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09/01/2001 | SUISSE | N°4C.182/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 09 janvier 2001, 4C.182/2000


«/2»

4C.182/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

9 janvier 2001

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu,
M. Corboz, Mme Klett et Mme Rottenberg Liatowitsch, juges.
Greffière: Mme de Montmollin Hermann.

___________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________ S.A., défenderesse et recourante principale, re-
présentée par Me Jean-Pierre Jacquemoud, avocat à Genève,

et

1. A.________, demandeur et recourant par voie de
jonc

tion, représenté par Me Joël Chevallaz, avocat à
Genève,

2. la Caisse de chômage FTMH, La Côte, case postale 122, à
Nyo...

«/2»

4C.182/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

9 janvier 2001

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Leu,
M. Corboz, Mme Klett et Mme Rottenberg Liatowitsch, juges.
Greffière: Mme de Montmollin Hermann.

___________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________ S.A., défenderesse et recourante principale, re-
présentée par Me Jean-Pierre Jacquemoud, avocat à Genève,

et

1. A.________, demandeur et recourant par voie de
jonction, représenté par Me Joël Chevallaz, avocat à
Genève,

2. la Caisse de chômage FTMH, La Côte, case postale 122, à
Nyon, intervenante;

(contrat de travail; licenciement immédiat)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- X.________ S.A. a pour but notamment le commer-
ce et la fabrication d'articles d'horlogerie. Elle fait par-
tie du groupe de joaillerie D.________, du nom de son action-
naire principal B.________, qui comprend diverses S.A., dont
la manufacture des montres X.________ S.A. et Y.________ S.A.

Par contrat du 23 juin 1998, A.________, alors di-
recteur de la société Z.________ S.A., a été engagé par
X.________ S.A. en qualité de "directeur général, avec la
responsabilité de la gestion du personnel de toutes les so-
ciétés du groupe E.________". Le contrat, conclu pour une
durée indéterminée, devait prendre effet au 1er octobre
1998,
les trois premiers mois de service étant considérés comme
temps d'essai. Après cette période, chaque partie pourrait
résilier le contrat moyennant un préavis de six mois. Le sa-
laire mensuel brut était fixé à 20 000 fr. versé treize fois
l'an. Contrairement à ce qui était prévu dans le contrat,
A.________ a officiellement commencé son activité pour
X.________ S.A. le 16 septembre 1998. Il a en outre
travaillé
durant 21 jours, entre le 17 juillet et le 16 septembre
1998,
sans être rémunéré.

En juillet et août 1998, A.________ a participé à
diverses conférences et établi des rapports et courriers con-
cernant la structure de la société qui l'employait, préconi-
sant notamment l'engagement de 3 personnes. A fin août, il a
participé à deux conseils d'administration.

Dans un courrier du 14 novembre 1998, adressé à
B.________, A.________ a décrit la situation financière du
groupe comme catastrophique. Le 23 novembre, il a rendu un
"rapport stratégique sur l'avenir de la marque E.________"

proposant, notamment d'effectuer des investissements pour
quelque 21 millions de francs sur trois ans.

Lors d'une réunion, qui s'est tenue le 23 novembre
1998, il a été décidé que l'activité de A.________ se dérou-
lerait désormais depuis L.________, que son équipe s'en
irait
et qu'il ne conserverait que les collaborateurs indispensa-
bles pour l'assister dans ses tâches quotidiennes. Par cour-
rier du 25 novembre, le prénommé s'est déclaré très
satisfait
d'avoir des directions à suivre. Par une lettre du 27 novem-
bre, il devait cependant formuler quelques constatations ré-
servées quant à la stratégie définie le 23 novembre 1998 et
émettre quelques recommandations. Le 1er décembre 1998, il
acceptait des mandats d'administrateur de X.________ S.A. et
de la manufacture des montres E.________.

Le 16 décembre 1998, soit le dernier jour de sa pé-
riode d'essai, A.________ a signé un avenant à son contrat
de
travail du 23 juin 1998. Selon celui-ci, il s'engageait à
respecter la politique générale définie par B.________ le 23
novembre 1998, à savoir que son activité serait basée à
L.________, que son équipe serait restreinte au strict mini-
mum nécessaire pour l'assister dans sa gestion quotidienne à
L.________, que l'activité de la manufacture des montres
E.________ devait correspondre aux besoins du groupe dans
une
vocation horlogère pure, qu'il s'abstiendrait de faire de la
publicité en Europe et de dépasser le budget alloué.

Les 17 et 18 décembre 1998, diverses réunions ont
eu lieu. B.________ y a pris plusieurs décisions, réduisant
le pouvoir décisionnel de A.________. Il a aussi fixé un
voyage en Arabie Saoudite, obligeant son employé à écourter
des vacances prévues jusqu'au 10 janvier 1999. Par courrier
du 18 décembre 1998, A.________ a déclaré avoir parfaitement
compris la nouvelle stratégie qu'il convenait de mettre en
place. Dans ce même courrier, il a indiqué souhaiter prendre

immédiatement les quelques jours de vacances qui lui res-
taient sur l'année 1998, a précisé qu'il serait donc en va-
cances du 19 décembre 1998 au 10 janvier 1999 et qu'il re-
prendrait le travail à L.________ le lundi 11 janvier 1999.

B.- Par pli du 4 janvier 1999 adressé à B.________,
faisant suite à un téléphone qu'il avait eu avec ce dernier,
A.________ a résilié son contrat de travail pour le 31 juil-
let 1999 et renoncé à ses mandats d'administrateur. Dans un
courrier du même jour adressé à une collaboratrice, il a
prié
d'annuler le voyage en Arabie Saoudite prévu cette semaine-
là; il indiquait rester dans "l'expectative" dans la mesure
où, lors de leur conversation téléphonique du matin,
B.________ lui avait "raccroché au nez" en ayant déclaré ne
plus vouloir le voir et sans l'informer de la suite des opé-
rations. Il ajoutait qu'il repartait en congé tel qu'il
était
prévu initialement et qu'il reviendrait le 11 janvier 1999.

Dans une lettre datée également du 4 janvier 1999,
B.________ a fait part à A.________ de son mécontentement et
l'a informé de ce que son voyage prévu à Jeddah le 5 janvier
1999 était maintenu. Par retour de courrier du même jour, le
demandeur a expliqué les motifs de sa démission; il exposait
notamment que l'enchaînement des événements entre le 14 et
le
18 décembre 1998 l'avait amené à douter de la confiance que
B.________ avait en lui. Il a aussi émis des propositions de
modifications du voyage de Jeddah, soit quant à sa date,
soit
quant à la personne qui devait le faire.

Par courrier du 5 janvier 1999 adressé à
A.________, B.________ a constaté l'absence de ce dernier à
Jeddah.

Simultanément, le conseil de X.________ S.A. a in-
formé A.________ que sa démission constituait un abus de
droit manifeste et que, compte tenu de cette situation, la

société était fondée à considérer que les rapports de
travail
avaient pris fin à l'échéance du temps d'essai. A titre su-
perfétatoire, il a ajouté que le contrat de travail était
résilié avec effet immédiat, et a indiqué les motifs de
cette
résiliation.

Par lettre du 8 janvier 1998, le conseil du deman-
deur a pris acte du licenciement immédiat et en a contesté
les motifs.

C.- a) Le 11 mars 1999, A.________ a assigné
X.________ S.A. devant la juridiction des prud'hommes du
canton de Genève en paiement des sommes suivantes:

- 1530 fr. à titre de participation de l'employeur
aux frais de l'assurance maladie et d'allocations familiales,

- 19 752 fr.10 à titre de salaire correspondant à
21 jours de travail effectués avant le 16 septembre 1998;

- 142 380 fr. à titre de salaire pour les mois de
janvier à juillet 1999.

- 13 560 fr. à titre de treizième salaire;

- 18 165 fr.90 à titre d'indemnité pour les vacan-
ces non prises en 1998 et 1999;

- 3383 fr.30 à titre de remboursement de frais
professionnels;

- 122 040 fr. à titre d'indemnité correspondant à
six mois de salaire.

Le demandeur a en outre conclu à la constatation de
ce que la clause de prohibition de concurrence contenue dans
son contrat de travail n'était plus valable.

Par déclaration du 12 mars 1999, complétée par
courriers ultérieurs, la Caisse de chômage FTMH, office de
la
Côte, a déclaré intervenir dans la procédure pour se
subroger
dans les droits de son assuré à concurrence de 39 762 fr.85
nets, représentant les indemnités versées du 6 janvier au 31
juillet 1999.

La défenderesse a conclu au déboutement du deman-
deur et à sa condamnation à réparer le préjudice subi par la
société du chef du paiement des salaires des mois de janvier
et février 1999 aux trois membres de l'équipe du demandeur.
Cette prétention n'a pas été chiffrée.

Par jugement du 20 octobre 1999, le Tribunal des
prud'hommes a condamné la défenderesse à payer au demandeur:

- la somme brute de 22 437 fr.80, intérêts en sus;

- la somme brute de 172 175 fr.45, avec intérêts,
sous déduction de la somme nette de 39 762 fr.85 à verser à
la Caisse de chômage FTMH la Côte;

- la somme nette de 3383 fr.30, intérêts en sus.

Le tribunal a également condamné la défenderesse à
payer à la Caisse de chômage FTMH la Côte la somme nette de
39 762 fr.85 et a donné acte au demandeur de ce que la défen-
deresse renonçait à la clause de prohibition de concurrence.

b) Statuant sur appel de la défenderesse et sur
appel incident du demandeur, la Cour d'appel de la juridic-

tion des prud'hommes du canton de Genève a, par arrêt du 15
mai 2000, annulé le jugement de première instance et

- condamné la défenderesse à payer au demandeur la
somme brute de 165 619 fr.15, avec intérêts à 5% dès le 11
mars 1999, sous déduction de la somme nette de 39 762 fr.85
à
verser à la Caisse de chômage FTMH la Côte;

- condamné la défenderesse à payer au demandeur la
somme brute de 1190 fr. avec intérêts à 5% dès le 5 janvier
1999;

- condamné la défenderesse à payer au demandeur la
somme nette de 3383 fr.30, plus intérêts à 5% dès le 11 mars
1999;

- condamné la défenderesse à payer à la Caisse de
chômage FTMH la Côte la somme nette de 39 762 fr.85;

- donné acte au demandeur de ce que la défenderesse
renonce à la clause de prohibition de concurrence.

D.- X.________ S.A. recourt en réforme au Tribunal
fédéral. Elle conclut à l'annulation de l'arrêt du 15 mai
2000 en tant qu'il la condamne à payer au demandeur la somme
brute de 165 619 fr.15 avec intérêts et à la Caisse de chôma-
ge FTMH la somme nette de 39 762 fr.85. Elle prend également
des conclusions tendant au déboutement de ses adverses par-
ties de tous leurs chefs de demande et de conclusions. Le
demandeur invite le Tribunal fédéral à rejeter le recours.
Il
forme un recours joint tendant à la condamnation de la défen-
deresse à lui payer

- la somme brute de 6623 fr.65 avec intérêts à 5%
dès le 11 mars 1999, à titre de complément d'indemnité pour
vacances non prises en nature;

- la somme nette de 64 500 fr., plus intérêts à 5%
dès le 11 mars 1999, à titre d'indemnité au sens de l'art.
337c al. 3 CO;

- la somme brute de 19 638 fr.60, plus intérêts à
5% dès le 11 mars 1999, à titre de salaire pour les 21 jours
de travail effectués avant le 16 septembre 1998, l'arrêt at-
taqué étant confirmé pour le surplus.

Subsidiairement, le demandeur conclut à la confir-
mation de l'arrêt attaqué et au déboutement de la défenderes-
se de toute autre ou contraire conclusion.

La défenderesse, en réponse au recours joint, con-
clut au déboutement du demandeur des conclusions prises sur
recours joint, et de toute autre ou contraire conclusion.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

I.- Recours principal

1.- a) Devant la Cour d'appel, la défenderesse a
invoqué en premier lieu l'erreur essentielle; elle
prétendait
que, lors de la signature de l'avenant daté du 16 décembre
1998, elle était dans l'erreur "sur la collaboration de son
employé", ce qui aurait pour effet l'invalidation du contrat
de travail du 23 juin 1998.

La cour cantonale n'a pas suivi ce raisonnement.
Elle a considéré que, tel que l'indique son intitulé "Adden-
dum au contrat de travail (...) du 23 juin 1998", l'avenant
du 16 décembre 1998 ne se substituait pas au contrat de tra-
vail mais en précisait, ou en remplaçait, certaines clauses:
activité non plus à Genève mais à L.________, abstention de

faire dorénavant de la publicité en Europe. Elle a estimé en
conséquence n'avoir pas à examiner si l'avenant était
entaché
d'un vice du consentement puisque, de toute façon, sa validi-
té n'affectait pas celle du contrat de travail du 23 juin
1998.

b) La défenderesse soutient que l'argument de la
Cour d'appel est peu compréhensible et à tout le moins erro-
né. Elle fait valoir qu'elle n'aurait jamais conclu
l'avenant
au contrat de travail si elle avait su que le demandeur en-
tendait démissionner de façon imminente, qu'elle était
ainsi,
lors de la signature de cet avenant, dans l'erreur sur la
collaboration de son employé, qu'il y a donc un vice du con-
sentement qui l'autorisait à invalider le contrat de
travail.
Elle souligne que l'Addendum du 16 décembre 1998 a été
conclu
le dernier jour de la période d'essai définie dans le
contrat
initial. La défenderese affirme qu'elle n'aurait jamais
passé
cet avenant si le demandeur lui avait loyalement indiqué
qu'il n'acceptait pas les nouvelles conditions des rapports
de service, et que le contrat de travail aurait été dénoncé
pendant la période d'essai. Elle se trouvait donc bien dans
une situation d'erreur essentielle.

c) Le raisonnement de la cour cantonale, selon le-
quel il n'est pas nécessaire d'examiner si l'avenant conclu
le 16 décembre 1998 est entaché d'un vice du consentement
puisque sa validité n'affecte pas celle du contrat de
travail
du 23 juin 1998, paraît tout à fait pertinent. Mais il n'est
pas utile d'examiner plus avant cette question, car rien
dans
les faits constatés dans l'arrêt attaqué de manière à lier
le
Tribunal fédéral (art. 63 al. 2 OJ; ATF 113 II 25 consid.
1a;
cf. également ATF 125 III 305 consid. 2b; 123 III 165
consid.
3a) ne permet de retenir que la
défenderesse était dans l'er-
reur le 16 décembre 1998. L'erreur alléguée repose sur l'af-
firmation que le demandeur n'a, en réalité, pas accepté les
conditions de l'avenant: il avait déjà l'intention de donner

ce congé dès que le temps d'essai serait écoulé. Or, rien de
tel n'a été établi en instance cantonale. Au contraire, dans
ses considérants relatifs au problème de la résiliation du
contrat pour justes motifs par la défenderesse, la cour can-
tonale constate en fait une évolution de la situation depuis
la signature de l'avenant du 16 décembre 1998, notamment à
la
suite des quatre réunions des 17 et 18 décembre durant les-
quelles il a été décidé de réduire les pouvoirs et compéten-
ces du demandeur. Dans de telles conditions, il est exclu de
pouvoir retenir que le 16 décembre, en signant l'avenant, le
demandeur avait déjà l'intention de donner le congé.

La preuve de l'existence d'une erreur de la défen-
deresse n'ayant pas été rapportée, il ne saurait y avoir in-
validation du contrat pour vice du consentement.

2.- a) La défenderesse a aussi soutenu devant la
Cour d'appel que le licenciement avec effet immédiat du de-
mandeur, le 5 janvier 1999, était justifié par le comporte-
ment de ce dernier. Elle invoquait la conduite de l'intéres-
sé, qui aurait négocié pendant plusieurs semaines la straté-
gie du groupe, qui se serait montré d'accord avec l'avenant
au contrat de travail concernant cette stratégie et qui,
sans
aucune justification, aurait dénoncé immédiatement le
contrat
de travail aux seules fins de profiter d'un préavis plus
long. A cela devrait s'ajouter le fait que le demandeur au-
rait refusé de se rendre à Jeddah le 4 janvier 1999, pour un
voyage dont il aurait connu l'importance particulière.

La cour cantonale n'a pas suivi ce point de vue, en
considérant que la démission du demandeur en date du 4 jan-
vier 1999 n'était pas propre à détruire le rapport de con-
fiance entre les parties. Elle a fait état des décisions de
réduction des pouvoirs du directeur général prises les 17 et
18 décembre 1998. Certes, le demandeur avait démissionné une
dizaine de jours après avoir déclaré, dans son courrier du
18

décembre 1998, qu'il avait compris la nouvelle stratégie à
mettre en place pour le groupe; néanmoins, vu la réduction à
un plan purement opérationnel de ses compétences et de son
autonomie, la résiliation immédiate du contrat de travail ne
se justifiait pas. Pour la Cour d'appel, la relation de con-
fiance entre les parties n'était, par conséquent, pas objec-
tivement rompue d'une manière telle qu'on ne puisse pas exi-
ger la continuation des rapports de travail jusqu'à la fin
du
délai de congé.

La cour cantonale a encore relevé que, d'un point
de vue subjectif également, il ressortait du courrier
adressé
le 4 janvier 1999 par le président du groupe au directeur
général, que le congé donné par celui-ci n'avait pas détruit
la confiance qu'impliquent dans leur essence les rapports de
travail ou ne l'avait pas ébranlée de telle façon que la
poursuite du contrat ne pouvait pas être exigée, puisque le
voyage à Jeddah était maintenu.

Concernant ce voyage, la cour cantonale a considéré
qu'il s'agissait d'une instruction ni claire, ni justifiée,
dont le refus justifierait un congé immédiat.

Le droit du demandeur à son salaire jusqu'à l'expi-
ration du délai contractuel, soit au salaire afférent aux
mois de janvier à juillet 1999, ainsi qu'au treizième
salaire
pro rata temporis ont donc été confirmés par la Cour d'appel.

b) La défenderesse reproche à la juridiction canto-
nale d'avoir perdu de vue que le demandeur avait accepté,
nonobstant la réduction de ses prérogatives, de poursuivre
ses relations contractuelles avec le groupe à l'échéance de
sa période d'essai et de convenir d'un avenant définissant
les nouvelles modalités de sa collaboration. Alors même
qu'aucun événement n'était venu modifier ces circonstances,
le demandeur aurait dénoncé son contrat de travail aux
seules

fins de pouvoir profiter du préavis contractuel de six mois;
ce comportement constituerait un manquement grave rendant in-
tolérable la relation de confiance devant permettre la conti-
nuation des rapports contractuels.

c) Selon l'art. 337 al. 1 CO, l'employeur peut ré-
silier immédiatement le contrat pour de justes motifs. Sont
notamment considérés comme tels les faits propres à détruire
la confiance qu'impliquent les rapports de travail, ou à
l'ébranler de telle façon que la poursuite de ceux-ci ne
peut
plus être exigée de celui qui a donné le congé abrupt (cf.
art. 337 al. 2 CO; ATF 121 III 467 consid. 4d; 117 II 560
consid. 3; 116 II 145 consid. 6a p. 150). Selon la jurispru-
dence précitée, la résiliation immédiate est une "ultima
ratio"; elle est admissible en dernier ressort, lorsqu'il ne
peut même plus être exigé du partenaire contractuel qu'il
résilie les rapports de travail en respectant le délai ordi-
naire de congé.

La critique de la défenderesse se heurte aux cons-
tatations de fait souveraines des magistrats cantonaux (art.
63 al. 2 OJ). En particulier, il n'est pas établi que le de-
mandeur aurait dénoncé son contrat de travail aux seules
fins
de pouvoir profiter du préavis contractuel de six mois. Avec
la cour cantonale, on ne peut relever aucun élément démon-
trant que la relation de confiance entre parties était objec-
tivement rompue d'une manière telle qu'on ne puisse exiger
la
continuation des rapports de travail jusqu'à la fin du délai
de congé. Comme il est même constaté, en fait, que d'un
point
de vue subjectif, le congé donné par le demandeur n'avait
pas
détruit la confiance du président du groupe de la défenderes-
se qui, après avoir accepté la démission, s'interrogeait sur
les conditions de la poursuite de l'activité du demandeur,
il
est exclu de pouvoir considérer que sont réalisées les exi-
gences strictes permettant une résiliation abrupte du con-
trat.

Le grief de violation de l'art. 337 CO par la cour
cantonale se révèle ainsi mal fondé.

Le recours principal ne peut dès lors qu'être reje-
té.

II.- Recours joint

3.- a) La Cour d'appel a examiné le bien-fondé de
la prétention du demandeur pour vacances non prises en natu-
re. Elle a retenu que, pour la période contractuelle de tra-
vail du 16 septembre 1998 au 31 juillet 1999, le demandeur
avait droit à 21,875 jours de congé, dont il convenait de re-
trancher 4,5 jours de vacances prises. Elle a cependant con-
sidéré qu'en raison du fait que l'indemnisation du demandeur
couvrait une période relativement longue, à savoir du 6 jan-
vier au 31 juillet 1999, il était en mesure de prendre au
moins une semaine de repos durant cette période. Il avait
donc droit à une indemnité correspondant à 12,375 jours,
soit
11 752 fr.50.

b) Dans le premier moyen de son recours joint, le
demandeur s'en prend à la réduction de l'indemnité pour ses
vacances non prises en nature. Il fait valoir que le contrat
de travail était soumis à la Convention collective de
travail
des industries horlogère et microtechnique suisses dans sa
version du 1er janvier 1997 (CCT). Il reproche à la cour can-
tonale de n'avoir pas tenu compte de l'art. 19.9 al. 2 de la
CCT qui dispose que "lors du départ et sauf entente
préalable
contraire, le droit aux vacances pour l'année réglementaire
en cours sera bonifié en espèces". Compte tenu qu'il
n'existe
pas d'entente préalable contraire entre les parties, la cour
aurait non seulement violé la CCT, mais également l'art. 357
CO et par conséquent l'art. 337c al. 1 CO qui prévoit que,
lorsque l'employeur résilie immédiatement le contrat sans
justes motifs, le travailleur a droit à ce qu'il aurait
gagné

si les rapports de travail avaient pris fin à l'échéance du
délai de congé. Or, il serait incontestable que le solde de
vacances aurait été payé en espèces conformément à la CCT.

c) La prétention du travailleur fondée sur l'art.
337c al. 1 CO comprend en principe le droit aux vacances,
remplacé par des prestations en argent. Selon la jurispruden-
ce, le droit au paiement des vacances en espèces n'est toute-
fois pas absolu. Si ce droit est en tout cas reconnu au tra-
vailleur renvoyé abruptement alors que le contrat aurait nor-
malement pu prendre fin dans un délai relativement bref, es-
timé à deux ou trois mois, il n'en va pas de même lorsque le
travailleur est indemnisé pour une longue période au cours
de
laquelle il ne travaille pas; dans ce cas-ci, l'indemnité al-
louée inclut le droit aux vacances (arrêt du TF du
21.10.1996, reproduit in SJ 1997 p. 149, consid. 3b/cc; ATF
117 II 270).

En l'espèce, la créance en dommages-intérêts du de-
mandeur porte sur près de sept mois, ce qui correspond à une
longue période selon la jurisprudence précitée. La cour can-
tonale aurait donc fort bien pu ne pas allouer d'indemnité à
titre de compensation du droit aux vacances. Dès lors, en ne
privant le demandeur que d'une indemnité correspondant à une
semaine de vacances, la Cour d'appel n'a nullement violé le
droit fédéral.

La disposition de la CCT, invoquée par le deman-
deur, vise le cas où il est normalement mis fin aux rapports
de service dans le respect du délai de congé. Elle ne concer-
ne pas du tout la problématique traitée par la jurisprudence
précitée, qui est celle du montant de la créance en dommages-
intérêts du travailleur dont le contrat a été résilié abrup-
tement sans justes motifs.

Le premier moyen du recours joint doit ainsi être
rejeté.

4.- a) La cour cantonale a refusé d'allouer au de-
mandeur une indemnité pour résiliation injustifiée, fondée
sur l'art. 337c al. 3 CO. Elle a justifié sa décision par la
brève durée des rapports de travail et par l'attitude du
demandeur. Se référant à la lettre de ce dernier du 18 dé-
cembre 1998, dans laquelle il déclarait après avoir signé
l'avenant du 16 décembre 1998, qu'il avait bien compris la
nouvelle stratégie à mettre en place pour le groupe, elle a
estimé qu'il était compréhensible que la défenderesse ait
été
surprise par la démission de son cadre, dans la mesure où
rien ne laissait présager que la nouvelle répartition de ses
tâches ne lui convenait pas, même si cette démission ne jus-
tifiait pas une résiliation avec effet immédiat. Elle a
ajouté que le demandeur n'avait pas fait preuve de la dili-
gence qu'on pouvait attendre de lui en ne démissionnant que
le 4 janvier 1999, alors que le temps d'essai de trois mois
des employés qu'il avait engagés venait à échéance le 31 dé-
cembre 1998.

b) Dans le deuxième moyen de son recours joint, le
demandeur invoque la violation de l'art. 337c al. 3 CO. Il
se
prévaut de la jurisprudence selon laquelle des exceptions au
principe d'une indemnité présupposent à tout le moins des
circonstances qui excluent un comportement fautif de l'em-
ployeur ou qui ne lui sont pas imputables pour d'autres mo-
tifs (ATF 116 II 300), toutes conditions qui ne seraient pas
réalisées en l'espèce. Le demandeur estime avoir droit à une
indemnité correspondant à trois mois de salaire, 13ème in-
clus.

c) Selon la jurisprudence, aujourd'hui constante,
l'indemnité prévue par l'art. 337c al. 3 CO est due pour
tout
congé immédiat injustifié, sauf cas exceptionnel (ATF 121
III

64 consid. 3c; 120 II 243 consid. 3e; 116 II 300 consid.
5a).
Les exceptions qui peuvent être admises dans des conditions
particulières ne se laissent pas définir d'une manière géné-
rale; elles présupposent toutefois à tout le moins des cir-
constances qui excluent un comportement fautif de
l'employeur
ou qui ne lui sont pas imputables pour d'autres motifs (ATF
116 II 300 consid. 5a). L'atteinte portée aux droits de la
personnalité du travailleur par un licenciement injustifié
étant à la base de l'octroi de l'indemnité, celle-ci doit
être proportionnée à la mesure de l'atteinte considérée (ATF
121 III 64 consid. 3c).

Comme on l'a vu plus haut (consid. 2c), le congé
abrupt signifié au demandeur était injustifié. On n'est pas
en présence de circonstances excluant un comportement fautif
de l'employeur. Celui-ci avait restreint de façon importante
les responsabilités de son directeur peu avant la fin du
temps d'essai. Les conditions exceptionnelles qui légitime-
raient un refus de l'indemnité de l'art. 337c al. 3 CO ne
sont pas réalisées. C'est donc à tort que la cour cantonale
n'a pas alloué d'indemnité au demandeur.

Cependant, les circonstances de l'espèce ne font
pas ressortir une atteinte très sérieuse à la personnalité
du
demandeur, ni un résultat particulièrement dommageable pour
lui. Le licenciement immédiat a été signifié alors que le
travailleur avait déjà résilié son contrat pour l'échéance
du
délai de congé légal. En outre, la démission du demandeur,
survenue immédiatement après la fin du temps d'essai, si
elle
ne constitue pas un motif de renvoi immédiat, n'en revêt pas
moins un caractère pouvant être surprenant pour l'employeur,
justifiant l'octroi d'une indemnité évaluée avec retenue.

Tout bien pesé, il paraît équitable d'octroyer une
indemnité correspondant environ à un mois de salaire, soit

20 000 fr. Le recours joint devra être admis partiellement
sur ce point et l'arrêt attaqué réformé en conséquence.

5.- a) La cour cantonale a refusé d'allouer au de-
mandeur une rémunération pour la période de 21 jours où il a
travaillé entre le 17 juillet et le 15 septembre 1998. Elle
a
relevé que le droit au salaire ne résulte pas d'une disposi-
tion impérative de la loi et que le travailleur peut donc va-
lablement renoncer à sa rémunération sans contrepartie. En
l'occurrence, il ressortait des déclarations du demandeur

lui-même et de la procédure que celui-ci avait renoncé à son
salaire durant la période litigieuse; ses activités consis-
taient à préparer son entrée en fonction le 16 septembre
1998, ce qu'on pouvait indubitablement attendre d'une person-
ne engagée en qualité de directeur général avec un salaire
de
20 000 fr. De plus, le demandeur, certes libéré de son obli-
gation de travailler pour son ancien employeur, était payé
par ce dernier jusqu'au 30 septembre 1998. Enfin,
l'intéressé
avait reçu une montre de la part du président du groupe, ce
qui révélait, une fois de plus, qu'il n'avait jamais été
question d'un salaire.

b) Le demandeur, dans le dernier moyen de son re-
cours joint, se plaint d'une violation de l'art. 322 CO. Se-
lon lui, si elle n'est pas impérative, cette disposition ne
signifie pas que les parties puissent renoncer à un salaire;
la liberté ne porterait que sur le montant de la rémunéra-
tion. A défaut de détermination conventionnelle, le salaire
usuel serait dû. Le demandeur conteste également avoir reçu
la montre promise par le président du groupe.

c) C'est sur la base de l'appréciation des preuves
que la cour cantonale a retenu que le demandeur avait
renoncé
à son salaire durant la période du 17 juillet au 15
septembre
1998. Il y a là une constatation sur la volonté du demandeur
de renoncer à un salaire durant cette période. Or, ce que

pense ou veut une partie ressortit au fait et toute constata-
tion à ce sujet lie le Tribunal fédéral (art. 63 al. 2 OJ;
ATF 121 III 414 consid. 2a, p. 418). On précisera que l'exis-
tence d'une inadvertance manifeste à propos de la remise ou
non de la montre peut être laissée ouverte, la réalité de ce
don n'ayant pas joué un rôle déterminant en l'occurrence,
s'agissant d'un argument superfétatoire.

L'art. 341 al. 1 CO, qui exclut une renonciation de
la part du travailleur pendant un certain laps de temps aux
créances résultant de normes impératives, ne vise pas l'art.
322 CO, relatif au salaire du travailleur, lequel article
n'est pas de droit impératif, puisqu'il ne figure ni à
l'art.
361 ni à l'art. 362 CO (arrêt non publié du 18 février 1997
dans la cause 4C.474/1996 consid. 1; cf. aussi ATF reproduit
in SJ 1983 p. 94; Aubert, Quatre cents arrêts sur le contrat
de travail, n° 49 p. 37; Schweingruber, Kommentar zum Ar-
beitsvertrag, 2ème éd., ch. 1 ad art. 322, p. 74). L'abandon
par le demandeur de son droit à un salaire pour la période
visée est donc parfaitement valable, d'autant plus qu'il ne
révèle rien d'inéquitable, bien au contraire.

III.- Frais et dépens

Vu le rejet du recours principal et l'admission
partielle du recours joint, il se justifie de répartir l'émo-
lument de justice à raison de 4/5 à la charge de la défende-
resse et de 1/5 à la charge du demandeur. Les dépens, ré-
duits, seront répartis dans la même proportion.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours principal;

2. Admet partiellement le recours joint;

3. Réforme l'arrêt attaqué en ce sens que la dé-
fenderesse, outre les montants qu'elle a été condamnée à
verser au demandeur en instance cantonale, payera à celui-ci
la somme de 20 000 fr. avec intérêts à 5% dès le 11 mars
1999
à titre d'indemnité au sens de l'art. 337c al. 3 CO;

Confirme l'arrêt attaqué pour le surplus;

4. Met un émolument judiciaire de 10 000 fr. à la
charge des parties à raison de 4/5 à la charge de la défen-
deresse et de 1/5 à la charge du demandeur;

5. Dit que la défenderesse versera au demandeur une
indemnité de 6000 fr. à titre de dépens réduits;

6. Communique le présent arrêt en copie aux parties
et à la Cour d'appel de la juridiction des prud'hommes du
canton de Genève.

____________

Lausanne, le 9 janvier 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.182/2000
Date de la décision : 09/01/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-01-09;4c.182.2000 ?
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