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26/01/2001 | SUISSE | N°4P.178/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 janvier 2001, 4P.178/2000


«AZA 1/2»

4P.178/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

26 janvier 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Nyffeler, juges. Greffier: M. Carruzzo.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

Alain Driancourt, à Bursins, représenté par Me Patrick
Blaser, avocat à Genève,

contre

l'arrêt rendu le 29 mai 2000 par la Cour d'appel de la ju-
ridiction des prud'hommes du canton de Genève dans la cause
qui

oppose le recourant à Crédit Agricole Indosuez (Suisse)
S.A., à Genève, représentée par Me Douglas Hornung, avocat à
Genève;
...

«AZA 1/2»

4P.178/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

26 janvier 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Nyffeler, juges. Greffier: M. Carruzzo.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

Alain Driancourt, à Bursins, représenté par Me Patrick
Blaser, avocat à Genève,

contre

l'arrêt rendu le 29 mai 2000 par la Cour d'appel de la ju-
ridiction des prud'hommes du canton de Genève dans la cause
qui oppose le recourant à Crédit Agricole Indosuez (Suisse)
S.A., à Genève, représentée par Me Douglas Hornung, avocat à
Genève;

(art. 9 Cst.; appréciation des preuves)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- De 1974 à 1994, le demandeur Alain Driancourt a
travaillé au service du Crédit Agricole Indosuez (défenderes-
se; ci-après: Indosuez), en qualité d'employé, puis de cadre
et, enfin, de directeur adjoint de la succursale de Genève.
En septembre 1990, la société américaine Flexible Multicompu-
ter Corp. (ci-après: Flexible) a assigné Indosuez devant les
tribunaux du Texas (Etats-Unis d'Amérique) en paiement de
6 millions de dollars à titre de dommages-intérêts, plus
18 millions de dollars à titre de pénalité, du fait d'une
prétendue promesse articulée par Alain Driancourt et non te-
nue au sujet d'un nouveau prêt. Le 3 novembre 1994, Alain
Driancourt et Indosuez ont conclu une convention mettant fin
à leurs rapports de travail, organisant une future collabora-
tion sous forme de mandat et prévoyant le versement de
600 000 fr. à Alain Driancourt. Les parties ont déclaré, en
outre, renoncer à faire valoir l'une envers l'autre toutes
autres prétentions déduites du contrat de travail.

En mai 1996, Indosuez a prié Alain Driancourt de
témoigner aux Etats-Unis ou en France voisine, dans la procé-
dure judiciaire l'opposant à Flexible. Alain Driancourt s'y
est refusé. Par acte du 20 août 1996, Indosuez l'a appelé en
cause dans la procédure texane l'opposant à Flexible; elle a
expliqué que son refus de témoigner la contraignait à agir
de
la sorte. Alain Driancourt avait préalablement, soit dès
juin
1996 en tout cas, constitué pour sa défense Me Bruce Martin-
dale, avocat au Texas (recte: l'Etude Baker et Mackenzie),
qui a déposé, le 7 octobre 1996, devant le tribunal texan,
une demande tendant à ce que soit prononcée l'irrecevabilité
de l'appel en cause; il n'a pas été établi que d'autres
actes
de procédure auraient été accomplis pour le compte d'Alain
Driancourt dans cette procédure.

Après suspension puis reprise de la procédure, la
demande principale a finalement été retirée sans désistement
d'instance, Flexible et Indosuez ayant trouvé un accord met-
tant fin à leur différend. Conséquemment, l'appel en cause
dirigé par Indosuez contre Alain Driancourt a également été
retiré sans désistement d'instance. Ces retraits ont été en-
térinés par ordonnances du juge texan du 23 avril 1998, les-
quelles précisaient que les dépens de la procédure seraient
supportés par chacune des parties.

B.- Par demande déposée le 7 octobre 1996, Alain
Driancourt a ouvert action contre Indosuez devant la juridic-
tion des prud'hommes du canton de Genève. Il a pris des con-
clusions visant l'appel en cause et tendant à faire
constater
l'incompétence du tribunal texan. Il a également invité la
juridiction saisie à constater qu'en déposant un appel en
cause devant le tribunal texan, Indosuez avait violé ses ob-
ligations contractuelles découlant de la convention du 3 no-
vembre 1994, concluant dès lors à ce que la défenderesse fût
condamnée à l'indemniser du dommage résultant de la
violation
de ladite convention à concurrence de 100 000 fr. Dans sa ré-
ponse, Indosuez a pris des conclusions tendant à faire cons-
tater l'incompétence du Tribunal des prud'hommes et, subsi-
diairement, à obtenir une suspension de la cause jusqu'à
droit jugé aux Etats-Unis; elle a, d'autre part, déclaré in-
valider la convention du 3 novembre 1994 pour cause d'erreur
essentielle et de dol.

Par jugement du 25 août 1997, le Tribunal des
prud'hommes de Genève s'est déclaré incompétent pour connaî-
tre des conclusions du demandeur visant l'appel en cause et
la compétence du tribunal texan. Il a, en revanche, admis sa
compétence à raison de la matière pour connaître des autres
conclusions du demandeur et a suspendu la cause jusqu'à
droit
jugé dans la procédure texane. Ce jugement a été confirmé le
13 mai 1998 par la Chambre d'appel des prud'hommes, qui a

renvoyé la cause au Tribunal pour reprise de l'instruction,
vu le retrait de la procédure texane intervenu dans l'inter-
valle, et décision sur le fond.

Le 6 novembre 1998, le demandeur a alors repris ses
conclusions tendant à la constatation de la validité de la
convention conclue avec Indosuez le 3 novembre 1994, à la
constatation que, par cette convention, Indosuez avait renon-
cé à faire valoir toute prétention qui pourrait découler du
contrat de travail, à la constatation que le dépôt de
l'appel
en cause violait ladite convention et à la condamnation d'In-
dosuez à l'indemniser "pour le dommage résultant" de cette
violation. Devant le Tribunal, le demandeur a chiffré à
164 656 fr.60 le dommage dont il réclame réparation à la dé-
fenderesse.

Par jugement du 4 novembre 1999, le Tribunal des
prud'hommes a débouté le demandeur de toutes les conclusions
en paiement qu'il avait prises à l'encontre de son ancien
employeur.

Le demandeur a appelé de ce jugement en reprenant
ses seules conclusions condamnatoires. Il a soutenu que le
total de son dommage pouvait être arrêté à 221 100 fr.95,
dont il réclamait 164 656 fr.60 en conformité avec ses con-
clusions de première instance.

Par arrêt du 29 mai 2000, la Cour d'appel des
prud'hommes du canton de Genève a confirmé le jugement de
première instance.

Constatant, en premier lieu, que le demandeur dé-
duisait son dommage de l'appel en cause déposé à son
encontre
par la défenderesse le 20 août 1996 devant les tribunaux
texans, la cour cantonale a tout d'abord exclu la prise en
compte des honoraires d'avocat rémunérant l'activité
déployée

avant cette date ainsi que le travail effectué postérieure-
ment à la clôture de la procédure américaine, intervenue le
23 avril 1998.

La Cour d'appel a estimé ensuite que les notes
d'honoraires de l'Etude Baker et Mackenzie sont d'une
manière
générale, que ce soit pour la période du 1er septembre 1996
au 31 décembre 1997 ou pour la période postérieure, insuffi-
samment précises pour déterminer les honoraires afférents à
la procédure d'appel en cause. Selon elle, le libellé de ces
notes d'honoraires, qui font référence à des "consultations
juridiques - Banque Indosuez", sans autres précisions, ne
permet pas de constater quelles prestations précises
auraient
été facturées; en outre, les "time-sheet" produits, établis
sur papier libre et sans signature, n'ont pas été confirmés
par l'avocate entendue comme témoin; leur libellé et la quo-
tité des honoraires qui en résulterait diffèrent d'ailleurs
partiellement du montant finalement facturé, sans qu'aucune
explication n'ait été fournie à ce sujet; enfin, ce montant
ne saurait à l'évidence s'ajouter à celui des honoraires
facturés, puisque le "time-sheet" n'en constitue que le jus-
tificatif horaire. Il en va de même s'agissant des trois ver-
sements effectués par le demandeur (11 000 fr. et deux fois
10 000 fr.), leur justification n'étant pas précisée. Enfin,
la Cour d'appel a refusé d'évaluer le montant du dommage en
application de l'art. 42 al. 2 CO, dès lors que le demandeur
disposait des moyens de preuve nécessaires pour établir l'am-
pleur des frais consentis par lui dans la procédure d'appel
en cause texane.

Dans ces conditions, la cour cantonale a pu se dis-
penser, à l'instar des premiers juges, d'examiner si et dans
quelle mesure le dépôt de l'appel en cause par la défenderes-
se devant les tribunaux texans constituait ou non un acte il-
licite ou une violation de la convention conclue par les par-
ties au moment de la cessation des rapports de travail.

C.- Alain Driancourt a formé un recours de droit
public au Tribunal fédéral. Invoquant l'arbitraire dans l'ap-
préciation des preuves à propos de cinq notes d'honoraires
portant sur un total de 51 206 fr., il conclut à
l'annulation
de l'arrêt rendu par la Cour d'appel le 29 mai 2000.

L'intimée conclut au rejet du recours dans la mesu-
re où il serait recevable. Quant à la cour cantonale, elle
se
réfère aux motifs énoncés dans son arrêt.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le recourant a donc réclamé à l'intimée, son
ex-employeur, la réparation du dommage qu'elle lui aurait
fait subir en l'obligeant à mandater un avocat pour se défen-
dre dans la procédure d'appel en cause ouverte par elle con-
tre lui devant les tribunaux du Texas. Il critique, sous
l'angle de l'arbitraire dans l'appréciation des preuves, la
façon dont la cour cantonale a dénié tout caractère probant,
quant au dommage subi, à cinq notes d'honoraires, établies
par l'étude d'avocats genevoise associée à l'étude Baker et
Mackenzie dès le 3 décembre 1996, et totalisant 51 206 fr.
Il ne s'en prend donc pas à l'appréciation que la Cour d'ap-
pel a faite des autres notes d'honoraires qu'il avait invo-
quées.

Selon le recourant, toute note d'honoraires qui
établit de façon claire une activité s'inscrivant dans le
cadre de l'appel en cause est pertinente et doit être
retenue
comme dommage. A cet égard, les cinq notes invoquées par lui
seraient précises, chacune indiquant le montant facturé par
le bureau de l'Etude de Genève et par celui de Dallas. L'ac-
tivité du bureau de Dallas aurait été uniquement et exclusi-
vement consacrée à la défense de ses intérêts dans la procé-

dure d'appel en cause introduite contre lui par la défende-
resse. Trois faits le prouveraient:

- la seule activité judiciaire qui nécessitât le re-
cours à un avocat situé à Dallas était l'appel en
cause litigieux;

- l'activité du bureau de Dallas avait débuté, con-
formément à la note d'honoraires du 3 décembre
1996, le 1er septembre 1996, soit quelques jours
après le dépôt de l'appel en cause; l'activité au-
rait donc commencé avec et du fait de l'appel en
cause;

- l'avocate Valérie Delerue, entendue comme témoin
par la Cour d'appel, avait confirmé que "l'activi-
té du bureau de Dallas se rapportait à la procédu-
re américaine", ce qui ne serait pas contesté par
l'intimée ni par la Cour d'appel.

Pour le recourant, toutes les notes d'honoraires
précitées comporteraient la précision nécessaire pour
établir
le dommage subi, car elles distinguent l'activité déployée
dans le cadre de l'appel en cause par le bureau américain;
les montants figurant sous cette rubrique sont, au
demeurant,
ceux qu'il a payés pour se défendre dans le cadre de cette
procédure. Peu importeraient, dans cette optique, l'intitulé
général de la note ("Consultations juridiques - Banque Indo-
suez") et le fait que le détail ainsi que le répertoire des
prestations fournies par le bureau de Dallas n'y soient pas
mentionnés, ce pour deux raisons:

- premièrement, le seul élément pertinent en l'espè-
ce est que soient séparées l'activité américaine,
entièrement consacrée à l'appel en cause, et l'ac-
tivité genevoise qui ne l'est pas, ce qui a été
fait;

- secondement, la Cour d'appel n'avait pas à sta-
tuer sur la question de savoir si le montant des
notes d'honoraires se justifiait eu égard au tra-
vail fourni, car la seule mission qui lui était
assignée consistait à distinguer les postes rele-
vant de l'appel en cause de ceux qui lui étaient
étrangers et à examiner la force probante des pre-

miers; or, les notes d'honoraires démarqueraient
et établiraient clairement les montants facturés
par le bureau de Dallas pour la procédure d'appel
en cause.

Aussi la Cour d'appel serait-elle tombée dans l'ar-
bitraire en estimant que le recourant n'avait pas apporté à
satisfaction de droit la preuve de son dommage, après avoir
rejeté sans distinction et en bloc toutes les notes d'hono-
raires produites.

2.- a) Une jurisprudence constante reconnaît au
juge du fait un large pouvoir dans le domaine de l'apprécia-
tion des preuves (ATF 118 Ia 30 consid. b). Le Tribunal fédé-
ral n'intervient, en conséquence, que si le juge cantonal a
abusé de ce pouvoir, en particulier lorsqu'il parvient à des
conclusions manifestement insoutenables (ATF 101 Ia 306 con-
sid. 5, 100 Ia 468, 98 Ia 142 consid. 3a et les arrêts ci-
tés), lorsqu'il méconnaît des preuves pertinentes ou qu'il
n'en tient arbitrairement pas compte (ATF 100 Ia 127), lors-
que des constatations de fait sont manifestement fausses
(ATF
106 Ia 62, 105 Ia 190 consid. 2a et les arrêts cités), enfin
lorsque l'appréciation des preuves est tout à fait insoutena-
ble (ATF 109 Ia 22 consid. 2, 108 Ia 195/196 consid. 4b et
les arrêts cités). Il appartient au recourant d'établir la
réalisation de ces conditions, en tentant de démontrer, par
une argumentation précise, que la décision incriminée est in-
soutenable et ne trouve aucune assise dans le dossier (art.
90 al. 1 let. b OJ; ATF 110 Ia 3/4 consid. 2a).

b) Il n'apparaît pas, en l'espèce, que la cour can-
tonale ait abusé de son large pouvoir d'appréciation des
preuves et qu'elle soit parvenue à des conclusions manifeste-
ment insoutenables en jugeant que les notes d'honoraires li-
tigieuses étaient insuffisamment précises pour déterminer
quels honoraires se rapportaient à la procédure d'appel en
cause. Sur le
vu du libellé des notes d'honoraires
invoquées,

il n'y a rien d'insoutenable à retenir que des notes intitu-
lées "Consultations juridiques - Banque Indosuez Genève", mê-
me si elles mentionnaient des honoraires du bureau de
Dallas,
ne suffisaient pas à établir que lesdites notes visaient la
procédure d'appel en cause sur laquelle le recourant fondait
son action. L'argumentation consistant à prétendre que l'ac-
tivité du bureau de Dallas a été uniquement consacrée à la
défense du recourant dans le cadre de l'appel en cause
déposé
contre lui est une pure affirmation de l'intéressé qui n'est
étayée par aucun élément suffisamment probant pour que la
cour cantonale ait dû nécessairement en tenir compte.

Comme la Cour d'appel a retenu, par ailleurs, qu'en
dehors de la demande, déposée le 7 octobre 1996 par l'avocat
constitué par le recourant au Texas en vue de faire
prononcer
l'irrecevabilité de l'appel en cause, il ne résultait pas du
dossier que d'autres actes de procédure auraient été accom-
plis pour le compte du recourant dans cette procédure, c'est
évidemment sans arbitraire qu'elle a pu mettre en doute le
caractère probant des notes d'honoraires quant à leur rela-
tion avec l'appel en cause texan.

Il n'y a donc pas trace d'arbitraire dans la déci-
sion attaquée. Par conséquent, le recours ne peut qu'être re-
jeté avec suite de frais et dépens (art. 156 al. 1 et 159
al.
1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours;

2. Met un émolument judiciaire de 5500 fr. à la
charge du recourant;

3. Dit que le recourant versera à l'intimée une in-
demnité de 6000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Cour d'appel de la juridiction
des
prud'hommes du canton de Genève.

___________

Lausanne, le 26 janvier 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.178/2000
Date de la décision : 26/01/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-01-26;4p.178.2000 ?
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