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15/01/2001 | SUISSE | N°B.52/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 15 janvier 2001, B.52/00


«AZA 7»
B 52/00 Mh

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
Frésard, Greffier

Arrêt du 15 janvier 2001

dans la cause

F.________, recourante, représentée par Maître Jean-Claude
Morisod, avocat, rue du Progrès 1, Fribourg,

contre

Caisse de pensions et de secours des CFF, Schwarztor-
strasse 55, Berne, intimée,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- F.________ et B.________ se sont mariés le 30 août
1956.

Leur divorce a été prononcé le 15 décembre 1980 par
le Tribunal civil du district de X.________. Ratifiant la
convention sur les effe...

«AZA 7»
B 52/00 Mh

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
Frésard, Greffier

Arrêt du 15 janvier 2001

dans la cause

F.________, recourante, représentée par Maître Jean-Claude
Morisod, avocat, rue du Progrès 1, Fribourg,

contre

Caisse de pensions et de secours des CFF, Schwarztor-
strasse 55, Berne, intimée,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- F.________ et B.________ se sont mariés le 30 août
1956. Leur divorce a été prononcé le 15 décembre 1980 par
le Tribunal civil du district de X.________. Ratifiant la
convention sur les effets accessoires du divorce conclue
entre les parties, le tribunal a pris acte de l'engagement
de B.________ de verser à son ex-épouse une pension indexée
de 500 fr. par mois.

B.________ est entré au service des Chemins de fer
fédéraux suisses (CFF) le 28 octobre 1946. Il a été affilié
à la Caisse de pensions et de secours des Chemins de fer
fédéraux suisses (ci-après : la CPS) à partir du 1er no-
vembre 1947. Dès le 1er octobre 1977, il a été mis au
bénéfice d'une pension d'invalidité de la CPS, après
31 années de service.
B.________ est décédé le 7 octobre 1996.
Par lettre du 10 novembre 1996, F.________ a demandé à
la CPS de lui verser une rente de veuve. La CPS a refusé,
au motif que le défunt n'avait jamais été soumis à la
prévoyance professionnelle obligatoire selon la LPP.

B.- Par écriture du 23 novembre 1998, F.________ a
assigné la CPS en paiement d'une rente de veuve. La défen-
deresse a conclu au rejet de la demande
Statuant le 9 mars 2000, le Tribunal des assurances du
canton de Vaud a rejeté la demande.

C.- F.________ interjette un recours de droit admi-
nistratif dans lequel elle conclut, sous suite de dépens, à
l'annulation de ce jugement et à la reconnaissance de son
droit à une rente de veuve à partir du 1er novembre 1996.
La CPS conclut au rejet du recours. Quant à l'Office
fédéral des assurances sociales, il propose de l'admettre
et de renvoyer la cause à l'autorité cantonale pour qu'il
fixe le montant de la rente due à la recourante.
Au terme d'un échange ultérieur d'écritures, les par-
ties ont maintenu leurs conclusions.

Considérant en droit :

1.- L'allocation de prestations en vertu de la LPP
suppose, par principe, la constitution d'un avoir de
vieillesse qui ne peut avoir été accumulé qu'à partir du
1er janvier 1985, date de l'entrée en vigueur de la LPP
(ATF 117 V 333 consid. 5b). Dans le cas particulier, l'ex-
mari de la recourante, qui a été mis au bénéfice d'une
pension d'invalidité en 1977, n'a jamais été assujetti à la
LPP et n'a pu, de ce fait, se voir créditer des bonifica-
tions de vieillesse au sens de l'art. 16 LPP.
Le fait que l'assuré avait 59 ans au moment de l'en-
trée en vigueur de la LPP ne permet pas de conclure, con-
trairement à ce que soutient la recourante, qu'il a été
- ou devait être - soumis à cette loi jusqu'au moment où il
a atteint l'âge de 65 ans (cf. art. 10 al. 2 LPP en corré-
lation avec l'art. 13 al. 1 let. a LPP). Certes, l'art. 14
al. 1 OPP 2 prévoit que, dans la perspective d'une réinser-
tion possible dans la vie active, l'institution de prévo-
yance doit continuer de tenir, jusqu'à l'âge-terme de la
vieillesse, le compte de vieillesse de l'invalide auquel
elle verse une rente. Mais cette disposition réglementaire
est uniquement applicable à la prévoyance professionnelle
obligatoire selon la LPP. Elle ne peut donc viser que les
personnes invalides au bénéfice d'une rente d'invalidité
selon les art. 23 ss LPP, mais non les affiliés au bénéfice
d'une rente ayant pris naissance sous le régime de la pré-
voyance pré-obligatoire.
Par conséquent, la recourante ne peut déduire une
quelconque prétention de la LPP (art. 18 ss LPP) et de ses
dispositions d'exécution (art. 20 OPP 2 en corrélation avec
l'art. 19 al. 3 LPP).

2.- La CPS est une institution de prévoyance prati-
quant la prévoyance obligatoire et plus étendue (institu-
tion dite «enveloppante» : ATF 117 V 45 consid. 3b). Il y a

donc lieu d'examiner si la recourante peut prétendre une
rente de veuve en vertu des dispositions statutaires de
l'intimée.

a) Les statuts de la CPS ont fait l'objet de versions
successives, la dernière en date ayant été adoptée par le
conseil d'administration des CFF le 18 août 1994 et ap-
prouvée par l'Assemblée fédérale le 15 décembre 1994
(RS 172.222.2).
Selon l'art. 1er al. 2 de ces statuts (qui sont en
l'occurrence applicables sous l'angle du droit inter-
temporel : ATF 121 V 100 consid. 1a), sont des assurés les
affiliés de sexe masculin ou féminin de la CPS, ainsi que
les anciens affiliés au bénéfice de pensions allouées par
cette caisse.
D'autre part, l'art. 34 des statuts a la teneur sui-
vante :

¹Lorsque l'assuré décède, le conjoint survivant a droit à
une pension dite de viduité :

a. lorsqu'il doit subvenir à l'entretien d'un ou de plu-
sieurs enfants; ou

b. lorsque le mariage avec le défunt a duré au moins
deux ans, ou

c. lorsqu'il touche une rente complète de l'AI ou ac-
quiert le droit à une telle rente dans les deux ans
qui suivent le décès du conjoint.

Conformément à l'art. 34 al. 5 des statuts, le con-
joint divorcé est assimilé au conjoint veuf si le mariage a
duré au moins dix ans et si, en vertu du jugement de divor-
ce, il a touché une pension ou une indemnité en capital en
lieu et place d'une rente viagère.
L'art. 35 al. 2 des statuts prévoit que la pension de
viduité au sens de l'art. 34 al. 5 équivaut à la prestation
de survivants allouée à la veuve aux termes de la LPP. La
prestation de la CPS est toutefois réduite du montant qui,
compte tenu des prestations des autres assurances, en par-

ticulier de l'AVS et de l'AI, excède celui qui a été conve-
nu en vertu du jugement de divorce.
Les statuts de la Caisse fédérale de pension
(RS 172.222.1) contiennent une réglementation en tous
points identique.

b) Selon les premiers juges, la recourante n'a pas
droit à une rente de veuve en application des dispositions
statutaires précitées. En effet, l'art. 35 al. 2 des sta-
tuts contient un renvoi explicite aux dispositions de la
LPP. Or, l'assuré décédé n'a jamais été soumis à la LPP.
Comme le Tribunal fédéral des assurances l'a jugé à
propos de la réglementation identique de la Caisse fédérale
de pension, en se fondant sur une interprétation littérale
(cf. ATF 123 V 301 consid. 6a et les références) des dispo-
sitions en cause, un tel raisonnement méconnaît le fait que
celles-ci établissent une nette distinction entre les con-
ditions du droit à la rente et la fixation du montant de
cette prestation (arrêt du 22 mai 2000, SVR 2000 BVG no 11
p. 56 consid. 2). Comme l'indique son titre marginal
(«Pension de viduité/droit à la prestation»; «Ehegatten-
rente/ Leistungsanspruch»; «Pensione vedovile/diritto alla
prestazione»), l'art. 34 des statuts règle le droit à la
rente en tant que tel. En revanche, l'art. 35 al. 2, sous
le titre marginal «Montant de la pension de viduité» («Höhe
der Ehegattenrente» et «Ammontare della pensione vedovile»)
fixe les modalités du calcul de la prestation, par un
renvoi au taux de rente prévu par la LPP. Cette interpré-
tation littérale est confortée par le texte de l'art. 35
al. 2, première phrase, des statuts, selon lequel la pen-
sion de viduité au sens de l'art. 34 al. 5 «équivaut»
(«entspricht»; «equivale») à la prestation de survivants
allouée à la veuve aux termes de la LPP. C'est dire que le
droit à la rente de survivants revenant à la personne di-
vorcée selon les statuts est indépendant du droit à une
prestation du même type selon la LPP. D'ailleurs, on note à
ce propos que la solution retenue dans les statuts n'est

pas identique à celle adoptée par le législateur en matière
de prévoyance professionnelle obligatoire : en ce domaine,
seule la femme divorcée peut prétendre une rente de sur-
vivants (art. 19 al. 3 LPP et art. 20 OPP 2), tandis que
les statuts visent, de manière plus générale, le droit du
conjoint divorcé.
Il en résulte qu'au décès d'un bénéficiaire d'une
rente d'invalidité, la veuve divorcée, qui remplit les
conditions statutaires requises, a droit à une rente cor-
respondant à 60 pour cent (art. 21 al. 2 LPP) du montant de
la rente perçue en dernier lieu par le bénéficiaire. Demeu-
re réservée une réduction en vertu de l'art. 35 al. 2,
deuxième phrase, des statuts (dont la teneur correspond à
celle de l'art. 20 al. 2 OPP 2) en cas de concours avec des
prestations d'autres assurances.

c) L'intimée soutient, dans sa duplique, que les rè-
gles d'interprétation applicables aux règlements des insti-
tutions de prévoyance de droit public et qui sont les mêmes
que celles habituellement applicables à l'interprétation de
la loi (cf. RSAS 1998 p. 464 consid. 3) ne sont pas vala-
bles dans le cas de la CPS. A cet égard, l'intimée fait
valoir que la CPS est une fondation de droit privé, à la
différence de la Caisse fédérale de pensions, qui est une
institution de droit public. Selon elle, on ne saurait donc
transposer au cas d'espèce la solution retenue dans l'arrêt
M. susmentionné.
C'est oublier toutefois que les statuts de la CPS
- qui sont édictés en vertu de l'art. 48 de la loi sur le
statut des fonctionnaires (StF) - doivent faire l'objet
d'une approbation par l'Assemblée fédérale (cf. ATF
109 Ib 85 consid. 3). Ils sont en outre publiés au Recueil
officiel des lois fédérales (voir RO 1995 561), conformé-
ment à l'art. 1er de la loi fédérale du 21 mars 1986 sur
les recueils de lois et la Feuille fédérale (Loi sur les
publications officielles; RS 170.512). On doit donc admet-

tre qu'ils font partie du droit public de la Confédération,
au même titre que les statuts de la Caisse fédérale de pen-
sions.
Au demeurant, même si l'on interprétait les dis-
positions en cause selon les règles d'interprétation des
contrats (cf. par exemple RSAS 1999 p. 377 consid. 3b),
notamment à la lumière du principe de la confiance, on
n'aboutirait pas à une autre solution : le sens qu'un assu-
ré doit attribuer de bonne foi à ces dispositions, en fonc-
tion de l'ensemble des circonstances (cf. ATF 126 III 379
consid. 2e/aa et les références citées), ne diffère pas, en
l'occurrence, de la signification qui doit leur être donnée
au moyen d'une interprétation littérale. L'intimée ne dé-
montre du reste pas en quoi il en irait autrement.

d) Enfin, contrairement à ce que soutient l'intimée,
on ne peut rien déduire du message relatif à l'ordonnance
concernant la Caisse fédérale d'assurance et aux statuts de
la Caisse de pensions et de secours des CFF du 2 mars 1987.
Dans ce message, il est dit, à propos de l'art. 24 al. 2
des statuts (qui correspond à l'actuel art. 35 al. 2 des
statuts), que «l'époux divorcé ne bénéficiera toutefois que
de la rente de viduité selon la LPP» (FF 1987 II 535). Mais
cette phrase du message se rapporte à une disposition qui
concerne le calcul de la rente et non le droit à la presta-
tion.

3.- Par conséquent, la circonstance que l'assuré décé-
dé n'a pas été assujetti à la LPP ne saurait, à elle seule,
justifier le refus d'une rente de veuve en faveur de la
recourante. Ce droit doit au contraire lui être reconnu,
quant à son principe, si les conditions prévues par les
statuts sont remplies. C'est le cas en l'espèce. Tout
d'abord, le défunt était un assuré de la CPS au sens de
l'art. 1er des statuts, puisqu'il bénéficiait d'une pension
d'invalidité. En outre, la recourante a été mariée pendant

24 années avec l'assuré. Enfin, à teneur du jugement de
divorce du 15 décembre 1980, son ex-mari a été condamné à
lui verser une pension alimentaire.
Dans la mesure où le litige porte en l'espèce sur le
droit comme tel à la rente, il n'y a pas lieu de renvoyer
la cause à la juridiction cantonale. Il appartiendra bien
plutôt à la CPS de déterminer si et dans quelle mesure ce
droit, qui est reconnu ici quant à son principe, peut
donner lieu au paiement des prestations statutaires, dans
les limites du montant dû en vertu du jugement de divorce
et compte tenu d'éventuelles prestations d'autres assu-
rances (art. 35 al. 2 des statuts).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis et le jugement du Tribunal des
assurances du canton de Vaud du 9 mars 2000 est annu-
lé. La recourante a en principe droit à une rente de
veuve conformément aux considérants.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. La Caisse de pensions et de secours des Chemins de fer
fédéraux suisses versera à la recourante une indemnité
de dépens de 2500 fr. (y compris la taxe à la valeur
ajoutée) pour la procédure fédérale.

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal des assurances du canton de Vaud et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 15 janvier 2001

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : B.52/00
Date de la décision : 15/01/2001
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-01-15;b.52.00 ?
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