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26/01/2001 | SUISSE | N°4C.302/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 janvier 2001, 4C.302/2000


«AZA 1/2»

4C.302/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

26 janvier 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu, juge, et
Zappelli, juge suppléant. Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

Elga Wenger, à Lausanne, demanderesse et recourante, repré-
sentée par Me Hervé Bovet, avocat à Fribourg,

et

Multifiduciaire Fribourg S.A., à Fribourg, défenderesse et
intimée, représentée par Me Jean-Jacques Col

laud, avocat à
Fribourg;

(mandat; répétition de l'indu)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s sui...

«AZA 1/2»

4C.302/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

26 janvier 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu, juge, et
Zappelli, juge suppléant. Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

Elga Wenger, à Lausanne, demanderesse et recourante, repré-
sentée par Me Hervé Bovet, avocat à Fribourg,

et

Multifiduciaire Fribourg S.A., à Fribourg, défenderesse et
intimée, représentée par Me Jean-Jacques Collaud, avocat à
Fribourg;

(mandat; répétition de l'indu)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- En 1992, Richard Mayor et Carter Wenger notam-
ment sont entrés en pourparlers dans l'intention de s'asso-
cier pour commercialiser les vins d'un domaine propriété de
Richard Mayor. Les intéressés ont chargé la société Multifi-
duciaire Fribourg S.A. (ci-après: Multifiduciaire) de la réa-
lisation pratique de leur projet. Ils ont choisi d'exploiter
leur commerce par le biais d'une société irlandaise déjà
constituée. Au cours des négociations, le cercle des intéres-
sés s'est restreint à Richard Mayor et son épouse, Carter
Wenger et Jean-Claude Vuichard. L'apport de Carter Wenger a
été fixé à 100 000 fr. et celui de Richard Mayor à 163 000
bouteilles de vin d'une valeur globale estimée à deux mil-
lions de francs français. Parallèlement, Carter Wenger a ob-
tenu de sa mère, Elga Wenger, un prêt de 100 000 fr.,
destiné
à financer sa participation dans l'entreprise en question.

Dans ce contexte, le 19 juillet 1994, Elga Wenger a
écrit à Multifiduciaire la lettre suivante (art. 64 al. 2
OJ): "Je me réfère à l'entretien que j'ai eu avec mon fils
Carter qui m'a fait part de son projet de constitution d'une
société qui aura pour but de commercialiser les vins du Châ-
teau de Montauriol. Je vous informe que je suis d'accord de
financer, à concurrence de Fr. 100'000.-, la société irlan-
daise que vous aurez la responsabilité d'administrer, pour
autant que les autres partenaires apportent une contribution
de Fr. 400'000.-, d'où un engagement total de Fr. 500'000.-.
Si le versement des participants (actionnaires) était infé-
rieur au montant de Fr. 500'000.-, ma part serait réduite
proportionnellement. De plus, je pars de l'idée que vous
maîtriserez l'utilisation de ce capital qui doit servir es-
sentiellement à l'achat de vins. (...)".

Le 22 septembre 1994, Elga Wenger a payé à Multi-
fiduciaire un premier montant de 10 000 fr.; dans le courant
du mois de décembre 1994, elle a confié à son fils un second
montant de 10 000 fr. que celui-ci a reversé à Multifiduciai-
re par deux mandats postaux de 4842 fr.60 chacun, le solde
constituant les frais bancaires et postaux.

B.- Après lui avoir fait notifier une poursuite,
Elga Wenger, le 13 novembre 1997, a ouvert action contre Mul-
tifiduciaire auprès du Tribunal civil de l'arrondissement de
La Sarine. Elle a conclu à la condamnation de la
défenderesse
au paiement de 22 656 fr.

La défenderesse a conclu au rejet de l'action.

Par décision du 17 février 1999, les premiers juges
ont restreint les débats à la question de l'existence de la
créance et à celle de la prescription.

Par jugement du 16 septembre 1999, le Tribunal ci-
vil a rejeté la demande et constaté que la poursuite corres-
pondante était caduque.

Par arrêt du 16 août 2000, la Ie Cour d'appel du
Tribunal cantonal fribourgeois a rejeté dans la mesure de sa
recevabilité le recours interjeté par la demanderesse contre
ce jugement, qu'elle a entièrement confirmé.

C.- Elga Wenger exerce un recours en réforme au
Tribunal fédéral. Elle requiert que la défenderesse soit con-
damnée à lui verser la somme de 22 656 fr. avec intérêts à
5%
dès le 28 février 1997 sur le montant de 20 000 fr. et dès
le
27 septembre 1997 sur le montant de 2656 fr., libre cours
étant laissé à la poursuite qu'elle a fait notifier à sa par-
tie adverse. La recourante se plaint de la violation des
art.
2 al. 2 CC, 1, 6, 18, 41 ss, 62 ss, 97, 151, 394 et 466 ss
CO.

L'intimée conclut au rejet du recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le recours en réforme est ouvert pour viola-
tion du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ). Il ne permet en
revanche pas d'invoquer la violation directe d'un droit de
rang constitutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la vio-
lation du droit cantonal (ATF 126 III 161 consid. 2b, 189
consid. 2a, 370 consid. 5; 125 III 305 consid. 2e).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral
doit conduire son raisonnement sur la base des faits
contenus
dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédé-
rales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait
lieu à rectification de constatations reposant sur une inad-
vertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille complé-
ter les constatations de l'autorité cantonale parce que
celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et réguliè-
rement allégués (art. 64 OJ; ATF 126 III 59 consid. 2a; 119
II 353 consid. 5c/aa). Il ne peut être présenté de griefs
contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens
de
preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). L'appréciation
des
preuves à laquelle s'est livrée l'autorité cantonale ne peut
être remise en cause (ATF 126 III 189 consid. 2a; 125 III 78
consid. 3a).

Si le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des
conclusions des parties, lesquelles ne peuvent prendre de
conclusions nouvelles (art. 55 al. 1 let. b in fine OJ), il
n'est lié ni par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al.
1

OJ), ni par ceux de la décision cantonale (art. 63 al. 3 OJ;
ATF 126 III 59 consid. 2a; 123 III 246 consid. 2).

2.- a) Devant les instances cantonales, la deman-
deresse a soutenu principalement, se basant implicitement ou
explicitement sur les art. 466 et 468 al. 1 CO, qu'elle
avait
noué avec Multifiduciaire des relations contractuelles nées
de sa lettre du 19 juillet 1994, dont les termes avaient été
tacitement acceptés par la défenderesse, par laquelle Elga
Wenger déclarait vouloir financer l'affaire à laquelle parti-
cipait son fils. Or, la défenderesse n'aurait pas respecté
les conditions suspensives stipulées et devait dès lors répa-
ration. Pour le cas où des relations contractuelles n'au-
raient pas été établies, la demanderesse estimait que Multi-
fiduciaire avait agi contrairement aux règles de la bonne
foi
en utilisant les sommes versées à d'autres fins que celles
qu'elle avait prévues dans l'écriture précitée, en sorte que
la défenderesse devait payer des dommages-intérêts du chef
de
sa responsabilité précontractuelle ou délictuelle.

b) Dans l'arrêt déféré, la cour cantonale a retenu
que la lettre de la demanderesse du 19 juillet 1994 consti-
tuait une offre de reprise par celle-ci de la dette de son
fils Carter, à concurrence de 100 000 fr. au maximum, adres-
sée à la défenderesse, mandataire des autres associés, offre
que Multifiduciaire avait tacitement acceptée au nom de ses
mandants. Pour rejeter l'action, l'autorité cantonale a ce-
pendant admis que les fonds reçus n'avaient pas été utilisés
à d'autres fins que celles envisagées, dès lors que la deman-
deresse avait prévu que le capital devait "servir essentiel-
lement à l'achat de vins", ce qui n'excluait pas qu'une par-
tie des fonds soit utilisée pour des frais afférents à la
réalisation du projet de commercialisation du vin. Pour la
cour cantonale, l'existence d'une créance en dommages-
intérêts résultant de la violation du contrat n'était donc
pas établie.

Concernant l'éventuelle créance née d'un prétendu
enrichissement illégitime, la Cour d'appel, suivant en cela
les premiers juges, a retenu en substance que les montants
versés par la demanderesse pour le compte de son fils de-
vaient servir à financer le projet de commercialisation du
vin, soit notamment à acquérir et mettre en place la société
irlandaise. Ce financement incluait donc le paiement des ho-
noraires de la défenderesse. Les paiements de 10 000 fr. et
de deux fois 4842 fr.60 n'étaient donc pas indus.

3.- a) La recourante soutient principalement que
la cour cantonale a retenu l'existence d'une relation con-
tractuelle entre elle et la défenderesse, la recourante re-
vêtant la qualité d'assignée qui s'est fait connaître comme
telle au sens de l'art. 468 al. 1 CO. Partant, la Cour d'ap-
pel aurait dû aussi constater que l'engagement de la deman-
deresse était soumis à une condition suspensive, laquelle ne
s'est pas réalisée, si bien que l'intimée n'avait dès lors
aucun droit aux sommes versées. Par ailleurs, l'interpréta-
tion que l'autorité cantonale a faite des termes de la
lettre
du 19 juillet 1994 serait contraire aux règles de la bonne
foi.

b) Les arguments de la recourante sont infondés dé-
jà au motif que, contrairement à ce qu'elle prétend, la cour
cantonale n'a pas retenu que les parties avaient été liées
par une relation contractuelle. La Cour d'appel relève en ef-
fet, au considérant 3 de l'arrêt critiqué, que la lettre du
19 juillet 1994 "peut être considérée comme une offre de re-
prise par la demanderesse de la dette de son fils envers les
autres associés (...)". Ce considérant sous-entend qu'il y
avait un lien contractuel entre Carter Wenger, fils de la de-
manderesse, et ses associés. La défenderesse ne faisait pas
partie de ces derniers, mais elle était leur mandataire. La
Cour d'appel ajoute certes à cet égard que "la défenderesse
a
accepté tacitement cette offre (de la demanderesse) qui ne

changeait en rien la position de ses mandants". Cela ne fait
nullement de la défenderesse la cocontractante d'un accord
passé avec la demanderesse.

La recourante se met d'ailleurs en contradiction
avec elle-même lorsqu'elle prétend aujourd'hui avoir conclu
un contrat avec la défenderesse. Elle n'a en effet jamais
contesté l'état de fait de la cour cantonale, selon lequel
elle avait prêté une somme de 100 000 fr. à son fils, sans
l'intervention d'un intermédiaire.

La recourante invoque en pure perte les règles re-
latives à l'assignation, qui ne trouvent aucun ancrage dans
les faits retenus par la cour cantonale, si tant est que
cette critique réponde aux exigences de motivation de l'art.
55 al. 1 let. c OJ.

Il résulte de là que la défenderesse ne peut aucu-
nement se voir reprocher de n'avoir pas respecté de préten-
dues conditions contractuelles convenues avec la demanderes-
se.

4.- La recourante fait ensuite grief à la cour
cantonale d'avoir mal interprété les termes qu'elle a utili-
sés dans sa lettre du 19 juillet 1994 et d'avoir admis qu'il
n'était pas exclu qu'une partie des fonds soit utilisée no-
tamment pour les frais afférents à la réalisation du projet
de commercialisation des vins.

A supposer que ce grief soit recevable au regard de
l'art. 55 al. 1 let. c OJ, il est dénué de tout fondement. A
considérer les termes utilisés dans l'écriture précitée, à
savoir "(...) servir essentiellement à l'achat de vins
(...)",, il est tout à fait raisonnable d'admettre avec les
juges cantonaux que les fonds pouvaient être utilisés, en
tout cas pour une part relativement faible, pour régler les

frais et honoraires du mandataire des associés. Le mot "es-
sentiellement" n'a pas le même sens que "exclusivement".

5.- La recourante paraît encore se plaindre de ce
que la cour cantonale a admis le droit de la défenderesse de
prélever ses frais et honoraires sur les montants versés par
Elga Wenger, cela alors que la quotité desdits honoraires
n'était pas connue. Elle rappelle que cette dernière
question
n'a pas été débattue devant les instances cantonales en rai-
son de la restriction des débats au principe de l'existence
d'une créance et de sa prescription.

Le moyen est irrecevable, dès lors que la recouran-
te n'indique pas en quoi le droit fédéral aurait été violé
sur ce point.

Au demeurant, il peut être relevé que la demande-
resse, qui en avait pourtant la possibilité, n'a jamais fait
porter les débats, ni en première, ni en deuxième instance,
sur la question de la quotité des honoraires et des frais
perçus par la défenderesse.

6.- La recourante reproche enfin à l'autorité can-
tonale de n'avoir pas examiné si la responsabilité délictuel-
le de l'intimée était engagée du fait de l'utilisation, au
mépris des règles élémentaires de la bonne foi, des montants
reçus pour le paiement de ses honoraires.

Derechef, le recours est dépourvu d'une motivation
suffisante.

Au demeurant, on l'a vu, il n'est en tout cas pas
établi que la défenderesse devait comprendre la lettre du 19
juillet 1994 comme lui interdisant d'utiliser l'argent reçu
pour couvrir ses propres honoraires de mandataire. On ne
voit

donc pas comment l'intimée aurait pu commettre un acte illi-
cite.

7.- Le présent recours doit être rejeté dans la
faible mesure de sa recevabilité, l'arrêt critiqué étant
confirmé. Vu l'issue du recours, les frais et dépens de la
procédure fédérale doivent être mis à la charge de la recou-
rante qui succombe (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est
recevable et confirme l'arrêt attaqué;

2. Met un émolument judiciaire de 2000 fr. à la
charge de la recourante;

3. Dit que la recourante versera à l'intimée une
indemnité de 3000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Ie Cour d'appel du Tribunal can-
tonal fribourgeois.

_________


Lausanne, le 26 janvier 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.302/2000
Date de la décision : 26/01/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-01-26;4c.302.2000 ?
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