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18/01/2001 | SUISSE | N°2A.466/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 18 janvier 2001, 2A.466/2000


«/2»
2A.466/2000

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

18 janvier 2001

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Hartmann, juge
présidant, R. Müller et Yersin. Greffier: M. Langone.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

C.________, né le 5 juillet 1955, actuellement détenu au Pé-
nitencier de Crêtelongue, à Granges, représenté par Me Yves
Nicole, avocat à Yverdon-les-Bains,

contre

l'arrêt rendu le

6 juillet 2000 par la Cour de droit public
du Tribunal cantonal du canton du Valais, dans la cause qui
oppose le reco...

«/2»
2A.466/2000

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

18 janvier 2001

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Hartmann, juge
présidant, R. Müller et Yersin. Greffier: M. Langone.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

C.________, né le 5 juillet 1955, actuellement détenu au Pé-
nitencier de Crêtelongue, à Granges, représenté par Me Yves
Nicole, avocat à Yverdon-les-Bains,

contre

l'arrêt rendu le 6 juillet 2000 par la Cour de droit public
du Tribunal cantonal du canton du Valais, dans la cause qui
oppose le recourant au Conseil d'Etat du canton du V a -
l a i s;

(art. 10 al. 1 lettre a et 11 al. 3 LSEE; expulsion
d'un étranger titulaire d'un permis d'établissement)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Après avoir travaillé en Suisse comme saisonnier de
1978 à 1982, C.________, de nationalité portugaise, a obtenu
une autorisation de séjour. Marié à une compatriote et père
de deux filles, nées en 1979 et 1985, il s'est vu délivrer
en 1989 une autorisation d'établissement.

Par jugement du 9 novembre 1998, le Tribunal du IIe ar-
rondissement pour le district de Sion a reconnu le prénommé
coupable d'actes d'ordre sexuel avec des enfants (art. 187
ch. 1 CP), de viols (art. 190 al. 1 et 3 CP), de tentative
d'actes d'ordre sexuel avec des enfants et de viol (art. 21
al. 2, 187 ch. 1 et 190 al. 1 CP), ainsi que de conduite en
état d'ébriété (art. 91 al. 1 LCR) et l'a condamné à la pei-
ne de quatre ans et demi de réclusion, ainsi qu'à l'expul-
sion du territoire suisse pour dix ans, avec sursis pendant
un délai d'épreuve de cinq ans.

Le 27 août 1999, le Chef du Département de la sécurité
et des institutions du canton du Valais a prononcé l'expul-
sion de C.________ du territoire suisse pour une durée in-
déterminée. Cette mesure a été confirmée successivement par
le Conseil d'Etat en date du 23 février 2000 et la Cour de
droit public du Tribunal cantonal du canton du Valais selon
arrêt du 6 juillet 2000.

B.- Agissant par la voie du recours de droit adminis-
tratif, C.________ demande au Tribunal fédéral de réformer
l'arrêt rendu le 6 juillet 2000 par la Cour de droit public
du Tribunal cantonal en ce sens qu'une menace d'expulsion
soit prononcée à son encontre en lieu et place d'une expul-
sion.

Le Conseil d'Etat et l'Office fédéral des étrangers
concluent au rejet du recours, alors que le Tribunal can-
tonal a renoncé à se déterminer.

C.- Par ordonnance présidentielle du 2 novembre 2000,
la requête d'effet suspensif a été admise.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Interjeté contre une décision prise en dernière
instance cantonale (art. 98 lettre g OJ) et fondée sur le
droit public fédéral, le présent recours de droit adminis-
tratif est en principe recevable en vertu des art. 97 ss OJ.
Il échappe en particulier à la clause d'irrecevabilité de
l'art. 100 al. 1 lettre b ch. 4 OJ dans la mesure où l'ex-
pulsion critiquée se fonde sur l'art. 10 al. 1 de la loi fé-
dérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement des
étrangers ([LSEE; RS 142.20]; ATF 114 Ib 1 consid. 1a p. 2).
Respectant en outre les autres prescriptions formelles, le
présent recours est donc recevable.

2.- a) Selon l'art. 10 al. 1 LSEE, un étranger peut
être expulsé de Suisse, notamment, lorsqu'il a été condamné
par une autorité judiciaire pour crime ou délit (lettre a).
L'expulsion ne sera cependant prononcée que si elle paraît
appropriée à l'ensemble des circonstances; autrement dit, il
faut procéder à une pesée des intérêts en présence et exami-
ner si la mesure respecte le principe de la proportionnalité
(art. 11 al. 3 LSEE). Pour en juger, l'autorité tiendra
notamment compte de la gravité de la faute commise par
l'étranger, de la durée de son séjour en Suisse et du préju-
dice qu'il aurait à subir avec sa famille du fait de son ex-
pulsion. Si une expulsion paraît, à la vérité, fondée en
droit selon l'art. 10 al. 1 lettres a ou b LSEE mais qu'en

raison des circonstances, elle ne soit pas opportune,
l'étranger sera menacé d'expulsion (art. 16 al. 3 du rè-
glement d'exécution du 1er mars 1949 de la LSEE [RSEE; RS
142.201]).

b) Bien qu'il ne puisse pas revoir la décision d'expul-
sion du point de vue de l'opportunité (art. 104 lettre c OJ
a contrario), le Tribunal fédéral contrôle néanmoins libre-
ment, selon l'art. 104 lettre a OJ (violation du droit fédé-
ral), si les autorités cantonales ont correctement mis en
oeuvre les critères prévus par les dispositions du droit fé-
déral susmentionnées et en particulier si, à la lumière des-
dits critères, l'expulsion s'avère ou non disproportionnée.
Le Tribunal fédéral s'abstient cependant de substituer sa
propre appréciation à celle des autorités cantonales (ATF
125 II 521 consid. 2a et les arrêts cités).

c) Lorsque le motif d'expulsion est la commission d'un
délit ou d'un crime, la peine infligée par le juge pénal est
le premier critère servant à évaluer la gravité de la faute
et à peser les intérêts. La durée de présence en Suisse d'un
étranger constitue un autre critère très important. Plus la
durée de séjour en Suisse d'un étranger aura été longue,
plus les conditions pour prononcer l'expulsion administra-
tive doivent être appréciées restrictivement; autrement dit,
l'expulsion doit être ordonnée avec d'autant plus de retenue
que la durée de résidence en Suisse de l'étranger aura été
longue (cf. ATF 122 II 433 consid. 2c p. 436 concernant
l'expulsion d'un étranger né et élevé en Suisse).

3.- En l'occurrence, il ne fait pas de doute que le mo-
tif d'expulsion au sens de l'art. 10 al. 1 lettre a LSEE est
réalisé, puisque le recourant a été condamné pour crimes. Il
ressort du jugement pénal du 9 novembre 1998 que le recou-
rant s'est rendu coupable d'actes odieux à l'égard de très
jeunes filles dont l'une, âgée de quinze ans, était encein-

te. Il a également fait preuve de cruauté dans un cas. Il
n'a manifesté aucun regret pour ses victimes qui ont subi et
auront encore à subir les graves conséquences psychiques et
physiques résultant de ses agressions sexuelles. Ces actes
délictueux sont objectivement très graves. L'intéressé a
d'ailleurs été condamné pour ces faits à la peine de quatre
ans et demi de réclusion, qui aurait été encore plus lourde
si le tribunal n'avait pas retenu une responsabilité dimi-
nuée du recourant du fait qu'il avait agi dans un cas sous
l'influence de l'alcool. La faute commise par le recourant
doit ainsi être qualifiée de particulièrement grave. Et bien
que les antécédents pénaux du recourant soient bons, un ris-
que sérieux de récidive existe, comme cela ressort de l'ar-
rêt attaqué dont les constatations de fait lient le Tribunal
fédéral (art. 105 al. 2 OJ).

D'un autre côté, il est vrai que le recourant, âgé au-
jourd'hui de quarante-six ans, vit et travaille en Suisse
depuis une vingtaine d'années. Son éventuel départ pour le
Portugal aura certainement des conséquences négatives pour
sa famille, en particulier pour sa fille cadette qui est née
en Suisse. On peut toutefois relever que les conditions de
vie au Portugal ne sont pas foncièrement différentes de
celles qui existent en Suisse, de sorte que l'on peut atten-
dre des membres de sa famille, tous de nationalité portugai-
se, qu'elles suivent le recourant dans ce pays. Quoi qu'il
en soit, cet élément ne pèse pas lourd dans la balance des
intérêts, eu égard à la gravité des faits reprochés au re-
courant.

Tout compte fait, si l'intérêt privé du recourant à
demeurer en Suisse est important, il ne saurait cependant
l'emporter sur l'intérêt public à éloigner de Suisse le re-
courant qui a commis des actes odieux sur des jeunes filles.
L'intéressé représente en effet une menace grave pour la sé-
curité et l'ordre publics. A cet égard, le Tribunal fédéral

a rappelé qu'il existait un intérêt public prépondérant à
expulser des étrangers qui - comme en l'espèce - ont commis
des actes de violence ou d'ordre sexuel d'une certaine gra-
vité, même lorsque ces étrangers vivaient en Suisse depuis
de longues années, voire y étaient nés (ATF 122 II 433 con-
sid. 2c). Le fait que le recourant n'ait encouru qu'une seu-
le condamnation pénale n'est pas décisif; le Tribunal fé-
déral se montre de toute façon particulièrement sévère à
l'égard des délinquants sexuels (cf. notamment l'arrêt non
publié du 3 décembre 1999 en la cause D. c. canton de Fri-
bourg, où le Tribunal fédéral a confirmé l'expulsion admi-
nistrative d'un étranger vivant en Suisse depuis de nombreu-
ses années et ayant été condamné à une peine de deux ans
d'emprisonnement pour avoir commis des actes d'ordre sexuel
avec des enfants).

Compte tenu de l'ensemble des circonstances, l'arrêt
attaqué est conforme au principe de la proportionnalité.
L'éventuelle atteinte au respect de la vie familiale du re-
courant que constitue la présente mesure d'expulsion admi-
nistrative est au surplus compatible avec l'art. 8 par. 2
CEDH, en tant que cette ingérence est nécessaire à la défen-
se de l'ordre et à la prévention des infractions pénales.

4.- a) C'est en vain que le recourant fait valoir une
violation du principe "ne bis in idem" consacré par l'art. 4
ch. 1 du Protocole no 7 à la CEDH (RS 0.101.07), aux termes
duquel "nul ne peut être poursuivi ou puni pénalement par
les juridictions du même Etat en raison d'une infraction
pour laquelle il a déjà été acquitté ou condamné par un ju-
gement définitif conformément à la loi et à la procédure pé-
nale de cet Etat". En effet, une telle disposition n'est pas
applicable aux mesures administratives telles que les expul-
sions prononcées par les autorités de police des étrangers,
même si elles se fondent sur les mêmes faits délictueux qui
ont déjà été jugés par le juge pénal (arrêts non publiés du

21 novembre 1997 en la cause B., consid. 2; du 7 juillet
1994 en la cause A., consid. 3; du 19 octobre 1993 en la
cause S., consid. 4).

b) A cela s'ajoute que l'expulsion prévue par le code
pénal et l'expulsion en tant que mesure de police des étran-
gers visent des buts différents. Ce qui est déterminant sous
l'angle pénal, c'est la question de la réinsertion sociale
du délinquant, notamment le point de savoir si c'est en
Suisse ou dans le pays d'origine que se présentent les meil-
leures conditions d'une telle réinsertion. Pour les autori-
tés de police des étrangers, c'est d'abord la préoccupation
de l'ordre et de la sécurité publics qui est prépondérante,
même s'il est également tenu compte de la réinsertion socia-
le dans la pesée des intérêts. Il en découle que l'apprécia-
tion faite par les autorités de police des étrangers peut
avoir pour l'intéressé des conséquences plus rigoureuses que
celle des autorités pénales et d'exécution des peines (ATF
114 Ib 1 consid. 3a; voir aussi ATF 125 II 105 consid. 2b;
124 II 289 consid. 3a; 122 II 433 consid. 2b; 120 Ib 129
consid. 5b). Il n'y a pas lieu, en l'état de la législation,
de s'écarter de cette jurisprudence constante.

5.- Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être
rejeté. Quant à la requête d'assistance judiciaire gratuite
au sens de l'art. 152 OJ, elle doit également être rejetée,
étant donné que le recourant n'a pas établi être dans le be-
soin. Quoi qu'il en soit, l'intéressé a pu verser l'avance
de frais requise. Succombant, le recourant doit supporter
les frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1.- Rejette le recours.

2.- Rejette la requête d'assistance judiciaire.

3.- Met à la charge du recourant un émolument judiciai-
re de 1'000 fr.

4.- Communique le présent arrêt en copie au mandataire
du recourant, au Conseil d'Etat et à la Cour de droit public
du Tribunal cantonal du canton du Valais, ainsi qu'à l'Offi-
ce fédéral des étrangers.

Lausanne, le 18 janvier 2001
LGE/mnv

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Juge présidant,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.466/2000
Date de la décision : 18/01/2001
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-01-18;2a.466.2000 ?
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