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26/01/2001 | SUISSE | N°1P.238/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 26 janvier 2001, 1P.238/2000


«AZA 1/2»

1P.238/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

26 janvier 2001

Composition de la Cour: Mme et MM. les Juges Aemisegger,
Président, Vice-président du Tribunal fédéral, Nay,
Aeschlimann, Féraud, Catenazzi, Favre et Pont Veuthey, Juge
suppléante. Greffier: M. Kurz.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

Roald Quaglia, à Corsier, Christian Buonomo, à Genève, René
Denat, à Presinge, Jean de Toledo, à Vandoeuvres,

Claude
Fischer, à Genève, Hans Peter Graf, à Genève, Alain Meylan,
à Choulex, Michel Mooijman, à Collonge-Belle...

«AZA 1/2»

1P.238/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

26 janvier 2001

Composition de la Cour: Mme et MM. les Juges Aemisegger,
Président, Vice-président du Tribunal fédéral, Nay,
Aeschlimann, Féraud, Catenazzi, Favre et Pont Veuthey, Juge
suppléante. Greffier: M. Kurz.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

Roald Quaglia, à Corsier, Christian Buonomo, à Genève, René
Denat, à Presinge, Jean de Toledo, à Vandoeuvres, Claude
Fischer, à Genève, Hans Peter Graf, à Genève, Alain Meylan,
à Choulex, Michel Mooijman, à Collonge-Bellerive, Jacques
Poncet, à Vésenaz, ainsi que le Groupement Transports et
Economie, à Genève, tous représentés par Me François
Bellanger, avocat à Genève,

contre

la décision prise le 17 mars 2000 par le Grand Conseil de la
République et canton de Genève, déclarant partiellement inva-
lide l'initiative populaire IN-114 intitulée "Pour le libre
choix du mode de transport";

(art. 85 let. a OJ;
validité d'une initiative populaire)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- L'initiative intitulée IN-114 "Pour le libre
choix du mode de transport" (ci-après: IN-114 ou l'initia-
tive), appuyée par le Groupement Transports et Economie (ci-
après: GTE), a été déposée, munie de plus de dix mille signa-
tures, auprès du Conseil d'Etat genevois qui a constaté son
aboutissement par arrêté du 23 juin 1999. Cette initiative
tend à l'adjonction, dans la constitution genevoise, de deux
articles 160A et 160B dont la teneur est la suivante:

Titre XB Transports

Chapitre I Liberté du choix du mode de transport

Art. 160A Choix du mode de transport
La liberté individuelle du choix du mode de trans-
port est garantie.

Chapitre II Transports privés

Art. 160B Principes
1Le réseau routier des communes et du canton est
conçu et organisé, dans les limites du droit fédé-
ral, de manière à assurer un équilibre entre les
divers modes de transport. Il doit répondre aux be-
soins de mobilité de la population, des entreprises
et des visiteurs par une bonne accessibilité de
l'agglomération urbaine et de l'ensemble du terri-
toire cantonal.

Objectifs
2Le réseau routier des communes et du canton est
conçu et organisé, dans les limites du droit fédé-
ral, par les autorités cantonales de manière à as-
surer la meilleure fluidité possible du trafic pri-
vé, ainsi qu'une accessibilité optimale au centre
ville en complémentarité avec les transports pu-
blics.

Moyens
3L'objectif énoncé à l'alinéa 2 est réalisé de la
manière suivante:
a) avant toute mesure restrictive affectant le tra-
fic privé, des mesures de substitution et d'accom-
pagnement adéquates sont mises en place pour amé-
liorer la fluidité du trafic;

b) la réduction du trafic pendulaire vers le centre
ville et la canalisation du trafic de transit à
l'extérieur du centre ville ne peuvent être déci-
dées que si des mesures de substitution et d'accom-
pagnement sont préalablement mises en place, notam-
ment par la réalisation d'ouvrages routiers;
c) le stationnement des véhicules automobiles est
organisé de manière à répondre aux besoins propres
des divers types d'usagers.

Chapitre III Transports publics (nouveau, compre-
nant les art. 160C, D, et E, anciennement 160A, B
et C).

B.- Dans son rapport du 8 septembre 1999, le Conseil
d'Etat genevois a notamment considéré que l'initiative était
conforme au droit supérieur, car son sujet relevait de la
compétence cantonale. En revanche, si les principes et objec-
tifs proposés correspondaient à la politique déjà poursuivie
à Genève, les moyens préconisés compromettraient le dévelop-
pement durable, complémentaire et équilibré voulu par le Gou-
vernement. Rappelant les actions réalisées et envisagées
dans
ce but, le Conseil d'Etat proposait le rejet de l'initiative.

C.- La Commission législative chargée d'étudier la
validité de l'initiative a déposé son rapport le 29 février
2000. Selon ce rapport, l'art. 160B al. 3 lettres a) et b)
de
l'initiative seraient contraires au droit fédéral: en exi-
geant des mesures de substitution préalablement à toute ré-
duction du trafic, l'initiative empêchait la mise en place
du
plan de mesures prévu aux art. 31 ss de l'ordonnance sur la
protection de l'air (OPair, RS 814.318. 142.1), et
l'adoption
de mesures d'assainissement au sens de l'ordonnance sur la
protection contre le bruit (OPB, RS 814.41). L'art. 160B al.
3 let. c de l'initiative entraînerait l'obligation d'augmen-
ter fortement le nombre de places de stationnement, et pro-
voquerait un afflux supplémentaire de véhicules, mais
pouvait
être interprété conformément au droit fédéral. Pour des rai-

sons de procédure, le rapport concluait à l'irrecevabilité
de
l'initiative.

D.- Le 17 mars 2000, le Grand Conseil a invalidé
l'art. 160B al. 3 lettres a) et b) de l'initiative, en appli-
cation de l'art. 120 al. 4 du règlement du Grand Conseil,
soit pour non conformité au droit supérieur.

E.- Roald Quaglia, Christian Buonomo, René Denat,
Jean de Toledo, Claude Fischer, Hans Peter Graf, Alain
Meylan, Michel Mooijman, Jacques Poncet et le GTE forment un
recours de droit public contre l'invalidation partielle de
l'initiative. Ils demandent l'annulation de ce prononcé et
la
constatation de la recevabilité de l'initiative. Ils deman-
dent par ailleurs un second échange d'écritures afin de se
prononcer sur la motivation retenue par l'autorité intimée.

Le Grand Conseil conclut au rejet du recours.

Les parties ont répliqué et dupliqué. Les recourants
ont encore déposé des observations finales.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral examine d'office la receva-
bilité des recours qui lui sont soumis (ATF 126 I 257
consid.
1a p. 258, 126 III 485 consid. 1, 125 I 253 consid. 1a, 412
consid. 1a p. 414 et les arrêts cités).

a) En vertu de l'art. 58 de la loi genevoise sur la
procédure administrative, le recours au Tribunal administra-
tif cantonal n'est pas ouvert contre les décisions du Grand
Conseil. Les recourants soutiennent ainsi, sans être contre-
dits, que la décision du Grand Conseil genevois statuant sur
la recevabilité d'une initiative populaire ne peut faire
l'objet d'aucun recours cantonal.

b) En vertu de l'art. 85 let. a OJ, le Tribunal fé-
déral connaît des recours de droit public concernant le
droit
de vote des citoyens et de ceux qui ont trait aux élections
et aux votations cantonales, quelles que soient les disposi-
tions de la constitution cantonale et du droit fédéral régis-
sant la matière. La qualité pour recourir dans ce domaine ap-
partient à toute personne à laquelle la législation
cantonale
accorde l'exercice des droits politiques pour participer à
l'élection ou à la votation en cause, même si elle n'a aucun
intérêt juridique personnel à l'annulation de l'acte attaqué
(ATF 121 I 138 consid. 1, 357 consid. 2a p. 360).

Le recours est en l'espèce formé par Roald Quaglia
et huit autres personnes, tous citoyens actifs dans le
canton
de Genève et membres du comité d'initiative.

Le Tribunal fédéral reconnaît également la qualité
pour recourir pour violation du droit de vote aux partis po-
litiques et aux organisations à caractère politique formées
pour l'occasion, à la condition qu'ils exercent leur
activité
dans la collectivité publique concernée par l'élection ou la
votation en cause et qu'ils soient constitués en personne mo-
rale (ATF 121 I 334 consid. 1a p. 337, 115 Ia 148 consid. 1b
p. 153, 114 Ia 267 consid. 1c p. 270, 112 Ia 208 consid. 1a
p. 211 et les arrêts cités). Le Groupement Transports et
Economie, association dont le siège se trouve à Genève et
qui
a appuyé l'initiative, peut se voir reconnaître la qualité
pour recourir.

2.- a) Dans leur recours, les recourants déclarent
ignorer les raisons de l'invalidation partielle de l'initia-
tive, la décision publiée dans la Feuille d'Avis Officielle
n'ayant pas de motivation. Les recourants supposent que les
députés ont suivi l'avis du rapport de majorité de la Commis-
sion législative. Ils insistent sur le fait que les moyens
mis en oeuvre par l'initiative à l'art. 160B al. 3 doivent

s'analyser en relation avec les objectifs poursuivis et men-
tionnés à l'al. 2 de cette disposition, qui impose le
respect
du droit fédéral. L'art. 160B al. 3 let. a n'exclurait pas
toute mesure de limitation du trafic, mais imposerait un exa-
men de toutes les solutions possibles, et l'adoption des me-
sures de substitution adéquates, sans empêcher la
réalisation
des mesures exigées par le droit fédéral, notamment le plan
de mesures OPair. Le plan de mesures adopté à Genève le 27
mars 1991 et réactualisé en 1995, prévoirait des mesures in-
citatives et d'information; les mesures de réduction du tra-
fic seraient limitées à des propositions générales, d'ail-
leurs assorties de solutions de substitution. La disposition
litigieuse n'irait pas non plus à l'encontre du programme
d'assainissement prévu à l'art. 19 OPB, qui constitue lui
aussi une mesure générale. Une interprétation conforme à la
Constitution serait ainsi possible. Il en irait de même pour
l'art. 160B al. 3 let. b: cette règle n'exclurait pas toute
canalisation du trafic de transit, mais imposerait les solu-
tions garantissant au mieux la fluidité du trafic et l'accès
au centre ville. Les moyens litigieux n'excluraient pas l'as-
sainissement, mais commanderaient la recherche de solutions
de compensation.

b) Le Grand Conseil estime que la réserve en faveur
du droit fédéral ne suffit pas à garantir la conformité de
l'initiative, spécialement lorsqu'elle est entièrement rédi-
gée. Les mesures visées aux art. 31 ss OPair comprennent no-
tamment la canalisation et la réduction du trafic. Le plan
de
mesures du 27 mars 1991, ainsi que ses plans de suivi, pré-
voient une limitation du trafic individuel au centre ville.
Le plan de mesures d'assainissement du bruit routier, adopté
en août 1998, contient une série de mesures de gestion de la
circulation impliquant une restriction du trafic privé.
L'art. 160B al. 3 let. a de l'initiative imposerait l'adop-
tion de mesures de substitution et d'accompagnement avant
toute restriction du trafic privé, et pourrait empêcher les
mesures prescrites par le droit fédéral, en dehors même des
plans de mesures. La fluidité du trafic devrait ainsi l'em-
porter sur la limitation des émissions, voulue prioritaire-
ment à l'art. 12 al. 1 let. c LPE. La réduction du trafic
pendulaire vers le centre ville et la canalisation du trafic
de transit vers la périphérie, visées par l'art. 160B al. 3
let. b, feraient partie des mesures nécessaires à la réduc-
tion de la pollution de l'air et du bruit au centre ville;
la
construction d'ouvrages routiers, comme préalable à l'adop-
tion de ces mesures, empêcherait d'intervenir quand bien
même
les valeurs limites de l'OPAir et de l'OBP seraient dépas-
sées. L'interprétation restrictive proposée par les recou-
rants ne serait pas compatible avec le texte de l'initiative.

c) Dans leur réplique, les recourants contestent que
les dispositions litigieuses puissent constituer une obliga-
tion absolue et inconditionnelle d'adopter des mesures d'ac-
compagnement et de substitution. L'autorité disposerait
d'une
grande marge de manoeuvre. La canalisation et la restriction
du trafic ne seraient pas des mesures indispensables, voire
utiles pour réduire le bruit. L'art. 12 LPE mentionnerait
d'autres moyens, de même que le plan de mesures d'assainisse-
ment du bruit routier. La réduction du trafic serait d'ail-
leurs insuffisante pour lutter contre le bruit. Il serait
faux de prétendre que le trafic est la principale source de
pollution de l'air, et l'autorité pourrait agir en se
fondant
directement sur la LCR. L'art. 160B al. 3 let. b de l'IN-114
exigerait simplement que les mesures de réduction du trafic
de transit soient adoptées dans le respect du principe de la
proportionnalité, et permettrait dans certains cas d'agir
sans contrepartie. Après avoir pris connaissance des débats
publiés de la séance du 17 mars 2000, les recourants
relèvent
que les arguments relatifs à l'OPAir et à l'OPB n'y sont
guère étayés, la décision ayant été prise pour des motifs
politiques et non juridiques.

d) En duplique, le Grand Conseil a produit le rap-
port de suivi du plan de mesures, approuvé le 29 juin 2000
par le Conseil d'Etat. Il en ressort que si la qualité de
l'air s'est légèrement améliorée depuis les années 90, les
objectifs fixés dans le plan de mesures n'ont été atteints
que partiellement; la pollution est toujours excessive en
milieu urbain, où les valeurs limites sont dépassées; l'aug-
mentation du trafic routier dans le canton aurait freiné les
effets de l'introduction du catalyseur, et la part des trans-
ports individuels serait encore trop importante par rapport
aux transports collectifs. Selon le rapport intitulé "Mesure
de la qualité de l'air à Genève - 1999", le trafic routier
constituerait la principale source (29%) de pollution atmos-
phérique à Genève.

e) Les recourants ont encore produit des observa-
tions. Ils relèvent notamment que, selon l'art. 66 al. 3 de
la constitution genevoise, le Parlement ne peut invalider
que
les initiatives manifestement contraires au droit supérieur.
Le Grand Conseil n'aurait pas démontré en quoi résiderait le
caractère absolu et inconditionnel des dispositions litigieu-
ses.

3.- a) De manière générale, une initiative populaire
cantonale ne doit rien contenir
qui viole le droit
supérieur,
qu'il soit cantonal, intercantonal, fédéral ou international
(cf. ATF 124 I 107 consid. 5b p. 118/119). En vertu du prin-
cipe de la force dérogatoire du droit fédéral (art. 49 al. 1
Cst.), les cantons ne sont pas autorisés à légiférer dans
les
domaines exhaustivement réglementés par le droit fédéral.
Dans les autres domaines, ils peuvent édicter des règles de
droit qui ne violent ni le sens ni l'esprit du droit
fédéral,
et qui n'en compromettent pas la réalisation (ATF 125 I 474
consid. 2a et les arrêts cités p. 480).

b) L'autorité appelée à statuer sur la validité ma-
térielle d'une initiative doit en interpréter les termes
dans
le sens le plus favorable aux initiants. Lorsque, à l'aide
des méthodes reconnues, le texte d'une initiative se prête à
une interprétation la faisant apparaître comme conforme au
droit supérieur, elle doit être déclarée valable et être sou-
mise au peuple, l'interprétation conforme devant permettre
d'éviter autant que possible les déclarations d'invalidité.
Lorsque seule une partie de l'initiative apparaît inadmissi-
ble, la partie restante peut subsister comme telle, pour au-
tant qu'elle forme un tout cohérent et qu'elle puisse encore
correspondre à la volonté des initiants (ATF 125 I 227 con-
sid. 4a et b p. 231 et la jurisprudence citée). Dans ce
sens,
l'art. 66 al. 3 de la constitution genevoise, qui ne permet
d'invalider que les initiatives manifestement contraires au
droit supérieur, ne semble pas conférer une garantie supplé-
mentaire en faveur des droits politiques, puisque, comme
l'admettent les recourants, cette disposition ne fait que
concrétiser le principe de l'interprétation conforme à la
Constitution.

c) Comme le relèvent les parties, une réserve géné-
rale en faveur du droit fédéral, telle que celle qui figure
dans l'énoncé des principes et objectifs de l'art. 160B, ne
suffit pas à "immuniser" une initiative populaire de toute
incompatibilité avec le droit supérieur. Dans la mesure où
elle refléterait les intentions de l'auteur de l'initiative,
la mention du respect du droit fédéral n'est pas non plus
déterminante, puisque l'élément essentiel est le texte de la
disposition et la manière dont elle sera vraisemblablement
appliquée, et non la volonté de ses auteurs (ATF 121 I 334
consid. 2c p. 338). Quand bien même cette réserve doit logi-
quement s'étendre aux moyens prévus à l'al. 3 de l'art.
160B,
les moyens prévus n'en doivent pas moins être examinés pour
eux-mêmes (ATF 125 I 227 précité, consid. 4c et d).

4.- Selon la motivation exposée par le Grand
Conseil, l'invalidation des deux dispositions litigieuses
tient à ce qu'en exigeant l'adoption de mesures de substitu-
tion préalables, elles rendraient impossibles les restric-
tions ou canalisations du trafic qui pourraient être prévues
par le plan de mesures OPair et les mesures d'assainissement
du bruit routier fondées sur l'art. 19 OPB, voire les autres
mesures que le canton serait tenu de prendre sur la base de
l'art. 11 al. 3 LPE.

a) La LPE a pour fondement constitutionnel actuel
l'art. 74 Cst. L'art. 74 al. 3 Cst. précise que l'exécution
des dispositions fédérales incombe aux cantons, sauf disposi-
tion contraire de la loi. L'art. 11 LPE pose le principe de
la limitation, à titre préventif, des émissions, telles que
les pollutions atmosphériques et le bruit (al. 1 et 2). Les
émissions sont limitées plus sévèrement s'il appert ou s'il
y
a lieu de présumer que les atteintes, eu égard à la charge
actuelle de l'environnement, seront nuisibles ou incommodan-
tes (al. 3). Les émissions sont notamment restreintes par la
fixation de valeurs limites, ainsi que des prescriptions en
matière de trafic ou d'exploitation (art. 12 al. 1 let. a et
c LPE). Les limitations figurent dans les ordonnances ou,
pour les cas que celles-ci n'ont pas visés, dans des déci-
sions fondées directement sur la loi. L'art. 44a LPE prévoit
l'adoption de plans de mesures relatifs aux pollutions atmos-
phériques lorsque plusieurs sources de pollution entraînent
des atteintes nuisibles ou incommodantes. Ces plans sont
contraignants pour les autorités auxquelles les cantons ont
confié des tâches d'exécution. Ils distinguent les mesures
qui peuvent être ordonnées immédiatement de celles pour les-
quelles les bases légales doivent encore être créées.

aa) L'OPair régit notamment la limitation préventive
des émissions, la charge polluante admissible de l'air et la
procédure à suivre lorsque les immissions sont excessives

(art. 1 al. 2 let. a, c et d). Les émissions dues aux véhicu-
les et aux infrastructures destinées aux transports font
l'objet des art. 17 à 19 OPair. Les art. 16 et 17 prévoient
la limitation des émissions à titre préventif, et l'art. 19
renvoie aux art. 31 à 34 en cas d'immissions excessives. Le
plan de mesures, de la compétence des cantons (art. 35
OPair), indique notamment les mesures propres à réduire les
émissions excessives ou à y remédier, l'efficacité de ces
mesures, les bases légales, les délais et les autorités com-
pétentes. S'agissant des installations destinées aux trans-
ports, les mesures touchent la construction ou
l'exploitation
de ces infrastructures ou visent à canaliser ou à
restreindre
le trafic (art. 32 al. 2 let. b OPair). Les mesures prévues
doivent en principe être réalisées dans les cinq ans. Les
cantons en contrôlent l'efficacité et les adaptent en cas de
besoin (art. 33 OPair).

L'art. 11 al. 3 LPE permet par ailleurs aux cantons
d'intervenir en cas de danger immédiat et grave pour la san-
té, et d'instaurer des mesures à court terme dans les cas
d'urgence (cf. ATF 121 I 334 consid. 4c p. 343). L'art. 3
al.
6 LCR, voire la clause générale de police, permettent égale-
ment des interventions à court terme, telles des interdic-
tions totales ou partielles de circuler, afin de protéger
les
habitants contre la pollution de l'air, en particulier le
smog (même arrêt, consid. 6 p. 343 ss). Le principe de la
proportionnalité doit, là aussi, être respecté.

bb) L'art. 3 OPB prévoit notamment la limitation des
émissions de bruit dues aux véhicules à moteur, par applica-
tion de la réglementation sur la circulation routière. L'an-
nexe 3 de l'OPB fixe les valeurs limites d'exposition au
bruit du trafic routier. L'art. 19 OPB impose aux cantons
d'adopter un programme d'assainissement des routes fondé sur
le cadastre de bruit (art. 37), comprenant des données notam-
ment sur les routes ayant besoin d'être assainies, l'assai-

nissement, son efficacité, les allégements prévus et le pro-
gramme de réalisation. Ce dernier est soumis à l'Office fédé-
ral de l'environnement, des forêts et du paysage (OFEFP).

b) Le Conseil d'Etat genevois a adopté un plan de
mesures OPair le 27 mars 1991. En ce qui concerne les émis-
sions causées par les véhicules, les mesures doivent notam-
ment tendre au respect des prescriptions fédérales en
matière
de protection de l'environnement, préserver la liberté indi-
viduelle en termes de mobilité et de choix du mode de trans-
port, et favoriser le développement de la viabilité de l'ag-
glomération (p. 29). L'évolution prévue implique un
transfert
très important entre les différents modes de transport
(transfert modal), notamment une diminution notable des dé-
placements en véhicules automobiles. S'agissant de l'accessi-
bilité au centre ville, les objectifs poursuivis sont une
meilleure accessibilité en véhicule individuel par la réduc-
tion du trafic de transit et une offre accrue en places de
stationnement de courte durée, une meilleure accessibilité
en
transports publics et une utilisation accrue des transports
non motorisés. La diminution souhaitée du trafic est de l'or-
dre de 30%, obtenue par une réduction de 45% du trafic de
transit et une part de transfert modal. Une limitation glo-
bale du trafic paraît nécessaire afin de diminuer les
valeurs
d'immissions de dioxyde d'azote (NO2); or, l'amélioration du
réseau augmente le trafic, si elle n'est pas accompagnée
d'autres mesures. Le schéma de circulation est de type secto-
riel hiérarchisé, et non concentrique, afin de favoriser le
trafic de destination, compte tenu de l'ouverture de l'auto-
route de contournement en 1993, puis de sa prolongation ou-
verte au mois de juin 1997. Le trafic est progressivement li-
mité sur les plus importantes artères de transit.

Le rapport de suivi adopté en 1995 constate notam-
ment une diminution, par rapport à la base de calcul de
1988,
de la moyenne annuelle en NO2, ainsi que du nombre des dépas-

sements de la valeur limite journalière. En milieu urbain,
les valeurs limites sont encore largement dépassées, et en
milieu suburbain, les niveaux atteints frisent la valeur li-
mite pour la moyenne annuelle. Le trafic de transit au
centre
ville a diminué d'environ 30'000 véhicules par jour. Les
principales mesures consistent à limiter progressivement le
trafic sur les plus importantes artères de transit au moyen
de plans de circulation sectoriels créant des "poches étan-
ches" accessibles au seul trafic de destination. Depuis la
création des "rues marchandes", le trafic de transit
motorisé
s'est reporté sur des routes en périphérie du centre ville,
elles-mêmes soulagées d'une partie de leur trafic depuis
l'ouverture de l'autoroute de contournement.

Le rapport de suivi de 1999 constate une légère
amélioration de la qualité de l'air depuis 1995, même si la
décroissance souhaitée des immissions n'est pas obtenue.
Selon toute vraisemblance, le respect des valeurs limites
d'immissions pour le NO2 ne sera pas effectif en 2002, con-
trairement aux prévisions du plan de mesures de 1991. Les
objectifs de réduction du trafic, jugés trop généraux, sont
loin d'être atteints: le trafic au centre ville s'est stabi-
lisé depuis 1994, la diminution des émissions résultant es-
sentiellement de l'augmentation du taux d'automobiles cata-
lysées.

Enfin, le plan de mesures actualisé, approuvé par le
Conseil d'Etat le 28 juin 2000, constate que le plan initial
est insuffisant pour mettre en oeuvre une politique d'assai-
nissement de l'air. Il prévoit l'adoption d'un plan régional
des déplacements, instrument permettant de reconduire les me-
sures liées au trafic automobile en assurant notamment un
équilibre entre les divers modes de déplacement. Les inter-
ventions préconisées dans ce dernier plan de mesures visent
essentiellement les véhicules non catalysés.

c) Le plan des mesures pour l'assainissement du
bruit routier a été adopté au mois d'août 1998. Il part du
constat qu'environ un quart de la population genevoise est
exposée au bruit du trafic routier au-delà des limites accep-
tables, essentiellement en ville de Genève. Il prévoit des
mesures à la source (équipement, état des véhicules et com-
portement des conducteurs), des mesures de construction (ou-
vrages, revêtements), et des mesures liées à l'exploitation
du réseau routier: limitation du trafic de transit, favorisa-
tion du trafic de destination, homogénéité et fluidité du
trafic, limitations de vitesse, etc., conformément au plan
de
circulation, et en coordination avec les mesures OPair.

5.- a) Les plans de mesures (art. 44a LPE, 31 ss
OPair et 19 OPB) sont des instruments de coordination permet-
tant aux autorités compétentes de procéder à une
appréciation
globale de la situation (ATF 123 I 175 consid. 3f p. 190 et
la jurisprudence citée). Ils permettent également
d'ordonner,
dans chaque cas particulier, une limitation complémentaire
des émissions respectant les principes de l'égalité de trai-
tement et de la proportionnalité (ATF 120 Ib 436 consid.
2c/cc p. 445). Si le canton est tenu par une obligation de
résultat au regard des exigences du droit fédéral en matière
de protection contre les immissions, les moyens à mettre en
oeuvre sont en revanche fixés, puis adaptés, par l'autorité
cantonale compétente (ATF 125 II 129 consid. 7b p. 139), qui
dispose dans ce cadre d'un large pouvoir d'appréciation
(Loretan, Kommentar zum Umweltschutzgesetz, 2ème édition, n°
17 ad art. 44a LPE). En matière de circulation routière, les
plans de mesures permettent de tenir compte du fait que la
construction d'ouvrages routiers ne contribue que modérément
à la lutte contre la pollution de l'air; ce sont avant tout
les mesures relatives au trafic et à la réduction des gaz
d'échappement qui doivent être ordonnées. Leur exécution ne
peut se faire que par étapes, pour des motifs d'ordre écono-
mique évidents. Les plans de mesures apparaissent ainsi
comme
des instruments complexes et évolutifs, adaptés à une plani-
fication sur une large échelle et à longue échéance, dans le
respect des différents intérêts en présence (ATF 117 Ib 425
consid. 5c p. 430-431). L'autorité compétente doit pour cela
disposer d'une marge de manoeuvre considérable permettant
d'abandonner les mesures jugées inefficaces, et d'en adopter
d'autres qui n'étaient pas prévues à l'origine. L'historique
du plan de mesures OPair genevois, retracé ci-dessus, illus-
tre cette démarche adaptative.

b) La réduction du trafic de transit par le centre
ville constitue l'un des objectifs principaux de la lutte
contre la pollution atmosphérique à Genève. La mesure de di-
minution entreprise en 1991 a été reconduite dans le rapport
de suivi de 1999, mais sous une forme plus concrète; l'effet
attendu en est toujours une diminution du trafic de transit
de l'ordre de 30%, par le biais de la réglementation locale
du trafic. Le Grand Conseil admet que le plan de mesures -
en
particulier sa version de 1995 - prévoit généralement des me-
sures de substitution et d'accompagnement aux réductions du
trafic.

Rappelant sa politique des transports dans son rap-

port relatif à l'initiative 114, le Conseil d'Etat relève
lui
aussi que les mesures restrictives affectant le trafic privé
ont en principe toujours été accompagnées d'actions de sub-
stitution et d'accompagnement, parmi lesquelles, le plus ré-
cemment, les mesures d'accompagnement à l'autoroute de con-
tournement, les parcs de stationnement publics et la moderni-
sation de la signalisation lumineuse. Il rappelle d'ailleurs
que les grands travaux des dernières décennies ont presque
exclusivement profité au réseau routier, longtemps sans mesu-
re d'accompagnement au profit des autres modes de transport.
Cela ne signifie pas que des mesures de substitution ou d'ac-
compagnement soient possibles dans tous les cas de restric-
tion du trafic privé. Qu'il s'agisse des mesures figurant au

plan de mesures, ou des limitations complémentaires, il est
possible qu'une intervention destinée à assainir la qualité
de l'air ne puisse pas être accompagnée - voire précédée,
comme le préconise l'initiative - d'une compensation en fa-
veur du trafic privé, sans quoi son efficacité serait compro-
mise. Par ailleurs, le Grand Conseil craint à juste titre
qu'une mesure d'accompagnement ou de substitution, en soi
réalisable, ne retarde indûment l'adoption des mesures d'as-
sainissement de l'air.

c) Les recourants soutiennent que seules les mesures
de substitution ou d'accompagnement "adéquates" devraient
être mises en oeuvre selon l'art. 160B al. 3 let. a de
l'initiative; par ailleurs, l'art. 160B al. 3 let. b devrait
être interprété en relation avec l'al. 2 de cette disposi-
tion, qui impose seulement à l'autorité d'assurer la meilleu-
re fluidité "possible" du trafic. En définitive, il
s'agirait
uniquement d'inciter l'autorité à réfléchir aux solutions
permettant de porter le moins atteinte aux droits des ci-
toyens, conformément au principe de la proportionnalité.
Cette interprétation restrictive des dispositions
litigieuses
n'est toutefois pas celle qui paraît s'imposer. Si, comme le
soutiennent les recourants, les dispositions de l'initiative
ne font que reprendre les exigences découlant du principe de
la proportionnalité, en obligeant l'autorité à une pesée soi-
gneuse des intérêts, on ne voit pas la raison de les faire
figurer expressément dans un texte constitutionnel spécif-
ique, puisque ces principes sont de toute façon applicables,
comme cela est rappelé ci-dessus, lors de l'adoption de
plans
de mesures. Il ressort au contraire clairement du texte des
dispositions litigieuses que l'adoption de mesures de sub-
stitution ou d'accompagnement est un préalable nécessaire à
la réduction et à la canalisation du trafic. Cela résulte
des
termes "avant toute mesure" (art. 160B al. 3 let. a) et "ne
peuvent être décidées que si des mesures... sont préalable-
ment mises en place" (let. b). Contrairement à ce que préten-

dent les recourants, le Conseil d'Etat n'a pas admis sans
réserve ces deux dispositions, puisqu'il a estimé que "le
systématisme très rigoureux assorti d'un conditionnement
sans
équivoque... au sujet des mesures de substitution et d'accom-
pagnement fait craindre au Conseil d'Etat des blocages plus
réguliers encore sur les actions qu'il se doit d'entrepren-
dre...".

d) Les dispositions litigieuses tendent à fixer un
ordre de priorité en faveur de la fluidité du trafic privé
et
du trafic pendulaire; cela peut être de nature à empêcher,
ou
tout au moins à ralentir considérablement les mesures visant
à canaliser ou à restreindre le trafic, et qui pourraient
s'imposer en application tant des art. 12 al. 1 let. c LPE
et
32 al. 2 OPair que de l'art. 11 al. 3 LPE.

Comme cela est relevé ci-dessus, les plans de mesu-
res sont par nature destinés à être périodiquement adaptés,
l'efficacité de chacune d'elles devant être évaluée et con-
trôlée (art. 32 al. 1 let. d et 33 OPair). Cela peut notam-
ment impliquer l'adoption de mesures de réduction ou de cana-
lisation du trafic, le cas échéant sans contrepartie, afin
d'en vérifier dans un premier temps l'efficacité; des inter-
ventions urgentes peuvent par ailleurs être décidées en ap-
plication des art. 11 al. 3 LPE, de l'art. 3 al. 4 LCR et de
la clause générale de police. L'ensemble de ces
interventions
pourrait être rendu impossible s'il y avait lieu, dans
chaque
cas, d'adopter des mesures de compensation telles, par exem-
ple, la construction d'ouvrages routiers, dont la
réalisation
ne peut se faire à brève échéance. Contrairement à ce que
soutiennent les recourants, les dispositions litigieuses ré-
duisent exagérément la marge de manoeuvre dont l'autorité
compétente doit nécessairement bénéficier dans ce domaine,
en
vertu du droit fédéral.

6.- La décision d'invalidation ne prête pas, dès
lors, le flanc à la critique. Le recours de droit public
doit
par conséquent être rejeté. Compte tenu de la nature de la
cause, il n'est pas perçu d'émolument judiciaire, ni alloué
de dépens.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours.

2. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire,
ni alloué de dépens.

3. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire des recourants et au Grand Conseil de la République et
canton de Genève.

Lausanne, le 26 janvier 2001
KUR/col

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.238/2000
Date de la décision : 26/01/2001
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-01-26;1p.238.2000 ?
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