité qui forme le coeur de l'ini-
tiative, voire encore de déroger à la répartition des com-
pétences qu'elle établit. Il ne restait dès lors pas d'autre
choix au Conseil d'Etat, lié par la formulation étroite de
l'initiative, que de déclarer celle-ci entièrement nulle.

6.- Le recours doit ainsi être rejeté. Conformément à
la pratique,
il est statué sans frais. En revanche, il con-
vient de mettre à la charge des recourants, solidairement
entre eux, une indemnité en faveur des intimés, à titre de
dépens (art. 159 OJ). Il n'y a pas lieu d'allouer des dépens
pour le surplus.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours.

2. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3. Met à la charge des recourants, solidairement entre
eux, une indemnité de 2000 fr. en faveur des intimés, à ti-
tre de dépens.

4. Communique le présent arrêt en copie aux parties et
au Conseil d'Etat du canton de Genève.

Lausanne, le 29 janvier 2001
ZIR/mnv

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.633/2000
Date de la décision : 29/01/2001
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-01-29;1p.633.2000 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award