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16/01/2001 | SUISSE | N°1A.277/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 16 janvier 2001, 1A.277/2000


«/2»

1A.277/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

16 janvier 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Féraud et Favre.
Greffier: M. Jomini.

Statuant sur les recours de droit administratif et
de droit public formés par

A.________ et B.________, tous deux représentés par Me
Renaud
Lattion, avocat à Yverdon-les-Bains,

contre

l'arrêt rendu le 20 septem

bre 2000 par le Tribunal adminis-
tratif du canton de Vaud, dans la cause qui oppose les recou-
rants au Département des ...

«/2»

1A.277/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

16 janvier 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Féraud et Favre.
Greffier: M. Jomini.

Statuant sur les recours de droit administratif et
de droit public formés par

A.________ et B.________, tous deux représentés par Me
Renaud
Lattion, avocat à Yverdon-les-Bains,

contre

l'arrêt rendu le 20 septembre 2000 par le Tribunal adminis-
tratif du canton de Vaud, dans la cause qui oppose les recou-
rants au Département des institutions et des relations exté-
rieures et au Département des infrastructures du canton de
Vaud, tous deux représentés par Me Philippe-Edouard Journot,
avocat à Lausanne;

(plan d'affectation spécial, protection contre le bruit)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le Département des infrastructures du canton de
Vaud a approuvé le 22 février 1999 le plan d'affectation can-
tonal "Vuaz Vauchy", qui modifie la destination d'un
secteur,
d'une surface de 4'150 m2 environ, d'une zone industrielle
de
la commune de Payerne. Selon le règlement du plan d'affecta-
tion cantonal (RPAC), cette mesure de planification vise à
permettre l'édification d'un "établissement médico-social
sécurisé" (art. 1 RPAC). Cet établissement devrait être
construit et exploité par la fondation de droit public "La
Passerelle"; il comporterait des locaux d'habitation et des
ateliers et il serait destiné à accueillir quinze détenus
hommes confrontés à un handicap psychique. Actuellement, le
terrain (réparti sur trois parcelles) appartient à la
commune
de Payerne, à la Confédération suisse et à la société
anonyme
Morandi Frères S.A.

Le règlement du plan d'affectation cantonal définit
notamment le volume et la hauteur des bâtiments prévus (art.
4 ss RPAC); il prévoit l'attribution du degré de sensibilité
au bruit III à l'ensemble du périmètre (art. 11 RPAC).

En approuvant le plan, le Département des infra-
structures a rejeté les oppositions qui avaient été formées
lors de l'enquête publique. Une de ces oppositions émanait
de
deux propriétaires fonciers voisins, dans la zone industriel-
le (régie par le plan des zones de la commune de Payerne)
dont faisait partie auparavant le terrain destiné à l'éta-
blissement médico-social: A.________, propriétaire de la
parcelle n° 2169 où se trouvent des installations indus-
trielles, et B.________, propriétaire de la parcelle n° 4767
où se trouve une maison d'habitation. Ces terrains se
situent
à environ 150 m de la limite nord du périmètre du plan d'af-
fectation cantonal.

B.- A.________ et B.________ ont recouru contre la
décision du Département des infrastructures auprès du Dépar-
tement cantonal des institutions et des relations extérieu-
res, selon la procédure prévue à l'art. 73 al. 3 et 4 de la
loi cantonale sur l'aménagement du territoire et les
constructions (LATC). Ils faisaient en substance valoir que
le plan d'affectation cantonal n'était pas conforme aux
principes de l'aménagement du territoire ni à ceux du plan
directeur cantonal; ils critiquaient en outre l'attribution
du degré de sensibilité au bruit III.

Par prononcé du 14 juillet 1999, le Département des
institutions et des relations extérieures a rejeté le re-
cours.

C.- A.________ et B.________ ont recouru contre ce
prononcé auprès du Tribunal administratif du canton de Vaud,
en développant les critiques qu'ils avaient déjà formulées
devant le département.

Le Tribunal administratif a rejeté ce recours par un
arrêt rendu le 20 septembre 2000. Il a admis la conformité
du
plan d'affectation cantonal aux principes du plan directeur
cantonal en matière de régionalisation et de
décentralisation
concentrée. Il a en outre considéré que l'attribution du de-
gré de sensibilité III au périmètre du plan d'affectation
cantonal était conforme au droit fédéral, vu la destination
de cette zone spéciale, et que cela n'entraînait pas de res-
trictions significatives, du point de vue des exigences rela-
tives à la limitation des émissions de bruit, pour les pro-
priétaires d'installations voisines en zone industrielle.

D.- A.________ et B.________ ont adressé au Tribu-
nal fédéral, le 20 octobre 2000, un acte intitulé "recours",
au terme duquel ils concluent à la réforme de l'arrêt du Tri-
bunal administratif, dans le sens d'une admission de leur op-

position, et subsidiairement à l'annulation de cet arrêt.
Ils
se plaignent d'une atteinte à leur droit de propriété
garanti
par la Constitution fédérale, à cause des limitations des
émissions de bruit qu'impliquerait, dans le voisinage, la
présence d'un établissement médico-social situé dans une
zone
dont le degré de sensibilité n'est pas celui de la zone in-
dustrielle; ils critiquent du reste le degré de sensibilité
attribué au périmètre du plan d'affectation cantonal (degré
III). Selon les recourants, ce plan serait contraire aux
principes de l'aménagement du territoire consacrés en parti-
culier par le plan directeur cantonal.

Le Département des infrastructures (autorité ayant
approuvé le plan litigieux) et le Département des institu-
tions et relations extérieures (première autorité cantonale
de recours et promoteur du projet, par son service péniten-
tiaire) ont répondu ensemble au recours; ils concluent à son
rejet.

Le Tribunal administratif conclut également au rejet
du recours.

La commune de Payerne a renoncé à répondre au re-
cours.

L'Office fédéral de l'environnement, des forêts et
du paysage (OFEFP) a été invité à se déterminer sur la ques-
tion des degrés de sensibilité au bruit. Au terme de ses
observations, il estime que le Tribunal administratif n'a
pas
violé le droit fédéral de la protection de l'environnement.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et libre-
ment la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF
126
I 207 consid. 1 p. 209 et les arrêts cités).

Les recourants n'indiquent pas par quelle voie ils
agissent devant le Tribunal fédéral. Ils se réfèrent, au su-
jet de la qualité pour recourir, à l'art. 103 OJ, applicable
à la procédure du recours de droit administratif (art. 97 ss
OJ). Dans leurs moyens, ils dénoncent une violation de leurs
droits constitutionnels - la garantie de la propriété (art.
26 Cst.) -, ce dont on se plaint en principe par la voie du
recours de droit public (art. 83 ss OJ; cf. art. 84 al. 1
let. a OJ).

Il convient dès lors d'examiner la recevabilité de
ces deux recours, en commençant par celle du recours de
droit
administratif, le recours de droit public étant subsidiaire
aux autres moyens de droit (art. 84 al. 2 OJ; ATF 126 II 377
consid. 1 p. 381).

2.- a) En vertu de l'art. 34 al. 3 de la loi fédé-
rale sur l'aménagement du territoire (LAT; RS 700), la voie
du recours de droit public est en principe seule ouverte,
devant le Tribunal fédéral, contre les décisions prises par
les autorités cantonales de dernière instance concernant des
plans d'affectation. La jurisprudence admet cependant qu'une
décision relative à l'adoption d'un plan d'affectation fasse
l'objet d'un recours de droit administratif, lorsque l'appli-
cation du droit fédéral de la protection de l'environnement,
ou d'autres prescriptions du droit public fédéral en matière
de protection des biotopes, des forêts, etc., est en jeu,
notamment quand le plan se rapporte à un projet concret (ATF

125 II 10 consid. 2a p. 13; 123 II 88 consid. 1a p. 91, 231
consid. 2 p. 233; 121 II 72 consid. 1b p. 75 et les arrêts
cités).

b) La décision attaquée est fondée, notamment, sur
les dispositions de l'ordonnance sur la protection contre le
bruit (OPB; RS 814.41) relatives aux degrés de sensibilité
(art. 43 et 44 OPB). L'art. 43 OPB définit les degrés de sen-
sibilité (I, II, III ou IV) en fonction des zones où ils
sont
applicables. Ces degrés doivent en règle générale être attri-
bués aux zones d'affectation dans les règlements ou les
plans
d'affectation (art. 44 al. 1 et 2 OPB).

En l'espèce, la contestation porte notamment sur
l'attribution du degré de sensibilité III au périmètre du
plan d'affectation cantonal, les recourants faisant valoir
qu'il est inadéquat compte tenu de la destination de la
zone,
définie en vertu des règles de l'aménagement du territoire.
L'application de l'art. 43 OPB est donc en jeu et, en tant
que cet élément spécifique du plan d'affectation cantonal
est
litigieux, la voie du recours de droit administratif est ou-
verte (cf. ATF 120 Ib 287 consid. 3c p. 294 ss). Les recou-
rants, propriétaires fonciers dans le voisinage de l'établis-
sement projeté, ont un intérêt digne de protection à l'annu-
lation ou à la modification de la décision attaquée; aussi
ont-ils qualité pour recourir au sens de l'art. 103 let. a
OJ
(ATF 126 II 300 consid. 1c p. 302; 124 II 293 consid. 3a p.
303; 121 II 171 consid. 2b p. 174 et les arrêts cités). Le
recours est donc recevable, dans cette mesure, comme recours
de droit administratif.

3.- Les recourants critiquent le degré de sensibi-
lité au bruit (degré III) attribué au périmètre du plan d'af-
fectation cantonal. Ils font valoir d'une part que le degré
II aurait été plus conforme à la destination de cette zone,
où les activités artisanales ont un but thérapeutique. D'au-

tre part, ils invoquent les inconvénients liés à ce change-
ment d'affectation, pour les propriétaires des terrains in-
dustriels voisins, le périmètre litigieux étant auparavant
en
zone industrielle, moins sensible au bruit; ils prétendent
ainsi, implicitement, que le maintien du degré de
sensibilité
IV leur serait plus favorable.

a) L'art. 43 al. 1 OPB énumère les degrés de sensi-
bilité à appliquer dans les diverses zones d'affectation.
L'autorité compétente, dans la procédure permettant l'attri-
bution de ces degrés, doit examiner si la zone concernée,
telle qu'elle est définie dans les instruments d'aménagement
du territoire, est une zone qui requiert une protection ac-
crue contre le bruit (art. 43 al. 1 let. a OPB), une zone où
aucune entreprise gênante n'est autorisée (art. 43 al. 1
let.
b OPB), une zone où sont admises des entreprises moyennement
gênantes (art. 43 al. 1 let. c OPB), ou encore une zone où
sont admises des entreprises fortement gênantes (art. 43 al.
1 let. d OPB); suivant les cas, les degrés I, II, III ou IV
devront respectivement être appliqués. Le pouvoir d'appré-
ciation de l'autorité est assez limité à ce propos, vu les
définitions de l'art. 43 al. 1 OPB (ATF 120 Ib 287 consid.
2c/bb p. 295).

b) Le Tribunal administratif s'est fondé en l'espè-
ce sur la définition de l'affectation de la zone énoncée à
l'art. 3 RPAC (constructions d'utilité publique destinées à
de l'hébergement à caractère social en milieu fermé ainsi
que
d'autres activités et installations publiques compatibles)
et
sur la nature de la construction projetée à cet endroit (éta-
blissement de type carcéral disposant de différents ateliers
de travail). Il a jugé qu'il s'agissait bel et bien d'une zo-
ne où sont admises des entreprises moyennement gênantes au
sens de l'art. 43 al. 1 let. c OPB, disposition qui
mentionne
du reste à titre d'exemple les "zones d'habitation et artisa-

nales (zones mixtes)". Il en découle que le degré de sensibi-
lité III doit y être attribué.

La mixité entre logement et activités artisanales
(ateliers) a ainsi été considérée comme l'élément
déterminant
de ce point de vue, justifiant le degré III, ce que l'OFEFP
admet dans ses observations sur le recours. La mention des
"zones réservées à des constructions et installations publi-
ques" à l'art. 43 al. 1 let. b OPB, parmi les "zones où au-
cune entreprise gênante n'est autorisée" (degré II),
n'exclut
pas d'assimiler dans certains cas une zone d'utilité
publique
(cf. art. 3 RPAC) à une zone mixte au sens de l'art. 43 al.
1
let. c OPB; la zone litigieuse n'est du reste pas destinée à
des constructions ou installations publiques usuelles (éco-
les, installations sportives, bâtiments administratifs).
Aussi le Tribunal administratif n'a-t-il pas abusé de son
pouvoir d'appréciation dans l'application de l'art. 43 OPB.
Les recourants n'étaient donc pas fondés à demander l'attri-
bution du degré II ou du degré IV (la cohérence de l'alterna-
tive proposée n'ayant pas à être examinée).

Le recours de droit administratif doit en consé-
quence être rejeté.

4.- Les recourants invoquent par ailleurs la garan-
tie de la propriété (art. 26 Cst.) en se plaignant des res-
trictions découlant, pour l'utilisation de leurs
biens-fonds,
du changement d'affectation dans le périmètre du plan canto-
nal.

a) Les recourants exposent que le passage du régime
de la zone industrielle communale, où s'applique le degré de
sensibilité IV (art. 43 al. 1 let. d OPB), à celui d'une
zone
d'utilité publique mixte, où s'applique le degré III, entraî-
ne pour les voisins l'obligation de limiter plus sévèrement
les émissions de bruit de leurs installations, afin que les

valeurs limites d'exposition ne soient pas dépassées dans le
futur établissement médico-social. Ces restrictions seraient
une conséquence d'une mauvaise application des règles de
l'aménagement du territoire, car le plan d'affectation can-
tonal violerait les principes du plan directeur cantonal.

Par cette argumentation, les recourants ne se plai-
gnent plus d'une violation des règles fédérales sur la pro-
tection contre
le bruit, mais d'une violation du droit de
l'aménagement du territoire, ayant pour effet de restreindre
les possibilités d'utilisation de leurs propres immeubles.
C'est par la voie du recours de droit public que ce moyen
doit être présenté, conformément à l'art. 34 al. 3 LAT (cf.
supra, consid. 2a).

b) Aux termes de l'art. 88 OJ, ont qualité pour
recourir les particuliers ou les collectivités lésés par des
arrêtés ou décisions qui les concernent personnellement ou
qui sont de portée générale. Contre une décision relative à
l'adoption d'un plan d'affectation, le recours de droit pu-
blic n'est ainsi ouvert, selon la jurisprudence, qu'à celui
qui est atteint par l'acte attaqué dans ses intérêts person-
nels et juridiquement protégés; le recours formé pour sauve-
garder l'intérêt général, ou visant à préserver de simples
intérêts de fait, est en revanche irrecevable (ATF 126 I 43
consid. 1a p. 44, 81 consid. 3b p. 85; 125 II 440 consid. 1c
et les arrêts cités).

La décision attaquée, en confirmant la décision
d'approbation du plan d'affectation cantonal, ne modifie pas
le mode d'utilisation, défini conformément à l'art. 14 al. 1
LAT par le plan général d'affectation de la commune, des
biens-fonds des recourants, qui demeurent classés dans la
zone industrielle. Cette décision n'a pas non plus pour
effet
de modifier les règles d'aménagement et de police des
constructions sur les terrains directement voisins de ceux

des recourants, qui restent eux aussi classés dans la zone
industrielle. Les recourants ne prétendent donc pas que le
nouveau plan modifierait ou supprimerait une règle du plan
antérieur qui était destinée, en tout cas accessoirement, à
la protection des intérêts des voisins, telle qu'une norme
sur le volume admissible des constructions, sur le coeffi-
cient d'utilisation du sol, voire sur la distance entre les
constructions et la limite de la propriété (cf. ATF 119 Ia
362 consid. 1b p. 364; 118 Ia 112 consid. 1b p. 115, 232
consid. 1a-b p. 234 s. et les arrêts cités; voir aussi l'ar-
rêt du 12 décembre 2000, commune de Wollerau, destiné à la
publication, consid. 2d).

Cela étant, il est vrai que dans l'hypothèse d'une
nouvelle construction industrielle sur une des parcelles des
recourants, ou en cas de transformation d'un bâtiment exis-
tant sur ces parcelles, le droit fédéral - qui prescrit le
respect de valeurs limites en pareil cas (cf. art. 25 LPE,
art. 7 et 8 OPB, notamment) - ne pose pas les mêmes
exigences
suivant que les bâtiments du voisinage comportant des locaux
à usage sensible au bruit sont classés dans une zone de
degré
de sensibilité III ou IV. Les valeurs limites d'exposition
au
bruit de l'industrie, des arts et métiers (annexe 6 de
l'OPB)
sont en effet inférieures de 5 dB(A) lorsque le degré III
est
applicable, par rapport à ce qui est prévu pour le degré IV.
Le changement d'affectation d'un terrain, avec comme corol-
laire le passage du degré IV au degré III, peut donc entraî-
ner l'obligation pour les propriétaires voisins - à tout le
moins ceux qui se trouvent à environ 150 m du périmètre du
plan d'affectation litigieux, comme les actuels recourants,
et que la réglementation communale autorise à construire des
installations bruyantes - de limiter plus sévèrement les
émissions de bruit de leurs installations actuelles ou futu-
res. Cela a donc, dans cette mesure, un effet direct sur le
mode d'utilisation de leurs immeubles. On peut ainsi
admettre
que les recourants, en leur qualité de propriétaires
fonciers

voisins en zone industrielle, se prévalent d'une atteinte à
leurs intérêts juridiquement protégés (cf. ATF 125 II 440
consid. 1c p. 443; 119 Ia 362 consid. 1b p. 365). Ils rem-
plissent donc les conditions de l'art. 88 OJ.

c) Selon l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte de re-
cours doit contenir un exposé des faits essentiels et un ex-
posé succinct des droits constitutionnels ou des principes
juridiques violés, précisant en quoi consiste la violation.
Il résulte de cette obligation de motiver que le Tribunal fé-
déral n'examine que les griefs soulevés de manière claire et
explicite. Le recourant ne saurait se contenter de critiquer
la décision attaquée de manière appellatoire, en reprenant
les arguments développés en dernière instance cantonale; il
doit au contraire exposer en quoi leur rejet par l'autorité
cantonale violerait le droit constitutionnel (ATF 125 I 71
consid. 1c p. 76, 492 consid. 1b p. 495; 117 Ia 412 consid.
1c p. 414 et les arrêts cités).

En l'espèce, il n'est pas certain que l'acte des
recourants satisfasse à ces exigences. Cette question peut
toutefois demeurer indécise, vu le sort de leurs
conclusions.
Il y a donc lieu, dans cette mesure, d'entrer en matière.

5.- Les recourants prétendent que l'adoption du
plan d'affectation cantonal irait à l'encontre des principes
de l'art. 3 LAT régissant l'aménagement du territoire ainsi
que des principes et objectifs du plan directeur cantonal.

a) En invoquant la garantie de la propriété, les
recourants ne mettent pas en cause l'intérêt public du
projet
d'établissement médico-social ni de la mesure de planifica-
tion censée permettre sa réalisation. Ils n'expliquent pas
davantage en quoi, concrètement, les restrictions à l'utili-
sation de leurs biens-fonds seraient disproportionnées. Ils
se bornent à critiquer le choix du site, qui violerait des

principes de la loi ou du plan directeur, lequel a force
obligatoire pour les autorités (cf. art. 9 al. 1 LAT).

Les restrictions qui découlent pour eux du change-
ment d'affectation litigieux ne sont, à l'évidence, pas gra-
ves. Même avant le plan d'affectation cantonal, les recou-
rants devaient respecter les normes du droit fédéral sur la
limitation des émissions de bruit (art. 11 ss LPE), une zone
industrielle, comprenant des locaux d'exploitation, n'étant
pas soustraite à leur champ d'application. Le changement de
degré de sensibilité (passage du degré IV au degré III) ne
modifie pas fondamentalement les exigences, d'autant plus
qu'une certaine distance (150 m) sépare les terrains concer-
nés. En outre, comme le Tribunal administratif l'a relevé,
le
fait qu'une installation ne provoque aucun dépassement des
valeurs limites d'exposition dans le voisinage n'empêche pas
l'autorité d'ordonner des mesures de limitation préventive
des émissions aux conditions de l'art. 11 al. 2 LPE (cf. ATF
124 II 517 consid. 4b p. 521). Dans ces conditions, en l'ab-
sence d'atteinte grave au droit de propriété, le Tribunal
fédéral n'examine que sous l'angle de l'arbitraire les
règles
et principes d'aménagement du territoire dont les recourants
se prévalent (ATF 119 Ia 88 consid. 5c/bb p. 96, 141 consid.
3b/dd p. 147 et les arrêts cités; cf. aussi ATF 124 I 6
consid. 4b/aa p. 8; 121 I 117 consid. 3a/bb p. 120; 119 Ia
362 consid. 3a p. 366). Il n'annulera donc la décision atta-
quée que si elle méconnaît gravement une norme ou un
principe
juridique clair et indiscuté ou si elle heurte de manière
choquante le sentiment de la justice ou de l'équité. En d'au-
tres termes, le Tribunal fédéral ne s'écarte de la solution
retenue en dernière instance cantonale que si elle est insou-
tenable, en contradiction manifeste avec la situation effec-
tive, si elle a été adoptée sans motif objectif ou en viola-
tion d'un droit certain. Il ne suffit pas que la motivation
de la décision soit insoutenable; encore faut-il qu'elle
soit
arbitraire dans son résultat (ATF 125 I 166 consid. 2a p.

168; 125 II 10 consid. 3a p. 15, 129 consid. 5b p. 134; 124
V
137 consid. 2b p. 139; 124 IV 86 consid. 2a p. 88 et les ar-
rêts cités).

b) Le Tribunal administratif a examiné le plan
d'affectation cantonal à la lumière des buts et principes
généraux de l'aménagement du territoire, tels qu'ils sont
consacrés notamment à l'art. 1er LAT (assurer une
utilisation
mesurée du sol et une occupation du territoire propre à ga-
rantir un développement harmonieux de l'ensemble du pays) ou
aux art. 2 al. 2 et 73 Cst. (développement durable). Il a
rappelé la fonction du plan directeur cantonal (art. 6 ss
LAT) pour la mise en oeuvre de ces principes. Il a ensuite
mentionné certains éléments du contenu du plan directeur du
canton de Vaud: les principes fondamentaux de la régionali-
sation et de la décentralisation concentrée; les objectifs
pour la ville de Payerne (centre régional pour lequel des
efforts particuliers doivent être fournis en vue de le main-
tenir à son niveau et de le renforcer); les objectifs pour
l'implantation des constructions et installations publiques
(favoriser une décentralisation judicieuse dans les centres
du réseau urbain, répartir les emplois nouveaux entre les ré-
gions, etc.). Il a considéré que le projet litigieux respec-
tait ces différents principes ou objectifs, et donc que le
choix du site était non seulement adéquat mais conforme au
plan directeur cantonal.

Les recourants critiquent cette appréciation, en
soutenant en substance qu'aucune étude n'apporte la preuve
de
la conformité du projet au plan directeur cantonal, qu'un
établissement carcéral ne serait pas un apport positif au
développement de la région, que le site choisi, vu l'environ-
nement industriel, ne serait pas propice aux personnes pla-
cées et qu'il serait trop éloigné des autres établissements
pénitentiaires du canton, que la zone industrielle perdrait
de son homogénéité et, en définitive, que la mesure de plani-

fication ne répondrait à aucune logique. Ces arguments ne
conduisent manifestement pas à considérer que le Tribunal
administratif aurait interprété de manière arbitraire le
contenu du plan directeur cantonal; la justification du plan
d'affectation litigieux dans la décision attaquée, reposant
sur ces principes généraux qui confèrent un large pouvoir
d'appréciation aux autorités chargées de les appliquer, ap-
paraît au contraire défendable.

Le grief de violation du droit constitutionnel est
en conséquence mal fondé et le recours de droit public doit
être rejeté.

6.- Les recourants, qui succombent, doivent payer
l'émolument judiciaire conformément aux art. 153, 153a et
156
al. 1 OJ. L'Etat de Vaud n'a pas droit à des dépens (art.
159
al. 1 et 2 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours de droit administratif;

2. Rejette le recours de droit public, dans la me-
sure où il est recevable;

3. Met un émolument judiciaire de 3'000 fr. à la
charge des recourants;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des recourants et des départements cantonaux intimés,
à la municipalité de la commune de Payerne (autorité intéres-
sée), au Tribunal administratif du canton de Vaud et à l'Of-
fice fédéral de l'environnement, des forêts et du paysage.

Lausanne, le 16 janvier 2001
JIA/col

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1A.277/2000
Date de la décision : 16/01/2001
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-01-16;1a.277.2000 ?
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