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19/01/2001 | SUISSE | N°I.239/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 19 janvier 2001, I.239/00


«AZA 7»
I 239/00 Sm

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Berthoud, Greffier

Arrêt du 19 janvier 2001

dans la cause

P.________, recourant, représenté par Maître Claude
Jeannerat, avocat, rue de l'Hôpital 26, Delémont,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour les assurés résidant
à l'étranger, avenue Edmond-Vaucher 18, Genève, intimé,

et

Commission fédérale de recours en matière d'AVS/AI pour les
person

nes résidant à l'étranger, Lausanne

A.- a) En 1993, lors d'un entraînement de football,
P.________ a subi une luxation du coude dro...

«AZA 7»
I 239/00 Sm

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Berthoud, Greffier

Arrêt du 19 janvier 2001

dans la cause

P.________, recourant, représenté par Maître Claude
Jeannerat, avocat, rue de l'Hôpital 26, Delémont,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour les assurés résidant
à l'étranger, avenue Edmond-Vaucher 18, Genève, intimé,

et

Commission fédérale de recours en matière d'AVS/AI pour les
personnes résidant à l'étranger, Lausanne

A.- a) En 1993, lors d'un entraînement de football,
P.________ a subi une luxation du coude droit; en raison de
ses blessures, il a dû cesser l'activité de manoeuvre-maçon
qu'il exerçait auprès de l'entreprise B.________ à
X.________. L'assuré a séjourné au Centre d'observation
professionnelle de l'assurance-invalidité à P.________, où
sa capacité de travail a été évaluée (cf. rapport du

28 mars 1995). Par décision du 27 juin 1995, l'Office de
l'assurance-invalidité du canton du Jura lui a alloué une
rente entière d'invalidité, sur la base d'un taux d'invali-
dité de 80 % (cf. une note du 3 mai 1995 ainsi qu'un pro-
noncé du 16 mai 1995).
De son côté, la Caisse nationale suisse d'assurance en
cas d'accidents (CNA) a fait examiner son assuré à la cli-
nique de B.________, du 10 au 19 juillet 1995. Par décision
du 25 avril 1996, elle a accordé à P.________ une rente
d'invalidité de la CNA fondée sur une incapacité de gain de
33 1/3 %.

b) Le droit du prénommé à une rente de l'assurance-in-
validité a fait l'objet d'une révision. Au terme de cette
procédure, l'Office AI pour les assurés résidant à l'étran-
ger a considéré que P.________ serait en mesure d'exercer à
nouveau une activité lucrative adaptée à son état de santé,
ce qui lui permettrait de réaliser plus de la moitié du
gain qu'il aurait pu obtenir s'il n'était pas devenu inva-
lide.
Aussi, par décision du 18 novembre 1998, l'office AI
a-t-il supprimé la rente à partir du 1er janvier 1999.

B.- P.________ a recouru contre cette décision devant
la Commission fédérale de recours en matière d'AVS/AI pour
les personnes résidant à l'étranger en concluant au main-
tien de sa rente entière. A l'appui de son recours, il a
produit un rapport du docteur K.________ du 30 novembre
1998, dont il ressort que son état de santé et sa capacité
de travail n'ont pas été améliorés depuis 1995.
Dans sa réponse, l'office AI a soutenu qu'il n'y avait
pas matière à réviser la décision du 27 juin 1995, mais que
celle-ci devait en revanche être reconsidérée dans la mesu-
re où elle était manifestement erronée.

Par jugement du 10 mars 2000, la commission de recours
a rejeté le recours. Elle a toutefois nié que les condi-
tions d'une reconsidération de la décision initiale de
rente fussent remplies. Selon les premiers juges, la rente
devait néanmoins être révisée, car dès sa sortie de la cli-
nique de B.________, en juillet 1995, P.________ présentait
une capacité de travail complète dans diverses activités ne
mettant pas à contribution l'articulation du coude droit.

C.- P.________ interjette recours de droit administra-
tif contre ce jugement. Il en demande l'annulation, avec
suite de dépens, ainsi que celle de la décision du
18 novembre 1998.
L'intimé conclut au rejet du recours. L'Office fédéral
des assurances sociales ne s'est pas déterminé.

Considérant en droit :

1.- a) Selon l'art. 41 LAI, si l'invalidité d'un béné-
ficiaire de rente se modifie de manière à influencer le
droit à la rente, celle-ci est, pour l'avenir, augmentée,
réduite ou supprimée. Tout changement important des cir-
constances, propre à influencer le degré d'invalidité, donc
le droit à la rente, peut donner lieu à une révision de
celle-ci. Le point de savoir si un tel changement s'est
produit doit être tranché en comparant les faits tels
qu'ils se présentaient au moment de la décision initiale de
rente et les circonstances régnant à l'époque de la déci-
sion litigieuse (ATF 109 V 265 consid. 4a, 106 V 87 con-
sid. 1a, 105 V 30; voir également ATF 112 V 372 consid. 2b
et 390 consid. 1b).

b) En l'espèce, l'administration et les premiers juges
n'ont pas examiné si les circonstances, propres à influen-
cer le degré d'invalidité, avaient changé entre le 27 juin

1995 et le 18 novembre 1998. Ils se sont bornés à consta-
ter, au vu du dossier de la CNA, que le degré d'invalidité
du recourant s'est élevé à 33 1/3 % postérieurement à la
décision initiale de rente de l'AI, ce qui en justifiait à
leurs yeux la suppression par voie de révision, en applica-
tion des art. 28 al. 1 et 41 LAI.
Cette manière d'appliquer l'art. 41 LAI n'est toute-
fois pas conforme au droit fédéral. En effet, la jurispru-
dence relative à cette disposition légale commande de com-
parer deux situations de fait à deux moments différents, ce
qui a été omis. Dans ces conditions, l'intimé ne pouvait
pas se fonder uniquement sur la décision de rente de la CNA
du 25 avril 1996 pour réviser la décision de l'AI du
27 juin 1995, en vertu de l'art. 41 LAI.

2.- a) Selon un principe général du droit des assuran-
ces sociales, l'administration peut reconsidérer une déci-
sion formellement passée en force de chose jugée et sur
laquelle une autorité judiciaire ne s'est pas prononcée
quant au fond, à condition qu'elle soit sans nul doute
erronée et que sa rectification revête une importance nota-
ble (ATF 122 V 21 consid. 3a, 173 consid. 4a, 271 con-
sid. 2, 368 consid. 3, 121 V 4 consid. 6 et les arrêts
cités).
En outre, par analogie avec la révision des décisions
rendues par les autorités judiciaires, l'administration est
tenue de procéder à la révision d'une décision entrée en
force formelle lorsque sont découverts des faits nouveaux
ou de nouveaux moyens de preuve, susceptibles de conduire à
une appréciation juridique différente (ATF 122 V 21 con-
sid. 3a, 138 consid. 2c, 173 consid. 4a, 272 consid. 2,
121 V 4 consid. 6 et les références).
Pour juger s'il est admissible de reconsidérer une
décision, pour le motif qu'elle est sans nul doute erronée,
il faut se fonder sur la situation juridique existant au
moment où cette décision a été rendue, compte tenu de la

pratique en vigueur à l'époque; une modification de prati-
que ne saurait guère faire apparaître l'ancienne comme sans
nul doute erronée (ATF 117 V 17 consid. 2c et les arrêts
cités; voir aussi ATF 119 V 479 consid. 1b/cc et les réfé-
rences).

b) Par ailleurs, le juge peut entériner une décision
de révision rendue à tort pour le motif substitué que la
décision de rente initiale était sans nul doute erronée,
pour autant que sa rectification revête une importance
notable (ATF 125 V 369-370 consid. 2 et 3).

3.- Il s'agit de déterminer si l'octroi au recourant
d'une rente entière d'invalidité, en 1995, était manifes-
tement erroné, comme l'intimé l'a soutenu dans sa réponse
du 21 mai 1999 au recours en première instance.

a) Le docteur M.________, médecin-conseil du Centre
d'observation professionnelle de l'assurance-invalidité à
P.________ a attesté que le recourant n'avait récupéré que
partiellement la fonction du coude droit, qu'il était très
gêné surtout lors des travaux à l'atelier mécanique, et
qu'il souffrait visiblement (rapport du 27 mars 1995).
Quant au directeur de ce centre, il a indiqué que le recou-
rant avait été invité à effectuer divers petits travaux de
série à l'établi. Il a évalué son rendement à 20 % lors de
la première semaine de stage, le taux restant inférieur à
50 % durant les trois semaines suivantes alors qu'il tra-
vaillait sur des machines-outils réglées. Le directeur a
précisé que l'on ne pouvait raisonnablement exiger de l'as-
suré qu'il reprenne une activité lucrative signifiante, si
l'on songe à des travaux de type manuel. Par ailleurs, le
recourant n'avait aucune chance d'intéresser un employeur
actuellement et ne disposait pas suffisamment de moyens
intellectuels pour entreprendre un reclassement profession-

nel dans un domaine à prédominance intellectuelle (rapport
du 28 mars 1995).
Dans une note du 3 mai 1995, l'Office de l'assurance-
invalidité du canton du Jura a proposé de fixer le degré
d'invalidité du recourant à 80 %, dès lors qu'on ne pouvait
exiger du recourant qu'il reprenne une activité signifiante
de type manuel et qu'on ne voyait pas quel travail il pour-
rait encore effectuer. Se fondant sur le prononcé du 16 mai
1995, l'administration a alloué une rente entière d'invali-
dité au recourant, à partir du 1er janvier 1995.

b) En l'espèce, lorsqu'elle a rendu sa décision de
rente, le 27 juin 1995, l'AI était suffisamment informée de
la nature des troubles subis par le recourant, ainsi que de
leurs conséquences sur sa capacité de gain, en particulier
dans un emploi de manoeuvre de chantier. En revanche,
l'administration n'a pas cherché à savoir, comme elle
aurait dû le faire (cf. art. 28 al. 2 LAI), si des mesures
d'ordre professionnel étaient vraiment illusoires chez un
assuré âgé d'une trentaine d'années (à propos de la priori-
té de réadaptation sur la rente, voir ATF 108 V 212 ss,
99 V 48). Quant à la comparaison des revenus dont il est
question à l'art. 28 al. 2 LAI, elle n'a simplement pas eu
lieu, si bien qu'on ignore comment le taux de d'invalidité
a pu être arrêté à 80 %.
En bref, la méthode d'évaluation de l'invalidité du
recourant, telle qu'elle a été appliquée en 1995, n'était
manifestement pas conforme à la loi. Dès lors, on doit
admettre que la décision de rente du 27 juin 1995 était
sans nul doute erronée au sens de la jurisprudence (cf.
consid. 2a ci-dessus), si bien que l'administration avait
le droit de la révoquer par voie de reconsidération, comme
elle l'a fait le 18 novembre 1998.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la
Commission fédérale de recours en matière d'assurance-
vieillesse, survivants et invalidité pour les person-
nes résidant à l'étranger, ainsi qu'à l'Office fédéral
des assurances sociales.

Lucerne, le 19 janvier 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.239/00
Date de la décision : 19/01/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-01-19;i.239.00 ?
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