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11/01/2001 | SUISSE | N°5C.179/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 11 janvier 2001, 5C.179/2000


«/2»
5C.179/2000

IIe C O U R C I V I L E
******************************

11 janvier 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme Nordmann, juges. Greffière: Mme Mairot.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

C.________, défendeur et recourant, représenté par Me Freddy
Rumo, avocat à La Chaux-de-Fonds,

et

X.________, demanderesse et intimée, représentée par Me
Nicolas Aubert, avocat au Locle;

(action en paternité)
> Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- X.________, née le 26 mars 1987 à La Chaux-de-
Fonds, ...

«/2»
5C.179/2000

IIe C O U R C I V I L E
******************************

11 janvier 2001

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme Nordmann, juges. Greffière: Mme Mairot.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

C.________, défendeur et recourant, représenté par Me Freddy
Rumo, avocat à La Chaux-de-Fonds,

et

X.________, demanderesse et intimée, représentée par Me
Nicolas Aubert, avocat au Locle;

(action en paternité)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- X.________, née le 26 mars 1987 à La Chaux-de-
Fonds, est la fille hors mariage de Y.________, elle-même
née
le 30 décembre 1955, originaire du Cerneux-Péquignot et domi-
ciliée aux Brenets.

Par demande du 22 août 1996, X.________, agissant
par sa curatrice, a ouvert action en paternité contre
C.________, né le 16 février 1964, de nationalité française
et domicilié à Pierrefontaine-les-Varans (France).

La demande a été transmise au procureur de la Répu-
blique à Besançon, avec une citation à une audience fixée le
12 novembre 1996 à Neuchâtel. Ces documents ont été reçus
par
C.________ le 6 septembre 1996. Celui-ci a écrit au Tribunal
cantonal du canton de Neuchâtel qu'il ne connaissait absolu-
ment pas Y.________; il ne s'est pas présenté à l'audience.

C.________ a été entendu par voie de commission
rogatoire le 25 mars 1997. Il a reconnu avoir travaillé aux
Brenets de juin à septembre 1986, mais il a persisté à dire
qu'il ne connaissait pas du tout la mère de la demanderesse,
et qu'il contestait pas conséquent être le père de celle-ci.
Il a en outre refusé de se soumettre à la prise de sang de-
mandée par le Tribunal cantonal neuchâtelois, au motif qu'il
était témoin de Jéhovah et que ses convictions religieuses
lui interdisaient tous prélèvements sanguins.

B.- Statuant le 9 mars 1999, la IIe Cour civile du
Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel a admis l'action
intentée par la demanderesse.

Le 12 avril 1999, C.________ a, par l'intermédiaire
de son avocat, demandé a être relevé des suites du défaut.

Cité une seconde fois à comparaître le 1er septembre
1999, il s'est excusé à la dernière minute auprès de son man-
dataire, ses "obligations professionnelles l'obligeant à un
long déplacement". Lors de dite audience, le juge
instructeur
a ordonné une analyse de l'ADN du défendeur par l'Institut
de
médecine légale de l'Université de Lausanne, sur un échantil-
lon de sang de l'intéressé ou, en cas de refus de celui-ci,
sur un "autre échantillon". Toutefois, il a été ultérieure-
ment renoncé à ce moyen de preuve, le défendeur n'ayant pas
procédé à l'avance des frais d'expertise malgré la prolonga-
tion de délai qui lui avait été accordée à cette fin.

Le 12 avril 2000, le juge instructeur a fixé aux
parties un délai de vingt jours pour se déterminer sur la
suite à donner à la procédure. Le défendeur ayant sollicité
un délai supplémentaire, une date péremptoire a été fixée au
31 mai 2000, mais le défendeur ne s'est pas manifesté. Le 8
juin 2000, le juge instructeur a dès lors ordonné la clôture
de la procédure probatoire.

Par jugement rendu le 20 juin 2000, la IIe Cour ci-
vile du Tribunal cantonal du canton de Neuchâtel a admis
l'action en paternité.

C.- a) C.________ demande au Tribunal fédéral de ré-
former ce jugement, en ce sens que la demande est rejetée.

b) Par arrêt de ce jour, la cour de céans a rejeté,
dans la mesure de sa recevabilité, le recours de droit
public
connexe formé par le recourant.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- L'action en paternité (art. 261 CC) est une con-
testation civile portant sur un droit de nature non pécuniai-
re, au sens de l'art. 44 OJ. Interjeté en temps utile - comp-
te tenu de la suspension des délais prévue par l'art. 34 al.
1 let. b OJ - contre une décision finale rendue par le tribu-
nal suprême du canton, le recours est aussi recevable au re-
gard des art. 48 al. 1 et 54 al. 1 OJ.

2.- a) Le recourant prétend que la demande lui a été
transmise de manière irrégulière. Il soutient que la Conven-
tion de la Haye du 15 novembre 1965 relative à la significa-
tion et à la notification à l'étranger des actes judiciaires
et extrajudiciaires en matière civile et commerciale (RS 0.
274.131; ci-après: la Convention) - entrée en vigueur pour
la
Suisse le 1er janvier 1995 et pour la France le 1er
septembre
1972 - a mis fin à la Déclaration franco-suisse du 1er fé-
vrier 1913 relative à la transmission des actes judiciaires
et extrajudiciaires et des commissions rogatoires en matière
civile et commerciale (RS 0.274.183.491; ci-après: la Décla-
ration), conformément à l'art. 59 de la Convention de Vienne
du 23 mai 1969 sur le droit des traités (RS 0.111). Dès
lors,
l'autorité cantonale aurait dû adresser la requête de notifi-
cation au Ministère français de la justice, selon la procédu-
re prescrite par la Convention, et non au procureur de la Ré-
publique.

b) Quelle que soit la valeur de cette argumentation,
le grief doit être rejeté. Selon la jurisprudence, une noti-
fication irrégulière n'est pas nulle si elle n'entraîne
aucun
préjudice. A cet égard, le principe de la bonne foi, qui
s'impose aux organes de l'Etat, comme aux particuliers, limi-
te l'invocation du vice de forme constaté (ATF 124 I 255 con-
sid. 1a/aa p. 258; 123 II 231 consid. 8b p. 238 et les réfé-

rences citées; 111 V 149 consid. 4c). Or il est constant en
l'espèce que tant la demande déposée par l'intimée que la ci-
tation à l'audience fixée le 12 novembre 1996 à Neuchâtel
ont
été communiquées en temps utile au recourant, qui a été en-
tendu sur ce point; il ne prétend du reste pas qu'il ait été
induit en erreur, ni qu'il ait subi un quelconque préjudice.
Il ne saurait dès lors se plaindre, de bonne foi, d'une
transmission irrégulière de la demande en paternité.

3.- a) Le recourant soutient que l'autorité cantona-
le a appliqué à tort le droit suisse au lieu du droit déter-
minant au moment de la naissance de l'enfant (art. 69 al. 1
LDIP), à savoir le droit français, la loi fédérale sur le
droit international privé (LDIP: RS 291) n'étant à ce moment-
là pas encore en vigueur. Par ailleurs, l'existence d'un "in-
térêt prépondérant" au sens de l'art. 69 al. 2 LDIP ne
serait
pas établie.

b) Selon l'art. 68 al. 1 LDIP, la constatation de la
filiation est régie par le droit de l'Etat de la résidence
habituelle de l'enfant, l'art. 69 al. 1 LDIP précisant que,
pour déterminer le droit applicable, on se fondera sur la da-
te de naissance. Cette dernière disposition a pour seul but
de fixer dans le temps les critères de rattachement de
l'art.
68 LDIP (ATF 118 II 468 consid. 4b p. 472/473 et les référen-
ces citées), car ceux-ci peuvent varier entre le moment de
la
naissance de l'enfant et celui de l'introduction de l'action
(Siehr, IPRG Kommentar, n. 12 ss ad art. 69 IPRG). Elle ne
tend en revanche pas à figer au moment de la naissance le
contenu de la loi ainsi désignée, lequel peut lui-même
varier
dans le temps (Patocchi/Geisinger, Code de droit internatio-
nal privé suisse annoté, n. 1 ad art. 69 LDIP). Le grief ap-
paraît ainsi mal fondé, sans qu'il soit nécessaire
d'examiner
la critique relative à l'art. 69 al. 2 LDIP.

4.- a) Le recourant se plaint d'une constatation in-
complète des faits pertinents et d'une violation de l'art. 8
CC. Il reproche à l'autorité cantonale de n'avoir pas pris
en
considération l'allégation selon laquelle il était stérile
au
moment où la demanderesse a été conçue, comme le
démontrerait
le certificat médical déposé au dossier.

b) L'art. 8 CC confère notamment à la partie chargée
du fardeau de la preuve la faculté de prouver ses
allégations
dans les contestations relevant du droit civil, pour autant
que les faits allégués soient juridiquement pertinents et
que
l'offre de preuve correspondante satisfasse, quant à sa
forme
et à son contenu, aux exigences du droit cantonal (ATF 114
II
289 consid. 2a). En revanche, dès le moment où le juge tire
des déductions en examinant les éléments réunis, la question
de l'application de l'art. 8 CC ne se pose plus; seul le
moyen tiré d'une appréciation arbitraire des preuves, à invo-
quer impérativement dans un recours de droit public, est
alors recevable (ATF 119 II 114 consid. 4c p. 117; 117 II
387
consid. 2e). Dès lors que le recourant dit lui-même que la
pièce qui attesterait de sa stérilité au moment de la concep-
tion de l'intimée figure au dossier, il ne saurait reprocher
à l'autorité cantonale de ne pas lui avoir laissé la possibi-
lité de prouver la réalité de ses allégués. Son grief relève
de l'appréciation des preuves et est, par conséquent, irrece-
vable dans le cadre de la présente procédure (ATF 126 III 10
consid. 2b p. 13; 125 III 78 consid. 3a; 122 III 26 consid.
4a/aa p. 32). Le recourant a d'ailleurs soulevé la même cri-
tique dans son recours de droit public, invoquant l'arbitrai-
re dans l'appréciation des preuves, ce qui n'a du reste pas
été retenu.

5.- a) Le recourant prétend en outre que la Cour ci-
vile a violé l'art. 262 CC, en considérant que la
présomption
de paternité prévue par cette disposition était démontrée.
Il
allègue que l'intimée n'a pas déposé d'expertise gynécologi-

que établissant le moment de la conception ni même prouvé
l'existence d'une relation intime entre lui et sa mère, les
seules déclarations de celle-ci n'étant à cet égard pas suf-
fisantes.

b) Ce faisant, le recourant s'en prend en réalité à
l'appréciation des preuves par l'autorité cantonale, ce qui
est inadmissible en instance de réforme (art. 55 al. 1 let.
c, 63 al. 2 OJ; ATF 126 III 10 consid. 2b p. 13; 125 III 78
consid. 3a; 122 III 61 consid. 2c/cc p. 66). Le grief est
donc irrecevable.

6.- a) Dans un dernier moyen, le recourant se plaint
d'une violation du principe de la maxime d'office,
sanctionné
par l'art. 254 CC. Il soutient en substance que sa paternité
ne saurait résulter du fait qu'il a refusé, dans un premier
temps, de se soumettre à l'expertise des sangs, puis que,
l'ayant admise, il n'a pas procédé à l'avance de frais.
Selon
lui, la vérité matérielle ne saurait s'accomoder de tels pro-
cédés ou de telles déductions.

b) Comme le relève pertinemment l'autorité cantona-
le, l'art. 254 ch. 2 CC prescrit que les parties et les
tiers
sont tenus de prêter leur concours aux expertises qui sont
nécessaires pour élucider la filiation et qui peuvent leur
être imposées sans danger pour leur santé. Or il est
constant
que le recourant a refusé de se soumettre à l'expertise des
sangs, sans motif valable. Contrairement à ce qu'il
soutient,
il ne résulte pas du jugement entrepris qu'il ait ultérieure-
ment accepté de s'y plier. Dès lors qu'il n'a pas avancé les
frais d'expertise, ni contesté que ceux-ci soient mis à sa
charge, il ne saurait prétendre, à ce stade, qu'une analyse
d'ADN aurait dû être effectuée sur un échantillon autre que
sanguin, ce type d'analyse ayant du reste été expressément
prévu par l'ordonnance d'expertise. Quand bien même la pro-
cédure est régie par la maxime d'office, cette analyse ne

pouvait de toute façon pas avoir lieu sans sa collaboration.
Le recourant ne peut dès lors s'en prendre qu'à lui-même si
aucune expertise n'a finalement pu être effectuée.

Examinant d'office les faits et appréciant librement
les preuves, en vertu de l'art. 254 ch. 1 CC, l'autorité can-
tonale devait prendre en considération le comportement du dé-
fendeur, ayant conduit à l'absence d'expertise. Il ne lui
était certes pas possible d'en déduire que la paternité de
celui-ci était établie, seule une expertise scientifique
étant propre à en rapporter la preuve. Toutefois, la Cour ci-
vile n'a pas violé le droit fédéral en admettant la demande.
En effet, le recourant n'a pas renversé la présomption de pa-
ternité, découlant du fait qu'il a cohabité avec la mère pen-
dant la période critique, en prouvant que sa paternité était
exclue - avec certitude ou avec une probabilité confinant à
la certitude (ATF 101 II 13 consid. 1 p. 14/15) - ou moins
vraisemblable que celle d'un tiers (art. 262 al. 3 CC).

7.- Dans la mesure où il est recevable, le recours
doit être rejeté, dès lors qu'il n'y a pas eu violation du
droit fédéral. Le recourant, qui succombe, supportera les
frais judiciaires (art. 156 al. 1 OJ). Il n'y a pas lieu
d'allouer des dépens, une réponse n'ayant pas été requise.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

1. Rejette le recours dans la mesure où il est rece-
vable et confirme le jugement entrepris.

2. Met à la charge du recourant un émolument judi-
ciaire de 2'000 fr.

3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la IIe Cour civile du Tribunal canto-
nal du canton de Neuchâtel.

__________

Lausanne, le 11 janvier 2001
MDO/frs

Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5C.179/2000
Date de la décision : 11/01/2001
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-01-11;5c.179.2000 ?
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