La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/01/2001 | SUISSE | N°2A.306/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 09 janvier 2001, 2A.306/2000


2A.306/2000
«/2»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
************************************************

9 janvier 2001

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger, pré-
sident, Hartmann et Yersin. Greffière: Mme Dupraz.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

SL.________, représentée par Me François Tavelli, avocat à
Genève,

contre

la décision prise le 8 février 2000 par la Commission canto-
nale de recours de police des étrangers du canton

de Genève,
dans la cause qui oppose la recourante à l'Office cantonal
de
la population du canton de G e n è v e;...

2A.306/2000
«/2»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
************************************************

9 janvier 2001

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger, pré-
sident, Hartmann et Yersin. Greffière: Mme Dupraz.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

SL.________, représentée par Me François Tavelli, avocat à
Genève,

contre

la décision prise le 8 février 2000 par la Commission canto-
nale de recours de police des étrangers du canton de Genève,
dans la cause qui oppose la recourante à l'Office cantonal
de
la population du canton de G e n è v e;

(art. 7 LSEE et 8 CEDH: autorisation de séjour)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 24 mars 1997, PL.________, ressortissant
suisse né le 5 novembre 1953, a présenté une demande de pro-
longation de visa en faveur de SB.________, ressortissante
marocaine, née le 27 août 1971, dont la carte de
légitimation
était échue depuis le 1er janvier 1996. Il a déclaré vivre
avec elle depuis le 1er décembre 1995 et vouloir l'épouser
car elle était enceinte. Le mariage a été célébré le 25 juil-
let 1997. Le 7 août 1998, SL.________ s'est vu délivrer une
autorisation de séjour à l'année, valable jusqu'au 24
juillet
1998.

Dans une lettre du 30 septembre 1997 à l'Office can-
tonal de la population du canton de Genève (ci-après: l'Offi-
ce cantonal), PL.________ a indiqué que sa femme avait
quitté
le domicile conjugal le 21 septembre 1997. A cette date, les
époux L.________ avaient rencontré M.________, ressortissant
marocain né le 20 juin 1966, qui prétendait entretenir des
relations intimes avec SL.________ depuis plus de trois ans.

Par acte du 8 octobre 1997, PL.________ a déposé une
demande en divorce auprès du Tribunal de première instance
du
canton de Genève (ci-après: le Tribunal de première instan-
ce).

Le 24 octobre 1997, SL.________ a donné naissance à
une fille: X.________. Le 25 février 1998, PL.________ a in-
troduit une action en désaveu de paternité. Une expertise du
30 octobre 1998 a conclu que la paternité de PL.________ sur
X.________ était pratiquement établie.

Par décision du 26 novembre 1998, l'Office cantonal
a refusé de renouveler l'autorisation de séjour de
SL.________ en se fondant notamment sur l'art. 7 al. 2 de la
loi fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et
l'établissement
des étrangers (LSEE; RS 142.20) et imparti à l'intéressée un
délai échéant le 26 février 1999 pour quitter le territoire
genevois. Il a considéré que le mariage des époux L.________
avait été célébré dans l'unique but de permettre à
SL.________ d'obtenir une autorisation de séjour et de
rester
sur territoire genevois.

B.- Le 8 février 2000, la Commission cantonale de
recours de police des étrangers du canton de Genève (ci-
après: la Commission cantonale de recours) a rejeté le re-
cours de SL.________ contre la décision de l'Office cantonal
du 26 novembre 1998. Elle a considéré qu'on pouvait douter
de
la réalité du mariage des époux L.________, mais que l'ensem-
ble des éléments ne permettait pas de conclure à un mariage
fictif. En revanche, elle a estimé que SL.________ invoquait
abusivement ses liens matrimoniaux pour continuer à résider
sur le territoire genevois.

Par jugement du 2 mars 2000, le Tribunal de première
instance a prononcé le divorce des époux L.________.

C.- Agissant par la voie du recours de droit admi-
nistratif, SL.________ demande au Tribunal fédéral, sous sui-
te de dépens, d'annuler la décision de la Commission cantona-
le de recours du 8 février 2000 et d'approuver l'octroi à
elle-même d'une autorisation de séjour. Elle invoque en sub-
stance qu'elle et son mari ont réellement formé une union
conjugale, qu'elle ne commet aucun abus de droit en faisant
"valoir ses droits élémentaires dans le cadre de la
procédure
de divorce" et que son renvoi de Suisse contreviendrait à
l'art. 8 CEDH.

La Commission cantonale de recours a expressément
renoncé à formuler des observations. L'Office cantonal con-
clut au rejet du recours. L'Office fédéral des étrangers pro-
pose de rejeter le recours.

D.- Par ordonnance du 14 août 2000, le Président de
la IIe Cour de droit public a admis la demande d'effet sus-
pensif présentée pas SL.________.

E.- Le 6 octobre 2000, la Cour de justice du canton
de Genève (ci-après: la Cour de justice) a annulé le
jugement
susmentionné du 2 mars 2000.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et libre-
ment la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF
125
II 497 consid. 1a p. 499).

a) Selon l'art. 100 al. 1 lettre b ch. 3 OJ, le re-
cours de droit administratif n'est pas recevable en matière
de police des étrangers contre l'octroi ou le refus d'autori-
sations auxquelles le droit fédéral ne confère pas un droit.
D'après l'art. 4 LSEE, les autorités compétentes statuent li-
brement, dans le cadre des prescriptions légales et des trai-
tés avec l'étranger, sur l'octroi ou le refus
d'autorisations
de séjour ou d'établissement. En principe, l'étranger n'a
pas
droit à l'autorisation de séjour. Ainsi, le recours de droit
administratif est irrecevable, à moins que ne puisse être in-
voquée une disposition particulière du droit fédéral ou d'un
traité, accordant le droit à la délivrance d'une telle auto-
risation (ATF 126 I 81 consid. 1a p. 83).

aa) D'après l'art. 7 al. 1 LSEE, le conjoint étran-
ger d'un ressortissant suisse a droit à l'octroi et à la pro-
longation de l'autorisation de séjour. Selon la jurispruden-
ce, pour juger de la recevabilité du recours de droit admi-
nistratif, seule est déterminante la question de savoir si
un
mariage au sens formel existe (ATF 124 II 289 consid. 2b
p. 291). Dès lors, quand le divorce est définitif et exécu-
toire déjà au moment du dépôt du recours de droit administra-
tif, celui-ci est irrecevable. Il en va de même lorsque le
divorce devient définitif et exécutoire pendant la procédure
de recours ouverte devant le Tribunal fédéral, car cette au-
torité examine la recevabilité du recours au vu des circons-
tances existant au moment où elle statue (ATF 120 Ib 257 con-
sid. 1f p. 262; 118 Ib 145 consid. 2b p. 148; RDAT 1994 I 55
133 consid. 3).

La recourante est mariée avec un Suisse. Le Tribunal
de première instance a certes prononcé le divorce des époux
L.________ le 2 mars 2000, mais ce jugement n'était pas défi-
nitif et exécutoire le 4 juillet 2000, quand l'intéressée a
formé le présent recours. En outre, ce jugement a été annulé
par la Cour de justice le 6 octobre 2000, soit durant la pro-
cédure devant l'autorité de céans. Le recours est donc rece-
vable au regard de la disposition précitée, le point de sa-
voir s'il faut prolonger l'autorisation de séjour de l'inté-
ressée relevant du fond (ATF 124 II 289 consid. 2b p. 291).

bb) Un étranger peut, selon les circonstances, se
prévaloir du droit au respect de sa vie privée et familiale
garanti par l'art. 8 CEDH pour s'opposer à l'éventuelle sépa-
ration de sa famille et obtenir ainsi une autorisation de sé-
jour. Encore faut-il pour pouvoir invoquer l'art. 8 CEDH que
la relation entre l'étranger et une personne de sa famille
ayant le droit de résider durablement en Suisse (en principe

nationalité suisse ou autorisation d'établissement) soit
étroite et effective (ATF 124 II 361 consid. 1b p. 364).
D'après la jurisprudence, les relations familiales qui peu-
vent fonder, en vertu de l'art. 8 CEDH, un droit à une auto-
risation de police des étrangers sont avant tout les
rapports
entre époux ainsi qu'entre parents et enfants mineurs vivant
ensemble (ATF 120 Ib 257 consid. 1d p. 261).

La recourante vit avec sa fille de nationalité suis-
se et il n'est pas contesté qu'elles entretiennent une rela-
tion étroite et effective. Dès lors, le recours est aussi re-
cevable au regard de l'art. 8 CEDH.

b) Au surplus, déposé en temps utile et dans les
formes prescrites par la loi, le présent recours est en prin-
cipe recevable en vertu des art. 97 ss OJ.

2.- D'après l'art. 104 OJ, le recours de droit admi-
nistratif peut être formé pour violation du droit fédéral, y
compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (lettre
a) ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des
faits pertinents, sous réserve de l'art. 105 al. 2 OJ, (let-
tre b). Le Tribunal fédéral vérifie d'office l'application
du
droit fédéral, qui englobe notamment les droits constitution-
nels des citoyens (ATF 124 II 517 consid. 1 p. 519; 123 II
385 consid. 3 p. 388), sans être lié par les motifs invoqués
par les parties (art. 114 al. 1 in fine OJ). En revanche,
lorsque le recours est dirigé, comme en l'espèce, contre la
décision d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral est
lié par les faits constatés dans cette décision, sauf s'ils
sont manifestement inexacts ou incomplets ou s'ils ont été
établis au mépris de règles essentielles de procédure (art.
105 al. 2 OJ). La possibilité de faire valoir des faits nou-
veaux ou de nouveaux moyens de preuve est dès lors très res-

treinte. Seules sont admissibles les preuves que l'instance
inférieure aurait dû retenir d'office et dont le défaut d'ad-
ministration constitue une violation de règles essentielles
de procédure (ATF 124 II 409 consid. 3a p. 421; 121 II 97
consid. 1c p. 99). En outre, le Tribunal fédéral ne peut pas
revoir l'opportunité de la décision entreprise, le droit fé-
déral ne prévoyant pas un tel examen en la matière (art. 104
lettre c ch. 3 OJ).

La recourante invoque pour la première fois l'état
de santé de sa fille et produit un certificat médical du 3
juillet 2000 attestant que X.________ "est porteuse d'une
affection médicale sous forme de bronchite asthmatiforme".
Ce
document précise que ladite affection débute à la suite des
infections virales banales ou après un court séjour au bord
de la mer. Il ajoute que X.________ a dû recevoir un traite-
ment bronchodilatateur, pratiquement systématiquement, à cha-
que retour du Maroc. Il s'agit d'un fait et d'un moyen de
preuve nouveaux que l'autorité de céans ne peut pas prendre
en considération en vertu de l'art. 105 al. 2 OJ. Au demeu-
rant, l'intéressée aurait déjà pu se prévaloir de l'état de
santé de sa fille devant la Commission cantonale de recours.
Le 8 février 2000, elle a en effet déclaré devant l'autorité
intimée qu'elle était allée deux fois au Maroc avec
X.________. Rien ne l'empêchait de faire établir un certifi-
cat médical attestant les problèmes de santé de sa fille du-
rant la procédure de recours cantonale.

3.- a) Selon l'art. 7 al. 1 LSEE, le conjoint étran-
ger d'un ressortissant suisse a droit à l'octroi et à la pro-
longation de l'autorisation de séjour; après un séjour régu-
lier et ininterrompu de cinq ans, il a droit à
l'autorisation
d'établissement; ce droit s'éteint lorsqu'il existe un motif
d'expulsion. Quant à l'art. 7 al. 2 LSEE, il prévoit que le

conjoint étranger d'un ressortissant suisse n'a pas droit à
l'octroi ou à la prolongation de l'autorisation de séjour
lorsque le mariage a été contracté dans le but d'éluder les
dispositions sur le séjour et l'établissement des étrangers
et notamment celles sur la limitation du nombre des étran-
gers. D'après la jurisprudence, le fait d'invoquer l'art. 7
al. 1 LSEE peut être constitutif d'un abus de droit en l'ab-
sence même d'un mariage contracté dans le but d'éluder les
dispositions sur le séjour et l'établissement des étrangers,
au sens de l'art. 7 al. 2 LSEE, (ATF 121 II 97 consid. 4a
p. 103).

b) La preuve directe que les époux se sont mariés
non pas pour fonder une véritable communauté conjugale, mais
seulement dans le but d'éluder les dispositions de la légis-
lation sur le séjour et l'établissement des étrangers, ne
peut être aisément apportée, comme en matière de mariages
dits de nationalité (cf. ATF 98 II 1); les autorités doivent
donc se fonder sur des indices. La grande différence d'âge
entre les époux, l'existence d'une interdiction d'entrée en
Suisse prononcée contre le conjoint étranger, le risque de
renvoi de Suisse du conjoint étranger - parce que son autori-
sation de séjour n'a pas été prolongée ou que sa demande
d'asile a été rejetée -, l'absence de vie commune des époux
ou le fait que la vie commune a été de courte durée, consti-
tuent des indices que les époux n'ont pas la volonté de
créer
une véritable union conjugale durable. Il en va de même lors-
qu'une somme d'argent a été convenue en échange du mariage.
A
l'inverse, la constitution d'une véritable communauté conju-
gale ne saurait être déduite du seul fait que les époux ont
vécu ensemble pendant un certain temps et ont entretenu des
relations intimes, car un tel comportement peut aussi avoir
été adopté dans l'unique but de tromper les autorités (ATF
122 II 289 consid. 2b p. 295; 121 II 1 consid. 2b p. 3, 97

consid. 3b p. 101/102; Peter Kottusch, Scheinehen aus frem-
denpolizeilicher Sicht, ZBl 84/1983 p. 425, 432 ss; Susanne
Diekmann, Familienrechtliche Probleme sogenannter Scheinehen
im deutschen Recht unter Einbeziehung des österreichischen
und schweizerischen Zivilrechts, Francfort-sur-le-Main 1991,
p. 174 ss.).

En outre, pour que l'art. 7 al. 2 LSEE soit applica-
ble, il ne suffit pas que le mariage ait été contracté dans
le but de permettre au conjoint étranger de séjourner régu-
lièrement en Suisse; encore faut-il que la communauté conju-
gale n'ait pas été réellement voulue. En d'autres termes,
les
motifs du mariage ne sont pas décisifs dès l'instant où le
mariage et la communauté de vie sont réellement
voulus par
les époux (ATF 121 II 97 consid. 3b et 3c p. 102).

c) Il y a abus de droit notamment lorsqu'une insti-
tution juridique est utilisée à l'encontre de son but pour

réaliser des intérêts que cette institution juridique ne
veut
pas protéger (ATF 121 II 97 consid. 4 p. 103 et les référen-

ces citées). L'existence d'un éventuel abus de droit doit
être appréciée dans chaque cas particulier et avec retenue,
seul l'abus de droit manifeste pouvant être pris en considé-
ration (ATF 121 II 97 consid. 4a p. 103).

L'existence d'un abus de droit découlant du fait de
se prévaloir de l'art. 7 al. 1 LSEE ne peut en particulier
être simplement déduit de ce que les époux ne vivent plus en-
semble, puisque le législateur a volontairement renoncé à
faire dépendre le droit à une autorisation de séjour de la
vie commune (cf. ATF 118 Ib 145 consid. 3 p. 149 ss). Le lé-
gislateur voulait en effet éviter qu'un étranger ne soit li-
vré à l'arbitraire de son conjoint suisse. En particulier,
il
n'est pas admissible qu'un étranger se fasse renvoyer du
seul

fait que son conjoint suisse obtient la séparation effective
ou juridique du couple. Il ne faut pas non plus que le con-
joint étranger, par peur d'un renvoi, soit empêché de deman-
der lui-même la séparation au juge (ATF 118 Ib 145 consid.
3c
p. 150). Pour admettre l'existence d'un abus de droit, il ne
suffit pas non plus qu'une procédure de divorce soit
entamée;
le droit à l'octroi ou à la prolongation d'une autorisation
de séjour subsiste en effet tant que le divorce n'a pas été
prononcé, car les droits du conjoint étranger ne doivent pas
être compromis dans le cadre d'une telle procédure. Enfin,
on
ne saurait uniquement reprocher à des époux de vivre séparés
et de ne pas envisager le divorce. Toutefois, il y a abus de
droit lorsque le conjoint étranger invoque un mariage n'exis-
tant plus que formellement dans le seul but d'obtenir une au-
torisation de séjour, car ce but n'est pas protégé par
l'art.
7 al. 1 LSEE (ATF 121 II 97 consid. 4a p. 103/104).

4.- Les époux L.________ ont cohabité un certain
temps et ils ont même eu un enfant ensemble. Toutefois, d'au-
tres éléments du dossier retiennent également l'attention.
Les époux L.________ ont quelque dix-huit ans de différence,
ce qui n'est pas négligeable. Au moment de son mariage, la
recourante n'avait plus de titre de séjour valable et elle
vivait irrégulièrement en Suisse. Une fois mariés, les époux
L.________ ont cohabité moins de trois mois et ils n'ont pas
repris la vie commune. PL.________ a du reste intenté une ac-
tion en divorce environ deux mois et demi après son mariage.
La recourante, pour sa part, a accusé son mari de brutalité.
Par ailleurs, après avoir quitté le domicile conjugal, elle
a
hébergé M.________, un étudiant marocain qui, par plusieurs
déclarations et actions, a fait naître le doute sur la
nature
des sentiments qu'il a pour elle. En outre, les différentes
déclarations des époux L.________ et de M.________ sont
émaillées de contradictions. L'intéressée semble d'ailleurs

avoir mené de front deux relations, l'une avec son mari et
l'autre avec M.________, qui n'aurait pas pu la faire venir
en Suisse s'il l'avait épousée, puisqu'il avait le statut
d'étudiant étranger. On peut donc se demander si la recouran-
te n'a pas contracté mariage dans le but d'éluder les dispo-
sitions sur le séjour et l'établissement des étrangers ou, à
défaut, si elle ne se prévaut pas abusivement d'un mariage
qui n'existe plus que formellement pour obtenir la prolonga-
tion de son autorisation de séjour. Il n'est cependant pas
nécessaire de trancher ces questions. En effet, le recours
doit de toute façon être admis.

5.- a) La recourante se réclame de l'art. 8 (par. 1)
CEDH. Le droit au respect de la vie privée et familiale ga-
ranti par la disposition précitée n'est pas absolu. Une ingé-
rence dans l'exercice de ce droit est possible selon l'art.
8
par. 2 CEDH, pour autant que cette ingérence soit prévue par
la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société
démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la
sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défen-
se de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à
la protection de la santé ou de la morale, ou à la
protection
des droits et libertés d'autrui. La question de savoir si,
dans un cas d'espèce, les autorités de police des étrangers
sont tenues d'accorder une autorisation de séjour fondée sur
l'art. 8 CEDH doit être résolue sur la base d'une pesée de
tous les intérêts privés et publics en présence (ATF 122 II
1
consid. 2 p. 5/6; 120 Ib 1 consid. 3c p. 5, 22 consid. 4a
p. 25). Dans le cas présent, il convient d'examiner en parti-
culier si l'on peut attendre de X.________ qu'elle suive sa
mère au Maroc.

b) La recourante vit avec sa fille de nationalité
suisse. PL.________ n'aurait vu sa fille que deux fois et

aurait finalement renoncé à exercer son droit de visite. Par
conséquent, X.________ ne connaît pratiquement pas son père
et n'a pas de contacts avec lui. Quant aux relations qu'elle
entretient avec les autres enfants de son père, en particu-
lier avec sa demi-soeur, elles ne sont pas décisives au re-
gard de la jurisprudence rappelée ci-dessus (cf. consid.
1a/bb). En principe, on ne saurait considérer que X.________
est à ce point intégrée en Suisse que le respect de sa vie
privée l'empêcherait de suivre sa mère au Maroc, compte tenu
de son âge qui devrait d'ailleurs lui permettre de s'adapter
à un nouvel environnement (ATF 122 II 289 consid. 3b et 3c
p.
297/298). Il convient cependant de prendre en considération
les particularités du cas d'espèce. Interrogée sur les possi-
bilités que X.________ aurait de résider au Maroc, l'Ambassa-
de du Maroc a répondu, le 26 mars 1999, qu'en cas de divorce
des époux L.________, il faudrait déposer en sa faveur une
demande d'autorisation de séjour avec sa mère après confirma-
tion du lien maternel et de la non-opposition du père. Au de-
meurant, ladite ambassade ne pouvait pas se prononcer sur la
décision relative à l'octroi d'un titre de séjour, qui était
du ressort exclusif des services de police marocains. La re-
courante redoute d'ailleurs les difficultés administratives,
scolaires et même professionnelles que sa fille pourrait ren-
contrer au Maroc. La réponse précitée de l'Ambassade du
Maroc
ne donne pas de garantie quant à la possibilité pour
X.________ de résider durablement au Maroc. La situation est
d'autant plus aléatoire que l'octroi d'un titre de séjour en
sa faveur apparaît subordonné à l'accord de son père, qui
n'est pas d'emblée acquis. Ainsi, il n'est pas établi que la
relation - seule déterminante en l'espèce - entre la recou-
rante et sa fille puisse être vécue au Maroc. La Commission
cantonale de recours aurait dû éclaircir ces questions. Le
dossier ne contient d'ailleurs pas d'éléments suffisants
pour
effectuer la pesée des intérêts en présence qu'exige l'art.
8

CEDH. Ce n'est qu'après un complément d'instruction que
cette
pesée des intérêts en présence pourra être faite.

6.- Vu ce qui précède, le recours doit être admis et
la décision attaquée annulée.

La cause doit être renvoyée à la Commission cantona-
le de recours pour complément d'instruction et nouvelle déci-
sion (art. 114 al. 2 OJ).

Bien qu'il succombe, le canton de Genève n'a pas à
supporter les frais judiciaires (art. 156 al. 2 OJ).

La recourante a droit à des dépens (art. 159 al. 1
OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet le recours et annule la décision prise le 8
février 2000 par la Commission cantonale de recours de
police
des étrangers du canton de Genève.

2. Renvoie la cause à la Commission cantonale de re-
cours de police des étrangers du canton de Genève pour com-
plément d'instruction et nouvelle décision.

3. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

4. Met à la charge du canton de Genève une indemnité
de 2'000 fr. à verser à la recourante à titre de dépens.

5. Communique le présent arrêt en copie au mandatai-
re de la recourante, à l'Office cantonal de la population et
à la Commission cantonale de recours de police des étrangers
du canton de Genève, ainsi qu'à l'Office fédéral des étran-
gers.

Lausanne, le 9 janvier 2001
DAC/elo

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.306/2000
Date de la décision : 09/01/2001
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-01-09;2a.306.2000 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award