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16/01/2001 | SUISSE | N°4C.265/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 16 janvier 2001, 4C.265/2000


«/2»

4C.265/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

16 janvier 2001

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu,
M. Corboz, Mme Klett et M. Nyffeler, juges.
Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

N.________, demandeur et recourant, représenté par Me Irène
Buche, avocate à Genève,

et

A.________, défenderesse et intimée, représentée par Me
Dominique Burger, avocate à Genève;

(baisse de

loyer; critère des loyers comparatifs)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- N.________ est ...

«/2»

4C.265/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

16 janvier 2001

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu,
M. Corboz, Mme Klett et M. Nyffeler, juges.
Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

N.________, demandeur et recourant, représenté par Me Irène
Buche, avocate à Genève,

et

A.________, défenderesse et intimée, représentée par Me
Dominique Burger, avocate à Genève;

(baisse de loyer; critère des loyers comparatifs)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- N.________ est locataire depuis le 1er sep-
tembre 1980 d'un appartement de cinq pièces, d'une surface
de
87,16 m2 avec balcon, au cinquième étage d'un immeuble cons-
truit en 1970. Le bail, conclu initialement pour trois ans,
se renouvelait ensuite d'année en année. Le loyer annuel a
été fixé à 5160 fr., charges non comprises, par contrat du
23
juillet 1980, puis a été régulièrement augmenté. Par avis de
majoration du 10 mai 1995, non contesté, il a été porté,
sans
les charges, à 11 448 fr. du 1er septembre 1995 au 31 août
1996, 12 396 fr. du 1er septembre 1996 au 31 août 1997 et
13 332 fr. du 1er septembre 1997 au 31 août 1998.

En cours de bail, l'immeuble est devenu la proprié-
té de A.________.

B.- Le 24 avril 1998, N.________ a requis une
baisse de 16 % de son loyer dès le 1er septembre 1998. La
bailleresse n'a pas donné suite à cette requête et la tenta-
tive de conciliation a échoué.

Le 9 juin 1998, N.________ a ouvert action contre
A.________ devant le Tribunal des baux et loyers du canton
de
Genève en concluant à ce que son loyer soit fixé à 11 196
fr.
par an dès le 1er septembre 1998, sans les charges. La bail-
leresse s'est opposée à la baisse de loyer au motif que
celui-ci se situait dans les limites du quartier, de sorte
qu'il n'était pas abusif.

Par jugement du 21 décembre 1999, le Tribunal des
baux et loyers a fixé le loyer du demandeur à 11 328 fr. par
an dès le 1er septembre 1998, la défenderesse étant
condamnée
à rembourser au locataire le trop-perçu de loyer. Rappelant

que la défenderesse avait produit six exemples de loyers,
les
premiers juges ont retenu que ces objets de comparaison se
trouvaient dans le même quartier que l'appartement du deman-
deur et à proximité d'équipements identiques, qu'ils avaient
une surface semblable, hormis pour l'un deux dont la surface
était de 95 m2, qu'ils avaient été construits à la même pé-
riode (entre 1965 et 1973) et entretenus de manière
similaire
et qu'ils bénéficiaient du même équipement, sauf que cinq
d'entre eux étaient munis de double vitrage, ce qui ne
devait
pas empêcher une comparaison avec le logement du demandeur,
pourtant démuni de double vitrage. Le Tribunal des baux et
loyers a observé que la bailleresse n'avait fourni aucune in-
dication détaillée sur l'évolution des loyers de quatre élé-
ments comparatifs, étant admis que ces loyers n'avaient en
tout cas pas réagi à la baisse du taux hypothécaire. Il a
enfin jugé que le calcul théorique d'adaptation des loyers
de
comparaison en fonction de l'évolution du taux de l'intérêt
hypothécaire, auquel avait procédé la bailleresse, n'était
pas admissible, car la notion de loyers usuels impliquait
que
ceux-ci n'étaient pas abusifs sur un plan concret et non pas
virtuellement.

Saisie d'un appel de la défenderesse, la Chambre
d'appel en matière de baux et loyers du canton de Genève,
par
arrêt du 23 juin 2000, a annulé le jugement précité et, sta-
tuant à nouveau, débouté le locataire de sa demande en réduc-
tion de loyer, le loyer annuel de l'appartement de ce
dernier
demeurant ainsi fixé à 13 332 fr. l'an, charges non compri-
ses. En substance, la cour cantonale a considéré que tous
les
appartements proposés comme exemples par la défenderesse rem-
plissaient les critères de comparaison des art. 269a let. a
CO et 11 de l'Ordonnance sur le bail à loyer et le bail à
ferme d'habitations et de locaux commerciaux (OBLF, RS
221.213.11), dès lors que la surface de l'objet de comparai-
son écarté par les juges précédents ne dépassait pas de 30m2
celle de l'appartement loué au demandeur. Contrairement au

Tribunal des baux et loyers, la Chambre d'appel a retenu que
la défenderesse avait apporté les précisions nécessaires à
propos de l'évolution des loyers des appartements proposés
comme éléments de comparaison, en indiquant singulièrement
la
date d'entrée en vigueur du dernier loyer, le montant du
loyer précédent, ainsi que le taux hypothécaire pris en comp-
te. Constatant qu'il est établi que la diminution des taux
n'a pas été répercutée sur les loyers comparatifs, elle a
procédé, sur la base des données précitées, à l'adaptation à
la baisse desdits loyers comparatifs au taux de référence de
4,25%. Du moment que les loyers annuels de ces logements ain-
si réadaptés oscillaient entre 13 624 fr. et 16 730 fr.,
cela
sans même tenir compte des charges courantes et de la hausse
du coût de la vie, la Chambre d'appel en a conclu que le
loyer du demandeur, fixé à 13 332 fr., se situait dans les
limites des loyers usuels du quartier au sens du droit fédé-
ral.

C.- N.________ exerce un recours en réforme au
Tribunal fédéral. Il conclut à l'annulation de l'arrêt canto-
nal et, cela fait, à ce qu'il lui soit accordé une réduction
de loyer de 15,07%, son loyer annuel devant être fixé à
11 328 fr., charges non comprises, dès le 1er septembre
1998.
Le demandeur requiert encore que la bailleresse soit condam-
née à lui restituer le trop-perçu de loyer, soit 167 fr. par
mois depuis le 1er septembre 1998.

Par décision du 1er novembre 2000, la Ie Cour civi-
le du Tribunal fédéral a admis la demande d'assistance judi-
ciaire du recourant et lui a désigné Me Irène Buche comme
avocate d'office.

L'intimée propose le rejet du recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Interjeté, en temps utile et dans les for-
mes requises, par la partie qui a succombé dans ses conclu-
sions en réduction de loyer et dirigé contre une décision
finale rendue en dernière instance cantonale par un tribunal
supérieur (art. 48 al. 1 OJ), le recours est en principe re-
cevable.

S'agissant d'un bail reconductible tacitement, au-
trement dit de durée indéterminée (ATF 114 II 165 consid.
2b), il y a lieu de tenir compte, pour le calcul de la
valeur
litigieuse, de la baisse de loyer annuel contestée dans la
dernière instance cantonale, puis de multiplier ce montant
par vingt (art. 36 al. 5 OJ; ATF 121 III 397 consid. 1; 118
II 422 consid. 1). En l'espèce, il s'agissait de 2004 fr.
par
année (13 332 fr. - 11 328 fr.). Ce montant, rapporté sur
vingt ans, donne un total de 40 080 fr. La valeur litigieuse
à laquelle l'art. 46 OJ subordonne la recevabilité du
recours
en réforme est par conséquent atteinte.

b) Le recours en réforme est ouvert pour violation
du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ). Il ne permet en
revanche
pas d'invoquer la violation directe d'un droit de rang cons-
titutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la violation du
droit cantonal (ATF 126 III 189 consid. 2a, 370 consid. 5;
125 III 305 consid. 2e).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral
doit conduire son raisonnement sur la base des faits
contenus
dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédé-
rales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait
lieu à rectification de constatations reposant sur une inad-
vertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille complé-
ter les constatations de l'autorité cantonale parce que

celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et réguliè-
rement allégués (art. 64 OJ; ATF 126 III 59 consid. 2a; 119
II 353 consid. 5c/aa). Il ne peut être présenté de griefs
contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens
de
preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ). L'appréciation
des
preuves à laquelle s'est livrée l'autorité cantonale ne peut
être remise en cause (ATF 125 III 78 consid. 3a, 368 consid.
3 in fine; 122 III 26 consid. 4a/aa, 61 consid. 2c/bb)

Si le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des
conclusions des parties, lesquelles ne peuvent prendre de
conclusions nouvelles (art. 55 al. 1 let. b in fine OJ), il
n'est lié ni par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al.
1
OJ), ni par ceux de la décision cantonale (art. 63 al. 3 OJ;
ATF 126 III 59 consid. 2a; 123 III 246 consid. 2).

2.- Le recourant reproche tout d'abord à la cour
cantonale d'avoir commis des inadvertances manifestes.

La jurisprudence n'admet l'existence d'une inadver-
tance manifeste, susceptible d'être rectifiée d'office par
le
Tribunal fédéral en application de l'art. 63 al. 2 OJ, que
lorsque l'autorité cantonale a omis de prendre en considéra-
tion une pièce déterminée, versée au dossier, ou l'a mal
lue,
s'écartant par mégarde de sa teneur exacte, en particulier
de
son vrai sens littéral (ATF 115 II 399 consid. 2a; 109 II
159
consid. 2b; cf. arrêt du 5 décembre 1995 dans la cause
4C.149/1995 consid. 3a, publié in SJ 1996 p. 353 ss). L'auto-
rité cantonale s'écarte, par mégarde, de la teneur exacte
d'une pièce, par exemple lorsqu'elle commet une erreur de
lecture, ou lorsqu'elle ne remarque pas l'existence d'une
faute d'écriture ou lorsqu'elle ne prend pas en
considération
la relation évidente existant entre différentes pièces du
dossier. Encore faut-il que l'inadvertance invoquée porte
sur
une constatation susceptible d'influer sur le sort du
recours
(Corboz, Le recours en réforme au Tribunal fédéral in: SJ

2000 II p. 66; Poudret, COJ II, n. 1.6.2 in fine ad art. 55
OJ et 5.1 ad art. 63 OJ). Cependant, l'inadvertance
manifeste
ne saurait être confondue avec l'appréciation des preuves;
dès l'instant où une constatation de fait repose sur l'appré-
ciation, même insoutenable, d'une preuve, d'un ensemble de
preuves ou d'indices, une inadvertance est exclue (Poudret,
COJ II, n. 5.4 ad art. 63 OJ). Au demeurant, le moyen tiré
de
l'inadvertance manifeste n'est recevable que si l'acte de re-
cours contient l'indication exacte de la constatation atta-
quée et de la pièce du dossier qui la contredit (art. 55 al.
1 let. d OJ; ATF 110 II 494 consid. 4 et les arrêts cités).

a) Pour le recourant, la Chambre d'appel a admis
par inadvertance que l'immeuble dans lequel le demandeur
loue
son appartement est régulièrement entretenu et se trouve
dans
un état que l'on peut qualifier de bon. Il se réfère à la dé-
position du témoin B.________ qui a énuméré un certain
nombre
de travaux d'entretien qui ont été effectués récemment dans
l'immeuble.

Si tant est que le moyen ne constitue pas une cri-
tique inadmissible de l'appréciation des preuves
recueillies,
il est infondé. En effet, l'autorité cantonale a retenu que
si l'immeuble en cause est normalement entretenu, il n'a pas
été "refait", par quoi il faut entendre "rénové", ce que ne
contredit nullement la déposition précitée.

Quant à l'état du bâtiment, la cour cantonale n'a
pas constaté que son état général devait être considéré
comme
bon, mais seulement "moyen à bon", ce qui apporte une nuance
sensible.

b) Le recourant affirme qu'une deuxième inadvertan-
ce de la Chambre d'appel réside en ce qu'elle a retenu que
l'immeuble de la défenderesse est sis dans un quartier
calme.

Il déclare que la bailleresse avait admis le contraire dans
le descriptif de l'appartement dont le loyer est litigieux.

Le demandeur a manifestement raison. Dans le des-
criptif susmentionné, la défenderesse, dans la rubrique "En-
vironnement & commodités", a mis une croix sur la réponse
"Non" en regard des termes "Quartier calme".

Il convient donc de rectifier l'état de fait en ce
sens que le bâtiment dans lequel le demandeur a pris à bail
un logement ne se trouve pas dans un quartier calme.

c) D'après le recourant, les magistrats genevois
ont constaté par inattention que l'appartement du locataire
bénéficie du téléréseau collectif. Il invoque la déposition
du témoin H.________, qui a confirmé que l'immeuble de la
défenderesse n'a pas de téléréseau.

Sur ce point, il convient de rectifier d'office les
faits constatés en dernière instance cantonale, par applica-
tion de l'art. 63 al. 2 2e phrase OJ. De fait, dans le des-
criptif déjà mentionné de l'appartement occupé par le deman-
deur, sous la rubrique "Immeuble", la bailleresse a corrigé
sa première réponse pour mettre une croix dans la case "Non"
devant l'équipement "Téléréseau collectif". Certes, la case
"Oui" figurant dans la rubrique "Appartement" devant le
terme
"Téléréseau" est remplie. Mais cette apparente contradiction
n'en est pas une, dès lors que si un bâtiment n'est pas
relié
au téléréseau, aucun des appartements de l'immeuble ne peut
évidemment en jouir.

L'état de fait dressé par la Chambre d'appel doit
être corrigé en ce sens que l'appartement du demandeur ne bé-
néficie pas du téléréseau.

3.- Le recourant prétend que l'autorité cantonale
a violé l'art. 8 CC en posant deux constatations relatives à
l'appartement qu'il loue.

Régissant le fardeau de la preuve, l'art. 8 CC in-
terdit notamment au juge de considérer comme établi un fait
pertinent allégué par une partie pour en déduire son droit,
alors que ce fait, contesté par la partie adverse, n'a pas
reçu un commencement de preuve (ATF 114 II 289 consid. 2a).
En revanche, lorsque l'appréciation des preuves convainc le
juge de la réalité ou de l'inexistence d'un fait, la
question
de l'application
de l'art. 8 CC ne se pose plus; seul le
moyen tiré d'une appréciation arbitraire des preuves, à invo-
quer impérativement dans un recours de droit public, est
alors recevable (ATF 122 III 219 consid. 3c; 119 II 114 con-
sid. 4c p. 117; 117 II 387 consid. 2e).

a) La cour cantonale aurait considéré à tort que
l'état d'entretien de l'appartement est "bon"; en réalité,
il
serait "moyen".

Mais, la constatation incriminée n'a pas été effec-
tuée par les juges cantonaux, puisqu'ils ont admis
simplement
que l'appartement est régulièrement entretenu. Le moyen est
sans fondement.

b) D'après le recourant, s'il est vrai que l'appar-
tement qu'il loue est équipé d'une cuisine agencée, cet agen-
cement serait modeste et simple, n'étant constitué que d'un
meuble avec placard installé au haut et au bas de l'évier.

Dès l'instant où le recourant ne prétend pas qu'il
aurait allégué des faits dont la cour cantonale aurait refusé
l'offre de preuve correspondante, présentée dans le respect
du droit de procédure applicable, on ne discerne aucune vio-
lation de l'art. 8 CC.

4.- Le recourant expose que les exemples de loyers
produits par l'intimée ne sont pas comparables avec son ap-
partement. Ainsi, non seulement les six objets de
comparaison
sont tous équipés du téléréseau et de doubles vitrages, mais
ils sont encore mieux entretenus et dotés d'un équipement
plus important. Partant, la bailleresse aurait échoué dans
sa
démonstration que le loyer du demandeur se situerait dans
les
limites des loyers du quartier. Pour ne pas l'avoir vu, la
Chambre d'appel aurait enfreint l'art. 269a let. a CO.

a) La jurisprudence a clairement posé les condi-
tions d'application de la disposition précitée dans l'ATF
123
III 317 consid. 4. Ne sont, en règle générale, pas abusifs
les loyers qui se situent dans les limites des loyers usuels
dans la localité ou dans le quartier (art. 269a let. a CO).
Selon l'art. 11 OBLF, les loyers déterminants pour le calcul
des loyers usuels dans la localité ou le quartier sont les
loyers des logements et des locaux commerciaux comparables à
la chose louée quant à l'emplacement, la dimension, l'équipe-
ment, l'état et l'année de construction (al. 1). N'entrent
pas en ligne de compte les loyers découlant du fait qu'un
bailleur ou un groupe de bailleurs domine le marché (al. 3).
Les statistiques officielles doivent être prises en considé-
ration (al. 4). Ces prescriptions correspondent à celles qui
figuraient à l'art. 15 al. 1 let. a AMSL, si bien que la ju-
risprudence développée sous l'ancien droit demeure valable.

La notion de loyer usuel dans la localité ou le
quartier relève du droit. Comme c'est une question qui peut
être revue sans entrave par le Tribunal fédéral en instance
de réforme, l'autorité cantonale doit indiquer exactement
les
critères de comparaison qu'elle a utilisés. Pour le reste,
le
juge du fait devra procéder à des comparaisons concrètes, à
la lumière des critères susmentionnés, en ayant égard à
l'évolution récente des loyers exigés pour les locaux
retenus
comme éléments de comparaison. L'utilisation de statistiques

suppose des données chiffrées, suffisamment différenciées et
dûment établies sur la situation, l'agencement et l'état de
la chose louée, comme aussi sur la période de construction.
Le fardeau de la preuve incombe au bailleur

Pour pouvoir tirer des conclusions qui offrent
quelque sécurité, le Tribunal fédéral veut que soient indi-
qués cinq éléments de comparaison au moins, lesquels doivent
présenter, pour l'essentiel, les mêmes caractéristiques que
le logement litigieux quant à l'emplacement, la dimension,
l'équipement, l'état et l'année de construction

b) Le défendeur loue un appartement de cinq pièces,
présentant une surface de 87,16 m2 avec balcon, au cinquième
étage d'un bâtiment, qui a été bâti en 1970. La Chambre
d'appel a comparé cet appartement avec six autres logements,
qu'elle a sommairement décrits en renvoyant aux
constatations
pourtant succinctes du Tribunal des baux et loyers. Les
caractéristiques de ces logements seront passées en revue
ci-dessous.

aa) Les six immeubles dans lesquelles se trouvent
les appartements retenus par la cour cantonale comme
éléments
de comparaison ont été construits entre 1965 et 1973. Il
sont
ainsi comparables à l'immeuble dans lequel le demandeur loue
son appartement, lequel a été érigé en 1970.

bb) S'agissant de la question de la dimension,
c'est le critère de la surface qui doit prédominer (ATF 123
III 317 consid. 4b/cc). A cet égard, les six appartements,
dont la superficie oscille entre 88 et 95 m2, peuvent être
comparés au logement du demandeur, dont la surface est de
très peu inférieure (87,16 m2).

cc) Pour ce qui est de l'état d'entretien, la cour
cantonale a retenu laconiquement que les objets comparatifs

avaient le même état d'entretien que le logement occupé par
le recourant, sous réserve de la présence de double vitrage
dans cinq des six éléments de comparaison, alors que l'appar-
tement dont le loyer est discuté en est démuni. La Chambre
d'appel a considéré que cette circonstance était apparemment
de peu de poids, car elle a admis qu'elle ne devait pas empê-
cher de procéder à une comparaison avec l'immeuble. Comme on
le verra en examinant le critère de l'emplacement, il est
exclu de suivre la cour cantonale dans cette voie.

dd) Au sujet de l'emplacement des objets compara-
tifs, la cour cantonale a constaté qu'ils étaient situés
dans
le même quartier que l'appartement du demandeur et qu'ils se
trouvaient à proximité d'équipements identiques. Certes,
mais, comme on l'a vu, le logement du demandeur ne se trouve
pas dans un quartier calme, contrairement à ce qu'a retenu
la
Chambre d'appel par inadvertance. Or, les six appartements
retenus comme exemples par la cour cantonale sont situés
dans
un quartier tranquille. Il saute aux yeux que le logement du
demandeur, qui est de surcroît démuni de double vitrage, est
exposé à des nuisances de bruits importantes, qui n'ont rien
de semblables avec celles que subissent cinq objets de compa-
raison, sis dans un quartier calme et équipés de double vi-
trage (cf. sur le critère des nuisances comparables: Lachat/
Stoll/Brunner, Das Mietrecht für die Praxis, 4e éd., p.
315/316; Higi, Commentaire zurichois, n. 88 ad art. 269a CO,
p. 241/242; Zihlmann, Das Mietrecht, 2e éd., p. 146; Lachat,
Le bail à loyer, p. 304). Pour cette seule raison déjà,
étant
donné que cinq des six éléments de comparaison ne peuvent
être pris en compte eu égard au critère de l'emplacement, le
recours doit être admis. Mais il y a plus.

ee) En ce qui concerne l'équipement, la Chambre
d'appel a admis par inattention que l'appartement pris à
bail
par le recourant bénéficiait du téléréseau collectif, alors
qu'en réalité il n'en est rien (cf. consid. 2c ci-dessus).

Selon la doctrine, un tel raccordement fait partie des ins-
tallations que l'on trouve aujourd'hui dans la majorité des
habitations, de sorte que son absence constitue un écart par
rapport au standard normal des logements dont la location
est
offerte sur le marché (Lachat/Stoll/Brunner, op. cit., p.
316; Lachat, op. cit., p. 304; Zihlmann, op. cit., p. 146;
Higi, op. cit., n. 111 ss ad art. 269a CO, spéc. n. 114/115).

Si l'on considère les six objets mis en comparaison
avec l'appartement du demandeur, seul celui situé à la route
de Meyrin 300 B (pièce 6 du chargé de la défenderesse du 23
décembre 1998) n'est pas équipé du téléréseau, à l'instar du
logement du demandeur. En accord avec la doctrine, il con-
vient d'admettre que la chose louée qui ne permet pas au lo-
cataire de recevoir la télévision par câble est un logement
dont le confort est inférieur à la norme usuelle. De fait,
la
réception hertzienne est notoirement inférieure à celle déli-
vrée par le réseau câblé, que ce soit au niveau de la
qualité
de l'image reçue ou du nombre de chaînes captées. Cela ne
saurait être négligé. Partant, à nouveau cinq des six loge-
ments pris comme objets de comparaison présentent une diffé-
rence notable par rapport à l'appartement du recourant.

Il suit de là que le nombre minimum d'éléments de
comparaison n'est pas atteint en l'occurrence. Dans ces con-
ditions, l'autorité cantonale a reconnu à tort que la défen-
deresse avait réussi à établir que le loyer incriminé se si-
tuait dans les limites des loyers usuels du quartier, sans
qu'il faille même examiner la critique du recourant dirigée
contre l'adaptation théorique des loyers comparatifs à
l'évolution du taux hypothécaire, adaptation à laquelle la
Chambre d'appel a procédé dans l'arrêt entrepris.

5.- En définitive, il y a lieu d'admettre le re-
cours et de réformer l'arrêt cantonal. Les parties ne s'en
prenant pas aux calculs effectués par le Tribunal des baux
et

loyers pour fixer le loyer, l'arrêt attaqué doit être
réformé
en ce sens que le loyer annuel de l'appartement du recourant
est arrêté à 11 328 fr. dès le 1er septembre 1998, sans les
charges, la défenderesse étant condamnée à rembourser au de-
mandeur le trop-perçu de loyer depuis cette date. La cause
sera retournée à la cour cantonale pour nouvelle décision
sur
les frais d'instance cantonale.

L'intimée, qui succombe, devra supporter les frais
et dépens de la procédure fédérale (art. 156 al. 1 et 159
al.
1 OJ). Le Tribunal fédéral fixe à 3000 fr. les honoraires de
l'avocate d'office du recourant si les dépens ne pouvaient
être encaissés (art. 152 al. 2 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :,

1. Admet le recours et réforme l'arrêt attaqué en
ce sens que le loyer de l'appartement du recourant est
arrêté
à 11 328 fr. par an dès le 1er septembre 1998, charges non
comprises, l'intimée étant condamnée à restituer au
recourant
le trop-perçu de loyer depuis cette date;

2. Renvoie la cause à la cour cantonale pour
qu'elle statue à nouveau sur les frais d'instance cantonale;

3. Met un émolument judiciaire de 3000 fr. à la
charge de l'intimée;
4. Dit que l'intimée versera au recourant une in-
demnité de 3000 fr. à titre de dépens. Au cas où ces dépens
ne pourraient pas être recouvrés, la Caisse du Tribunal fédé-

ral versera à Me Irène Buche la somme de 3000 fr. à titre
d'honoraires;

5. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre d'appel en matière de
baux
et loyers du canton de Genève.

___________

Lausanne, le 16 janvier 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.265/2000
Date de la décision : 16/01/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-01-16;4c.265.2000 ?
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