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19/01/2001 | SUISSE | N°C.22/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 19 janvier 2001, C.22/00


«AZA 7»
C 22/00 Mh

Ière Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Schön,
Spira, Rüedi et Widmer; von Zwehl, Greffière

Arrêt du 19 janvier 2001

dans la cause

T.________, recourante,

contre

Service de l'emploi du canton de Vaud, rue Caroline 11,
Lausanne, intimé,

et

Tribunal administratif du canton de Vaud, Lausanne

A.- Titulaire d'un diplôme d'économiste délivré par
l'Université X.________ (Macédoine), T.________, mère de
fa

mille, a exercé en Suisse diverses activités à temps
partiel, notamment comme vendeuse. Inscrite au chômage de-
puis le 1er novembre 1997...

«AZA 7»
C 22/00 Mh

Ière Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Schön,
Spira, Rüedi et Widmer; von Zwehl, Greffière

Arrêt du 19 janvier 2001

dans la cause

T.________, recourante,

contre

Service de l'emploi du canton de Vaud, rue Caroline 11,
Lausanne, intimé,

et

Tribunal administratif du canton de Vaud, Lausanne

A.- Titulaire d'un diplôme d'économiste délivré par
l'Université X.________ (Macédoine), T.________, mère de
famille, a exercé en Suisse diverses activités à temps
partiel, notamment comme vendeuse. Inscrite au chômage de-
puis le 1er novembre 1997, elle a perçu dès cette date des
indemnités journalières fondées sur un gain assuré de
1'750 francs Eprouvant des difficultés à retrouver un tra-
vail, elle a présenté, le 15 juin 1998, une demande

d'allocation de formation au Service de l'emploi du canton
de Vaud (ci-après : le service) pour pouvoir entreprendre
un apprentissage d'employée de commerce. Le 5 janvier 1999,
l'assurée a été engagée en qualité d'apprentie auprès de
Z.________ moyennant un salaire mensuel de 1'100 francs
pour une période s'étendant du 11 janvier 1999 au 30 juin
2001.
Ayant des doutes sur le point de savoir si l'assurée
pouvait prétendre les allocations de formation dès lors
qu'elle était au bénéfice d'un diplôme universitaire (bien
que non reconnu en Suisse), le service a soumis le cas pour
examen à l'Office fédéral du développement économique et de
l'emploi (OFDE). Après avoir obtenu un préavis favorable de
cet office (lettre du 11 janvier 1999), le service a fixé
le montant des allocations accordées à l'assurée à
1'100 francs par mois du 11 janvier 1999 au 10 janvier 2000
(décision du 7 mai 1999). Pour établir ce montant, il s'est
fondé sur la Circulaire relative aux mesures de marché du
travail (MMT) éditée par l'ex-Office fédéral de l'indus-
trie, des arts et des métiers et du travail (OFIAMT; devenu
par la suite OFDE; actuellement le Secrétariat d'Etat à
l'économie [seco]), dans sa version valable dès le 1er juin
1997.

B.- L'assurée a recouru contre la décision du 7 mai
1999, en concluant à l'octroi d'une allocation d'un montant
plus élevé. Selon elle, la méthode de calcul préconisée par
la circulaire MMT ne pouvait être suivie car elle contreve-
nait à l'égalité de traitement entre assurés.
Par jugement du 23 décembre 1999, le Tribunal adminis-
tratif du canton de Vaud a rejeté le recours, considérant
que la circulaire MMT était, sur ce point, conforme aux
dispositions légales applicables.

C.- Reprenant ses conclusions formulées en première
instance, T.________ interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement, dont elle requiert l'annulation.
Le service a conclu au rejet du recours.
Invité par le juge délégué à se déterminer, le seco a
conclu à l'admission partielle du recours en ce sens que la
cause devait être renvoyée au service pour qu'il procède à
un nouveau calcul des prestations. En effet, certains para-
mètres figurant dans le modèle de calcul de la circulaire
MMT n'avaient pas été pris en considération dans le cas
particulier. Les parties ont eu la possibilité de prendre
position : la recourante a confirmé son point de vue, tan-
dis que le service s'est rallié aux conclusions du seco.

Considérant en droit :

1.- a) Aux termes de l'art. 66a al. 1 LACI, l'assu-
rance peut octroyer des allocations pour une formation
d'une durée maximale de trois ans à l'assuré qui : (let. a)
remplit l'une des conditions fixées à l'art. 60, 1er ali-
néa, lettre b, (let. b) est âgé de 30 ans au moins et
(let. c.) n'a pas achevé de formation professionnelle ou
qui éprouve de grandes difficultés à trouver un emploi
correspondant à sa formation. Les allocations sont oc-
troyées uniquement si l'assuré est en possession d'un con-
trat de formation qui prévoit un programme de formation et
un certificat correspondant au terme de la formation
(art. 66b al. 1 LACI). Ne peuvent toutefois bénéficier des
allocations les assurés qui possèdent un diplôme d'une
haute école ou d'une haute école spécialisée ou qui ont
suivi une formation de trois ans au moins, sans diplôme, à
l'un de ces établissements (art. 66a al. 3 LACI).

b) En l'espèce, il n'est pas contesté que la recou-
rante remplit les conditions personnelles et matérielles

fixées aux art. 66a et 66b LACI pour prétendre des alloca-
tions de formation. En particulier, c'est à juste titre que
l'OFDE a considéré qu'elle n'appartenait pas au cercle des
assurés visés par l'art. 66a al. 3 LACI dès lors qu'elle ne
peut se prévaloir d'un diplôme d'une haute école reconnu
sur le marché du travail suisse. Demeure ainsi seul liti-
gieux, le montant des allocations auxquelles elle a droit.

2.- a) Le montant et la durée des allocations de for-
mation sont définis à l'art. 66c LACI. Selon l'al. 2 de
cette disposition, les allocations correspondent à la
différence entre le salaire effectif et un montant maximum
fixé par le Conseil fédéral. L'al. 1 précise que le salaire
effectif est celui que verse l'employeur au travailleur; il
doit équivaloir au moins au salaire d'apprenti correspon-
dant et tenir compte de façon appropriée de l'expérience
professionnelle de ce dernier.
Faisant usage de la délégation de compétence qui lui a
été accordée par le législateur, le Conseil fédéral a
édicté l'al. 4 de l'art. 90a OACI, aux termes duquel le
montant maximum visé à l'art. 66c, 2e al. LACI, s'élève à
3'500 francs par mois.

b) Le 1er juin 1997, l'OFIAMT (aujourd'hui seco) a
édité une Circulaire relative aux mesures de marché du
travail (MMT) dont font notamment partie les allocations de
formation (chap. 6 de la LACI). La partie F de cette circu-
laire (chiffres F01 à F98) codifie la pratique administra-
tive en la matière; elle est complétée par une annexe où
figure un modèle de calcul sous forme de tableau («Modèle
pour le calcul des allocations de formation [AFO]»).

aa) Le chiffre F34 (depuis le 1er janvier 2000, le
chiffre F33), qui traite plus particulièrement de la
manière de procéder au calcul des allocations, disposait -
dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 décembre 1999 - ce
qui suit :

«Dans sa décision d'octroi des AFO, l'autorité compé-
tente prend comme somme de départ le montant nécessaire à
l'assuré, resp. à sa famille, pour subvenir à ses besoins
essentiels mais au maximum Fr. 3'500.--. Pour déterminer
plus exactement la somme de départ l'autorité compétente
examine la situation personnelle et familiale de l'assuré
et peut requérir de ce dernier toute information et justi-
ficatif nécessaire. La situation financière de l'assuré,
resp. de sa famille, avant d'être au chômage ainsi que sa
situation financière au moment où il présente sa demande
d'AFO, sont examinées afin de déterminer les besoins essen-
tiels à prendre en considération. Au besoin l'autorité com-
pétente se base sur les normes relatives au minimum vital
valables en matière de poursuites pour dettes et failli-
tes.» (F34)

bb) D'après le modèle pour le calcul des allocations,
l'administration établit d'abord, en pour-cent, la contri-
bution respective de l'assuré et de son conjoint à l'en-
tretien de la famille, en se fondant sur les derniers
salaires réalisés par chacun d'entre eux avant le chômage.
Elle évalue ensuite les charges mensuelles du ménage (mini-
mum vital, loyer etc.) au moment de la demande d'allocation
et impute à l'assuré le montant de chaque charge dans une
mesure proportionnelle à sa contribution à l'entretien de
la famille. La somme des dépenses ainsi imputées à l'assuré
représente le montant qui lui est nécessaire pour subvenir
aux besoins essentiels de sa famille, c'est-à-dire le «mon-
tant maximum» visé par l'art. 66c al. 2 LACI. Selon les
circonstances du cas, ce montant peut être inférieur ou
supérieur à 3'500 francs; s'il dépasse cette limite, il est
ramené à 3'500 francs. Le chiffre obtenu moins le salaire
d'apprenti versé par l'employeur donnera le montant
effectif de l'allocation de formation revenant à l'assuré.

cc) Selon ces directives, le montant de l'allocation
de formation varie essentiellement en fonction de deux

facteurs, à savoir, d'une part, l'importance de la contri-
bution de l'assuré (réciproquement de son conjoint) aux
ressources de la famille et, d'autre part, l'ampleur des
charges du ménage. Ainsi, l'allocation sera généralement
d'autant plus élevée que le conjoint de l'assuré participe
modestement à l'entretien de la famille et que les charges
familiales sont importantes. A titre d'exemple, un assuré
sans enfants recevra une allocation plus faible qu'un assu-
ré ayant deux enfants à sa charge, toutes choses égales par
ailleurs.

3.- a) La circulaire MMT a été édictée en vertu de
l'art. 110 LACI qui autorise le seco, en tant qu'autorité
de surveillance chargée d'assurer l'application uniforme du
droit, à donner des instructions aux organes d'exécution.
Destinée à servir de guide aux caisses de chômage dans la
manière dont elles vont mettre en oeuvre les mesures rela-
tives au marché du travail, cette circulaire fait partie
des ordonnances administratives dites interprétatives.
Bien que de telles ordonnances exercent, de par leur
fonction, une influence indirecte sur les droits et les
obligations des administrés, elles n'en ont pas pour autant
force de loi. En particulier, elles ne lient ni les admi-
nistrés, ni le juge, ni même l'administration dans la
mesure où elles ne dispensent pas cette dernière de l'exa-
men de chaque situation individuelle. Par ailleurs, elles
ne peuvent créer de nouvelles règles de droit, ni con-
traindre les administrés à adopter un certain comportement,
actif ou passif. En substance, elles ne peuvent sortir du
cadre de l'application de la loi et prévoir autre chose que
ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence
(ATF 125 V 379 consid. 1c et les références; Pierre Moor,
Droit administratif, vol. I: Les fondements généraux,
2e édition, Berne 1994, p. 266 ss; Blaise Knapp, Précis de
droit administratif, 4e édition, Bâle/Francfort-sur-le-Main
1991, n. 365 ss; Grisel, Traité de droit administratif,

vol. I, Neuchâtel 1984, p. 90; Spira, Le contrôle juridic-
tionnel des ordonnances administratives en droit fédéral
des assurances sociales, in: Mélanges André Grisel, Neuchâ-
tel 1983, p. 803 ss).

b) Dans ses observations, le seco soutient que le mon-
tant prévu par l'art. 90a al. 4 OACI en relation avec
l'art. 66c al. 2 LACI est un «montant général maximum (qui)
ne constitue qu'une limite fixée vers le haut». En ce sens,
le législateur aurait réservé une certaine latitude à l'ad-
ministration quant aux critères à fixer pour déterminer
concrètement le montant des allocations de formation. A cet
égard, la prise en compte, dans le calcul des prestations,
de la situation familiale et personnelle des assurés, cons-
tituerait - toujours selon le seco - la seule manière de
garantir l'égalité de traitement entre ceux-ci.
Pour sa part, la recourante considère qu'il est arbi-
traire de faire dépendre le montant de l'allocation des
revenus et des charges de son ménage. En particulier, il
n'appartiendrait pas à l'administration de fixer les be-
soins essentiels de sa famille.

4.- L'art. 66c al. 2 LACI reprend de manière inchangée
le texte figurant à l'art. 66b al. 2 du projet de loi du
Conseil fédéral relatif à la deuxième révision partielle de
la LACI. Ce texte n'a donné lieu à aucune discussion lors
des débats parlementaires, ni fait l'objet de commentaires
particuliers en doctrine (cf. notamment Thomas Nussbaumer,
Arbeitslosenversicherung, in: Schweizerisches Bundesverwal-
tungsrecht [SBVR], Soziale Sicherheit, ch. 617 sv.; Daniele
Cattaneo, I provvedimenti inerenti al mercato del lavoro
nella legge sull'assicurazione contre la disoccupazione
[LADI], in: Il Ticino e il diritto, Lugano 1997, p. 243).
D'après le message du Conseil fédéral du 29 novembre
1993 à l'appui de la révision, les allocations de formation
ont pour but d'inciter les chômeurs de plus de trente ans

sans qualification professionnelle d'entreprendre une for-
mation, en compensant le sacrifice économique que ces der-
niers doivent consentir durant cette période - équivalant à
la différence entre le salaire d'un apprenti et celui d'un
travailleur non qualifié - par un soutien financier corres-
pondant de l'assurance-chômage (FF 1994 I 363). La ratio
legis de l'art. 66c al. 2 LACI est donc de procurer aux
chômeurs qui souhaitent acquérir une formation un revenu
comparable à celui qu'ils réaliseraient sans qualifications
sur le marché du travail. C'est ce revenu que vise l'ex-
pression «montant maximum» au sens de la disposition préci-
tée et que le Conseil fédéral a été chargé de déterminer.
Ce dernier l'a fixé à 3'500 francs, soit une somme corres-
pondant à la rémunération moyenne versée à un assuré dans le
cadre des programmes d'occupation [cf. Commentaires de
l'OFIAMT ad art. 90a concernant les modifications de
l'OACI, révision pour le 1er janvier 1996].
Bien que suivi du terme «maximum», on ne voit pas que
ce montant puisse varier - comme le voudrait le seco - en
fonction de la situation personnelle des assurés avant et
après leur chômage. En effet, si l'on devait appliquer un
tel critère, certains assurés seraient amenés, selon les
circonstances, à réaliser durant leur formation un revenu
inférieur à celui qu'ils obtiendraient s'ils se conten-
taient d'accepter des emplois non qualifiés. Cela les
découragerait d'entreprendre un apprentissage au lieu de
les inciter à combler leurs lacunes en matière de formation
professionnelle.
En réalité, le modèle de calcul proposé par le seco
introduit de nouveaux critères qui non seulement
ont un
effet direct sur l'étendue du droit aux prestations des
assurés mais sont étrangers au texte légal. Cela revient,
de la part de l'administration, à subordonner l'octroi de
prestations d'assurance à d'autres conditions que celles
figurant dans la loi et l'ordonnance d'exécution, ce
qu'elle n'est pas en droit de faire (ATF 126 V 282
consid. 4b, 124 V 261 consid. 6b, 109 V 169 consid. 3b).

5.- Il s'ensuit que le système de calcul des alloca-
tions de formation contenu dans la circulaire MMT, lequel
fait dépendre le montant des prestations de la situation
économique respectivement de l'assuré et de son conjoint,
est contraire à l'art. 66c al. 2 LACI. La recourante a dès
lors droit durant toute sa période de formation à un mon-
tant de 2'400 francs (3'500 francs - 1'100 francs), de
sorte qu'il convient de renvoyer la cause au service pour
qu'il rende une nouvelle décision dans ce sens. Le recours
est bien fondé.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis et le jugement attaqué, ainsi que
la décision administrative litigieuse sont annulés, la
cause étant renvoyée au Service de l'emploi du canton
de Vaud pour nouvelle décision au sens des motifs.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal administratif du canton de Vaud et au Secréta-
riat d'Etat à l'économie.

Lucerne, le 19 janvier 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la Ière Chambre :

La Greffière :


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.22/00
Date de la décision : 19/01/2001
Cour des assurances sociales

Analyses

Art. 66a, 66b et 66c LACI; art. 90a al. 4 OACI: Allocations de formation. - L'assuré qui est au bénéfice d'un diplôme d'une haute école mais non reconnu sur le marché du travail suisse peut prétendre des allocations de formation, s'il remplit par ailleurs les autres conditions du droit à ces prestations. - La méthode de calcul des allocations de formation préconisée au chiffre F 34 (depuis le 1er janvier 2000, le chiffre F 33) de la Circulaire relative aux mesures de marché du travail (MMT) - laquelle fait dépendre le montant des prestations de la situation économique respectivement de l'assuré et de son conjoint - est contraire aux art. 66c al. 2 LACI et 90a al. 4 OACI, car elle introduit de nouveaux critères qui sont étrangers au texte légal.


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-01-19;c.22.00 ?
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