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20/12/2000 | SUISSE | N°2P.197/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 20 décembre 2000, 2P.197/2000


2P.197/2000
«/2»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
************************************************

20 décembre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Wurzburger, président,
Hungerbühler et Meylan, juge suppléant.
Greffière: Mme Rochat.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

A.________ et B.________, représentés par Me Amédée Kasser,
avocat à Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 9 août 2000 par le Tribunal administratif
du canton de Vaud, dans la

cause qui oppose les recourants
au
Conseil de la Faculté de droit, à Lausanne, au Rectorat de
l'Université de Lausanne...

2P.197/2000
«/2»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
************************************************

20 décembre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Wurzburger, président,
Hungerbühler et Meylan, juge suppléant.
Greffière: Mme Rochat.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

A.________ et B.________, représentés par Me Amédée Kasser,
avocat à Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 9 août 2000 par le Tribunal administratif
du canton de Vaud, dans la cause qui oppose les recourants
au
Conseil de la Faculté de droit, à Lausanne, au Rectorat de
l'Université de Lausanne et au Département de la formation
et
de la jeunesse du canton de Vaud;

(art. 8 et 9 Cst.: délivrance d'un diplôme postgrade)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- En 1991, l'Université de Lausanne a instauré un
"Diplôme postgrade en droit européen", délivré au terme d'un
programme de troisième cycle d'une durée d'une année. Cet en-
seignement fait l'objet du Règlement adopté le 21 juin 1991
par le Chef du Département de l'instruction publique et des
cultes, devenu le Département de la formation et de la jeu-
nesse (ci-après: le Département). En 1992, un membre du Con-
seil de la Faculté de droit avait suggéré d'ajouter la men-
tion "Master of European Law" ou "LL.M." au diplôme
postgrade
pour le rendre compréhensible par les étudiants anglophones,
mais cette proposition n'avait pas été retenue. En 1995 tou-
tefois, une trentaine d'étudiants qui préparaient le diplôme
postgrade en droit européen sont intervenus dans le même
sens
auprès du Doyen de la Faculté de droit. Cette proposition a
été acceptée à l'unanimité par le Conseil de la Faculté de
droit dans sa séance du 11 mai 1995 et approuvée par le Rec-
torat le 2 juin 1995. L'Université a ainsi délivré des di-
plômes de droit européen comportant la mention "LL.M." à
partir de juillet 1995, bien que la modification correspon-
dante n'ait été adoptée que le 23 septembre 1996 par le Chef
du Département.

B.- A.________ et B.________ ont obtenu le diplôme
postgrade en droit européen en octobre 1993. A leur demande,
le Centre de droit comparé et européen leur a délivré, le 14
décembre 1995, une attestation précisant qu'ils avaient obte-
nu ce diplôme et que celui-ci portait désormais le titre de
"Diplôme postgrade en droit européen (LL.M)". A.________ et
B.________ ont alors insisté pour que la mention "LL.M"

figure sur le diplôme lui-même. Tant le Décanat, par
décision
du 25 juillet 1997, que le Rectorat dans sa décision du 14
octobre 1997, ont refusé cette requête.

C.- Saisi d'un recours contre cette dernière déci-
sion, le Tribunal administratif l'a rejeté par arrêt du 9
août 2000. Il a considéré en substance qu'en l'absence de
disposition contraire du Règlement concernant l'enseignement
et le diplôme postgrade en droit européen (ci-après: le Rè-
glement), il n'y avait pas lieu de s'écarter du principe gé-
néral selon lequel seules sont déterminantes les normes en
vigueur au moment où se produisent les faits dont les consé-
quences juridiques sont en cause. Or le refus opposé aux re-
courants en raison de ces normes n'était ni arbitraire, ni
constitutif d'une inégalité de traitement.

D.- Agissant par la voie du recours de droit public,
A.________ et B.________ concluent, avec suite de frais et
dépens, à l'annulation de l'arrêt du Tribunal administratif
du 9 août 2000 pour violation des art. 8 et 9 Cst.

Le Tribunal administratif a renoncé à se déterminer
sur le recours, tandis que le Département a conclu à son re-
jet.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t:

1.- Rendue en dernière instance cantonale en appli-
cation du droit cantonal, la décision attaquée peut en prin-
cipe faire l'objet d'un recours de droit public pour viola-
tion des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 et 86
OJ).

a) Toutefois, la qualité pour recourir par la voie
du recours de droit public se détermine exclusivement
d'après
l'art. 88 OJ, indépendamment de la position du recourant
dans
la procédure cantonale (ATF 126 I 43 consid. 1a p. 44). Les
intérêts juridiques personnels que le recourant peut faire
valoir doivent donc être protégés soit par une loi cantonale
ou fédérale, soit directement par le droit fondamental spéci-
fique, pour autant que ces intérêts se trouvent dans le
champ
de protection de la norme constitutionnelle invoquée (ATF
124
I 159 consid. 1c p. 161/162; 123 I 279 consid. 3c/aa p. 280;
122 I 44 consid. 3b/bb p. 47; 121 I 267 consid. 2 p. 269 et
les références citées). A cet égard, l'entrée en vigueur de
l'art. 9 Cst. au 1er janvier 2000 n'a pas modifié la juris-
prudence rendue sous l'empire de l'art. 4 aCst., selon la-
quelle l'interdiction générale de l'arbitraire ne confère
pas, à elle seule, une position juridique protégée au sens
de
l'art. 88 OJ, lorsque le recourant se plaint d'une mauvaise
application du droit (ATF 126 I 81 consid. 3b p. 85 et les
arrêts cités).

b) En outre, pour être recevable, un recours de
droit public doit, sous peine d'irrecevabilité, contenir un
exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes
juridiques violés et préciser en quoi consiste la violation
(art. 90 al. 1 lettre b OJ). Lorsqu'il procède à l'examen
d'un tel recours, le Tribunal fédéral n'a pas à vérifier de
lui-même si l'arrêt attaqué est en tout point conforme au
droit et à l'équité. Il n'examine ainsi que les griefs d'or-
dre constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans
l'acte de recours (ATF 122 I 70 consid. 1c p. 73; 119 Ia 197
consid. 1d p. 201; 118 Ia 64 consid. 1b p. 67). Par
ailleurs,
dans un recours pour arbitraire fondé sur l'art. 9 Cst. (an-
térieurement art. 4 aCst.), le recourant ne peut se
contenter
de critiquer l'arrêt attaqué comme il le ferait dans une pro-

cédure d'appel où l'autorité de recours peut revoir
librement
l'application du droit (ATF 117 Ia 412 consid. 1c p.
414-415;
107 Ia 186 et la jurisprudence citée).

c) En ce qui concerne enfin les nouveaux moyens de
droit, ils ne peuvent être soulevés, dans un recours de
droit
public pour arbitraire et les griefs qui y sont liés, que
s'ils portent sur une question juridique qui a été évoquée
pour la première fois et de manière imprévisible dans la dé-
cision de dernière instance cantonale ou qui s'imposait à
tel
point que l'autorité cantonale aurait dû l'examiner d'office
(ATF 107 Ia 187 consid. 2b p. 191; 99 Ia 113 consid. 4a p.
122; Walter Kälin, Das Verfahren der staatsrechtlichen Besch-
werde, 2ème éd. Berne 1994, p. 370-371).

d) La recevabilité du présent recours doit dès lors
être examinée d'après les règles et les principes jurispru-
dentiels précités.

2.- Selon l'art. 8 de la loi sur l'Université de
Lausanne du 6 décembre 1977 (LUL), le Conseil d'Etat adopte
le règlement d'application de la loi, soit le règlement géné-
ral, sur la base de propositions présentées par l'Université
(al. 1), alors que le Département de la formation et de la
jeunesse adopte les règlements des facultés ou des écoles,
sur la base de propositions présentées par ces instances
(al.
2), et approuvées par le Recorat.

En tant qu'il définit l'organisation de l'enseigne-
ment postgrade en droit européen et les conditions d'accès
aux examens auxquels est conditionnée la délivrance du diplô-
me correspondant, le Règlement de 1991 entre clairement dans
la catégorie des règlements définie par l'art. 8 al. 2 LUL
et
dont l'adoption relève du Département. Son art. 12 précise
d'ailleurs qu'il entre en vigueur avec son adoption par le
Département. Enfin, comme l'expose ce dernier dans sa
réponse

au présent recours, ledit règlement contient des règles de
droit, du moment qu'il détermine le programme d'études et
les
épreuves que doivent réussir les candidats pour pouvoir pré-
tendre au diplôme postgrade de droit européen. Il confère
ainsi un droit à l'obtention de ce diplôme aux candidats qui
ont satisfait aux exigences prévues (voir notamment art. 9)
et constitue dès lors une loi au sens matériel. Il s'ensuit
que les recourants ont bien qualité, au sens de l'art. 88
OJ,
pour former le présent recours.

3.- Invoquant les art. 8 et 9 Cst., les recourants
se plaignent d'inégalité de traitement et d'arbitraire, dans
la mesure où il leur a été refusé ce qui a été accordé aux
étudiants de la volée 1994/1995, lesquels ont bénéficié du
nouveau régime au sujet du diplôme avec mention "LL.M" uni-
quement parce que le Conseil de faculté avait changé d'avis,
mais sans que les nouvelles règles aient été approuvées par
le Département.

a) Il est constant que l'adjonction de la mention
"LL.M" dans l'intitulé du diplôme a été décidée par le Con-
seil de la Faculté de droit dans sa séance du 11 mai 1995 et
approuvée par le Rectorat le 12 juin de la même année.
L'adoption par le Département date, quant à elle, du 23 sep-
tembre 1996. A l'époque où les candidats de l'année académi-
que 1994/1995 ont obtenu un diplôme adapté en fonction de la
décision du Conseil de faculté du 11 mai 1995, la modifica-
tion correspondante de l'art. 9 du Règlement de 1991 n'était
donc pas encore entrée en force.

On ne saurait toutefois affirmer que, pendant cette
période de juin 1995 à septembre 1996, les autorités univer-
sitaires auraient modifié leur pratique sans base légale. En
effet, comme il résulte de l'art. 8 al. 2 LUL, les
règlements
édictés par les facultés supposent, pour atteindre leur per-

fection juridique, trois opérations successives: l'adoption
d'une proposition par la faculté, son approbation par le Rec-
torat et son adoption par le Département. Chacune de ces opé-
rations est indispensable; il ne serait donc pas concevable
que le Département adopte un règlement sans que la proposi-
tion lui en ait été faite au préalable par la faculté. Ainsi
une proposition de règlement qui a été décidée par la facul-
té, mais n'a pas encore reçu l'approbation du Rectorat, ni
été adoptée par le Département ne constitue par un vide juri-
dique total, mais plutôt une "lex imperfecta". Lorsque,
comme
en l'espèce, la réglementation a été appliquée dans les
faits
avant même d'avoir franchi les étapes subséquentes nécessai-
res à sa perfection, il n'est pas insoutenable d'admettre
que
les actes d'application effectués se trouvent régularisés a
posteriori, du moins lorsque cette solution est à l'avantage
de l'administré.

A cet égard, le Tribunal administratif pouvait donc
retenir que la situation des candidats ayant obtenu leur di-
plôme en 1995 n'était pas identique à celle des recourants,
qui l'ont obtenu déjà en octobre 1993, car à cette époque,
il
n'existait aucune décision du Conseil de la Faculté au sujet
de la modification du titre du diplôme en cause, celle-ci
ayant même été refusée en 1992. Sous cet angle, les recou-
rants ne sauraient ainsi se plaindre d'une inégalité de trai-
tement.

b) Du moment que la décision de la faculté constitue
la première étape dans l'élaboration du règlement, elle ne
saurait être assimilée à un simple changement de pratique in-
terne. Les recourants ne peuvent dès lors pas reprocher au
Tribunal administratif d'être tombé dans l'arbitraire en re-
tenant que la nouvelle réglementation ne déployait ni effet
anticipé, ni effet rétroactif.

c) La nouvelle appellation ne saurait non plus être
étendue à tous les diplômes obtenus depuis la création de
cet
enseignement en 1991, car le Département avait adopté, peu
avant la version amendée de l'art. 9 du Règlement de 1991
concernant le titre du diplôme en cause, une série d'autres
modifications qui rendaient plus difficiles les conditions
d'obtention du diplôme. Même si ces modifications n'étaient
pas directement liées au changement de dénomination du diplô-
me, il reste que les deux sont entrées en vigueur à peu près
à la même date et que, chronologiquement tout au moins, le
changement de libellé du titre du diplôme correspond à des
modifications de fond portant sur les conditions d'obtention
de celui-ci. Etendre la nouvelle appellation à l'ensemble
des
diplômes obtenus depuis 1991 reviendrait donc à créer la con-
fusion entre les diplômes obtenus sous deux régimes diffé-
rents, ce dont les candidats ayant obtenu leur titre en sa-
tisfaisant à des exigences accrues seraient fondés à se
plaindre.

Dans cette perspective, la solution retenue en fa-
veur des candidats ayant obtenu leur diplôme en 1995
pourrait
certes s'avérer choquante s'il devait apparaître - ce qui
n'est pas clairement démontré - que ceux-ci n'ont pas été
soumis aux exigences renforcées. Mais, dans ce cas, seuls
les
titulaires de diplômes obtenus ultérieurement sous l'empire
de la nouvelle réglementation auraient qualité pour s'en
plaindre. De leur côté, les recourants ne sauraient en effet
se prévaloir de l'application irrégulière d'une réglementa-
tion qui n'était pas en vigueur lorsqu'ils ont obtenu leur
diplôme en 1993.

d) Il est vrai qu'une enseignante ayant obtenu son
diplôme en 1992 a fait état par la suite du titre avec men-
tion "LL.M". Elle a toutefois été invitée à s'en abstenir à
l'avenir et le Tribunal administratif constate, sans être
contredit, que cette invitation a été suivie. De ce point de

vue non plus, les recourants ne peuvent donc pas se plaindre
d'une inégalité de traitement.

e) Pour le reste, les recourants ne démontrent pas
de manière conforme aux exigences de l'art. 90 al. 1 lettre
b
OJ, en quoi ils seraient prétérités par l'attestation qui
leur a été délivrée le 14 décembre 1995, laquelle précise
qu'ils ont obtenu le
diplôme postgrade en droit européen
qui,
selon décision du Conseil de la Faculté de droit de l'Univer-
sité de Lausanne du 11 mai 1995, portent dorénavant le titre
"Diplôme postgrade en droit européen (LL.M)". Ils ne disent
notamment pas en quoi cette attestation serait insuffisante
pour faire reconnaître, en Suisse ou à l'étranger, la forma-
tion qu'ils ont suivie.

4.- Au vu de ce qui précède, le recours doit être
rejeté dans la mesure où il est recevable, avec suite de
frais à la charge solidaire des recourants (art. 156 al. 1
et
7 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l,

1. Rejette le recours dans la mesure où il est rece-
vable.

2. Met à la charge des recourants un émolument judi-
ciaire de 2'000 fr., solidairement entre eux.

3. Communique le présent arrêt en copie au mandatai-
re des recourants, au Conseil de la Faculté de droit, à

Lausanne, au Rectorat de l'Université de Lausanne, au Dépar-
tement de la formation et de la jeunesse et au Tribunal admi-
nistratif du canton de Vaud.

_______________

Lausanne, le 20 décembre 2000
ROC/elo

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2P.197/2000
Date de la décision : 20/12/2000
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-12-20;2p.197.2000 ?
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