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05/01/2001 | SUISSE | N°2A.283/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 05 janvier 2001, 2A.283/2000


2A.283/2000
«/2»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
************************************************

5 janvier 2001

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger, pré-
sident, Hungerbühler, Müller, Yersin et Berthoud, juge sup-
pléant. Greffière: Mme Rochat.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

V.________,

contre

la décision prise le 19 mai 2000 par le Département fédéral
de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la
co

mmunication, dans la cause qui oppose le recourant à l'Of-
fice fédéral de la communication;

(art. 45 ORTV: exonérat...

2A.283/2000
«/2»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
************************************************

5 janvier 2001

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger, pré-
sident, Hungerbühler, Müller, Yersin et Berthoud, juge sup-
pléant. Greffière: Mme Rochat.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

V.________,

contre

la décision prise le 19 mai 2000 par le Département fédéral
de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la
communication, dans la cause qui oppose le recourant à l'Of-
fice fédéral de la communication;

(art. 45 ORTV: exonération des redevances de réception radio
et télévision)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Reconnu invalide à 100 %, V.________ bénéficie
d'une rente entière d'invalidité d'un montant mensuel de
1'688 fr., ainsi que de prestations complémentaires
s'élevant
à 469 fr. par mois; il dispose ainsi d'un revenu annuel glo-
bal de 25'884 fr.

Le 27 avril 1998, il a déposé une demande d'exonéra-
tion des redevances de réception pour la radio et la télévi-
sion auprès de la société Billag SA, organe indépendant d'en-
caissement des redevances de réception au sens de l'art. 48
de l'ordonnance du 6 octobre 1997 sur la radio et la télévi-
sion (ORTV; RS 784.401).

Par décision du 5 mai 1998, Billag SA a rejeté la
demande au motif que le revenu déterminant de V.________ dé-
passait la limite de revenu annuel prévu par l'art. 46 ORTV.
Saisi d'un recours, l'Office fédéral de la communication l'a
rejeté le 6 juillet 1998, pour le même motif.

B.- V.________ a recouru contre la décision de l'Of-
fice fédéral de la communication auprès du Département fédé-
ral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de
la
communication (ci-après: le Département fédéral).

Par décision du 19 mai 2000, le Département fédéral
a rejeté le recours. Il a considéré que le revenu annuel dé-
terminant du recourant se composait exclusivement de sa
rente
d'invalidité, à concurrence de 20'256 fr. (1'688 fr. x 12),
et qu'il était donc supérieur au revenu modeste défini à
l'art. 46 ORTV, qui s'élevait à 19'900 fr., soit aux cinq
tiers du montant minimum de la rente AVS simple de 11'940
fr.
par année.

C.- Agissant par la voie du recours de droit admi-
nistratif, V.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler
la décision du Département fédéral du 19 mai 2000. Il présen-
te également une demande d'assistance judiciaire tendant à
l'exemption de l'avance de frais et à l'assistance d'un avo-
cat d'office. Ses arguments et ses moyens seront examinés ci-
après, dans la mesure utile.

Le Département fédéral et l'Office fédéral de la
communication concluent au rejet du recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- La décision attaquée est fondée sur la loi fédé-
rale sur la radio et la télévision (LRTV; RS 784.40), donc
sur le droit public fédéral. Aucun des motifs d'irrecevabili-
té des art. 99 à 101 OJ n'est réalisé en l'espèce; en parti-
culier, l'art. 99 lettre b OJ ne s'oppose pas au recours de
droit administratif. Cette voie de droit est en effet
ouverte
contre les décisions particulières qui appliquent un tarif
(ATF 116 V 130 consid. 2a p. 133; 109 Ib 308 consid. 1 p.
309). Le présent recours, qui satisfait aux exigences formel-
les des art. 97 ss OJ, est donc recevable.

2.- Sur le plan formel, le recourant reproche au Dé-
partement fédéral de n'avoir pas versé au dossier la corres-
pondance échangée avec l'Office fédéral de la communication
à
la suite de son intervention du 1er novembre 1999 auprès de
M. le Conseiller fédéral Moritz Leuenberger, ainsi que les
écritures relatives à son recours auprès de l'Office fédéral
de la communication contre la décision de Billag SA du 10 fé-
vrier 2000, qui rejetait l'opposition formée à l'encontre du

commandement de payer les redevances de réception de radio
et
de télévision. Ce grief n'est toutefois pas fondé, dans la
mesure où les pièces en question n'étaient pas liées direc-
tement à la procédure en cours devant le Département
fédéral.
En outre, les arguments soulevés par le recourant dans ces
écritures étaient identiques à ceux qu'il avait allégués
tout
au long de la procédure. Comme le Département fédéral l'a
d'ailleurs relevé dans ses observations sur le présent re-
cours, sa décision du 19 mai 2000 n'aurait pas été
différente
s'il avait pris en considération l'ensemble des pièces dont
le recourant se prévaut.

3.- Le recourant soutient que la notion de revenu
modeste contenue à l'art. 46 ORTV est inappropriée et crée
une inégalité de traitement, dès lors que seule la rente AVS
est prise en considération pour le calcul du revenu détermi-
nant donnant droit à l'exonération de la redevance de récep-
tion de radio et télévision, à l'exclusion des prestations
complémentaires. Des rentiers disposant des mêmes ressources
grâce aux prestations complémentaires peuvent ainsi être ou
non exonérés de la redevance uniquement parce que leur rente
AVS est différente suivant la durée de leurs cotisations et
de leur revenu moyen.

a) Saisi d'un recours de droit administratif, le
Tribunal fédéral peut examiner à titre préjudiciel la légali-
té et la constitutionnalité des ordonnances du Conseil fédé-
ral. S'agissant d'une ordonnance dépendante prise en vertu
d'une réglementation législative, le Tribunal fédéral
examine
si le Conseil fédéral est resté dans les limites des
pouvoirs
qui lui ont été conférés par la loi. Dans la mesure où la
délégation législative n'autorise pas le Conseil fédéral à
déroger à la Constitution, le Tribunal fédéral est également
habilité à revoir la constitutionnalité des règles contenues

dans l'ordonnance. Lorsque la délégation législative accorde
au Conseil fédéral un très large pouvoir d'appréciation pour
fixer les dispositions d'exécution, cette clause lie le Tri-
bunal fédéral. Dans un tel cas, le Tribunal fédéral ne sau-
rait substituer sa propre appréciation à celle du Conseil
fédéral et doit se limiter à examiner si l'ordonnance sort
manifestement du cadre de la délégation législative octroyée
au Conseil fédéral ou si, pour d'autres raisons, elle appa-
raît contraire à la loi ou à la Constitution (ATF 122 II 193
consid. 2c/bb p. 197; 120 Ib 97 consid. 3a p. 102; 118 Ib 81
consid. 3b p. 87, 367 consid. 4 p. 372).

La loi sur la radio et la télévision ne contient au-
cune disposition traitant de l'exonération de la redevance
de
réception. L'art. 55 LRTV prévoit uniquement, à son alinéa
3,
que le Conseil fédéral règle les modalités d'application de
la fixation du montant de la redevance. Le Conseil fédéral
dispose dès lors d'un large pouvoir d'appréciation pour
édicter une réglementation qui reste dans les limites des
garanties constitutionnelles. A cet égard, l'art. 12 Cst.,
qui garantit le droit à des conditions d'existence
minimales,
ne paraît pas applicable en l'espèce. Au vu de l'issue du
recours, la question n'a toutefois pas à être examinée plus
avant.

b) Selon l'art. 45 al. 2 lettre a ORTV, à teneur du
23 juin 1999, en vigueur depuis le 1er août 1999, les per-
sonnes invalides à 50 % au moins, dont le revenu est
modeste,
peuvent, sur demande écrite, être exonérées de la redevance
de réception radio et télévision; il en va de même pour les
rentiers AVS dont le revenu est modeste (lettre b). L'art.
46
al. 1 ORTV définit comme modeste un revenu inférieur aux
cinq
tiers du montant minimum annuel de la rente AVS simple.
L'alinéa 2 de l'art. 46 ORTV précise que sont considérés

comme revenus tous les revenus au sens de l'art. 3c de la
loi
fédérale du 19 mars 1965 sur les prestations complémentaires
à l'assurance vieillesse, survivants et invalidité (LPC; RS
831.30).

L'autorité intimée interprète cette disposition en
ce sens qu'il y a lieu de s'en tenir strictement au renvoi à
l'art. 3c LPC qui fixe de manière exhaustive les éléments à
prendre en considération pour le calcul des revenus détermi-
nants, en excluant certaines prestations mentionnées à
l'alinéa 2. Ainsi, elle ne tient compte des prestations
complémentaires de l'AVS/AI et des prestations d'aide
sociale
ou à caractère d'assistance exclues des revenus déterminants
par l'art. 3c al. 2 LPC (sur cette notion, voir la juris-
prudence du Tribunal fédéral des assurances: ATF 123 V 184
consid. 3 p. 186, 116 V 328 consid. 1a p. 330 et 1c p. 331
et
arrêt non publié du 27 janvier 2000 (P 10/99) en la cause S.
consid. 3) ni pour la définition du revenu modeste, ni pour
celle du revenu déterminant de l'intéressé. Dès lors, le
fait
que le recourant n'a pas été exonéré de la taxe litigieuse
est dû uniquement au montant de sa rente d'invalidité, qui
dépasse le montant du revenu modeste de l'art. 46 al. 1 ORTV.

c) L'autorité intimée fait valoir que la référence à
un multiple du montant minimum annuel de la rente AVS simple
permet de tenir compte de l'évolution des prix et des salai-
res, puisque le montant de la rente est périodiquement
adapté
à cette évolution, conformément à l'art. 33ter de la loi fé-
dérale sur l'assurance-vieillesse et survivants (LAVS; RS
831.10). Cette référence n'est pas critiquable en soi. Elle
ne doit cependant pas avoir pour résultat indirect de
traiter
différemment les personnes âgées ou invalides de condition
modeste pour l'exonération de la taxe, selon qu'elles bénéfi-
cient ou non d'un revenu équivalent grâce aux prestations

complémentaires. Or, tous les rentiers qui touchent de
telles
prestations parce que leur rente AVS/AI est insuffisante
pour
couvrir leurs besoins élémentaires entrent en principe dans
la catégorie des personnes ayant un revenu modeste. Dans son
message du 21 septembre 1964 relatif à un projet de loi sur
les prestations complémentaires de l'AVS/AI, le Conseil fédé-
ral relevait d'ailleurs qu'il était indispensable de créer
un
système de prestations sociales complémentaires, destiné à
pourvoir les personnes les plus mal loties socialement d'un
revenu minimum (FF 1964 II p. 706). Le système de calcul de
l'art. 46 ORTV s'écarte toutefois de ces considérations: se
fondant sur la rente AVS simple, il ne tient pas compte du
fait que cette rente varie selon la durée et le montant des
cotisations et qu'elle peut être complétée ou non par les
prestation complémentaires. Il ne correspond ainsi pas au
but
de l'art. 45 ORTV qui est précisément d'exonérer les person-
nes âgées ou invalides dont les conditions financières sont
difficiles.

En l'état, le recourant soutient donc à juste titre
que le système précité engendre une inégalité de traitement
entre deux rentiers aux ressources identiques, dont l'un est
exonéré de la redevance en raison de la modicité de sa
rente,
alors que l'autre ne l'est pas, parce que sa rente dépasse
le
seuil des cinq tiers de la rente AVS simple. Aucun critère
objectif ne justifie en effet que le rentier qui a cotisé da-
vantage à l'AVS soit défavorisé. En définissant de manière
trop restrictive les notions de revenu modeste et détermi-
nant, l'art. 46 ORTV a pour résultat que de nombreux
rentiers
AVS/AI dont les ressources, à l'instar de celles du recou-
rant, ne permettent pas la couverture des besoins personnels
minimums, ne peuvent pas bénéficier de l'exonération de la
redevance de réception.

Il s'ensuit que l'art. 46 ORTV est contraire au
principe de l'égalité de traitement contenu à l'art. 8 Cst.
Au demeurant, l'Office fédéral de la communication a admis
que le régime de l'art. 46 ORTV comportait certaines injus-
tices et qu'il s'efforcerait d'y remédier à l'occasion de la
prochaine révision de l'ordonnance.

4.- Au vu de ce qui précède, le recours doit être
admis et la décision attaquée annulée, le recourant étant
exonéré de la redevance de réception radio et télévision.

Compte tenu de l'issue du recours, le présent arrêt
doit être rendu sans frais (art. 156 al. 2 OJ). La requête
d'assistance judiciaire présentée par le recourant devient
ainsi sans objet, tant en ce qui concerne les frais que pour
la nomination d'un avocat d'office.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet le recours et annule la décision du Dépar-
tement fédéral de l'environnement, des transports, de l'éner-
gie et de la communication du 19 mai 2000, en ce sens que le
recourant est exonéré de la redevance de réception radio et
télévision.

2. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3. Constate que la demande d'assistance judiciaire
est devenue sans objet.

4. Communique le présent arrêt en copie au recou-
rant, au Département fédéral de l'environnement, des trans-
ports, de l'énergie et de la communications et à l'Office
fédéral de la communication.

_______________

Lausanne, le 5 janvier 2001
ROC/elo

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.283/2000
Date de la décision : 05/01/2001
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2001-01-05;2a.283.2000 ?
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