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22/01/2001 | SUISSE | N°H.295/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 22 janvier 2001, H.295/00


«AZA 7»
H 295/00
H 310/00 Mh

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
Frésard, Greffier

Arrêt du 22 janvier 2001

dans la cause

D.________, recourant,

contre

Caisse cantonale valaisanne de compensation, avenue
Pratifori 22, Sion, intimée,

et

Tribunal cantonal des assurances, Sion

et

D.________, recourant,

contre

Tribunal cantonal des assurances, avenue Mathieu Schiner 1,
Sion, intimé,

A.- La société X.________ SA a été constituée le
28 août 1985. Le 2 février 1990, sa raison sociale fut
modifiée en Z.________ SA. Dès le 13 juin 1991, ...

«AZA 7»
H 295/00
H 310/00 Mh

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
Frésard, Greffier

Arrêt du 22 janvier 2001

dans la cause

D.________, recourant,

contre

Caisse cantonale valaisanne de compensation, avenue
Pratifori 22, Sion, intimée,

et

Tribunal cantonal des assurances, Sion

et

D.________, recourant,

contre

Tribunal cantonal des assurances, avenue Mathieu Schiner 1,
Sion, intimé,

A.- La société X.________ SA a été constituée le
28 août 1985. Le 2 février 1990, sa raison sociale fut
modifiée en Z.________ SA. Dès le 13 juin 1991, D.________,
avocat et notaire, fut l'administrateur unique de la
société, en remplacement de A.________, démissionnaire.

Le 19 octobre 1992, la société a prononcé sa dissolu-
tion au motif que son activité avait été reprise par deux
autres sociétés. Elle est entrée en liquidation sous la
raison sociale Z.________ SA EN LIQUIDATION. D.________ fut
nommé liquidateur avec signature individuelle.
Le 24 juin 1993, la faillite de la société en liquida-
tion a été prononcée. L'état de collocation a été déposé le
19 novembre 1993.
Le 8 juillet 1994, la Caisse cantonale valaisanne de
compensation, qui avait subi une perte de cotisations dans
cette faillite, a notifié à D.________ une décision en
réparation du dommage par laquelle elle lui réclamait le
paiement de 98 735 fr. 50. Ce montant représentait les
cotisations dues et non versées par la société pour la
période du 1er janvier 1990 au 31 décembre 1991. A.________
était déclaré solidairement responsable du dommage, jusqu'à
concurrence de 48 115 fr. 45, représentant les cotisations
impayées pour la période du 1er janvier 1990 au 30 avril
1991.
D.________ ayant formé opposition, la caisse de com-
pensation, par écriture du 19 août 1994, a porté le cas
devant le Tribunal des assurances du canton du Valais en
concluant à la condamnation de l'opposant au paiement du
montant précité de 98 735 fr. 50.
Le 2 octobre 1995, le tribunal a admis la demande de
la caisse, sous imputation du dividende obtenu par celle-ci
dans la faillite de la société, par 9873 fr. 55.

B.- D.________ a formé un recours de droit adminis-
tratif en concluant à l'annulation de ce jugement et au
rejet de la demande de la caisse de compensation. Il fai-
sait notamment valoir que le tribunal des assurances avait

violé son droit d'être entendu en refusant l'interrogatoire
de plusieurs témoins dont il avait requis l'audition.
Statuant le 8 novembre 1996, le Tribunal fédéral des
assurances a partiellement admis le recours. Il a annulé le
jugement attaqué et renvoyé la cause au tribunal des assu-
rances pour instruction complémentaire et nouveau jugement
au sens des motifs. Il a considéré que les juges cantonaux
avaient, à tort, rejeté toutes les offres de preuve du
recourant. En effet, celui-ci avait affirmé, devant l'auto-
rité cantonale, qu'il ignorait, en prenant ses fonctions
d'administrateur en juin 1991, que des cotisations pour
l'année 1990 et les premiers mois de l'année 1991 étaient
demeurées impayées. Selon lui, l'un des témoignages invo-
qués devait permettre d'établir la réalité de cet allégué.
D'autre part, l'un des principaux reproches qui était
adressé au recourant était d'avoir, peu de temps après son
entrée en fonction, fait transférer d'un compte de la
société sur son propre compte bancaire une somme de
700 000 fr. en règlement d'une créance que la juridiction
cantonale avait qualifiée de douteuse. Or, selon le recou-
rant, les moyens de preuve proposés auraient permis d'éta-
blir que cette somme provenait de la vente de matériel
chirurgical de la société et que le versement en question
était destiné à l'actionnaire de celle-ci, conformément à
une cession de créance consentie antérieurement par
A.________. Dans de telles conditions, le Tribunal fédéral
des assurances a considéré que l'on ne pouvait pas affirmer
d'emblée que l'administration des preuves proposées ne
permettait pas d'établir des faits pouvant conduire à une
modification de la solution retenue par les premiers juges.

C.- A la suite de cet arrêt et après avoir suspendu
pour un temps la procédure, le tribunal des assurances a
requis le dossier d'une procédure pénale ouverte le 30 sep-
tembre 1997 contre D.________, en relation avec son mandat

d'administrateur unique de la Z.________ SA, pour abus de
confiance, éventuellement gestion déloyale et banqueroute
simple.
Le 23 mars 2000, le tribunal des assurances a écrit à
D.________ pour l'informer de cette mesure d'instruction.
Le tribunal indiquait que le dossier renfermait tous les
éléments permettant de trancher le litige qui lui était
soumis, «notamment les interrogatoires de divers témoins
dont vous aviez requis l'audition». Cette communication se
terminait par le passage suivant :

«Aussi, le dossier complet de la cause citée en exergue
(dossiers pénaux inclus) est-il à votre disposition, pour
consultation, au greffe du TCA, à Sion. Dans la mesure où
vous aviez qualité de partie à la procédure pénale, il est
vraisemblable que tout cela vous est connu. Néanmoins, jus-
qu'au 15 avril 2000, il vous est loisible d'effectuer cette
démarche et de déposer votre détermination au TCA.

Passé cette date et sans nouvelle écrite de votre part, la
Cour statuera derechef en l'état».

Par lettre du 5 avril 2000, D.________ a répondu qu'il
serait absent du 8 au 24 avril 2000 et il a demandé au
tribunal de prolonger le délai qui lui avait été imparti.
Le 6 avril 2000, le tribunal a fait droit à cette requête
en prolongeant jusqu'au 10 mai 2000 le délai en question.
Il était encore précisé que, passé cette date, la cour
statuerait en l'état et pourrait rendre son jugement «en
tout temps».
D.________ n'a pas fait usage de la possibilité qui
lui a été donnée de se déterminer.
Par jugement du 29 juin 2000, le tribunal des assuran-
ces a admis la demande de la caisse de compensation et
condamné D.________ à payer à cette dernière la somme de
88 861 fr. 95. Le tribunal était composé de sa présidente,
E.________, des juges M.________ et L.________, ainsi que
de B.________, greffier.

D.- Après réception de ce jugement, D.________ a
adressé au tribunal des assurances, par écriture du
11 juillet 2000, une requête visant à la récusation du juge
L.________ et, «subsidiairement», de la présidente
E.________.
Parallèlement à cette démarche, il a formé un recours
de droit administratif, le 28 août 2000, dans lequel il a
conclu à l'annulation du jugement du 29 juin 2000 et au
renvoi de la cause à l'autorité cantonale pour administra-
tion de preuves et nouveau jugement (cause H 295/00). Entre
autres moyens, il fait valoir des motifs de récusation à
l'encontre du juge L.________. Il demande la suspension de
l'instruction de son recours jusqu'à droit connu sur le
sort de sa requête de récusation du 11 juillet 2000.
La caisse de compensation a conclu au rejet du re-
cours. Quant à l'Office fédéral des assurances sociales, il
ne s'est pas déterminé à son sujet.
Statuant sur la demande de récusation du 11 juillet
2000, le tribunal des assurances l'a déclarée irrecevable,
par décision du 28 août 2000. Il a considéré la requête
comme tardive, parce que la récusation des deux juges en
cause aurait pu et dû être soulevée avant que le tribunal
ne statue sur la demande en réparation du dommage de la
caisse de compensation.
D.________ a également interjeté un recours de droit
administratif contre cette décision, par un «complément» à
son recours du 28 août 2000 (cause H 300/00). Il demande
l'annulation de cette décision, assortie du renvoi de la
cause à l'autorité cantonale pour qu'elle statue sur sa
demande de récusation.
Le tribunal cantonal des assurances a conclu au rejet
de ce recours.

E.- En raison de la prescription intervenue en janvier
1999, la procédure pénale ouverte contre D.________ a été
close par un non-lieu prononcé le 9 mars 1999 par le Tribu-
nal d'instruction pénale du Valais central.

Considérant en droit :

1.- Il se justifie de joindre les causes H 295/00 et
H 310/00, qui ont été introduites par le même recourant,
qui concernent deux décisions rendues par le même tribunal
et qui se trouvent dans un rapport d'étroite connexité (ATF
123 II 20 consid. 1, 122 II 368 consid. 1a).

2.- La demande que le recourant a adressée à l'autori-
té cantonale le 11 juillet 2000, tendant à la récusation de
la présidente E.________ et du juge L.________, est en
réalité une demande de révision du jugement rendu par cette
même autorité le 29 juin 2000. Elle a été adressée à l'au-
torité cantonale avant l'expiration du délai de trente
jours pour former un recours de droit administratif devant
le Tribunal fédéral des assurances (art. 106 al. 1 OJ en
corrélation avec l'art. 132 OJ).
La demande de révision est un moyen juridictionnel
extraordinaire, susceptible d'être exercé contre une déci-
sion douée de la force jugée (Grisel, Traité de droit admi-
nistratif, p. 942). Par conséquent, la demande de révision
d'un jugement est en principe exclue aussi longtemps que le
moyen peut être invoqué par la voie d'un recours (Ursina
Beerli-Bonorand, Die ausserordentlichen Rechtsmittel in der
Verwaltungsrechtspflege des Bundes und der Kantone, thèse
Zurich 1985, p. 45; arrêt non publié L. du 17 août 1994
[I 62/94]). Les motifs de récusation invoqués en l'occur-
rence par le recourant dans sa requête du 11 juillet 2000
sont susceptibles d'être examinés librement par le Tribunal
fédéral des assurances, dans le cadre d'un recours de droit
administratif pour violation du droit fédéral au sens de
l'art. 104 let. a OJ (cf. infra consid. 3b). En particu-
lier, le recourant ne prétendait pas que le droit cantonal
lui eût accordé, en matière de récusation, des garanties
plus larges que celles qui découlent du droit fédéral. Les
premiers juges n'auraient donc pas dû entrer en matière sur

la demande de récusation et transmettre celle-ci au Tribu-
nal fédéral des assurances comme valant recours de droit
administratif (art. 107 al. 1 OJ en corrélation avec
l'art. 132 OJ).
Pourtant, la décision du 28 août 2000 apparaît correc-
te dans son résultat, du moment que les premiers juges ont
déclaré irrecevable la demande portée devant eux. Peu im-
porte les motifs (tardiveté de la requête) qui ont conduit
à l'irrecevabilité de cette requête, puisque l'autorité de
la chose jugée s'attache en principe seulement au disposi-
tif de la décision (voir ATF 123 III 18 consid. 2a,
121 III 477 consid. 4a, 115 V 418 consid. 3b/aa). D'autre
part, le recourant n'a pas subi de préjudice du fait que
l'autorité cantonale n'a pas transmis directement sa deman-
de au Tribunal fédéral des assurances. En effet, l'écriture
en question, du 11 juillet 2000, sera prise en considéra-
tion dans l'examen du recours contre le jugement du 29 juin
2000.

3.- a) Comme cela ressort de ses écritures en procédu-
re fédérale, le recourant renonce, devant le Tribunal fédé-
ral des assurances, à demander la récusation de la prési-
dente E.________, mais persiste dans sa demande en tant
qu'elle vise le juge L.________. Cette demande se fonde sur
les allégués suivants :

Le 16 juin 2000, le recourant s'est rendu en compagnie
de J.________ au greffe du tribunal cantonal valaisan. A
l'entrée du Palais de justice, J.________ a ouvert la porte
pour pénétrer dans l'édifice. Le recourant a tenu la porte
ouverte au juge L.________, qui le suivait. Ce magistrat
n'a pas prononcé une parole ni salué ou esquissé un quel-
conque salut ou remerciement à l'endroit du recourant. Au
contraire, il a feint de ne pas le voir fixant obstinément
le sol, paraissant sinon gêné, du moins fâché d'avoir
rencontré le recourant et s'empressant de quitter rapi-

dement les lieux. D'autre part, selon les informations en
possession du recourant, le juge L.________ aurait admis sa
récusation dans le cadre d'une affaire opposant le minis-
tère public valaisan et diverses parties civiles à
O.________, frère du recourant. Selon le recourant, le
magistrat en question aurait admis sa récusation, étant
donné qu'à cette époque, il avait été amené à statuer sur
les suites fiscales liées à l'affaire dite des «terrains de
Y.________».

Aussi bien le recourant considère-t-il que le juge
L.________ se trouve dans un double cas de récusation
facultative. Il demande au Tribunal fédéral des assurances
de requérir la détermination du juge L.________, relati-
vement à sa récusation, dans le cadre du dossier pénal
impliquant O.________.

b) La jurisprudence a déduit des art. 58 al. 1 aCst.
et 6 § 1 CEDH - qui ont sur ce point la même portée - le
droit pour le justiciable d'être jugé par un tribunal indé-
pendant et impartial (ATF 125 I 122 consid. 3a, 217 con-
sid. 8a, 119 Ia 83 ss consid. 3, 116 Ia 137 consid. 2 et
les références). Cette garantie a été reprise à l'art. 30
Cst., en vigueur depuis le 1er janvier 2000, si bien que
les principes jurisprudentiels développés à propos de
l'art. 58 aCst. restent pleinement valables sous l'empire
de la nouvelle Constitution du 18 avril 1999.
Selon une jurisprudence constante, le motif de récusa-
tion doit être invoqué dès que possible, à défaut de quoi
le plaideur est réputé avoir tacitement renoncé à s'en
prévaloir (ATF 119 Ia 228 sv; Jean-François Egli/Olivier
Kurz, La garantie du juge indépendant et impartial dans la
jurisprudence récente, in : Recueil de jurisprudence neu-
châteloise [RJN] 1990 p. 28 sv.). En particulier, il est
contraire à la bonne foi d'attendre l'issue d'une procédure

pour tirer ensuite argument, à l'occasion d'un recours, de
la composition incorrecte
de l'autorité qui a statué, alors
que le motif de récusation était déjà connu auparavant (ATF
124 I 121 consid. 2, 119 Ia 228 sv. consid. 5a, 118 Ia 284
consid. 3a).
Cela ne signifie toutefois pas que l'identité des
juges appelés à statuer doive nécessairement être communi-
quée de manière expresse au justiciable; il suffit en effet
que le nom de ceux-ci ressorte d'une publication générale
facilement accessible, par exemple un annuaire officiel. La
partie assistée d'un avocat est en tout cas présumée con-
naître la composition régulière du tribunal (ATF 117 Ia 323
consid. 1c; Egli/Kurz, loc. cit., p. 29). En revanche, un
motif de prévention concernant un juge suppléant peut, en
principe, encore être valablement soulevé dans le cadre
d'une procédure de recours, car le justiciable pouvait
partir de l'idée que le tribunal de première instance
statuerait dans sa composition ordinaire (consid. 1 de
l'arrêt S. du 26 septembre 2000 [B 53/99], destiné par-
tiellement à la publication).

c) A l'époque où le jugement du 29 juin 2000 a été
rendu, le Tribunal cantonal des assurances, dans sa compo-
sition ordinaire, était formé de sa présidente, E.________,
et des juges F.________ et M.________. Ce même tribunal a
deux suppléants, dont le juge L.________, par ailleurs
président de la Cour de droit public du tribunal cantonal
(rapport du tribunal cantonal du mois de mars 2000 sur
l'administration de la justice pour l'année 1999). Le
recourant, d'autre part, n'a pas été informé du fait que le
tribunal statuerait avec le concours d'un juge suppléant.
Sur le vu de la jurisprudence susmentionnée, on ne saurait,
dès lors, lui reprocher d'avoir agi tardivement, contraire-
ment à ce que retient l'autorité cantonale dans sa décision
du 28 août 2000. Le moyen peut être ainsi soulevé dans le
cadre de la présente procédure de recours de droit
administratif.

Cela dit, on ne voit pas en quoi les faits - à suppo-
ser qu'ils fussent avérés - relatifs à l'attitude du juge
L.________ lors de la rencontre du 16 juin 2000 seraient de
nature à jeter un doute sur son impartialité. Dans ce do-
maine, la jurisprudence exige des faits qui justifient
objectivement la méfiance. Celle-ci ne saurait reposer sur
le seul sentiment subjectif d'une partie; un tel sentiment
ne peut être pris en considération que s'il est fondé sur
des faits concrets et si ces derniers sont, en eux-mêmes,
propres à justifier objectivement et raisonnablement un tel
sentiment chez une personne réagissant normalement (ATF
118 Ia 286 consid. 3d, 111 Ia 263 consid. 3a et les réfé-
rences citées; cf. aussi ATF 125 I 122 consid. 3a). En
l'occurrence, il n'est pas établi que le recourant soit en
mauvais termes avec le juge L.________. Le comportement
décrit pouvait dès lors être ressenti, objectivement, comme
un oubli à une règle de bienséance : il ne dénotait pas
encore de la part du magistrat des sentiments d'animosité
de nature à fonder objectivement un doute sur son impartia-
lité.
Quant au fait que le juge L.________ se serait récusé
dans une affaire - qui ne concernait pas le recourant et
qui est sans rapport avec la présente cause -, il ne cons-
titue pas non plus une circonstance de nature à fonder
objectivement un soupçon de partialité. Il n'y a pas lieu,
en l'absence de circonstances plus précises, de requérir,
comme le voudrait le recourant, le dossier de la procédure
pénale dans laquelle le juge L.________ se serait récusé.

4.- Le recourant se plaint d'une violation par l'auto-
rité cantonale de l'art. 6 § 1 CEDH, parce que le tribunal
des assurances n'a pas ordonné de débats.
L'obligation d'organiser des débats publics au sens de
l'art. 6 § 1 CEDH suppose une demande, formulée de manière
claire et indiscutable de l'une des parties au procès; de
simples requêtes de preuves, comme des demandes tendant à

une comparution ou à une interrogation personnelle, à l'in-
terrogatoire des parties, à une audition de témoins ou à
une inspection locale ne suffisent pas pour fonder une sem-
blable obligation (ATF 125 V 38 consid. 2).
Dans le cas particulier, le recourant n'a formulé au-
cune demande visant à l'organisation de débats. Le moyen
soulevé n'est dès lors pas fondé.

5.- Le recourant invoque une violation de son droit
d'être entendu, parce que la juridiction cantonale n'a pas,
selon lui, exécuté l'arrêt du Tribunal fédéral des assuran-
ces du 8 novembre 1996. En effet, elle n'a pas procédé à
l'audition des personnes dont il a requis le témoignage
dans la procédure précédente. Or le refus d'administrer ces
preuves était le motif qui a conduit le Tribunal fédéral
des assurances, aux termes de cet arrêt, à renvoyer la
cause au tribunal des assurances.
Il est exact que ce dernier n'a pas entendu les té-
moins en question. Il s'est contenté de requérir le dossier
d'une procédure pénale, en informant le recourant que les
témoins concernés avaient déjà été entendus dans le cadre
de cette procédure. En principe, le fait que des témoins
ont déjà été entendus dans une procédure pénale ne dispense
pas le juge des assurances sociales de les entendre à nou-
veau et de permettre ainsi aux parties de leur poser des
questions sur les faits pertinents de la cause qui doit
être jugée en l'espèce (cf. également ATF 124 V 94 con-
sid. 4). Le tribunal des assurances a toutefois donné au
recourant la possibilité de se déterminer après l'apport du
dossier de la procédure pénale. Il l'a informé qu'en l'ab-
sence de déterminations de sa part, la Cour statuerait en
l'état (lettres des 23 mars et 6 avril 2000). Ces corres-
pondances étaient suffisamment explicites pour permettre au
recourant - qui est avocat - de comprendre que, sauf dé-
terminations contraires de sa part, le tribunal statuerait

sur la base du dossier qu'il avait constitué. Un des prin-
cipaux devoirs imposé au plaideur par la loyauté exige
qu'il signale les vices de procédure dès qu'il en a con-
naissance, sous peine de voir se périmer son droit de se
prévaloir du vice dans une procédure de recours ultérieure
(Jean-François Egli, La protection de la bonne foi dans le
procès, in : Juridiction constitutionnelle et juridiction
administrative, Zurich 1992 p. 239 sv.). Or, le recourant
n'a pas réagi aux deux communications susmentionnées du
tribunal, si ce n'est pour demander une prolongation de
délai, qui lui a d'ailleurs été accordée. Il aurait eu tout
loisir de faire savoir au tribunal que la réquisition du
dossier pénal n'était pas une mesure d'instruction apte à
remplacer l'audition des personnes dont il avait requis le
témoignage. En laissant statuer sans réserve le tribunal
des assurances, le recourant a couvert le vice de sorte
qu'il n'est plus habilité à s'en prévaloir.

6.- Il convient maintenant d'examiner le litige au
fond.

a) En vertu de l'art. 52 LAVS, l'employeur qui, in-
tentionnellement ou par négligence grave, n'observe pas des
prescriptions et cause ainsi un dommage à la caisse de
compensation est tenu à réparation. Si l'employeur est une
personne morale, la responsabilité peut s'étendre, à titre
subsidiaire, aux organes qui ont agi en son nom (ATF
123 V 15 consid. 5b, 122 V 66 consid. 4a, 119 V 405 con-
sid. 2 et les références).
L'art. 14 al. 1 LAVS, en corrélation avec les
art. 34 ss RAVS, prescrit que l'employeur doit déduire,
lors de chaque paie, la cotisation du salarié et verser
celle-ci à la caisse de compensation en même temps que sa
propre cotisation. Les employeurs doivent remettre périodi-
quement aux caisses les pièces comptables concernant les

salaires versés à leurs employés, de manière que les coti-
sations paritaires puissent être calculées et faire l'objet
de décisions.
L'obligation de l'employeur de percevoir les cotisa-
tions et de régler les comptes est une tâche de droit pu-
blic prescrite par la loi. A cet égard, le Tribunal fédéral
des assurances a déclaré, à réitérées reprises, que celui
qui néglige de l'accomplir enfreint les prescriptions au
sens de l'art. 52 LAVS et doit, par conséquent, réparer la
totalité du dommage ainsi occasionné (ATF 118 V 195 con-
sid. 2a et les références).
L'administrateur d'une société anonyme répond non
seulement des cotisations d'assurances sociales courantes,
mais également de la dette de cotisations échues avant son
entrée dans le conseil d'administration. En effet, selon la
jurisprudence, le nouvel administrateur a le devoir de
veiller tant au versement des cotisations courantes qu'à
l'acquittement des cotisations arriérées, qui sont dues
pour la période où il ne faisait pas encore partie du con-
seil d'administration car il y a dans les deux cas un lien
de cause à effet entre l'inaction de l'organe et le non-
paiement des cotisations. Ce lien de cause à effet n'existe
pas, toutefois, quand un dommage au sens de l'art. 52 LAVS
préexiste, parce que la société était déjà insolvable avant
l'entrée du nouveau membre au conseil d'administration (ATF
119 V 407 consid. 4c).

b) Il ressort du jugement attaqué du 29 juin 2000
qu'en août 1991 le recourant a reçu de la Fiduciaire suisse
des hôteliers des documents comptables lui permettant
d'avoir une vue d'ensemble de la situation de la société.
Parmi les pièces reçues, figurait un bilan provisoire au
1er janvier 1991. Un montant de 442 000 fr. de charges
était porté au passif de la société anonyme, sous la rubri-
que «fonds étrangers exigibles» et au poste des «charges
sociales dues». Du reste, constatent également les premiers

juges, indépendamment de la remise de ces documents, le
recourant connaissait déjà bien la situation financière de
la clinique avant le début de son mandat d'administrateur.
Par ailleurs, le 15 juillet 1991, sur l'ordre du re-
courant le compte de la société a été débité de la somme de
700 000 fr. Ce montant a été viré sur un compte à la Banque
cantonale valaisanne, ouvert au nom du recourant, mais
destiné à l'usage exclusif de son frère O.________, qui
était l'actionnaire unique de la société. Selon le jugement
attaqué toujours, qui se réfère sur ce point à un rapport
destiné au juge d'instruction pénale du Valais central,
établi par la société T.________ et R.________ SA,
O.________ a «sorti» de la société (probablement en février
1991) au minimum 10 millions de francs et D.________, quant
à lui, en a fait de même pour le montant précité de
700 000 fr. Le total de 10 700 000 fr., représentait
presque l'équivalent du prix d'achat de Z.________ SA payé
par O.________. En opérant de cette manière, D.________ a
contribué, concluent les premiers juges, à vider de sa
substance la société anonyme, alors qu'elle accusait des
pertes importantes. Les premiers juges constatent d'autre
part que, pendant toute la durée de ses fonctions, le
recourant ne s'est pas occupé du sort des cotisations d'as-
surances sociales impayées.

c) Sur la base de ces constatations de fait, qui lient
le Tribunal fédéral des assurances (art. 105 al. 2 OJ en
corrélation avec l'art. 132 OJ), les premiers juges n'ont
pas violé l'art. 52 LAVS ni les principes jurisprudentiels
susmentionnés en admettant la responsabilité du recourant
pour le montant des cotisations impayées par la société.
Cette responsabilité doit s'étendre, en particulier, aux
cotisations échues avant le mois de juin 1991. En effet, la
société n'était pas à court de liquidités quand le recou-
rant a été, à la même époque, nommé administrateur unique.

La preuve en est que le recourant a été en mesure de préle-
ver un montant de 700 000 fr. pour le transférer sur son
propre compte, à l'usage de son frère. Or, à ce moment-là
le recourant n'était pas en possession des comptes défini-
tifs pour l'année 1990, (ni même d'ailleurs du bilan provi-
soire au 1er janvier 1991). Il ne pouvait donc pas ignorer
que ce versement serait susceptible de léser les intérêts
patrimoniaux de créanciers de la société.
A ce dernier propos, les arguments avancés par le
recourant pour justifier la licéité du versement de
700 000 fr. à son frère ne sont pas convaincants. En bref,
le recourant affirme qu'en date du 14 décembre 1990, soit
avant son entrée en fonctions, une cession de créance avait
été signée par A.________, alors administrateur unique de
la société. Il soutient que, lors de sa nomination en
qualité d'administrateur, il était lié par cette cession de
créance et qu'il n'avait d'autre choix que de l'exécuter.
Cette version des faits apparaît plus que discutable au
regard du rapport d'expertise susmentionné. Sur ce point,
les experts considèrent que D.________ ne pouvait pas
rembourser la somme de 700 000 fr. à O.________, en raison
de la postposition de la créance d'actionnaire de ce
dernier. La créance de l'actionnaire ne pouvait être rem-
boursée que jusqu'à concurrence du montant libre, c'est-
à-dire après couverture des autres créanciers. L'opinion
des experts est à cet égard conforme aux principes généraux
du droit des sociétés qui tendent précisément à empêcher la
distribution d'actifs aux actionnaires, sans que le
paiement des dettes soit garanti (cf. Roland Ruedin, Droit
des sociétés, Berne 1999, p. 374 s.).
On retiendra aussi, avec les premiers juges, que le
recourant ne s'est pas véritablement soucié du paiement des
cotisations d'assurances sociales - échues et courantes - à
la charge de la société. On ne voit par ailleurs aucune
circonstance qui ferait apparaître comme légitime ou non

fautive l'inobservation des prescriptions en matière d'AVS
(cf. ATF 108 V 186 consid. 1b, 193 consid. 2b; RCC 1985
p. 603 consid. 2 et 647 consid. 3a). A cela s'ajoute le
laps de temps - en l'occurrence assez long - durant lequel
les cotisations n'ont pas été - ou pas régulièrement -
payées. Ce sont autant d'éléments qui doivent être pris en
considération dans l'appréciation de l'ensemble des cir-

constances et qui, compte tenu des faits déjà relevés,
conduisent à retenir l'existence d'une faute qualifiée
propre à entraîner la responsabilité du recourant (comp.
avec ATF 121 V 243).
Pour le reste, le recourant s'en prend vainement aux
constatations de fait des premiers juges. Ces critiques ne
sont pas de nature à en démontrer l'inexactitude manifeste
au sens de l'art. 105 al. 2 OJ).

7.- En ce qui concerne le montant du dommage retenu
par les premiers juges, il n'apparaît pas contestable et du
reste, il n'est pas discuté, comme tel, par le recourant.

8.- Il suit de là que le recours de droit administra-
tif est mal fondé. Compte tenu de l'issue du litige, les
frais de la procédure, qui n'est pas gratuite en l'occur-
rence (art. 134 OJ a contrario), seront supportés par le
recourant (art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Les causes H 295/00 et H 310/00 sont jointes.

II. Les recours sont rejetés.

III. Les frais de la cause, d'un montant de 5000 fr., sont
mis à la charge du recourant et sont compensés avec
les avances de frais (4500 fr. pour la procédure
H 295/00 et 500 fr. pour la procédure H 310/00) qu'il
a versées.

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal des assurances du canton du Valais et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 22 janvier 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.295/00
Date de la décision : 22/01/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-01-22;h.295.00 ?
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