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21/12/2000 | SUISSE | N°C.266/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 21 décembre 2000, C.266/00


«AZA 7»
C 266/00 Kt

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer; Métral,
Greffier

Arrêt du 21 décembre 2000

dans la cause

Secrétariat d'Etat à l'économie, Bundesgasse 8, Berne,
recourant,

contre

C.________, intimé, représenté par Me Thierry Thonney,
avocat, place Pépinet 4, Lausanne,

et

Tribunal administratif du canton de Vaud, Lausanne

A.- C.________, né en 1966, est installateur sanitaire
de formation. Après avoir exercé

cette profession pendant
deux ans, il a travaillé comme magasinier, jusqu'en 1994,
puis alterné des périodes de chômage et de travail,
...

«AZA 7»
C 266/00 Kt

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer; Métral,
Greffier

Arrêt du 21 décembre 2000

dans la cause

Secrétariat d'Etat à l'économie, Bundesgasse 8, Berne,
recourant,

contre

C.________, intimé, représenté par Me Thierry Thonney,
avocat, place Pépinet 4, Lausanne,

et

Tribunal administratif du canton de Vaud, Lausanne

A.- C.________, né en 1966, est installateur sanitaire
de formation. Après avoir exercé cette profession pendant
deux ans, il a travaillé comme magasinier, jusqu'en 1994,
puis alterné des périodes de chômage et de travail,
jusqu'au 23 février 1997. A cette date, il est parti en
Angleterre pour un séjour linguistique de six mois.
De retour en Suisse, C.________ a suivi une formation
de dix mois dans une école privée de G.________, à l'issue

de laquelle il a obtenu, le 30 juin 1998, un diplôme
d'agent de voyages et d'études de commerce. Le 27 juillet
1998, il s'est inscrit comme demandeur d'emploi auprès de
l'Office régional de placement de Renens. La Caisse publi-
que cantonale vaudoise de chômage lui a alors versé des
indemnités de chômage.
Dès le 1er novembre 1998, C.________ a travaillé comme
stagiaire dans l'agence de voyage V.________ Sàrl. Son
contrat prévoyait un engagement de 6 mois, à raison de
40 heures de travail hebdomadaire pour un salaire mensuel
de 1000 fr.
Le 21 décembre 1998, la Caisse publique cantonale
vaudoise de chômage a refusé de lui verser une compensation
de la différence entre son gain assuré, 2213 fr. par mois,
et son salaire de stagiaire. Selon elle, ce dernier ne
pouvait être considéré comme un gain intermédiaire, dans la
mesure où il était très inférieur à la rémunération usuelle
d'un agent de voyage et où le stage revêtait un caractère
prépondérant de formation.
Le 21 janvier 2000, le Service de l'emploi du départe-
ment de l'économie du canton de Vaud a rejeté le recours
formé contre cette décision par l'assuré.

B.- Par jugement du 7 août 2000, le Tribunal adminis-
tratif du canton de Vaud a admis le recours formé contre
cette dernière décision par l'assuré. Il a considéré que
celui-ci avait réalisé un gain intermédiaire et qu'il avait
droit, à ce titre, à une compensation de la différence
entre son salaire de stagiaire et le gain assuré.

C.- Le Secrétariat d'Etat à l'économie interjette
recours de droit administratif contre ce jugement, dont il
demande l'annulation. Il conclut à ce que le caractère de
gain intermédiaire du salaire perçu par l'intimé soit nié,
et «éventuellement» à ce que le dossier soit renvoyé à
l'office régional de placement pour qu'il examine si le

stage effectué par l'intimé peut être qualifié d'emploi
temporaire, dans le cadre d'un stage professionnel en en-
treprise, et donner droit, à ce titre, au versement d'in-
demnités spécifiques. L'intimé conclut au rejet du recours,
avec suite de frais et dépens. La Caisse publique cantonale
vaudoise de chômage s'en remet à justice.

Considérant en droit :

1.- Le litige porte sur le droit de l'intimé à des
indemnités compensatoires, au sens de l'art. 24 LACI, pen-
dant la durée de son stage. Le pouvoir d'examen du Tribunal
fédéral des assurances n'est donc pas limité à la violation
du droit fédéral - y compris l'excès et l'abus du pouvoir
d'appréciation - mais s'étend également à l'opportunité de
la décision attaquée. Le tribunal n'est pas lié par l'état
de fait constaté par la juridiction inférieure, et il peut
s'écarter des conclusions des parties à l'avantage ou au
détriment de celles-ci (art. 132 OJ).

2.- Selon l'art. 24 al. 1 LACI, est réputé intermé-
diaire tout gain que le chômeur retire d'une activité sala-
riée ou indépendante durant une période de contrôle. L'as-
suré a droit, dans les limites du délai-cadre applicable à
la période d'indemnisation, à une compensation de la diffé-
rence entre le gain assuré et le gain intermédiaire réali-
sé, ce dernier devant être conforme, pour le travail effec-
tué, aux usages professionnels et locaux (art. 24 al. 2 et
3 LACI).
Il n'existe cependant pas de droit à une compensation
de la perte de gain, au sens de ces dispositions, en faveur
d'un assuré qui poursuit une formation. Dans un tel cas, le
but de formation et l'acquisition de connaissances profes-
sionnelles prédominent par rapport à l'obtention du revenu
d'une activité lucrative (DTA 1998 no 7 p. 36; Nussbaumer,

Arbeitslosenversicherung, in : Schweizerisches Bundesver-
waltungsrecht, no 340 p. 128; Gerhards, Arbeitslosenversi-
cherung : «Stempelferien», Zwischenverdienst und Kurzar-
beitsentschädigung für öffentliche Betriebe und Verwal-
tungen - Drei Streitfragen, in RSAS 1994, p. 350).

3.- En l'espèce, l'intimé, bilingue (français/-
italien), a suivi des cours d'anglais pendant six mois en
Angleterre. Il a également achevé une formation d'agent de
voyage dans une école privée de G.________. Les cours
dispensés dans cette école, étalés sur 10 mois, à raison de
20 à 40 heures hebdomadaires, portaient sur les matières
suivantes : transports aériens et tarifs passagers, système
de réservation électronique Galileo, gestion d'une agence,
publicité et techniques de guide, transports terrestres et
maritimes, hôtellerie (catégories, services, prix, systèmes
de réservation), géographie touristique, français, anglais,
dactylographie, comptabilité, techniques de bureau, droit
commercial, techniques de vente et travaux pratiques
d'agence. La formation suivie était donc complète et orien-
tée vers la pratique professionnelle. Après l'obtention de
son diplôme d'agent de voyages, l'intimé pouvait espérer
travailler dans cette profession sans qu'un stage fût
nécessaire pour compléter sa formation, achevée en juillet
1998.
S'il a certes pu acquérir, à l'occasion de son stage,
quelques connaissances pratiques supplémentaires, comme
toute personne débutant dans une nouvelle profession, il
n'y a pas lieu pour autant de considérer que ce travail
faisait partie intégrante de sa formation. Par conséquent,
le salaire qui lui était versé par V.________ Sàrl doit
être qualifié de gain intermédiaire au sens de la loi.

4.- a) La réglementation sur la compensation de la
différence entre le gain assuré et un gain intermédiaire
(art. 24 LACI) est une norme de calcul des indemnités de

chômage au sens des art. 8 ss LACI (ATF 121 V 339
consid. 2b et 2c). Un assuré ne perd pas son droit à l'in-
demnité du seul fait qu'un salaire, annoncé comme gain
intermédiaire à la caisse de chômage, est inférieur aux
usages professionnels et locaux. Dans cette hypothèse, il a
droit à la compensation de la différence entre le gain
assuré et le salaire correspondant aux usages profession-
nels et locaux (ATF 120 V 252 consid. 5e). Un salaire fic-
tif, conforme à ces usages, remplace le salaire réellement
perçu par l'assuré, pour le calcul de sa perte de gain.

b) aa) Les premiers juges n'ont pas examiné si le
salaire perçu par l'intimé durant le stage était conforme
aux usages professionnels et locaux. Selon eux, la question
a en effet déjà été tranchée implicitement par l'office
régional de placement, qui n'a pas remis en cause le carac-
tère convenable du travail au service de V.________ Sàrl.
On ne saurait les suivre sur ce point : la question de
la conformité du salaire fixé contractuellement aux usages
professionnels et locaux, au sens de l'art. 24 al. 3 LACI,
qui ne se confond pas avec celle du caractère convenable
d'un emploi (art. 16 LACI), doit être examinée par la
caisse à l'occasion du calcul des indemnités de chômage
(art. 81 al. 1 let. a LACI); dès lors, l'absence d'une
décision formelle de l'office sur cette question ne peut
pas être interprétée comme une décision implicite en faveur
de l'assuré.

bb) En l'espèce, l'intimé, comme on l'a vu, pouvait
fournir un travail directement utile à son employeur. Dans
le calcul de l'indemnité de chômage, il convient donc de se
référer au salaire usuel d'un agent de voyage, non d'un
stagiaire. Or, la rémunération d'un agent de voyage, d'a-
près les usages professionnels et locaux, est sensiblement
supérieure au gain assuré de l'intimé, à savoir 2213 fr.
par mois, ce qui n'est au demeurant pas contesté. La perte

de gain subie par l'intimé, pendant les périodes de con-
trôle litigieuses, était donc inexistante. Partant, son
droit à des indemnités de chômage doit être nié, pour ces
périodes de contrôle, sous réserve de ce qui sera dit au
considérant suivant.

5.- Comme le soutient le recourant, le travail de
l'intimé au service de V.________ Sàrl pourrait éventuel-
lement être qualifié d'emploi temporaire, dans le cadre
d'un stage professionnel en entreprise, au sens de
l'art. 72 al. 2 LACI, et donner lieu, à ce titre, à des
prestations de l'assurance-chômage. Il n'appartient toute-
fois pas au tribunal de céans d'examiner si le stage accom-
pli par l'intimé tombait sous le coup de cette disposition,
alors que cette question n'a été examinée ni par les auto-
rités cantonales, ni par la caisse de chômage. Il convient
donc d'annuler la décision de la caisse du 12 décembre
1998, ainsi que celle du service de l'emploi du 21 janvier
2000 et le jugement attaqué. La cause sera renvoyée à la
caisse, pour qu'elle se prononce sur le droit de l'intimé
aux prestations de l'assurance-chômage pour la durée de son
stage, au regard de l'art. 72 al. 2 LACI.
L'intimé, qui succombe, ne peut prétendre des dépens
(art. 159 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis.

II. Le jugement du Tribunal administratif du canton de
Vaud du 7 août 2000, ainsi que la décision du service
cantonal de l'emploi du 21 janvier 2000 et la décision

de la Caisse publique cantonale vaudoise de chômage du
21 décembre 1998 sont annulés.

III. La cause est renvoyée à la susdite caisse de chômage
pour nouvelle décision au sens des considérants.

IV. Il n'est pas perçu de frais de justice.

V. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal administratif du canton de Vaud, au Service de
l'emploi du département vaudois de l'économie publique
et à la Caisse publique cantonale vaudoise de chômage.

Lucerne, le 21 décembre 2000

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.266/00
Date de la décision : 21/12/2000
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-12-21;c.266.00 ?
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