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12/01/2001 | SUISSE | N°1P.524/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 12 janvier 2001, 1P.524/2000


«AZA 1/2»

1P.524/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

12 janvier 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Aeschlimann et Favre.
Greffier: M. Zimmermann.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

la Ville de Fribourg, représentée par son Conseil communal,

contre

l'arrêt rendu le 28 juin 2000 par le Tribunal administratif
du canton de Fribourg dans

la cause qui oppose la recourante
à Judith Camenzind, Jean-Ludovic Hartmann, Christoph
Camenzind et Lucie, Alexandr...

«AZA 1/2»

1P.524/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

12 janvier 2001

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Vice-président du Tribunal fédéral, Aeschlimann et Favre.
Greffier: M. Zimmermann.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

la Ville de Fribourg, représentée par son Conseil communal,

contre

l'arrêt rendu le 28 juin 2000 par le Tribunal administratif
du canton de Fribourg dans la cause qui oppose la recourante
à Judith Camenzind, Jean-Ludovic Hartmann, Christoph
Camenzind et Lucie, Alexandre et Anita Müller, tous à
Fribourg et représentés par Me Markus Jungo, avocat à
Fribourg, ainsi qu'au Préfet du district de la Sarine;

(autonomie communale; détermination de la qualité de partie
dans la procédure administrative cantonale)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Au mois de juillet de chaque année depuis 1989,
l'Association du Festival de Jazz International de Fribourg
organise le festival "Jazz Parade" (ci-après: le Festival).
Cette manifestation a lieu sur la Place Georges-Python, au
centre de la ville; elle attire un public nombreux, y
compris
le soir.

B.- Le 20 novembre 1998, le Conseil communal de la
Ville de Fribourg a tenu une conférence de presse pour
rendre
publiques les "dispositions" qu'il avait arrêtées le 16 no-
vembre précédent au sujet de l'utilisation de la Place
Georges-Python lors de manifestations en plein air,
notamment
pour les besoins du Festival. Ce document règle l'horaire et
le calendrier des manifestations. Il précise que le Festival
sera autorisé en 1999 pour dix jours consécutifs répartis
sur
deux fins de semaine et que l'"autorisation de principe" va-
lant jusqu'en 2002 serait retirée si les conditions et char-
ges fixées n'étaient pas respectées.

Le 5 janvier 1999, le Conseil communal a fait paraî-
tre dans la presse ses dispositions du 16 novembre 1998.

Christoph Camenzind a demandé au Conseil communal de
lui indiquer la nature juridique de sa décision du 16 novem-
bre 1998.

Lucie Muller, Alexandre Muller et Anita Muller (ci-
après: les consorts Muller), ainsi que Jean-Ludovic Hartmann
et Judith Camenzind ont demandé au Conseil communal de leur
notifier formellement, en tant que voisins, la décision re-
lative au Festival.

Le 4 mars 1999, le Conseil communal a écarté ces re-
quêtes.

Le 25 juin 1999, le Préfet du district de la Sarine
a rejeté, dans la mesure où ils étaient recevables, les re-
cours formés par les consorts Muller, Christoph Camenzind,
Judith Camenzind et Hartmann, contre la décision du 4 mars
1999. Il a considéré, en bref, que la commune n'était pas
tenue de notifier l'autorisation litigieuse aux recourants,
lesquels ne disposeraient pas, en outre, de la qualité pour
agir.

Par arrêt du 28 juin 2000, la IIIe Cour administra-
tive du Tribunal administratif du canton de Fribourg, compo-
sée des Juges Gabrielle Multone, Marianne Jungo et Michel
Wuilleret, a admis les recours formés par les consorts
Muller, Christoph Camenzind, Judith Camenzind et Hartmann
contre les décisions du 25 juin 1999, qu'elle a annulées. Le
Tribunal administratif a considéré, en bref, que même si les
voisins n'étaient pas les destinataires de la décision rela-
tive aux modalités d'organisation du Festival, ils seraient
néanmoins touchés plus que la généralité des citoyens, ce
qui
leur conférerait la qualité de partie et la qualité pour
agir
au sens des art. 11 et 76 let. a du Code fribourgeois de pro-
cédure et de juridiction administrative (sic), du 23 mai
1991
(CPJA). Il en irait de même au regard de l'art. 23 de la loi
fribourgeoise sur le domaine public.

C.- Agissant par la voie du recours de droit public,
la Commune de Fribourg demande au Tribunal fédéral d'annuler
l'arrêt du 28 juin 2000 et de renvoyer la cause au Tribunal
administratif pour nouvelle décision. Elle invoque l'autono-
mie communale, ainsi que les art. 8, 9 et 30 Cst.

Le Tribunal administratif conclut principalement à
l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet.

Le Préfet propose l'admission du recours, les inti-
més son rejet.

D.- Le 27 septembre 2000, le Président de la Ie Cour
de droit public a rejeté la demande d'effet suspensif présen-
tée par la recourante et suspendu la procédure jusqu'à droit
connu sur les demandes de révision formées auprès du
Tribunal
administratif.

Par arrêt du 23 octobre 2000, celui-ci a déclaré les
demandes de révision irrecevables.

La procédure a été reprise le 9 novembre 2000.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Une commune a qualité pour agir par la voie du
recours de droit public en invoquant une violation de son au-
tonomie lorsque la décision attaquée l'atteint en tant que
détentrice de la puissance publique. La question de savoir
si, dans un domaine juridique particulier, la commune jouit
effectivement de l'autonomie qu'elle invoque, ne se rapporte
pas à la recevabilité du recours, mais à son bien-fondé (ATF
124 I 223 consid. 1b p. 226; 119 Ia 214 consid. 1c p. 216/
217, 285 consid. 4a p. 294, et les arrêts cités). La commune
est aussi recevable à invoquer, à titre accessoire, la viola-
tion d'un autre droit constitutionnel, pour autant que ce
grief soit en relation étroite avec celui de la violation de
l'autonomie communale (ATF 116 Ia 221 consid. 1c p. 224; 114
Ia 168 consid. 2a p. 170; 112 Ia 268 consid. 1a p. 269, et
les arrêts cités).

2.- a) Une commune bénéficie de la protection de son
autonomie, assurée par la voie du recours de droit public,

dans les domaines que le droit cantonal ne règle pas de
façon
exhaustive, mais qu'il laisse en tout ou partie dans la sphè-
re communale, conférant par là aux autorités municipales une
liberté de décision appréciable (ATF 126 I 133 consid. 2 p.
136; 124 I 223 consid. 2b p. 226/227; 122 I 279 consid. 8b
p.
290, et les arrêts cités). L'existence et l'étendue de l'au-
tonomie communale dans une matière concrète sont déterminées
essentiellement par la constitution et la législation canto-
nales, voire exceptionnellement par le droit cantonal non
écrit et coutumier (ATF 122 I 279 consid. 8b p. 290; 116 Ia
285 consid. 3a p. 287; 115 Ia 42 consid. 3 p. 44; 114 Ia 80
consid. 2b p. 83, 168 consid. 2b p. 170).

b) La recourante se prévaut de l'autonomie que lui
accorde le droit cantonal en matière d'autorisations relati-
ves à des manifestations telles que le Festival. L'arrêt
attaqué porterait, selon la recourante, atteinte à cette au-
tonomie, car en reconnaissant aux intimés la qualité de par-
tie à la procédure d'autorisation, il obligerait la recou-
rante à publier et notifier les décisions y relatives, con-
trairement à ce que prévoit la réglementation communale.

Contrairement à ce que prétend la recourante, l'es-
sentiel n'est pas de déterminer si elle est effectivement
autonome en matière d'utilisation du domaine public pour le
besoin de manifestations culturelles. L'arrêt attaqué ne
tranche pas cette question; il porte uniquement sur le point
de savoir si les citoyens habitant aux alentours de la Place
Georges-Python ont qualité de parties à la procédure d'auto-
risation communale. Or, cette matière est régie
exclusivement
par le CPJA. En effet, celui-ci range les Conseils communaux
parmi les autorités administratives dont les décisions sont
soumises à cette loi (art. 1 et 2 let. b CPJA). L'autorisa-
tion d'organiser le Festival constitue une décision selon
l'art. 4 CPJA, et cette matière n'est pas soustraite au
champ
d'application du CPJA (cf. art. 5 et 6 CPJA). Celui-ci défi-

nit exhaustivement la qualité de partie (art. 11 CPJA) et la
qualité pour recourir (art. 76 CPJA). La recourante ne dit
pas que ces dispositions ne s'appliqueraient pas en
l'espèce.
En particulier, elle ne prétend pas que le règlement
communal
sur la base duquel l'autorisation litigieuse a été accordée
échapperait au domaine du CPJA. Elle ne soutient pas davan-
tage que le droit cantonal lui permettrait de déroger à
cette
loi.

La recourante n'est ainsi pas en mesure de se pré-
valoir d'une quelconque autonomie en sa faveur.

3.- a) La recourante reproche au Tribunal adminis-
tratif d'avoir admis arbitrairement la qualité de partie des
intimées, en violation des principes de la sécurité du
droit,
de la légalité, de la proportionnalité et de l'intérêt pu-
blic. En cela, la recourante se plaint de la violation de
ses
droits de partie à la procédure. Or, la jurisprudence recon-
naît à la collectivité publique la faculté de soulever ce
grief de déni de justice formel uniquement lorsqu'elle est
habilitée à agir pour la défense de son autonomie (ATF 121 I
218 consid. 4a p. 223; 120 Ia 95 consid. 2 p. 100, et les ar-
rêts cités) et en relation étroite avec celle-ci. Ces condi-
tions ne sont pas remplies en l'espèce (consid. 2 ci-dessus).

b) On pourrait se demander si la recourante ne de-
vrait pas se voir reconnaître le droit de soulever le grief
tiré de la garantie du juge impartial (art. 30 al. 1 Cst.).
Cette question souffre de rester indécise, car le moyen
serait de toute manière irrecevable pour un autre motif.

La recourante reproche au Juge Multone de ne pas
s'être récusée, alors qu'elle habiterait à proximité de la
Place Georges-Python, que son époux présiderait une associa-
tion qui était intervenue auprès de la commune pour se plain-
dre des nuisances causées par le Festival et qu'elle entre-

tiendrait des liens d'amitié avec Hartmann, son ancien
maître
d'étude. Il est constant que la recourante n'a pas demandé
la
récusation du Juge Multone dans la procédure cantonale. Or,
la recourante ne pouvait ignorer que le Juge Multone faisait
partie du Tribunal administratif et qu'elle pouvait, à ce ti-
tre, être appelée à connaître de la cause. Il incombait à la
recourante, conformément à la jurisprudence, de demander im-
médiatement la récusation du Juge Multone (cf. ATF 126 III
249 consid. 3c p. 253/254; 121 I 225 consid. 3 p. 229; 120
Ia
19 consid. 2c/aa p. 24; 118 Ia 282 consid. 3a p. 284, et les
arrêts cités). Or, elle ne l'a pas fait. Elle est forclose
sur ce point.

4.- Le recours doit ainsi être rejeté dans la mesure
où il est recevable. Il n'y a pas lieu de mettre les frais à
la charge de la recourante (art. 156 al. 2 OJ). Celle-ci ver-
sera aux intimés une indemnité à titre de dépens (art. 159
OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est rece-
vable.

2. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3. Met à la charge de la recourante, en faveur des
intimés Judith Camenzind, Christoph Camenzind, Jean-Ludovic
Hartmann et consorts Muller, une indemnité de 2000 fr. à
titre de dépens.

4. Dit qu'il n'est pas alloué de dépens pour le sur-
plus.

5. Communique le présent arrêt en copie aux parties,
au Préfet du district de la Sarine et au Tribunal administra-
tif du canton de Fribourg.

Lausanne, le 12 janvier 2001
ZIR/col

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.524/2000
Date de la décision : 12/01/2001
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-01-12;1p.524.2000 ?
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