La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

29/12/2000 | SUISSE | N°I.325/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 29 décembre 2000, I.325/00


«AZA 7»
I 325/00 Sm

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Beauverd, Greffier

Arrêt du 29 décembre 2000

dans la cause

B.________, recourant, représenté par Maître Jean-François
Sarrasin, avocat, rue de la Poste 5, Martigny,

contre

Office cantonal de l'assurance-invalidité du Valais, avenue
de la Gare 15, Sion, intimé,

et

Tribunal des assurances du canton du Valais, Sion

A.- B.________ a travaillé en qualité

d'ouvrier agri-
cole puis de manoeuvre dans une usine. Après avoir cessé
toute activité au mois de décembre 1991 en raison d'une
...

«AZA 7»
I 325/00 Sm

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Beauverd, Greffier

Arrêt du 29 décembre 2000

dans la cause

B.________, recourant, représenté par Maître Jean-François
Sarrasin, avocat, rue de la Poste 5, Martigny,

contre

Office cantonal de l'assurance-invalidité du Valais, avenue
de la Gare 15, Sion, intimé,

et

Tribunal des assurances du canton du Valais, Sion

A.- B.________ a travaillé en qualité d'ouvrier agri-
cole puis de manoeuvre dans une usine. Après avoir cessé
toute activité au mois de décembre 1991 en raison d'une
maladie ulcéreuse bulbaire, il a déposé une demande de
rente de l'assurance-invalidité. Se fondant sur un rapport
d'expertise du docteur P.________ (du 22 août 1994), lequel
avait conclu à une capacité de travail entière, la Caisse
cantonale de compensation du canton du Valais a nié tout

droit à des prestations par décision du 28 octobre 1994.
L'assuré n'a pas recouru contre cette décision.
Le 23 janvier 1996, il a présenté une nouvelle demande
de prestations. Après avoir requis des renseignements
d'ordre médical, l'Office cantonal de l'assurance-invalidi-
té du Valais a rejeté cette demande par décision du
5 juillet 1996. Par jugement du 19 juin 1997, le Tribunal
des assurances du canton du Valais a rejeté le recours
formé contre cette décision.
Saisi d'une nouvelle demande, l'office AI a recueilli
de nouveaux renseignements médicaux et confié une expertise
au docteur D.________, spécialiste en psychiatrie et psy-
chothérapie (rapport du 1er septembre 1998). Par décision
du 8 janvier 1999, il a alloué à l'assuré, à partir du
1er août 1997, une rente entière d'invalidité.

B.- Saisi d'un recours de l'assuré qui concluait à
l'octroi d'une rente entière dès le 1er décembre 1992, le
tribunal cantonal l'a rejeté par jugement du 19 avril 2000.

C.- B.________ interjette recours de droit administra-
tif contre ce jugement, dont il demande l'annulation, en
concluant, sous suite de dépens, à l'octroi d'une rente en-
tière à partir du 1er décembre 1992, subsidiairement avant
le 1er août 1997. Par ailleurs, il requiert l'assistance
judiciaire.
L'office intimé conclut au rejet du recours. L'Office
fédéral des assurances sociales n'a pas présenté de déter-
mination.

Considérant en droit :

1.- Le recours de droit administratif est prolixe
(39 pages). Il convient donc d'avertir le recourant que de
telles écritures lui seront renvoyées s'il devait, à

l'avenir, récidiver (art. 30 al. 3 OJ; Poudret, Commentaire
de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol. I,
p. 186 ss).

2.- a) Le litige porte sur le point de savoir à partir
de quelle date le recourant a droit à la rente entière
d'invalidité.
Selon l'art. 29 al. 1 LAI, le droit à la rente au sens
de l'art. 28 LAI prend naissance au plus tôt à la date à
partir de laquelle l'assuré présente une incapacité de gain
durable de 40 % au moins (let. a) ou à partir de laquelle
il a présenté, en moyenne, une incapacité de travail de
40 % au moins pendant une année sans interruption notable
(let. b).

b) En l'espèce, l'affection qui a justifié l'octroi
d'une rente entière d'invalidité a été qualifiée par le
docteur D.________ de «troubles somatoformes douloureux,
dépression majeure sévère avec état régressif grave,
l'ensemble de ces troubles entrant dans le cadre d'une dé-
compensation certaine au fil des années d'un trouble de
personnalité de type psychotique (personnalité schizoïde)».
Cette affection a un caractère labile et l'on ne saurait
exclure que l'état de santé de l'intéressé puisse encore se
modifier de manière importante dans un avenir prévisible.
Dans ces conditions, l'existence d'une incapacité de gain
durable au sens de l'art. 29 al. 1 let. a LAI doit être
niée (cf. ATF 119 V 102 consid. 4a et les arrêts cités) et
le litige doit être tranché à la lumière de la let. b de
l'art. 29 al. 1 LAI.
Il convient donc d'examiner à partir de quelle date le
recourant a présenté, en moyenne, une incapacité de travail
de 40 % au moins pendant une année sans interruption nota-
ble.

3.- a) L'octroi par l'office intimé d'une rente
entière d'invalidité au recourant est fondé sur les conclu-

sions des médecins des Institutions psychiatriques du
Valais romand (IPVR; rapport du 10 décembre 1997) et du
docteur D.________ (rapport du 1er septembre 1998). Ces
médecins ont fait état d'une incapacité de travail entière
depuis 1991.
De son côté, le docteur P.________ - à qui l'adminis-
tration avait confié une expertise lors de l'instruction de
la première demande de prestation - a nié l'existence de
toute incapacité de travail imputable à un état psychique
maladif, l'assuré présentant exclusivement des troubles de
l'adaptation avec humeur dépressive et somatisation, en re-
lation avec une fixation sur la rente (rapport du 22 août
1994).

b) En présence d'avis médicaux contradictoires, le
juge doit apprécier l'ensemble des preuves à disposition et
indiquer les motifs pour lesquels il se fonde sur une
appréciation plutôt que sur une autre. En ce qui concerne
la valeur probante d'un rapport médical, ce qui est déter-
minant c'est que les points litigieux importants aient fait
l'objet d'une étude approfondie, que le rapport se fonde
sur des examens complets, qu'il prenne également en consi-
dération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en
pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la descrip-
tion des interférences médicales et l'analyse de la situa-
tion médicale soient claires et enfin que les conclusions
de l'expert soient bien motivées (ATF 122 V 160 consid. 1c
et les références; VSI 2000 p. 154 consid. 2c).

c) En l'espèce, les avis médicaux selon lesquels
l'incapacité de travail du recourant est entière depuis
1991 ne sauraient emporter la conviction. En effet, à
l'appui de leurs conclusions, les médecins de l'IPVR se
contentent d'invoquer «l'évolution chronique de ce cas, le
patient n'ayant pas repris le travail depuis 1991» (rapport
du 10 décembre 1997), motivation qui ne saurait satisfaire

aux exigences posées par la jurisprudence ci-dessus expo-
sée. Quant au docteur D.________, il a examiné le recourant
bien après le moment auquel il fait remonter l'apparition
de l'incapacité de travail imputable à un état psychique
maladif. Mais surtout, bien qu'il soit en contradiction sur
ce point avec les conclusions du docteur P.________, les
objections qu'il soulève à l'encontre du point de vue de ce
dernier ne sont pas de nature à les remettre en cause. En
particulier, le grief fondé sur les origines de l'expert
(serbe) et du recourant (albanais) ne saurait être consi-
déré comme un indice concret permettant de douter du
bien-fondé des conclusions du docteur P.________. Par
ailleurs, le rapport de ce dernier repose sur des observa-
tions approfondies - ce que reconnaît d'ailleurs le docteur
D.________ - et contient les éléments permettant de
conclure, au moment de la mise en oeuvre de l'expertise, à
l'existence d'une évolution de caractère sinistrosique.
Vu ce qui précède, le recourant ne subissait pas, au
mois d'août 1994, une incapacité de travail imputable à un
état psychique maladif pouvant entraîner une invalidité au
sens de l'art. 4 LAI.

4.- a) Cela étant, il n'en demeure pas moins que
postérieurement au rapport du docteur P.________, les
troubles d'adaptation (sans caractère pathologique) ont
fait place à l'état psychique maladif attesté par les
médecins de l'IPVR et le docteur D.________.
Invité à se prononcer sur le cas à l'occasion de la
deuxième demande de prestations, le docteur L.________ a
attesté, dans un premier temps, que la situation de
l'assuré ne s'était pas modifiée depuis le moment où le
docteur P.________ avait effectué son expertise (rapport du
12 février 1996). En revanche, le 27 mars 1997, ce médecin
a indiqué que l'état de santé de l'intéressé avait changé
par rapport à ses constatations antérieures, en ce sens
qu'il avait développé un état anxio-dépressif important,

nécessitant la mise en oeuvre d'une nouvelle expertise
(rapports des 27 mars et 20 mai 1997). Sur le vu du rapport
initial de ce praticien, il n'est cependant pas exclu que
l'état de santé du recourant se soit modifié de manière à
entraîner une incapacité de travail avant 1996 déjà. En
effet, bien que le docteur L.________ atteste un statu quo
ante, le fait qu'il indique une incapacité de travail
entière depuis le mois de juin 1995 permet de penser que la
situation s'était dégradée avant l'établissement de son
rapport initial du 12 février 1996. Au demeurant, dans un
certificat du 20 décembre 1995, le docteur K.________ a
fait état d'une dégradation de l'état de santé survenue
«depuis plusieurs mois» et qui se manifeste notamment par
une aggravation des troubles de l'adaptation, avec humeur
dépressive.

b) Par décision du 5 juillet 1996, confirmée par
jugement du tribunal cantonal du 19 juin 1997, l'office
intimé a toutefois dénié au recourant le droit à une rente.
Il ne pouvait donc revenir sur cette décision qu'aux
conditions qui président à la révocation, par son auteur,
d'une décision administrative. A cet égard, la jurispru-
dence constante distingue la reconsidération d'une décision
formellement passée en force de chose jugée et sur laquelle
une autorité judiciaire ne s'est pas prononcée quant au
fond, à laquelle l'administration peut procéder pour autant
que la décision soit sans nul doute erronée et que sa
rectification revête une importance notable (ATF 122 V 21
consid. 3a, 173 consid. 4a, 271 consid. 2, 368 consid. 3,
121 V 4 consid. 6 et les arrêts cités) d'avec la révision
d'une décision entrée en force formelle, à laquelle l'admi-
nistration est tenue de procéder lorsque sont découverts
des faits nouveaux ou de nouveaux moyens de preuve suscep-
tibles de conduire à une appréciation juridique différente
(ATF 122 V 21 consid. 3a, 138 consid. 2c, 173 consid. 4a,
272 consid. 2, 121 V 4 consid. 6 et les références).

En l'espèce, une révocation de la décision administra-
tive du 5 juillet 1996 n'entre pas en considération, notam-
ment parce qu'elle n'apparaît pas sans nul doute erronée
sur le vu des renseignements d'ordre médical dont on dispo-
sait au moment du prononcé. Par ailleurs, si l'apparition
d'un état psychique maladif doit être qualifiée de fait
nouveau susceptible de conduire à une appréciation juridi-
que différente, l'office intimé ne pouvait pas procéder à
la révision de la décision en cause. Celle-ci ayant été
déférée à la juridiction cantonale, seule cette dernière
pouvait en effet être valablement saisie d'une demande de
révision de son jugement par lequel elle a confirmé cet
acte administratif.

c) Vu ce qui précède, la cour de céans n'a pas à
examiner si le recourant a droit à la rente d'invalidité
pour la période précédant le 5 juillet 1996. En revanche,
dans la mesure où il présentait, au mois d'août suivant,
une incapacité de travail moyenne - due à une atteinte à la
santé - de 40 % au moins depuis une année, sans interrup-
tion notable, il a droit à la rente d'invalidité depuis le
1er août 1996.

5.- Le recourant, qui obtient partiellement gain de
cause, a droit à des dépens partiels pour l'instance fédé-
rale (art. 159 en relation avec l'art. 135 OJ). Par
ailleurs, les conditions du droit à l'assistance judiciaire
sont réalisées. Cependant, selon l'art. 152 al. 3 OJ, si le
recourant peut rembourser ultérieurement la caisse du
tribunal, il est tenu de le faire.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est partiellement admis et le jugement du
Tribunal des assurances du canton du Valais du

19 avril 2000, ainsi que la décision de l'Office can-
tonal de l'assurance-invalidité du Valais du 8 janvier
1999 sont réformés; le recourant a droit à la rente
entière d'invalidité depuis le 1er août 1996. Le re-
cours est rejeté pour le surplus.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. L'assistance judiciaire est accordée. Les honoraires
(y compris la taxe à la valeur ajoutée) de Maître
Sarrasin, sont fixés à 1600 fr. pour l'instance fé-
dérale et seront supportés pour moitié par l'office
intimé et pour moitié par la caisse du tribunal.

IV. Le Tribunal des assurances du canton du Valais
statuera à nouveau sur les dépens de l'instance can-
tonale, au regard de l'issue du procès.

V. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal des assurances du canton du Valais et à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 29 décembre 2000

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.325/00
Date de la décision : 29/12/2000
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-12-29;i.325.00 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award