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17/01/2001 | SUISSE | N°I.374/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 17 janvier 2001, I.374/00


«AZA 7»
I 374/00 Sm

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
Decaillet, Greffier ad hoc

Arrêt du 17 janvier 2001

dans la cause

Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève,
Boulevard du Pont-d'Arve 28, Genève, recourant,

contre

R.________, intimé, représenté par Maître Maurizio
Locciola, avocat, Boulevard Helvétique 27, Genève,

et

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

A.- R.________ est atteint

de surdité bilatérale pro-
fonde depuis l'âge de six mois. Il a bénéficié de moyens
auxiliaires et de mesures de réadaptation de l'as...

«AZA 7»
I 374/00 Sm

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
Decaillet, Greffier ad hoc

Arrêt du 17 janvier 2001

dans la cause

Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève,
Boulevard du Pont-d'Arve 28, Genève, recourant,

contre

R.________, intimé, représenté par Maître Maurizio
Locciola, avocat, Boulevard Helvétique 27, Genève,

et

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

A.- R.________ est atteint de surdité bilatérale pro-
fonde depuis l'âge de six mois. Il a bénéficié de moyens
auxiliaires et de mesures de réadaptation de l'assurance-
invalidité. Après avoir suivi l'école primaire et le cycle
d'orientation, il a entrepris une formation d'architecte
dès le 27 août 1990 pour laquelle il a bénéficié d'une me-
sure de formation professionnelle initiale. Il a toutefois
interrompu celle-ci après deux ans pour suivre une école

d'acteur de théâtre pour sourds en Angleterre. Au terme de
cette formation, il est parti pour le Vietnam durant un an.
De retour en Suisse, il a travaillé dans un restaurant
McDonald's du 26 février 1996 au 4 mai 1998.
Le 16 mars 1998, le prénommé a déposé une demande de
prestations d'assurance-invalidité tendant à la prise en
charge d'une formation de dessinateur en bâtiment.
Par décision du 24 septembre 1998, l'Office cantonal
genevois de l'assurance-invalidité (ci-après : l'office) a
rejeté la demande, au motif que la surdité affectant
l'assuré ne l'empêchait pas de poursuivre l'activité qu'il
exerçait au service de McDonald's.

B.- R.________ a recouru contre cette décision devant
la Commission cantonale genevoise en matière d'assurance-
vieillesse, survivants et invalidité.
Par jugement du 28 mars 2000, la Cour cantonale a
admis le recours et a reconnu au prénommé le droit à une
mesure de formation dans une nouvelle profession, ainsi
qu'à des indemnités journalières. Elle a considéré en bref
que l'assuré avait entrepris, postérieurement à la surve-
nance de son invalidité une activité inadéquate au service
de la société McDonald's, qui ne pouvait être raisonnable-
ment poursuivie.

C.- L'office cantonal AI interjette recours de droit
administratif contre ce jugement, en concluant, principa-
lement à son annulation et, subsidiairement, au renvoi de
la cause à l'autorité cantonale.
R.________ conclut, sous suite de dépens au rejet du
recours. L'office fédéral des assurances sociales ne se
prononce pas sur le droit de l'intimé à une mesure profes-
sionnelle mais propose de nier son droit à des indemnités
journalières.

Considérant en droit :

1.- Selon l'art. 128 OJ, le Tribunal fédéral des assu-
rances connaît en dernière instance des recours de droit
administratif contre des décisions au sens des art. 97, 98
let. b à h et 98a OJ, en matière d'assurances sociales.
Dans la procédure juridictionnelle administrative, ne
peuvent être examinés et jugés, en principe, que les rap-
ports juridiques à propos desquels l'autorité administra-
tive compétente s'est prononcée préalablement d'une manière
qui la lie, sous la forme d'une décision. Dans cette
mesure, la décision détermine l'objet de la contestation
qui peut être déféré en justice par voie de recours. En re-
vanche, dans la mesure où aucune décision n'a été rendue,
la contestation n'a pas d'objet, et un jugement sur le fond
ne peut pas être prononcé (ATF 119 Ib 36 consid. 1b,
118 V 313 consid. 3b et les références citées).
En l'espèce, le litige porte sur le droit de l'intimé
à une mesure de formation professionnelle initiale ou assi-
milée à celle-ci. L'office recourant n'a en revanche rendu
aucune décision sur le droit de l'intimé à des indemnités
journalières. Les premiers juges ont dès lors étendu à tort
la procédure à cette question, de sorte que leur jugement
doit être annulé sur ce point.

2.- a) Le jugement entrepris expose correctement les
dispositions légales et les principes jurisprudentiels
applicables en l'espèce, de sorte qu'il peut y être renvoyé
sur ce point.

b) L'office recourant fait valoir que l'intimé est
titulaire d'un diplôme d'acteur de théâtre pour sourds, de
sorte qu'il est au bénéfice d'une formation professionnelle
initiale satisfaisante. Il ajoute que l'assuré ne saurait
prétendre une mesure de reclassement professionnel, dès
lors que son activité au service de la société McDonald's

est parfaitement adaptée à son handicap et que même si tel
n'était pas le cas son invalidité n'atteindrait pas le
seuil minimal de 20 %.
L'intimé soutient de son côté que sa formation
d'acteur pour sourds ne constitue pas une formation profes-
sionnelle initiale. Il relève que son travail chez
McDonald's était tout à fait inadapté à son handicap, con-
trairement à sa nouvelle formation de dessinateur en
bâtiment.

3.- En l'occurrence, la formation d'acteur pour sourds
de l'intimé ne saurait constituer une formation profession-
nelle initiale. Il apparaît en effet douteux que celle-ci
soit propre à favoriser de manière durable une activité
grâce à laquelle l'assuré pourrait couvrir ses frais
d'entretien (cf. RCC 1982 p. 470). A cet égard, il faut du
reste relever que l'office avait refusé de prendre en
charge cette formation, en notant les difficultés d'attein-
dre une autonomie financière au moyen de celle-ci. L'assuré
n'a d'ailleurs jamais travaillé comme acteur après sa for-
mation. Il a au contraire oeuvré au service de McDonald's
pour subvenir à son entretien. Dans un rapport médical du
19 juillet 1999, le docteur B.________, interniste, a cons-
taté que cette activité lucrative n'était absolument pas
adaptée à un sourd. Cette opinion avait déjà été soutenue
par le docteur G.________, oto-rhino laryngologue dans une
lettre du 21 octobre 1998. Le docteur C.________, médecin
de l'AI, a certes considéré que le travail accompli par
l'intimé pour McDonald's n'était pas absolument inadapté à
son handicap. Ce médecin a toutefois fondé son avis sur une
note d'entretien téléphonique avec le docteur B.________,
lequel n'en a pas confirmé la teneur. Son opinion ne
saurait dès lors prévaloir. L'employeur de l'intimé a du
reste confirmé que la surdité de l'intimé entraînait un
surmenage et que celui-ci n'aurait pas pu exercer son acti-
vité durablement à plein temps. L'ensemble des intervenants

sociaux, ainsi que les collègues de l'intimé ont d'ailleurs
attesté l'important surmenage qu'impliquait sa surdité dans
le travail, de sorte que le caractère inadéquat de l'acti-
vité professionnelle qu'il exerçait pour McDonald's ne
saurait être contesté.
En outre, la surdité à l'origine de l'échec de la
poursuite de son activité lucrative affecte l'intimé depuis
l'enfance. Il faut par conséquent admettre que celui-ci a
entrepris cette activité postérieurement à la survenance de
son invalidité.
Il découle de ce qui précède que l'intimé peut préten-
dre une mesure de formation dans une nouvelle profession au
sens de l'art. 16 al. 2 let. b LAI.

4.- L'intimé, qui est représenté par un avocat,
obtient très largement gain de cause, de sorte qu'il a
droit à des dépens pour l'instance fédérale (art. 159 al. 1
en corrélation avec l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est très partiellement admis, en ce sens
que le chiffre 2 du dispositif du jugement de la Com-
mission cantonale genevoise de recours en matière
d'assurance-vieillesse, survivants et invalidité est
annulé; il est rejeté pour le surplus.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. L'Office cantonal genevois de l'assurance-invalidité
versera à l'intimé une indemnité de 2500 fr. (y com-
pris la taxe à la valeur ajoutée) à titre de dépens
pour l'instance fédérale.

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la
Commission cantonale genevoise de recours en matière
d'assurance-vieillesse, survivants et invalidité et à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 17 janvier 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

Le Greffier ad hoc :


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.374/00
Date de la décision : 17/01/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-01-17;i.374.00 ?
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