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05/01/2001 | SUISSE | N°4P.137/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 05 janvier 2001, 4P.137/2000


«AZA 1/2»

4P.137/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

5 janvier 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu, juge, et
Zappelli, juge suppléant. Greffier: M. Carruzzo.

______________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

Ali Ipar, à Istanbul (Turquie), représenté par Mes Jean-
Flavien Lalive et Patrice Le Houelleur, avocats à Genève,

contre

l'arrêt rendu le 19 mai 2000 par la Chambre civile de la
Cour de justice du

canton de Genève dans la cause qui oppose
le recourant à Merrill Lynch International Incorporated,
Wilmington/Delaware, su...

«AZA 1/2»

4P.137/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

5 janvier 2001

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu, juge, et
Zappelli, juge suppléant. Greffier: M. Carruzzo.

______________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

Ali Ipar, à Istanbul (Turquie), représenté par Mes Jean-
Flavien Lalive et Patrice Le Houelleur, avocats à Genève,

contre

l'arrêt rendu le 19 mai 2000 par la Chambre civile de la
Cour de justice du canton de Genève dans la cause qui oppose
le recourant à Merrill Lynch International Incorporated,
Wilmington/Delaware, succursale de Genève, représentée par
Me Michèle Wassmer-Berthaudin, avocate à Genève;

(art. 9 Cst.; mandat; appréciation des preuves; procédure ci-
vile genevoise)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Merrill Lynch est une société anonyme de l'Etat
du Delaware (USA), où elle a son siège principal. Elle dispo-
se à Genève d'une succursale sous la dénomination Merrill
Lynch "Geneva Branch", qui a pour but statutaire: "les opéra-
tions de transfert d'ordres en matière d'investissements et
conseils se rapportant au commerce de titres, de marchandi-
ses, de monnaies, de tous biens et de tous instruments finan-
ciers".

Le 21 août 1991, Ali Ipar a ouvert, par l'entremise
de cette dernière société, un compte auprès de Merrill Lynch
Pierce Fenner et Smith Inc. Il a également obtenu de Merrill
Lynch International Bank Ltd, à Londres, une ligne de crédit
de 1 200 000 US$, laquelle a été portée à 1 500 000 US$,
puis
à 3 500 000 US$ dès le 17 février 1994. Ce crédit, garanti
par les avoirs en portefeuille, était destiné à permettre à
Ali Ipar d'acquérir des titres.

Le 16 mars 1994, Ali Ipar a chargé la succursale de
Genève de Merrill Lynch d'acquérir 89 565 titres du fonds
SOVAX, à 22,19 US$ chacun, pour un montant total de
1 987 447 US$. En août de la même année, il a encore acquis
10 350 titres de SOVAX, au prix unitaire de 19,58 US$, pour
un montant de 202 653 US$. C'est Aysegül Bulgur, employée de
cette succursale, qui s'est occupée des relations avec Ali
Ipar.

Le fonds SOVAX est un fonds de placement domicilié
aux Antilles néerlandaises et dont Merrill Lynch Internatio-
nal & Co est la distributrice. Les dividendes sont versés
chaque trimestre. Les ordres d'achat et de vente des parts
n'avaient lieu qu'une fois par semaine, le mercredi. La cota-

tion des parts avait également lieu le mercredi, après que
les ordres d'achat et de vente avaient été exécutés.

Le mercredi 11 janvier 1995, agissant pour Ali
Ipar, Aysegül Bulgur a donné l'ordre de vendre 59 915
actions
du fonds SOVAX. La valeur des parts vendues s'est élevée à
14,73 US$ l'unité.

B.- Le 21 juillet 1997, Ali Ipar a saisi le Tribu-
nal de première instance du canton de Genève d'une action
tendant au paiement par Merrill Lynch International Incorpo-
rated Wilmington/Delaware (ci-après: Merrill Lynch) de
1 321 243 fr. Il a reproché à la défenderesse d'avoir violé
ses obligations de mandataire en vendant des actions à perte
sans instructions de sa part, lui occasionnant de la sorte
le
dommage dont il se plaint. La défenderesse a conclu à libéra-
tion.

Par jugement du 24 juin 1999, le Tribunal de pre-
mière instance a rejeté l'action.

Par arrêt du 19 mai 2000, la Cour de justice du
canton de Genève a rejeté l'appel interjeté par Ali Ipar con-
tre ce jugement qu'elle a confirmé.

C.- Parallèlement à un recours en réforme, Ali Ipar
a déposé un recours de droit public, concluant à
l'annulation
de l'arrêt cantonal. Le recourant soulève le grief de viola-
tion des art. 9 et 29 Cst. Il se plaint en outre de l'appli-
cation arbitraire des art. 146 al. 1, 186, 196 et 228 de la
loi de procédure civile genevoise ainsi que du droit fédéral
relatif aux fonds de placement.

L'intimée conclut au rejet du recours. Quant à la
cour cantonale, elle se réfère aux motifs énoncés dans son
arrêt.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Interjeté en temps utile contre une décision
finale prononcée en dernière instance cantonale qui donne
tort au recourant, le recours est recevable eu égard aux
art.
86, 88 et 89 OJ.

2.- a) Le recourant se plaint de l'appréciation ar-
bitraire des preuves.

aa) Devant les instances cantonales, Ali Ipar a
soutenu en bref que Merrill Lynch avait violé ses
obligations
contractuelles de mandataire en vendant en janvier 1995 la
plus grande partie des titres SOVAX appartenant au mandant,
cela sans instructions expresses ou tacites de sa part, cau-
sant ainsi à ce dernier un dommage égal à la différence
entre
le cours des titres au moment de la demande en justice et ce-
lui du jour de la vente, montant auquel s'ajoutaient les di-
videndes perdus pour les années 1995, 1996 et 1997.

La cour cantonale, à la suite du premier juge, a
admis, en se fondant sur la procédure probatoire, qu'Ali
Ipar
s'était, en octobre 1994 déjà, inquiété de la baisse de va-
leur des titres SOVAX et qu'il avait, lors d'un entretien
dans les locaux de Merrill Lynch en novembre 1994, décidé de
vendre sur-le-champ diverses positions de son compte à effet
de levier, lesquelles risquaient d'entraîner des pertes,
mais
pas avant le début de l'année 1995 en ce qui concerne les ti-
tres SOVAX, cela afin de percevoir les dividendes à la fin
1994, enfin qu'il avait donné l'ordre par téléphone le 11
janvier 1995 à Aysegül Bulgur de liquider au moins la moitié
des positions SOVAX.

La cour cantonale a dès lors retenu que Merrill
Lynch avait agi conformément aux ordres d'Ali Ipar et
n'avait
pas enfreint ses devoirs de mandataire.

bb) Le recourant fait grief à la cour cantonale
d'avoir procédé à une appréciation arbitraire, d'une part
des
dépositions de Kathleen Wiltshire, alors directrice de la
succursale genevoise de Merrill Lynch, d'Aysegül Bulgur et
de
Gérard Dolan, employés de l'intimée, d'autre part de
certains
documents produits en procédure.

b) Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé
par l'art. 9 Cst., ne résulte pas du seul fait qu'une autre
solution que celle retenue par l'autorité cantonale pourrait
entrer en considération ou même qu'elle serait préférable;
le
Tribunal fédéral ne s'écarte de la décision attaquée que
lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu'elle se
trouve en contradiction claire avec la situation de fait,
qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique
indiscuté ou encore lorsqu'elle heurte de manière choquante
le sentiment de la justice et de l'équité; pour qu'une déci-
sion soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas
que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore
que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF
125 I 166 consid. 2a, II 10 consid. 3a, 129 consid. 5b p.
134; 124 I 247 consid. 5 p. 250).

S'agissant plus précisément de l'appréciation des
preuves et des constatations de fait, il y a arbitraire lors-
que l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sé-
rieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision,
lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa por-
tée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments re-
cueillis, elle en tire des constatations insoutenables. Il
appartient au recourant d'établir la réalisation de ces con-
ditions en tentant de démontrer, par une argumentation préci-

se, que la décision incriminée est insoutenable (art. 90 al.
1 let. b OJ; ATF 122 I 70 consid. 1c; 119 Ia 197 consid. 1d;
117 Ia 393 consid. 1c; 110 Ia 3 consid. 2a).

c) aa) Ce sont avant tout des griefs relevant d'un
recours en appel que formule le recourant, dans un très long
mémoire où les mêmes arguments sont présentés plusieurs fois
et sous une forme différente dans les chapitres intitulés
"les faits", "l'appréciation arbitraire des preuves" et "la
violation arbitraire des articles 146 al. 1, 186, 196, 228
de
la loi de procédure civile genevoise". Le recourant expose
pour l'essentiel sa version des faits, telle qu'il l'avait
déjà soumise aux juridictions cantonales, sans démontrer par
une argumentation précise en quoi l'état de fait retenu par
l'autorité intimée serait insoutenable. La recevabilité de
l'ensemble de ses critiques est donc très douteuse. Dans la
mesure où elles sont recevables, elles devront être rejetées.

bb) Selon le recourant, la cour cantonale aurait
admis, sur la base d'une appréciation arbitraire des té-
moignages et de l'évolution de son portefeuille détenu par
l'intimée, que lui-même avait donné l'ordre de vendre ses
titres SOVAX en novembre 1994 déjà. Cet ordre de vente ne
serait pas démontré. Il n'aurait pas été justifié, car il
n'y
aurait pas eu de crise au Mexique comme le retiendrait à
tort
la cour cantonale. S'il avait existé, cet ordre aurait dû
faire l'objet d'une confirmation écrite vu son importance.
L'analyse du compte du recourant serait fantaisiste. Enfin,
ces constatations de fait seraient en contradiction avec
l'admission par ailleurs d'un prétendu ordre de vente des
mêmes titres donné le 11 janvier 1995, car ce dernier n'au-
rait eu aucun sens si l'ordre avait été donné en novembre
1994 déjà.

Or, la critique tombe dans le vide déjà au motif,
d'une part, que la cour cantonale n'a pas retenu exactement

ce que souligne le recourant, d'autre part, que c'est essen-
tiellement parce qu'elles admettaient qu'Ali Ipar avait
donné
un ordre de vente le 11 janvier 1995 que les instances canto-
nales lui ont donné tort. La cour cantonale a en effet admis
que "l'appelant avait décidé de liquider des positions
compte
tenu de la crise au Mexique, mais pas avant le début de l'an-
née 1995 afin de percevoir les dividendes de fin 1994".
Cette
constatation n'est pas incompatible avec un ordre de vente
plus précis donné le 11 janvier 1995, lequel tenait compte
en
outre de l'évolution à la baisse qui se poursuivait. Il
n'était en tout cas pas arbitraire ni illogique d'admettre
l'existence à la fois des instructions données en novembre
1994 et de celles de janvier 1995.

Pour le reste, le recourant se contente d'affirma-
tions qu'il n'étaie nullement: il ne démontre d'aucune
façon,
notamment, qu'il n'y aurait pas eu de crise au Mexique justi-
fiant la vente de certains titres. La question de savoir
s'il
y avait déjà une crise ou seulement un début de crise en au-
tomne 1994 n'est du reste pas pertinente. Il n'établit pas
pourquoi l'intimée aurait dû confirmer l'entretien de
novembre 1994, alors qu'il a été constaté par ailleurs que
certains de ses ordres de vente avaient été donnés verbale-
ment, sans confirmation écrite autre que le bordereau de
l'opération; il ne motive en rien la prétendue fausseté de
l'analyse financière de ses comptes effectuée par la cour
cantonale. En cela, le recours est irrecevable, car ne répon-
dant pas aux exigences de l'art. 90 al. 1 OJ.

Il s'ensuit le rejet de cette branche du recours
dans la mesure où elle est recevable.

cc) Le recourant soutient que la cour cantonale a
procédé à une appréciation arbitraire des preuves en
retenant
qu'il avait donné l'ordre par téléphone, le 11 janvier 1995,
de vendre une partie des titres du fonds SOVAX, et qu'il

n'avait pas réagi aux messages subséquents de Merrill Lynch
qui se référaient à l'ordre donné.

Or, comme cela a été relevé de façon générale ci-
dessus (let. aa), le recourant se contente pour l'essentiel
d'opposer sa version des faits à celle des juges cantonaux
sans démontrer en quoi cette dernière serait arbitraire.

En présence de deux versions des faits entièrement
divergentes concernant cet entretien téléphonique du 11 jan-
vier 1995, la cour cantonale a choisi celle de l'intimée
et elle a exposé les motifs de son choix: Ali Ipar, inquiet
de l'évolution des titres SOVAX en novembre 1994 déjà, avait
décidé de réduire les positions à risque de son compte. Les
instructions données par téléphone le 11 janvier 1995 sont
établies sur la base du témoignage d'Aysegül Bulgur et elles
étaient logiques compte tenu de la menace de baisse persis-
tante des titres SOVAX. La vente de ces titres était un
moyen
efficace de redresser le compte du recourant. Enfin, la cour
cantonale a relevé que s'il n'avait, comme il le prétend,
pas
donné d'ordre de vente, Ali Ipar aurait réagi rapidement et
notamment par écrit à la réception des avis donnés dès le 12
janvier 1995 par Merrill Lynch. Or, il a attendu plus d'une
année avant de s'en plaindre. Et la cour cantonale d'admet-
tre, sur la base des dépositions en justice et de ces indi-
ces, que l'intimée a rapporté la preuve que l'ordre de vente
du 11 janvier 1995 avait bel et bien été donné.

Le recourant voit un indice contraire d'abord dans
le fait qu'Aysegül Bulgur, entendue comme témoin, qui aurait
affirmé avoir confectionné une note interne au sujet de l'en-
tretien du 11 janvier 1995, n'a pas produit cette note. On
devrait déduire de cette circonstance que ledit entretien
n'a
jamais eu lieu. Or, le recourant déforme les propos dudit té-
moin en vue de servir sa thèse. Aysegül Bulgur a déclaré:
"Au
sujet de cet entretien, il devrait y avoir une note
interne".
Elle n'avait pas de souvenirs précis à cet égard, contraire-
ment à ce que laisse entendre le recourant.

Au demeurant, ainsi que l'a relevé Kathleen Wilt-
shire, directrice de l'intimée, c'est le bordereau de l'opé-
ration qui fait foi, l'ordre lui-même n'étant en général pas
confirmé par écrit ou par fax. L'opération litigieuse a fait
l'objet d'une inscription sur une pièce interne,
laquelle
mentionne: "as per phone" (selon entretien téléphonique) et
qui paraît donc se référer à un entretien téléphonique.
Cette
pièce est un autre indice, non relevé par la cour cantonale,
de l'existence des instructions téléphoniques du recourant.

En tout état de cause, les déclarations relevées de
façon imparfaite par le recourant n'établissent en rien
l'arbitraire de l'arrêt attaqué.

Le recourant allègue ensuite que les démarches té-
léphoniques que le témoin Bulgur dit avoir faites avant de
donner l'ordre de vente ne seraient pas prouvées. Or, ce
point n'est pas pertinent. La cour cantonale a fondé sa con-
viction quant à la réalité de l'ordre téléphonique du 11 jan-
vier 1995 sur d'autres éléments qui corroboraient les décla-
rations des témoins. L'existence et le nombre d'appels télé-
phoniques donnés par le témoin Bulgur, notamment au gestion-
naire du fonds SOVAX à New York en vue de vérifier l'opportu-
nité de vendre les titres, ne sont pas déterminants. Le re-
courant s'attarde ensuite sur le contenu du message qu'Ayse-
gül Bulgur lui a adressé le 12 janvier 1995, le lendemain de
l'ordre de vente des 59 915 titres SOVAX. Selon lui, la cour
cantonale aurait dû relever que ce message ne se référait
pas
à un prétendu ordre de vente donné la veille, mais au risque
d'un appel de marge, c'est-à-dire à l'éventualité que
Merrill
Lynch exige de son client qu'il renfloue son compte si celui-
ci n'était plus couvert. Or, ce risque, selon le recourant,
aurait en réalité été inexistant.

A nouveau, ces faits ne sont pas déterminants. La
cour cantonale n'a pas analysé spécialement le message du 12
janvier 1995 et la question de l'appel de marge qui y est
évoquée. Elle relève qu'Ali Ipar n'a pas réagi aux messages
envoyés dès le 12 janvier 1995 pour contester la vente inter-
venue, qu'il prétend aujourd'hui n'avoir pas ordonnée.

Or, cet élément, c'est-à-dire l'attitude d'Ali Ipar
lui-même dans cette affaire, que la cour cantonale retient à
juste titre comme indice pertinent, n'est pas discuté par le
recourant dans la présente branche du recours. Le fait que
le
message du 12 janvier 1995 ne se réfère pas à un entretien
de
la veille ne signifie nullement en soi que cet entretien
n'ait pas eu lieu. Le recourant n'explique d'ailleurs pas
pourquoi l'employée de Merrill Lynch aurait soudain et sans
ordre décidé de vendre ce paquet d'actions. Quant aux motifs
donnés par Aysegül Bulgur - "Je dis que s'il n'y a aucune ré-
férence à un entretien préalable dans le message du 12 jan-
vier 1995... c'est parce que je ne savais pas le prix des ac-
tions" -, ils ne sont, il est vrai, pas clairs et le témoin
n'a pas été invité à les préciser; ils ne démontrent cepen-
dant nullement que les réponses de ce témoin seraient, comme
souhaite le voir admettre le recourant, "absurdes et emprein-
tes d'une mauvaise foi caractérisée".

En ce qui concerne la menace d'appel de marge, elle
était réelle, même si elle n'était pas encore réalisée, puis-
que, selon le dernier cours connu des titres SOVAX au tout
début 1995, soit 16.70 US$, l'appel de marge aurait pu être
déclenché.

Il apparaît donc que l'intimée a non seulement agi
sur l'ordre exprès de son client, qui avait d'ailleurs une
certaine expérience en la matière, mais aussi dans son inté-
rêt, le cours du titre SOVAX, selon le témoin Bulgur, ayant
continué à baisser après la vente litigieuse.

Pour le reste, le recourant, dans la partie "faits"
de son recours, met en relief ce qu'il estime être en contra-
diction avec les faits admis par la cour cantonale, soit que
le message suivant de Merrill Lynch, le 13 janvier 1995, se
réfère à un entretien téléphonique, au contraire de celui du
12 janvier, et que les 16 et 19 janvier 1995, l'intimée de-
mande une confirmation écrite de l'ordre de vente. Or, ces
faits ne démontrent rien, et en tout cas pas l'arbitraire de
l'arrêt attaqué.

L'allusion à un entretien téléphonique précédant le
message du 13 janvier 1995 a été expliquée de façon
plausible
par le fait qu'il s'agissait alors de rectifier une informa-
tion qui venait d'être donnée par téléphone le jour même.

Il n'a pas été établi que l'ordre de vente des ti-
tres devait obligatoirement être confirmé par écrit. Dès
lors, peu importe qu'une confirmation ait été requise les 16
et 19 janvier et non le 11 janvier. Au demeurant, Aysegül
Bulgur a expliqué cette différence de traitement de façon
plausible par l'absence d'urgence, le 16 janvier 1995. Elle
a
aussi relevé que la situation s'était dégradée entre la ban-
que et le client. Cela peut facilement expliquer la prudence
accrue de la banque. Aucun de ces faits ne démontre en tout
cas que la cour cantonale aurait retenu de façon arbitraire,
qu'il y avait eu un ordre de vente le 11 janvier 1995.

Le recourant soutient ensuite qu'il est arbitraire
de retenir qu'il n'a pas réagi aux messages annonçant (ou
confirmant) la vente des titres SOVAX. Le témoignage de Gé-
rard Dolan établirait au contraire qu'Ali Ipar a dûment pro-
testé contre cette vente.

Or, le témoin Dolan, qui a succédé à Aysegül Bulgur
dans les relations de Merrill Lynch avec Ali Ipar, a déclaré
le 11 novembre 1998: "... Le recourant était contrarié parce

que c'est le fonds SOVAX qui avait été en partie réalisé...
pour lui, la part qui avait été réalisée était trop importan-
te. Il m'a dit qu'il avait contesté avoir donné un ordre de
vente et ne comprenait pas pourquoi on avait vendu. Ce mécon-
tentement avait déjà été exprimé à notre directrice avant
que
je parte à Nice. Le recourant m'a confirmé qu'il avait pris
contact par téléphone avec Madame Wiltshire. Lors de l'entre-
tien de Nice, je ne savais pas si réellement le client avait
ou n'avait pas donné des instructions. C'est lui qui m'a dit
n'en avoir pas donné...". Ce témoignage est indirect. Le té-
moin ne fait que rapporter des déclarations d'Ali Ipar posté-
rieures au 11 janvier 1995. Il n'établit rien de probant en
ce qui concerne l'existence et le contenu de l'entretien du
11 janvier 1995. Ali Ipar aurait certes, comme il le fait
aujourd'hui, prétendu en s'adressant à Gérard Dolan, n'avoir
pas donné d'ordre de vente des titres SOVAX ou d'une
pareille
quantité de ceux-ci, ces deux déclarations n'étant au demeu-
rant pas compatibles l'une avec l'autre, et s'en être plaint
aussitôt auprès de Merrill Lynch. Il n'établit en rien ce
fait et il demeure, comme l'a constaté la cour cantonale,
qu'Ali Ipar n'a fait parvenir aucune protestation à la
banque
et qu'il a continué d'entretenir des relations avec celle-ci
durant plus d'une année avant de se décider à faire valoir
un
préjudice.

Il n'était donc pas arbitraire de ne pas retenir
que le témoignage de Gérard Dolan infirmait la thèse de
l'intimée.

Enfin, le recourant veut voir un indice d'apprécia-
tion arbitraire des preuves dans le fait que la cour cantona-
le n'a pas pris en considération le message de Merrill Lynch
du 6 février 1998, produit en procédure par Ali Ipar, qui dé-
montrerait que l'intimée ne se satisfaisait pas des instruc-
tions orales de ses clients et qu'elle exigeait une confirma-
tion des demandes de transferts de fonds. Ce fait n'est pas

pertinent. Non seulement ledit message est postérieur de 3
ans à l'opération de janvier 1995 et intervient à un moment
où le litige a déjà éclaté, justifiant la prudence de l'inti-
mée, mais encore la requête d'instructions écrites concerne-
t-elle une opération de transfert de fonds pour laquelle, se-
lon Kathleen Wiltshire, la banque exigeait précisément des
instructions écrites. La lettre de Merrill Lynch de février
1998 est donc sans intérêt pour trancher la question de
l'existence de l'ordre verbal de vente donné le 11 janvier
1995, qui a par conséquent été retenue sans arbitraire par
la
cour cantonale.

Il s'ensuit le rejet de cette branche du recours.

3.- a) Le recourant rappelle qu'Aysegül Bulgur, en-
tendue en qualité de témoin, est l'employée de l'intimée. Ce
témoin aurait dès lors selon lui été "juge et partie". Il au-
rait en outre fait une déposition suspecte et critiquable.
En
retenant intégralement ce témoignage, la cour cantonale au-
rait fait un usage arbitraire de son pouvoir d'appréciation
prévu par les articles 196 et 228 de la Loi de procédure ci-
vile genevoise (LPC).

Ce moyen de recours peut être rejeté déjà dans la
mesure où le recourant part du postulat, non démontré on l'a
vu ci-dessus (consid. 2c/cc) que le témoignage d'Aysegül Bul-
gur ne serait pas crédible.

En outre, l'art. 196 LPC se borne à rappeler, comme
le font la plupart des codes de procédure civile cantonaux,
que le juge apprécie librement les résultats de la procédure
probatoire. Il n'est limité que par l'interdiction de l'arbi-
traire.

Quant à l'art 228 LPC, il prévoit ceci: "les par-
ties sont admises à articuler, soit à l'audience d'enquête,

soit dans leurs écritures ou plaidoiries, les diverses cir-
constances corroboratives ou infirmatives des témoignages
qui
ont été recueillis et le juge doit les apprécier". Il ne
s'agit là que d'un rappel du libre pouvoir d'appréciation
par
le juge du poids et de la portée d'un témoignage, le juge
pouvant notamment prendre en considération les relations per-
sonnelles entre le témoin et les parties (Bertossa/Gaillard/
Guyet, Commentaire de la LPC, vol. II n. 5 ad art. 228).

En l'espèce, la cour cantonale n'a pas ignoré le
fait que le témoin Bulgur était l'employée de l'intimée. Ce
fait ne l'empêchait pas en soi de retenir son témoignage
dont
la fausseté n'a pas été démontrée et qui était confirmé par
divers indices. L'application arbitraire des art. 196 et 228
LPC n'est à tout le moins pas démontrée.

b) Dans une deuxième branche de ce moyen, Ali Ipar
reproche à la cour cantonale d'avoir, de manière arbitraire,
admis que le message qui lui a été envoyé le 12 janvier 1995
était conforme à la vérité. Elle l'aurait fait en violation
de l'art 186 LPC. Sur ce point, le recourant, qui cite un
passage du commentaire susmentionné de l'art. 186 LPC, se
borne à alléguer l'arbitraire sans en apporter ne serait-ce
qu'un début de démonstration, ce qui rend cette partie du re-
cours irrecevable.

c) Enfin, selon le recourant, la cour cantonale se-
rait tombée dans l'arbitraire en écartant, sans motivation,
le témoignage de Gérard Dolan qui lui était favorable, vio-
lant ainsi grossièrement l'art. 146 LPC, lequel oblige le ju-
ge à motiver ses jugements. A nouveau, le recourant se con-
tente d'asséner des critiques dépourvues de toute
motivation,
ce qui rend son recours irrecevable à cet égard.

Au demeurant, on a vu ci-dessus (consid. 2c/cc) que
le témoignage de Gérard Dolan n'avait pas la portée que lui
attribue le recourant.

Il s'ensuit le rejet dans la mesure où il est rece-
vable du moyen de recours fondé sur la violation de la LPC.

4.- Le recourant reproche à la décision attaquée
d'avoir appliqué de façon arbitraire certaines dispositions
du droit fédéral relatif aux fonds de placement étrangers.
Par là, il soulève un moyen tiré de la violation du droit fé-
déral. Dès lors qu'est ouverte en l'espèce la voie du
recours
en réforme, voie que le recourant a d'ailleurs utilisée et

il présente les mêmes arguments, le recours de droit public
sur le même thème pour appréciation arbitraire de la loi est
irrecevable (art. 84 al. 2 OJ).

5.- Il s'ensuit le rejet, autant qu'il est receva-
ble, de cette branche du recours et, avec elle, le rejet,
dans la mesure où il est recevable, du recours tout entier.

Les frais doivent être mis à la charge du recourant
qui succombe (art. 156 al. 1 OJ). Ce dernier devra en outre
verser une indemnité pour les dépens de l'intimée (art. 159
al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est re-
cevable;

2. Met un émolument judiciaire de 15 000 fr. à la
charge du recourant;

3. Dit que le recourant versera à l'intimée une in-
demnité de 18 000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre civile de la Cour de jus-
tice du canton de Genève.

____________

Lausanne, le 5 janvier 2001
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.137/2000
Date de la décision : 05/01/2001
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-01-05;4p.137.2000 ?
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