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20/12/2000 | SUISSE | N°2A.165/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 20 décembre 2000, 2A.165/2000


2A.165/2000
«/2»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

20 décembre 2000

Composition de la Cour: MM. et Mme les juges Wurzburger,
président, Hartmann, Betschart, Hungerbühler et Yersin.
Greffier: M. Langone.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

l'Office fédéral des étrangers, 3003 Berne,

contre

la décision prise le 15 février 2000 par la Commission can-
tonale de recours de police des étrangers du canto

n de

Genève, dans la cause qui oppose l'Office recourant à
X.________, né le 4 avril 1976, représenté par la
C...

2A.165/2000
«/2»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

20 décembre 2000

Composition de la Cour: MM. et Mme les juges Wurzburger,
président, Hartmann, Betschart, Hungerbühler et Yersin.
Greffier: M. Langone.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

l'Office fédéral des étrangers, 3003 Berne,

contre

la décision prise le 15 février 2000 par la Commission can-
tonale de recours de police des étrangers du canton de

Genève, dans la cause qui oppose l'Office recourant à
X.________, né le 4 avril 1976, représenté par la
Croix-Rouge
genevoise,

(autorisation d'établissement pour réfugiés; art. 60 al. 2
LAsi)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- X.________, originaire de Bosnie-Herzégovine, est
arrivé en Suisse le 27 mai 1992 et a été mis au bénéfice
d'une autorisation de séjour de courte durée (livret L) dans
le cadre de l'Action Bosnie-Herzégovine.

Le 21 juin 1993, l'Office fédéral des étrangers et l'Of-
fice fédéral des réfugiés ont prononcé le renvoi de
X.________ et ordonné simultanément son admission
provisoire,
en application des art. 12 al. 3 et 14a al. 1 et 5 de la loi
fédérale du 26 mars 1931 sur le séjour et l'établissement
des
étrangers (LSEE; RS 142.20), dans sa teneur en vigueur à
l'époque, et de l'arrêté du Conseil fédéral du 21 avril 1993
relatif à l'admission provisoire collective de groupes
d'étrangers provenant du territoire de l'ex-Yougoslavie et
ayant eu leur dernier domicile en Bosnie-Herzégovine. Il
était expressément précisé que l'intéressé admis provisoire-
ment était tenu de quitter la Suisse en cas de levée de l'ad-
mission provisoire, sous peine d'expulsion, et que les auto-
rités cantonales de police des étrangers devaient alors
fixer
un délai de départ. L'Office cantonal de la population du
canton de Genève a donc mis X.________ au bénéfice d'une ad-
mission provisoire (livret F), laquelle a été prolongée pour
la dernière fois jusqu'au 30 avril 1998.

Le 20 décembre 1996, X.________ s'est rendu dans son
pays d'origine pour accompagner sa mère qui voulait défini-
tivement rentrer chez elle. Il avait été auparavant informé
que son admission provisoire prendrait fin en raison de ce
voyage et qu'un délai de départ au 31 août 1997 lui serait
fixé. X.________ est revenu en Suisse le 4 janvier 1997.
L'Office fédéral des réfugiés a, le 20 janvier 1997,
confirmé
que l'admission provisoire s'était éteinte.

Le 6 juin 1997, X.________ a épousé une compatriote,
A.________, qui, en sa qualité de réfugiée reconnue ayant ob-
tenu l'asile, était titulaire d'une autorisation de séjour
(permis B). Le 22 juillet 1997, X.________ s'est vu délivrer
en raison de ce mariage une autorisation de séjour pour
vivre
auprès de son épouse.

Le 16 juin 1997, X.________ a déposé une demande d'asi-
le. Le 20 août 1997, l'Office fédéral des réfugiés l'a recon-
nu comme réfugié et lui a accordé l'asile, en application de
l'art. 3 al. 3 de l'ancienne loi sur l'asile du 5 octobre
1979 (aLAsi; RO 1980 1718), en vigueur jusqu'au 30 septembre
1999, selon lequel les conjoints des réfugiés sont aussi re-
connus comme réfugiés, dans la mesure où aucune circonstance
particulière ne s'y oppose.

B.- Le 28 septembre 1997, X.________ a sollicité une au-
torisation d'établissement, en se fondant sur l'art. 28
aLAsi, prévoyant que le réfugié qui séjourne régulièrement
en
Suisse depuis cinq ans au moins a droit à l'autorisation
d'établissement si aucun motif d'expulsion ne s'y oppose.
Par
décision du 9 décembre 1998, l'Office cantonal de la popula-
tion du canton de Genève a rejeté cette requête, au motif
que
l'intéressé ne pourrait obtenir l'autorisation d'établisse-
ment qu'à partir du 8 octobre 2004, soit cinq ans après que
son épouse - arrivée en Suisse le 9 octobre 1994 - dispose
du
droit à l'octroi d'une autorisation d'établissement.

Le 8 janvier 1999, X.________ a recouru contre cette dé-
cision auprès de la Commission cantonale de recours de
police
des étrangers du canton de Genève. Durant la procédure de re-
cours, l'Office cantonal de la population a modifié son
point
de vue en indiquant que X.________ pourrait obtenir une auto-
risation d'établissement dès le 16 juin 2002, soit cinq ans
après le dépôt de sa demande d'asile.

Par décision du 15 février 2000, la Commission
cantonale
de recours de police des étrangers a admis le recours de
X.________, annulé la décision de l'Office cantonal de la po-
pulation et renvoyé la cause à celui-ci pour nouvelle déci-
sion dans le sens des considérants. Elle a retenu que
X.________ pouvait prétendre à une autorisation d'établisse-
ment: tant au regard de l'art. 60 al. 2 de la nouvelle loi
sur l'asile du 26 juin 1998 (LAsi; RS 142.31), entrée en vi-
gueur le 1er octobre 1999, qu'en vertu de l'art. 28 aLAsi,
il
fallait prendre en compte pour le calcul des cinq ans aussi
les séjours effectués en Suisse avant l'introduction de la
procédure d'asile, même si ceux-ci étaient de nature tempo-
raire, car ce qui était déterminant, c'était "la totalité du
séjour passé légalement en Suisse".

C.- Agissant par la voie du recours de droit administra-
tif, l'Office fédéral des étrangers demande au Tribunal fédé-
ral d'annuler la décision du 15 février 2000 de la
Commission
cantonale de recours de police des étrangers et de confirmer
la décision de l'Office cantonal de la population du 9 décem-
bre 1998, refusant la délivrance immédiate de l'autorisation
d'établissement.

La Commission cantonale de recours a renoncé à se déter-
miner. L'Office cantonal de la population se rallie entière-
ment à l'opinion de l'Office fédéral des étrangers. Quant à
X.________, il n'a pas déposé de réponse.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- La décision attaquée, fondée sur le droit public fé-
déral (art. 97 al. 1 OJ en relation avec l'art. 5 PA), a été
rendue par une autorité judiciaire statuant en dernière ins-
tance cantonale (art. 98 lettre g et art. 98a al. 1 OJ). Cet-

te décision porte sur l'octroi ou le refus d'une
autorisation
de police des étrangers, à laquelle le droit fédéral confère
en principe un droit (art. 60 al. 2 LAsi et art. 28 aLAsi).
La clause d'exclusion de l'art. 100 al. 1 lettre b ch. 3 OJ
n'entre donc pas en ligne de compte.

Selon l'art. 103 lettre b OJ, a qualité pour former un
recours de droit administratif le département compétent ou,
lorsque le droit fédéral le prévoit, la division compétente
de l'administration fédérale. En vertu de l'art. 14 al. 2 de
l'ordonnance du 17 novembre 1999 sur l'organisation du Dépar-
tement fédéral de justice et police (Org DFJP; RS 172.213.1;
RO 2000 291), entrée en vigueur le 1er janvier 2000,
l'Office
fédéral des étrangers est habilité à former des recours de
droit administratif, dans les domaines du droit des
étrangers
et de la nationalité, contre des décisions cantonales de der-
nière instance. Cet office est ainsi la division compétente
de l'administration fédérale au sens de l'art. 103 lettre b
OJ.

Déposé dans le délai de recours de trente jours (art.
106 al. 1 OJ) et remplissant au surplus les autres prescrip-
tions formelles, le présent recours est donc recevable.

2.- a) La Commission cantonale de recours de police des
étrangers a renvoyé l'affaire à l'autorité cantonale infé-
rieure pour que celle-ci délivre à l'intimé, X.________, une
autorisation d'établissement sur la base de l'art. 60 al. 2
LAsi. La teneur de l'art. 60 LAsi est la suivante:

"1 Quiconque a obtenu l'asile en Suisse a droit à une
autorisation de séjour dans le canton où il séjourne légale-
ment.

2 Quiconque a obtenu l'asile en Suisse et y séjourne lé-
galement depuis au moins cinq ans a droit à une autorisation
d'établissement s'il n'existe contre lui aucun motif d'expul-
sion au sens de l'article 10, 1er alinéa, lettres a ou b,
de
la LSEE."

Le texte allemand de cette disposition est ainsi libel-
lé:

"1 Personen, denen Asyl gewährt wurde, haben Anspruch
auf eine Aufenthaltsbewilligung im Kanton, in dem sie sich
ordnungsgemäss aufhalten.

2 Personen, denen die Schweiz Asyl gewährt hat und die
sich seit mindestens fünf Jahren ordnungsgemäss in der
Schweiz aufhalten, haben Anspruch auf die Niederlassungs-
bewilligung, wenn gegen sie kein Ausweisungsgrund nach Ar-
tikel 10 Absatz 1 Buchstabe a oder b des ANAG vorliegt."

Quant à la version italienne de l'art. 60 LAsi, elle
dispose:

"1 Le persone a cui la Svizzera ha accordato asile
hanno
diritto a un permesso di dimora nel Cantone in cui risiedono
legalmente.

2 Le persone a cui la Svizzera ha accordato asile e che
vi risiedono legalmente da almeno cinque anni hanno diritto
a
un permesso di domicilio ove non siano dati nei loro confron-
ti motivi d'espulsione ai sensi dell'articolo 10 capoverso 1
lettere a o b LDDS."

La formulation de l'art. 60 al. 2 de la nouvelle loi
sur
l'asile du 26 juin 1998 est à peu près identique à celle de
l'art. 28 de l'ancienne loi sur l'asile du 5 octobre 1979.
Alors que l'art. 60 al. 2 LAsi parle de "quiconque a obtenu
l'asile en Suisse", respectivement de "Personen, denen die
Schweiz Asyl gewährt hat" et de "persone a cui la Svizzera
ha
accordato asile", l'art. 28 aLAsi employait uniquement le
terme de "réfugié", respectivement de "Flüchtling" et "rifu-
giato" (cf. RO 1980 1723). Cette modification, qui avait
déjà
été opérée par l'arrêté fédéral du 22 juin 1990 sur la procé-
dure d'asile (RO 1990 949), n'est toutefois pas déterminante
pour l'issue du présent litige. Il en va de même du fait que
l'art. 60 al. 2 LAsi n'indique plus tous les motifs (mais
seulement quelques-uns) prévus à l'art. 10 LSEE qui s'oppo-
sent à l'octroi d'une autorisation d'établissement. En revan-
che, il sied de relever que la notion de "régulièrement",
respectivement "regolarmente", contenue dans les versions
française et italienne de l'ancienne loi sur l'asile a été
remplacée par le terme de "légalement", respectivement "le-
galemente", alors que, dans la version allemande, l'art. 60
al. 2 LAsi est demeuré inchangé sur ce point: l'art. 28
aLAsi
mentionnait déjà "ordnungsgemäss".

b) Selon la Commission cantonale de recours de police
des étrangers, l'intimé séjourne "légalement" en Suisse de-
puis plus de cinq ans. Elle tient compte dans le calcul de
ce
délai notamment du séjour effectué dans le cadre de l'Action
Bosnie-Herzégovine (autorisation L), ainsi que du séjour ef-
fectué au titre de l'admission provisoire (autorisation F).
L'Office fédéral des étrangers est au contraire d'avis que
le
délai de cinq ans prévu par l'art. 60 al. 2 LAsi ne commence
à courir que dès le dépôt de la demande d'asile. Les séjours
antérieurs à la procédure d'asile ne pourraient être pris en
considération que s'ils avaient un "caractère durable", ce
qui n'est pas le cas en l'espèce puisqu'il s'agit de
"séjours
à caractère temporaire".

Il convient dès lors de déterminer ce qu'il faut enten-
dre par "séjourner légalement", respectivement "séjourner ré-
gulièrement" à l'aide des méthodes généralement admises pour
l'interprétation des normes.

3.- a) La loi s'interprète en premier lieu selon sa let-
tre. Selon la jurisprudence, il n'y a lieu de déroger au
sens
littéral d'un texte clair par voie d'interprétation que lors-
que des raisons objectives permettent de penser que ce texte
ne restitue pas le sens véritable de la disposition en
cause.
De tels motifs peuvent découler des travaux préparatoires,
du
but et du sens de la disposition, ainsi que de la systémati-
que de la loi. Si le texte n'est pas absolument clair, si

plusieurs interprétations de celui-ci sont possibles, il con-
vient de rechercher quelle est la véritable portée de la nor-
me, en la dégageant de tous les éléments à considérer, soit
notamment des travaux préparatoires, du but de la règle, de
son esprit, ainsi que des valeurs sur lesquelles elle repose
ou encore de sa relation avec d'autres dispositions légales
(ATF 126 II 71 consid. 6d p. 80; 125 II 113 consid. 3a p.
117, 192 consid. 3a p. 196, 238 consid. 5a p. 244, 480 con-
sid. 4 p. 484 et les arrêts cités). Les travaux
préparatoires
seront toutefois pris en considération seulement lorsqu'ils
donnent une réponse claire à une disposition légale ambiguë
et qu'ils ont trouvé expression dans le texte même de la loi
(ATF 125 II 238 consid. 5a; 124 III 126 consid. 1b/aa p.
129;
122 III 324 consid. 7a; 114 Ia 191 consid. 3b/bb p. 196).

b) Dans le langage courant, le terme "légalement" signi-
fie "d'une manière conforme à la loi", "d'une manière permi-
se". Dans le domaine de la police des étrangers, lorsque
l'on
utilise le mot "légalement", on le fait par opposition à "il-
légalement". Un étranger séjourne "illégalement" en Suisse
lorsque son séjour n'est pas dûment autorisé. L'expression
"régulièrement" employée par l'art. 28 aLAsi est synonyme à
"légalement". A ce terme est souvent attaché un élément tem-
porel ("ininterrompu"). Mais cela ne change rien au fait
que,
par séjour "régulier", on entend un séjour qui est conforme
aux dispositions réglementaires et légales et qui est
couvert
par une décision des autorités compétentes. L'office recou-
rant reconnaît du reste lui-même que "séjour régulier" signi-
fie "séjour en Suisse en accord avec les prescriptions for-
melles de police des étrangers".

Que "séjourner légalement" et "séjourner régulièrement"
soient des termes équivalents résulte déjà du fait que la te-
neur de l'art.
28 aLAsi a été reprise, sous réserve de quel-
ques modifications d'ordre rédactionnel, par l'art. 60 al. 2
LAsi, comme cela ressort clairement du Message du 4 décembre

1995 concernant la révision totale de la loi sur l'asile ain-
si que la modification de la loi fédérale sur le séjour et
l'établissement des étrangers (FF 1996 II 74 s.). Dans ce
message, le Conseil fédéral emploie indifféremment "légale-
ment" et "régulièrement" pour exprimer la même idée: il in-
dique d'abord que les étrangers en cause qui séjournent en
Suisse depuis cinq ans au moins "régulièrement et sans inter-
ruption" auront droit à une autorisation d'établissement (FF
1996 II 75), alors qu'il utilise un peu plus loin le terme
"légalement" (art. 57 du projet de loi) (FF 1996 II p. 159),
sans que ce changement de terminologie ait suscité un débat
ou fait l'objet d'une attention particulière. Dans la
version
italienne du message, seul le terme "regolarmente" a été em-
ployé, y compris dans le projet de loi (FF 1996 II p. 75 res-
pectivement p. 156); ce n'est que lors de la rédaction défi-
nitive du texte légal que l'expression "legalmente" a été in-
troduite afin de se conformer au texte français, sans que ce-
la ait été fait délibérément.

Comme on vient de le voir plus haut, le mot "ordnungs-
gemäss" figurant dans la version allemande de l'art. 28
aLAsi
a été repris sans changement par l'art. 60 al. 2 LAsi.
"Ordnungsgemäss" signifie "régulièrement", de manière confor-
me au droit, à la règle. Dans le langage courant, un séjour
"ordnungsgemäss" signifie un séjour qui n'est pas illégal,
mais en principe permis, soit autorisé. En matière de police
des étrangers, le terme "ordnungsgemäss" est aussi fréquem-
ment utilisé - à tort - en rapport avec le comportement;
ainsi, est qualifié d'"ordnungsgemäss" le comportement d'un
étranger qui a agi correctement, c'est-à-dire qui n'a pas
donné lieu à des plaintes. Mais cela n'a aucune importance
dans le présent contexte. Du reste, pour ce qui concerne
l'interprétation des dispositions qui font dépendre le droit
à une autorisation de police des étrangers d'un séjour régu-
lier (ordnungsgemäss), le Tribunal fédéral a précisé qu'il
fallait entendre par "séjour régulier" un séjour accompli au

bénéfice d'une autorisation de police des étrangers valable,
le comportement de l'étranger pouvant le cas échéant consti-
tuer un motif d'expulsion, ce qui est une autre question
(ATF
120 Ib 360 consid. 3b p. 367, concernant l'art. 1 de
l'Accord
conclu le 14 septembre 1950 entre la Suisse et l'Autriche
concernant des arrangements complémentaires réglant les con-
ditions d'établissement des ressortissants des deux Etats
(RS
0.142.111.631.1]; voir aussi la jurisprudence implicite rela-
tive aux art. 7 et 17 al. 2 LSEE).

On ne peut donc établir des distinctions entre les dif-
férents types de séjours autorisés en Suisse que s'il y a
des
raisons objectives et suffisantes permettant de penser
qu'une
interprétation dans le sens de la jurisprudence précitée ne
restitue pas le sens véritable de l'art. 60 al. 2 LAsi.

c) La disposition de l'art. 60 al. 2 LAsi
respectivement
de l'art. 28 aLAsi doit aussi être interprétée à la lumière
de la Convention du 28 juillet 1951 relative au statut des
réfugiés (Convention; RS 0.142.30). En ce qui concerne la li-
berté de circulation des réfugiés, l'art. 26 de la
Convention
prévoit que "tout Etat Contractant accordera aux réfugiés se
trouvant régulièrement sur son territoire le droit d'y choi-
sir leur lieu de résidence et d'y circuler librement sous
les
réserves instituées par la réglementation applicable aux
étrangers en général dans les mêmes circonstances."

S'agissant du droit de résidence en Suisse, les
réfugiés
sont en principe soumis aux mêmes dispositions générales sur
la police des étrangers que les autres étrangers (ATF 123 II
145 E. 2a S. 148 ss). Mais les réfugiés peuvent déduire de
la
Convention elle-même plusieurs privilèges, comme par exemple
le principe du traitement le plus favorable ou de l'égalité
de traitement partielle avec les nationaux. De tels
principes
s'appliquent dans une série de domaines tels que la dispense
de réciprocité (art. 7), le droit d'association (art. 15),

les professions salariées et non salariées et les
professions
libérales (art. 17, 18 et 19), l'éducation publique (art.
22), l'assistance publique (art. 23) et la législation du
travail et sécurité sociale (art. 24). Dans ces circonstan-
ces, il convient d'accorder aux réfugiés reconnus un statut
juridique plus favorable qu'aux autres étrangers et de pré-
voir pour eux des dispositions spécifiques. C'est ce qu'ex-
prime l'art. 58 LAsi (cf. art. 24 aLAsi), aux termes duquel
le statut des réfugiés est régi par la législation
applicable
aux étrangers, à moins que ne priment des dispositions parti-
culières, notamment celles de la présente loi (loi sur l'asi-
le) ou celles de la Convention du 28 juillet 1951 relative
au
statut des réfugiés. Les principes généraux régissant la po-
lice des étrangers ne peuvent donc pas être appliqués tels
quels aux réfugiés. Au contraire, il convient de tenir
compte
des particularités du statut du réfugié et des buts spécifi-
ques fixés par la législation concernant les réfugiés (cf.
ATF 123 II 145 consid. 2c p. 150 ss).

Il y a lieu de prendre en considération ces particulari-
tés pour interpréter l'art. 60 al. 2 LAsi. Les conditions
d'octroi d'une autorisation d'établissement aux réfugiés de-
vraient ainsi être assouplies par rapport aux autres étran-
gers. A propos de l'art. 28 aLAsi (art. 27 du projet), le
Conseil fédéral avait relevé dans son Message du 31 août
1977
à l'appui d'une loi sur l'asile et d'un arrêté fédéral con-
cernant une réserve à la convention relative au statut des
réfugiés (FF 1977 III 113, p. 136) ce qui suit: "Après avoir
séjourné régulièrement et sans interruption en Suisse
pendant
cinq ans, le réfugié a droit à l'autorisation d'établisse-
ment. Cela correspond à la pratique actuelle, selon laquelle
les réfugiés sont libérés du contrôle fédéral après ce délai
calculé dès l'entrée en Suisse et obtiennent alors, en règle
générale, ladite autorisation. Cette mesure a pour but de fa-
ciliter l'intégration, chose particulièrement importante
pour
les réfugiés qui, en la matière, sont assimilés aux
étrangers

bénéficiant du traitement le plus favorable." Dans sa
version
allemande, le Message insistait sur la volonté de faciliter
l'intégration "rapide" des réfugiés ("soll die rasche Ein-
gliederung gefördert werden, was gerade bei Flüchtlingen von
wesentlicher Bedeutung ist" (BBl 1977 III 129). A cela
s'ajoute que, lors de la rédaction définitive de l'art. 28
aLAsi dont le projet prévoyait "et sans interruption" ("unun-
terbrochenen", "ininterrottamente"), ce dernier terme a été
biffé, afin de souligner que de simples et brèves interrup-
tions n'avaient pas pour effet d'éteindre le droit à une au-
torisation d'établissement (cf. BO 1978 CE 84, sur proposi-
tion du rapporteur de la commission Dillier).

Il résulte ainsi des travaux préparatoires relatifs à
l'art. 28 aLAsi et aussi à l'art. 60 al. 2 LAsi que la volon-
té du législateur était de faciliter l'intégration des réfu-
giés et d'assouplir les conditions d'octroi d'une autorisa-
tion d'établissement. Dès lors, il n'y a pas lieu d'interpré-
ter de manière restrictive l'art. 60 al. 2 LAsi et de s'écar-
ter du sens habituellement donné à l'expression "séjourner
régulièrement/légalement", surtout si l'on considère que
dans
le message précité il est expressément prévu que le délai de
cinq ans est "calculé dès l'entrée en Suisse" (dans la ver-
sion allemande: "nach fünf Jahren seit ihrer Einreise in die
Schweiz"). Il est donc clair que le législateur a voulu ac-
corder un statut privilégié aux réfugiés. Cela se justifie
du reste par le fait que les réfugiés - contrairement aux au-
tres étrangers - ont perdu toute protection de leur pays
d'origine et doivent pouvoir se créer une nouvelle existence
dans l'Etat d'accueil (Alberto Achermann/Christina
Hausammann, Handbuch des Asylrecht, 2e éd., Berne 1991,
p. 384; cf. aussi Walter Kälin, Grundriss des
Asylverfahrens,
Bâle 1990, p. 159 s.)

Compte tenu du sens et du but de l'art. 60 al. 2 LAsi,
on ne saurait non plus faire dépendre le droit à une autori-

sation d'établissement des motifs pour lesquels l'asile a
été
accordé ou des normes de la loi sur l'asile sur lesquelles
se
fonde la décision d'octroi d'asile. La question de savoir si
l'étranger a obtenu l'asile directement ou dans le cadre du
regroupement familial (art. 51 al. 1 LAsi respectivement
art.
3 al. 2 aLAsi) n'est pas décisive pour l'interprétation de
l'art. 60 al. 2 LAsi. Pour les mêmes raisons, il n'y a pas
lieu non plus de distinguer entre les réfugiés qui ont
déposé
la demande d'asile immédiatement (ou peu de temps) après
leur
arrivée en Suisse et ceux qui l'ont fait longtemps après. Ce
qui compte c'est que le séjour accompli en Suisse avant le
dépôt de la demande d'asile n'ait pas été illégal.

d) Cela étant, il y a lieu de se demander si, à la lu-
mière des directives des autorités et de la doctrine, seuls
certains types de séjours autorisés par les autorités
peuvent
être pris en considération pour le calcul du délai quinquen-
nal au sens de l'art. 60 al. 2 LAsi.

aa) Les Directives et Commentaires de l'Office fédéral
des étrangers concernant l'entrée, le séjour et l'établisse-
ment (état: août 1998) (ci-après: Directives de l'OFE) rè-
glent sous le chiffre 333 les conditions d'octroi de l'auto-
risation d'établissement. Selon le chiffre 333.2 concernant
les délais, les ressortissants de pays avec lesquels il
n'existe pas d'accords d'établissement ou de déclarations du
Conseil fédéral prévoyant un délai raccourci (cinq ans) ne
peuvent obtenir, sauf pour des raisons de réciprocité, l'au-
torisation d'établissement qu'après un séjour régulier et
ininterrompu de dix ans. Il est en outre précisé que "ne
sont
pas pris en considération pour déterminer la date à laquelle
l'autorisation d'établissement peut être délivrée, les sé-
jours à caractère temporaire passés en Suisse (formation,
études, traitement médical, court séjour, etc.)". Quant au
chiffre 337, il traite de l'"octroi de l'autorisation d'éta-
blissement à des catégories particulières d'étrangers"; le

chiffre 337.2 applicable aux réfugiés reconnus et apatrides
précise que "le séjour en Suisse pendant la procédure
d'asile
est retenu. Un séjour dûment autorisé, ininterrompu et précé-
dant le dépôt de la demande d'asile est également pris en
compte pour la délivrance de l'autorisation
d'établissement."
Il en résulte que la restriction visée au chiffre 333.2, se-
lon laquelle les séjours à caractère temporaire passés en
Suisse ne sont pas pris en compte, ne concerne pas les étran-
gers bénéficiant du statut de réfugié.

Quant à la Directive du 20 septembre 1999 de la loi sur
l'asile concernant la réglementation du séjour des
requérants
d'asile, des personnes à protéger, des personnes admises à
titre provisoire et des réfugiés (ci-après: Directive Asile
52.1), elle prévoit à son chiffre 5.2 (autorisation d'éta-
blissement) que "la date déterminante pour le calcul est cel-
le à laquelle la demande d'asile a été déposée [...]. La pé-
riode durant laquelle le réfugié a séjourné en Suisse au bé-
néfice d'une autorisation de police des étrangers, avant de
déposer sa demande d'asile, est également prise en compte
dans le calcul des cinq années. En revanche, la durée d'un
séjour illégal est exclu de ce calcul." Dans la version alle-
mande, ce passage est formulée ainsi: "Die dem Asylgesuch
vorangegangene Anwesenheit mit fremdenpolizeilicher Bewilli-
gung wird angerechnet. Nicht berücksichtigt wird jedoch ein
allfälliger illegaler Aufenthalt." A noter que l'ancienne Di-
rective Asile 52.1 du 22 février 1993 avait la même teneur
(chiffre 4.1).

bb) La doctrine ne partage pas l'avis de l'Office recou-
rant, selon lequel seuls les séjours à caractère stable pas-
sés en Suisse au bénéfice notamment d'une autorisation de sé-
jour (annuelle) ordinaire entrent en ligne de compte pour le
calcul du délai en cause. Au contraire. Selon Peter Kottusch
(Die Niederlassungsbewilligung gemäss Art. 6 ANAG, in: ZBl
87/1986 p. 513 ss, p. 528), la notion de "régulièrement"

("ordnungsgemäss") au sens de l'art. 28 aLAsi signifie seule-
ment que l'étranger séjourne en Suisse en accord avec les
dispositions formelles du droit des étrangers et donc qu'il
est en possession d'un droit de présence, soit d'une autori-
sation de police des étrangers. Marc Spescha (Handbuch zum
Ausländerrecht, Berne 1999, p. 110) estime même qu'il suffit
que le réfugié ait été "enregistré" auprès de la Police des
étrangers depuis au moins cinq ans pour bénéficier d'une au-
torisation d'établissement. Pour sa part, Roland Bersier
(Droit d'asile et statut du réfugié en Suisse, Lausanne
1991,
p. 187) relève qu'"est aussi pris en compte un séjour accom-
pli avec l'autorisation de la police des étrangers avant la
demande d'asile", sans faire de distinctions entre les diffé-
rents types de séjours. L'Office fédéral des étrangers cite
Nicolas Wisard (Les renvois et leur exécution en droit des
étrangers et en droit d'asile, Bâle 1997, p. 484) à l'appui
de sa thèse. Mais cela ne lui est d'aucun secours. En effet,
cet auteur ne dit nulle part que les séjours qu'a accomplis
le réfugié dans le cadre d'une admission provisoire avant la
procédure d'asile sont exclus du calcul du délai de cinq
ans.
Dans le passage cité par l'Office fédéral des étrangers (p.
484), l'auteur indique simplement que le livret (de type F)

délivré à l'étranger admis provisoirement ne constitue ni
"un
permis de séjour" ni une pièce d'identité. S'agissant de la
portée du droit de séjour, Wisard affirme toutefois que
l'étranger admis provisoirement dispose d'un véritable
"droit
de séjour" (op. cit., p. 483).

e) Dès lors, l'art. 60 al. 2 LAsi signifie que le réfu-
gié qui séjourne en Suisse depuis au moins cinq ans avec
l'assentiment formel des autorités compétentes et dans l'une
des formes prévues par les dispositions de police des étran-
gers a droit à une autorisation d'établissement.

Il n'y a pas de raison de ne pas tenir compte d'un sé-
jour accompli dans le cadre d'une admission provisoire, la-

quelle est expressément prévue par la loi: si l'exécution du
renvoi ou de l'expulsion n'est pas possible, n'est pas
licite
ou ne peut pas être raisonnablement exigée, l'Office fédéral
des réfugiés décide d'admettre provisoirement l'étranger
(art. 14a al. 1 LSEE). L'étranger admis à titre provisoire
peut choisir librement son lieu de séjour sur le territoire
du canton où il séjourne ou du canton auquel il a été attri-
bué (art. 14c al. 2 LSEE, dans sa version du 26 juin 1998 en
vigueur depuis le 1er octobre 1999). Les autorités
cantonales
autorisent l'étranger à exercer une activité lucrative sala-
riée pour autant que le marché de l'emploi et la situation
économique le permettent (art. 14c al. 3 LSEE). Ainsi, l'ad-
mission provisoire confère un véritable droit de séjour en
Suisse (cf. Wisard, op. cit., p. 483), qui ne peut pas
s'éteindre du jour au lendemain. Au contraire, la loi
prévoit
que la levée de l'admission provisoire ne peut être décidée
que lorsque certains motifs d'extinction sont réalisés (art.
14b al. 2 et 3 LSEE), motifs qui sont en particulier concré-
tisés par l'art. 26 de l'ordonnance du 11 août 1999 sur
l'exécution du renvoi et de l'expulsion d'étrangers (OERE;
RS
142.281), prévoyant notamment que l'autorité compétente doit
fixer un délai de départ approprié après la levée ou l'ex-
tinction de la mesure en cause. D'après l'art. 20 al. 2
OERE,
les autorités cantonales délivrent à l'étranger bénéficiaire
d'une admission provisoire un livret pour étrangers F, d'une
validité limitée à un an au maximum et pouvant être prolongé
d'autant. A noter du reste que les réfugiés admis à titre
provisoire bénéficient d'un statut plus favorable que celui
qui régit ordinairement les autres étrangers (art. 18 OERE;
Spescha, op. cit., p. 94).

Au surplus, il y a lieu de relever qu'en vertu de la
nouvelle loi sur l'asile (chapitre 4; art. 66 ss LAsi), il
existe la possibilité d'accorder la protection provisoire à
des groupes de personnes à protéger aussi longtemps qu'elles
sont exposées à un danger général grave, notamment pendant

une guerre ou une guerre civile ou lors de situations de vio-
lence généralisée. La protection provisoire doit typiquement
être accordée aujourd'hui aux personnes qui se trouvent dans
la même situation que celles qui, au début des années 90,
sont venues en Suisse à cause du conflit des Balkans et qui
ont pu bénéficier d'une protection sous la forme d'une admis-
sion provisoire. Eu égard à son but, à sa durée provisoire
et
aux motifs de son extinction, la protection provisoire cor-
respond, dans une large mesure, à l'admission provisoire
(cf.
Message sur la nouvelle loi sur l'asile, FF 1996 II p. 10
ss). Le législateur a voulu donner au séjour accompli dans
le
cadre de la protection provisoire la même valeur qu'à un sé-
jour ordinaire. L'art. 74 LAsi prévoit en effet que cinq ans
après l'octroi de la protection provisoire, la personne à
protéger se voit délivrer une autorisation de séjour (al. 2)
et après dix ans une autorisation d'établissement (al. 3).

Au demeurant, il faut relever que, selon le droit en vi-
gueur, il n'y a pas de différence fondamentale entre le sé-
jour autorisé dans le cadre d'actions humanitaires ou au ti-
tre de l'admission provisoire - cas où le départ de Suisse
est (momentanément) exclu essentiellement à cause de la si-
tuation régnant dans le pays d'origine de l'étranger suscep-
tible de se voir accorder l'asile ultérieurement - et le sé-
jour autorisé pendant la procédure d'asile. Le séjour accom-
pli pendant la procédure d'asile est toutefois incontesta-
blement compté dans le délai de cinq ans prévu par l'art. 60
al. 2 LAsi, bien que ce séjour, de par sa durée, ne soit pas
moins incertain et précaire que le séjour d'un étranger
admis
provisoirement (cf. art. 42 LAsi).

Même dans le cas d'un séjour admis dans le cadre de
l'Action Bosnie-Herzégovine, la présence de l'étranger est
en
principe réglée par une autorisation de police des étrangers
et donc permise par les autorités. L'étranger se voit en ef-
fet accorder par la police des étrangers cantonale des pa-

piers de légitimation (autorisation F pour un séjour de cour-
te durée).

f) L'Office recourant fait valoir pour l'essentiel
qu'un
séjour accompli dans le cadre de l'admission provisoire (et
de l'Action Bosnie-Herzégovine) ne constitue pas un séjour
"légal" dont il faut tenir compte dans le calcul du délai
des
cinq ans. Seul le séjour à caractère durable effectué sur la
base d'une véritable autorisation de séjour formelle entre
en
ligne de compte, abstraction faite du laps de temps qui
s'écoule entre le dépôt de la demande d'asile et la décision
d'octroi de l'asile. Comme cette opinion est contredite par
ce qui précède, en tant qu'elle ne tient pas compte en parti-
culier des buts spécifiques de la loi sur l'asile, on peut
se
borner à examiner brièvement ce grief.

Tout d'abord, l'Office fédéral des étrangers perd de
vue
qu'il n'y a pas différence essentielle entre le séjour effec-
tué dans le cadre d'une admission provisoire et le séjour
qui
s'est déroulé pendant la procédure d'asile (cf. consid. 3e
ci-dessus). La distinction entre les "séjours à caractère du-
rable" et les "séjours de nature temporaire" (formation, étu-
des, traitement médical, court séjour, etc.) joue un rôle im-
portant dans la délivrance d'une autorisation
d'établissement
fondée sur la législation ordinaire de police des étrangers,
en particulier sur certains traités d'établissement conclus
entre Etats prévoyant des délais raccourcis (cf. chiffre
333.2 Directives de l'OFE, plus haut consid. 3d/aa). Contrai-
rement à l'étranger bénéficiant de l'asile et dont l'intégra-
tion en Suisse doit être facilitée le plus possible, le res-
sortissant d'un Etat avec lequel la Suisse a conclu un
traité
d'établissement ne peut acquérir le droit de demeurer en
Suisse qu'après un séjour à caractère durable. De telles
clauses restrictives, qui sont souvent prévues dans les trai-
tés conclus entres Etats, sont justifiées par le fait qu'el-
les permettent aux Etats contractants d'accorder aux ressor-

tissants de l'autre Etat, de manière très large, des autori-
sations de séjour pour atteindre un but d'emblée limité dans
le temps, sans pour autant conférer aux intéressés un droit
de présence assuré en Suisse (cf. arrêt non publié du 11
août
1998 en la cause Malina, relatif à l'arrangement
confidentiel
du 1er août 1946 entre la Suisse et la France au sujet de la
situation des ressortissants de l'un des deux Etats résidant
dans l'autre).

Est enfin dénuée de pertinence - en tout cas dans le
présent contexte - la comparaison entre l'art. 60 al. 2 LAsi
d'une part et les art. 7 ou 17 al. 2 LSEE d'autre part.
Selon
l'art. 60 al. 2 LAsi, "quiconque a obtenu l'asile en Suisse"
a droit à une autorisation d'établissement après y avoir sé-
journé légalement pendant cinq ans. Cette disposition s'ap-
plique à tous les étrangers qui ont été reconnus comme réfu-
giés et ont obtenu l'asile en Suisse, indépendamment du fait
qu'ils aient été reconnus comme réfugiés directement ou, par
exemple, à la suite d'un mariage avec un réfugié (art. 51
LAsi). Quoi qu'il en soit, l'art. 60 al. 2 LAsi ne réserve
pas le cas des étrangers ayant acquis la qualité de réfugié
dans le cadre d'un regroupement familial (art. 51 LAsi). En
vertu des art. 7 et 17 al. 2 LSEE, le conjoint étranger d'un
ressortissant suisse, respectivement d'un étranger possédant
une autorisation d'établissement, a droit à une autorisation
d'établissement après un séjour régulier et ininterrompu de
cinq ans en Suisse, à la condition toutefois que pendant
cette période, le mariage n'ait pas été dissous (respective-
ment que les époux aient vécu ensemble). Les séjours passés
en Suisse avant le mariage ne sont donc pas pris en considé-
ration pour le calcul du délai de cinq ans (cf. ATF 122 II
145 ss concernant l'art. 7 LSEE). Contrairement aux art. 7
et
17 al. 2 LSEE qui font dépendre le droit à l'autorisation
d'établissement d'une double condition (séjour de cinq ans
et
mariage avec un ressortissant suisse, respectivement avec un
étranger possédant une autorisation d'établissement), l'art.

60 al. 2 LAsi ne subordonne pas la délivrance d'une telle au-
torisation en faveur d'un réfugié à d'autres conditions que
le séjour légal de cinq ans (abstraction faite de l'absence
d'un motif d'expulsion qui est aussi expressément prévu par
l'art. 7 LSEE). L'étranger, qui s'est vu accorder l'asile à
titre personnel, même à la suite d'un mariage avec une réfu-
giée (art. 51 LAsi), bénéficie ainsi d'un statut de réfugié
qui lui est propre, c'est-à-dire qui ne dépend pas du fait
qu'il reste marié avec la réfugiée grâce à laquelle il a ob-
tenu la qualité de réfugié. Autrement dit, le législateur
n'a
pas voulu faire de l'existence notamment d'un mariage une
condition d'octroi d'une autorisation d'établissement, même
lorsque l'étranger a obtenu l'asile par mariage avec une ré-
fugiée. Sous réserve d'un abus de droit manifeste,
l'étranger
peut donc, en sa qualité de réfugié reconnu ayant obtenu
l'asile, prétendre à une autorisation d'établissement après
un séjour légal en Suisse de cinq ans.

Dans ces circonstances, force est d'admettre que la si-
tuation du réfugié est différente de celle du conjoint étran-
ger d'un ressortissant suisse ou d'un étranger possédant
l'autorisation d'établissement. Dès lors, la jurisprudence
relative aux art. 7 et 17 al. 2 LSEE n'est pas applicable
telle quelle au cas particulier, en tout cas pas en ce qui
concerne le décompte des séjours déterminants pour le calcul
du délai de cinq ans.

4.- En l'espèce, l'intimé, X.________, est arrivé en
Suisse en 1992. Sa présence a d'abord été réglée dans le ca-
dre de l'Action Bosnie-Herzégovine. Dès le 21 juin 1993,
l'intéressé a été mis au bénéfice d'une admission provisoire
en Suisse. Ce séjour n'a pas été interrompu par le voyage de
deux semaines dans son pays d'origine qui s'est déroulé à la
fin de l'année 1996 début 1997 (cf. consid. 3c, plus spéc.
la
référence au BO 1978 CE 84). Si ce voyage a eu pour effet
d'éteindre l'admission provisoire, il n'a cependant pas mis
un terme au séjour dûment autorisé de l'intéressé auquel on
a
fixé un délai au 31 août 1997 pour quitter la Suisse. Son
droit de résider en Suisse n'a donc cessé qu'à ce moment-là
(cf. art. 12 al. 3 2ème phrase LSEE). Mais déjà avant cette
date, il avait obtenu une autorisation de séjour fondée sur
l'art. 8 CEDH du fait de son mariage avec une femme qui
avait
obtenu l'asile (cf. ATF 122 II 1 ss). Cette autorisation de
séjour lui avait été octroyée le 22 juillet 1997, soit avant
l'expiration du délai de départ fixé au 31 août 1997. Par
ailleurs, l'Office fédéral des réfugiés avait, le 20 août
1997, reconnu l'intéressé comme réfugié et lui avait accordé
l'asile. Lorsque l'Office cantonal de la population du
canton
de Genève a décidé, le 9 décembre 1998, de lui accorder une
autorisation d'établissement, l'intimé séjournait ainsi léga-
lement en Suisse depuis plus de cinq ans. Etant donné qu'il
n'existait aucun motif d'expulsion contre lui,
l'autorisation
d'établissement devait lui être accordée. La décision atta-
quée, par laquelle l'Office cantonal de la population a été
invité à délivrer à l'intimé une autorisation
d'établissement
est donc conforme au droit fédéral.

5.- Mal fondé, le recours de droit administratif doit
être rejeté. Il n'y a pas lieu de prélever de frais judiciai-
res. Dans la mesure où l'intimé n'a pas déposé
d'observations
dans la procédure, il n'y a pas lieu de lui octroyer des dé-
pens.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

1.- Rejette le recours.

2.- Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire,
ni
alloué de dépens.

3.- Communique le présent arrêt en copie à l'Office fé-
déral des étrangers et à X.________, ainsi qu'à l'Office can-
tonal de la population et à la Commission cantonale de re-
cours de police des étrangers de la République et du Canton
de Genève.

______________

Lausanne, le 20 décembre 2000
LGE/elo

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.165/2000
Date de la décision : 20/12/2000
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-12-20;2a.165.2000 ?
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