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19/12/2000 | SUISSE | N°6P.151/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 19 décembre 2000, 6P.151/2000


«/2»

6P.151/2000/ROD
6S.686/2000

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

19 décembre 2000

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président, Président
du Tribunal fédéral, M. Wiprächtiger et M. Kolly, Juges.
Greffière: Mme Revey.
__________

Statuant sur le recours de droit public
et sur le pourvoi en nullité
formés par

X.________, détenu aux Etablissements de la Plaine de
l'Orbe, à Orbe, représenté par Me Christian Marq

uis,
avocat à Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 3 juillet 2000 par la Cour de cassation
pénale du Tribunal c...

«/2»

6P.151/2000/ROD
6S.686/2000

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

19 décembre 2000

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président, Président
du Tribunal fédéral, M. Wiprächtiger et M. Kolly, Juges.
Greffière: Mme Revey.
__________

Statuant sur le recours de droit public
et sur le pourvoi en nullité
formés par

X.________, détenu aux Etablissements de la Plaine de
l'Orbe, à Orbe, représenté par Me Christian Marquis,
avocat à Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 3 juillet 2000 par la Cour de cassation
pénale du Tribunal cantonal vaudois, dans la cause qui
oppose le recourant au Ministère public du canton de
V a u d;

(art. 9, 29 Cst., 6 par. 2 CEDH et 63 CP: appréciation
arbitraire des preuves, principe in "dubio pro reo",
fixation de la peine)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Le 13 avril 2000, le Tribunal correctionnel
du district de Lausanne a condamné X.________, ressortis-
sant albanais né en 1965, à six ans de réclusion pour in-
fraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants no-
tamment.

S'agissant des faits, ce jugement retenait en
particulier ce qui suit:

B.- Le 19 février 1999, la police lausannoise
a arrêté Y.________, alors porteur de cocaïne. Le relevé
des appels de son téléphone portable ayant permis d'éta-
blir qu'il avait été en contact avec un appareil fixe à
Lausanne, la police a visité le 3 mars 1999 l'appartement
correspondant à ce téléphone. Elle y a notamment trouvé
de l'héroïne, de la cocaïne, de nombreuses feuilles ma-
nuscrites contenant des calculs ainsi qu'un agenda rece-
lant une importante comptabilité manuscrite d'acquisi-
tions et de ventes de stupéfiants. Alors que la visite
était en cours, un dénommé Z.________, né en 1983, est
entré et a été interpellé. Porteur de trois boulettes de
cocaïne et de 2'050 fr., il a concédé qu'il transportait
drogue et argent pour le compte d'un ressortissant du Ko-
sovo. Quelques minutes plus tard, X.________ est de même
apparu, en possession d'un agenda rouge contenant de nom-
breux noms et divers calculs, accompagnés des lettres K
et B, soit des abréviations des mots "rouge" et "blanche"
en albanais, qui désignent respectivement l'héroïne et la
cocaïne.

Interrogée, la voisine de palier a déclaré que
X.________ séjournait dans ce logement depuis la mi-jan-
vier 1999. Par ailleurs, une empreinte digitale de l'in-
téressé a été découverte sur l'une des feuilles de la
susdite comptabilité. Enfin, la police a retrouvé son
passeport dans l'appartement d'un dénommé W.________,
lui-même impliqué dans un vaste trafic de drogue, avec
lequel il a entretenu au moins 250 conversations télé-
phoniques.

L'examen détaillé des feuilles manuscrites et
des agendas saisis a permis d'établir que Y.________ et
X.________ étaient mêlés aux activités d'un réseau de
trafiquants de drogue qui, entre la fin décembre 1998 et
février 1999, s'est adonné à l'achat et à la revente de
plusieurs kilos d'héroïne et de plus d'un kilo et demi
de cocaïne. En principe, ces deux protagonistes ne reven-
daient pas directement aux toxicomanes résidant en Suis-
se, mais approvisionnaient des petits dealers albanais,
généralement mineurs.

S'agissant plus précisément de X.________, le
Tribunal correctionnel a retenu que l'intéressé s'était
rendu à Genève le 27 janvier 1999, afin d'y livrer de la
drogue à un acheteur en contact avec W.________. En ef-
fet, le tableau des dépenses inclus dans la susdite comp-
tabilité mentionnait les déplacements de X.________ et
indiquait que celui-ci avait effectué un trajet en train
ce jour-là. En outre, le relevé des communications des
téléphones utilisés par W.________ et X.________ révélait
que l'utilisateur non identifié du numéro 079/ 271 88 32
avait contacté W.________ le soir du 26 janvier 1999,
puis appelé X.________ deux fois le lendemain matin alors
que tous deux se trouvaient à Genève.

Quant à la fixation de la peine, après avoir rap-
pelé les facteurs d'appréciation concernant notamment la
personnalité de l'accusé, son mode préparatoire et ses
mobiles, le Tribunal correctionnel a indiqué qu'une peine
sévère se justifiait "tant en raison des faits commis que
dans un but de prévention générale, particulièrement
important à l'égard du crime organisé."

C.- X.________ a déféré ce jugement devant la
Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois. Il
soutenait qu'il existait un doute sérieux sur la réalité
de la livraison du 27 janvier 1999 qui lui était imputée,
dès lors que le relevé téléphonique ne démontrait pas que
l'utilisateur non identifié du numéro 079/ 271 88 32 se
trouvait à Genève ce jour-là. En outre, il reprochait au
Tribunal correctionnel d'avoir violé l'art. 63 CP en te-
nant compte de considérations de prévention générale pour
fixer la peine.

Statuant le 3 juillet 2000, le Tribunal cantonal
a rejeté le recours.

D.- Agissant par les voies du recours de droit
public et du pourvoi en nullité, X.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt du 3 juillet 2000 du
Tribunal cantonal. L'intéressé reprend en substance les
griefs développés devant l'autorité intimée. Ainsi, il se
plaint dans son recours de droit public d'une violation
du principe "in dubio pro reo" et d'une constatation ar-
bitraire des faits, soit d'une appréciation arbitraire
des preuves (art. 9 et 29 Cst.; art. 6 par. 2 CEDH). Dans
son pourvoi en nullité, il se prévaut de l'art. 63 CP.

X.________ sollicite en outre le bénéfice de
l'assistance judiciaire.

E.- Le Ministère public du canton de Vaud con-
clut au rejet du recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

I. Recours de droit public (6P.151/2000)

1.- a) Le recours de droit public au Tribunal fé-
déral est recevable contre une décision cantonale pour
violation des droits constitutionnels des citoyens (art.
84 al. 1 let. a OJ). Il n'est en revanche pas ouvert pour
se plaindre d'une violation du droit fédéral, qui peut
donner lieu à un pourvoi en nullité (art. 269 al. 1 PPF);
un tel grief ne peut donc pas être invoqué dans le cadre
d'un recours de droit public, qui est subsidiaire (art.
84 al. 2 OJ; art. 269 al. 2 PPF).

b) Lorsque le pouvoir d'examen de l'autorité
cantonale de dernière instance est, comme en l'espèce,
limité à l'arbitraire, le Tribunal fédéral doit examiner
librement la manière dont elle a fait usage de sa cogni-
tion limitée, c'est-à-dire si elle a, à tort, admis ou
nié l'arbitraire. En effet, on ne saurait admettre la
double limitation du pouvoir d'examen du Tribunal fédé-
ral ("Willkür im Quadrat", "arbitraire au carré"; ATF
116 III 70 consid. 2b; 112 Ia 350 consid. 1; 111 Ia 353
consid. 1b in fine).

2.- Selon le recourant, le Tribunal cantonal a
confirmé à tort qu'il avait effectué une livraison de
drogue à Genève le 27 janvier 1999. Ce faisant, l'auto-
rité intimée a procédé à une constatation arbitraire des
faits, soit à une appréciation arbitraire des preuves
(art. 9 Cst.), et a violé le principe "in dubio pro reo"
(art. 29 Cst. et 6 par. 2 CEDH).

a) aa) En recours de droit public, le Tribunal
fédéral ne revoit que sous l'angle de l'arbitraire les
constatations de faits et l'appréciation des preuves
effectuées par l'autorité cantonale. Une jurisprudence
constante reconnaît en effet au juge du fait un large
pouvoir d'appréciation dans ce domaine (ATF 120 Ia 31
consid. 4b; 119 Ia 362 consid. 3a et les arrêts cités).
Ainsi, le Tribunal fédéral n'intervient que si l'appré-
ciation des preuves est insoutenable ou si elle heurte
d'une manière choquante le sentiment de la justice et de
l'équité. Tel est le cas lorsque l'autorité cantonale a
admis ou nié un fait pertinent en se mettant en contra-
diction évidente avec les pièces et éléments de son dos-
sier, qu'elle n'a tenu compte que des preuves allant dans
le même sens, qu'elle méconnaît des preuves pertinentes
ou qu'elle n'en tient arbitrairement pas compte ou encore
lorsque les constatations de fait sont manifestement
fausses (ATF 124 IV 86 consid. 2a; 120 Ia 31 consid. 4b;
118 Ia 28 consid. 1b et les références citées).

bb) La maxime "in dubio pro reo", tirée du prin-
cipe de la présomption d'innocence consacré par l'art. 6
par. 2 CEDH, concerne d'une part la répartition du far-
deau de la preuve et d'autre part la constatation des
faits et l'appréciation des preuves (ATF 120 Ia 31
consid. 2c et les références citées).

Dans le premier sens, la maxime "in dubio pro
reo" veut qu'il incombe à l'accusation d'établir la cul-
pabilité du prévenu, et non à celui-ci de démontrer qu'il
n'est pas coupable. Elle est violée lorsque le juge rend
un verdict de culpabilité au seul motif que l'accusé n'a
pas prouvé son innocence ou lorsqu'il résulte à tout le
moins de la motivation du jugement que le juge s'est
inspiré d'une telle répartition erronée du fardeau de la
preuve pour condamner (ATF 120 Ia 31 consid. 2c).

Dans le second sens, la maxime "in dubio pro reo"
signifie que le juge pénal ne doit pas tenir pour établi
un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue
objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce
fait. De ce point de vue, la maxime "in dubio pro reo"
est violée lorsque le juge aurait dû éprouver des doutes
quant à la culpabilité de l'accusé. Des doutes simplement
abstraits ou théoriques ne suffisent pas, dès lors qu'ils
sont toujours possibles et qu'une certitude absolue ne
peut être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et
irréductibles, à savoir de doutes qui s'imposent au vu de
la situation objective (ATF 124 IV 86 consid. 2a; 120 Ia
31 consid. 2c). Le Tribunal fédéral ne revoyant l'appré-
ciation des preuves que sous l'angle de l'arbitraire, il
ne peut intervenir que lorsque le juge condamne l'accusé
bien qu'une appréciation objective de l'ensemble des élé-
ments de preuve laisse manifestement subsister un doute
sérieux et irréductible quant à la culpabilité (ATF 124
IV 86 consid. 2a; 120 Ia 31 consid. 2d). Ainsi, dans la
procédure du recours de droit public, la maxime "in dubio
pro reo" n'offre pas une protection plus étendue que
celle de l'interdiction de l'appréciation arbitraire des
preuves.

C'est exclusivement sous ce second angle que se
place le recourant lorsqu'il prétend que la ténuité des

preuves à sa charge aurait dû conduire le Tribunal can-
tonal à refuser de lui imputer une livraison de drogue
le 27 janvier 1999. Dès lors qu'il invoque également la
protection contre l'arbitraire dans la constatation des
faits, soit l'appréciation des preuves, le grief tiré du
principe "in dubio pro reo" n'a pas de portée propre et
se confond avec celui d'arbitraire.

cc) En vertu de l'art. 90 al. 1 let. b OJ, l'acte
de recours doit, à peine d'irrecevabilité, contenir un
exposé succinct des droits constitutionnels ou des prin-
cipes juridiques violés et préciser en quoi consiste la
violation. Lorsqu'il est saisi d'un recours de droit pu-
blic, le Tribunal fédéral n'a donc pas à vérifier de lui-
même si l'arrêt entrepris est en tous points conforme au
droit et à l'équité. Il n'examine que les griefs d'ordre
constitutionnel invoqués et suffisamment motivés dans
l'acte de recours. Le recourant ne saurait se contenter
de soulever de vagues griefs ou de renvoyer aux actes
cantonaux (ATF 125 I 71 consid. 1c; 115 Ia 27 consid. 4a;
114 Ia 317 consid. 2b). Par ailleurs, le Tribunal fédéral
n'entre pas en matière sur des critiques de caractère ap-
pellatoire (ATF 125 I 492 consid. 1b; SJ 1998 p. 489 con-
sid. 1e/aa).

Notamment, dans un recours pour arbitraire, le
recourant ne peut se contenter de critiquer l'arrêt at-
taqué, mais doit au contraire préciser en quoi cet arrêt
serait arbitraire, ne reposant sur aucun motif sérieux et
objectif, apparaissant insoutenable ou heurtant gravement
le sens de la justice (ATF 117 Ia 10 consid. 4b; 110 Ia 1
consid. 2a; sur la notion d'arbitraire, ATF 125 I 166
consid. 2a; 125 II 129 consid. 5b et les arrêts cités).

Ainsi, lorsqu'un tribunal de cassation a, comme
en l'espèce, examiné le prononcé attaqué devant lui sous

l'angle restreint de l'arbitraire, le recourant ne peut
se borner à formuler des remarques générales soutenant
que le prononcé du tribunal supérieur est arbitraire et
qu'il en va de même de l'arrêt du tribunal de cassation
niant cet arbitraire. En particulier, s'il fait valoir le
principe "in dubio pro reo" en tant que règle d'apprécia-
tion des preuves, le recourant doit exposer dans le dé-
tail en quoi le tribunal de cassation devait qualifier
d'arbitraire l'appréciation des preuves effectuée par le
tribunal supérieur. Autrement dit, il lui incombe de pré-
ciser en quoi le tribunal de cassation devait constater
que l'appréciation objective de l'ensemble des éléments
de preuve laissait manifestement subsister un doute sé-
rieux et irréductible quant à sa culpabilité (cf. ATF 125
I 492 consid. 2b).

b) aa) En l'espèce, le Tribunal cantonal a con-
firmé les faits admis par le Tribunal correctionnel, re-
tenant en particulier que le recourant avait effectué une
livraison de stupéfiants à Genève le 27 janvier 1999.
L'autorité intimée a toutefois précisé qu'il était certes
possible que le correspondant inconnu n'ait pas été phy-
siquement présent à Genève et qu'un intermédiaire ait ré-
ceptionné la drogue, mais cela démontrait en définitive
que la présence de l'interlocuteur non identifié n'avait
qu'une importance secondaire, seule la réalité de la li-
vraison par le recourant étant déterminante.

bb) D'une part, le recourant persiste à soutenir

qu'une rencontre le 27 janvier 1999 à Genève avec le cor-
respondant inconnu n'est pas établie. D'autre part, il
déclare qu'il ne suffit pas de rapprocher sa présence à
Genève de contacts téléphoniques entre un inconnu non
localisé et deux acteurs d'un trafic de drogue, pour
démontrer qu'il aurait remis des stupéfiants dans cette

ville, que ce soit à l'interlocuteur non identifié ou à
un tiers. Du reste, il ne ressort pas de la comptabilité
qu'un tel acte soit survenu à cette date. Surtout, tou-
jours selon le recourant, la livraison en cause est le
seul cas précis retenu à sa charge.

cc) Cependant, le recourant ne conteste pas
s'être rendu à Genève le 27 janvier 1999. Il ne nie pas
davantage que ce déplacement intervenait dans le cadre
d'un trafic de drogue, ainsi qu'en attestait le tableau
des dépenses relatif à ce commerce, ni que ce trajet
était lié à des contacts téléphoniques entre lui-même, le
correspondant inconnu et le dénommé W.________, impliqué
dans un vaste trafic de stupéfiants.

En outre, le Tribunal cantonal ne s'est pas li-
mité à retenir la livraison litigieuse, mais a confirmé
l'ensemble des faits admis par le Tribunal correctionnel,
soit notamment la participation du recourant, de janvier
à mars 1999, à un trafic portant sur plusieurs kilos
d'héroïne et plus d'un kilo et demi de cocaïne. Or, cette
conviction repose sur plusieurs éléments que le recourant
ne conteste pas non plus. En particulier, le téléphone
fixe de l'appartement hébergeant le recourant a été con-
tacté par Y.________, arrêté en possession de cocaïne.
Dans ce logement a également été interpellé un mineur,
alors porteur de trois boulettes de cocaïne et de
2'050 fr. transportés pour le compte d'un ressortissant
du Kosovo. Enfin, cet appartement abritait, outre de la
cocaïne et de l'héroïne, une importante comptabilité ma-
nuscrite relative à un trafic de stupéfiants. S'agissant
du recourant lui-même, une de ses empreintes digitales
ainsi que son nom figuraient sur la comptabilité préci-
tée. De plus, son agenda contenait des noms et des cal-
culs traitant également d'un trafic de stupéfiants.

Enfin, son passeport a été découvert dans l'appartement
où logeait notamment W.________, avec lequel il a entre-
tenu au moins 250 conversations téléphoniques.

Dans ce contexte, le Tribunal cantonal pouvait
sans arbitraire imputer la livraison litigieuse au recou-
rant, que les stupéfiants aient été remis à l'interlocu-
teur non identifié ou à un tiers.

En conclusion, le Tribunal cantonal s'est confor-
mé au principe de la protection contre l'arbitraire ainsi
qu'à la maxime "in dubio pro reo", de sorte que le re-
cours de droit public est mal fondé.

II. Pourvoi en nullité (6S.686/2000)

3.- Saisi d'un pourvoi en nullité, le Tribunal
fédéral est lié par les constatations de fait contenues
dans la décision attaquée (art. 277bis al. 1 PPF). L'ap-
préciation des preuves et les constatations de fait qui
en découlent ne peuvent pas faire l'objet d'un pourvoi en
nullité, sous réserve de la rectification d'une inadver-
tance manifeste. Le recourant ne peut pas présenter de
griefs contre des constatations de fait, ni de faits ou
de moyens de preuve nouveaux (art. 273 al. 1 let. b PPF).
Dans la mesure où il présenterait un état de fait qui
s'écarte de celui contenu dans la décision attaquée, il
ne serait pas possible d'en tenir compte. Autrement dit,
le raisonnement juridique doit être mené exclusivement
sur la base de l'état de fait retenu par l'autorité can-
tonale (ATF 126 IV 65 consid. 1; 124 IV 81 consid. 2a, 92
consid. 1 et les arrêts cités).

Le pourvoi en nullité, qui a un caractère cassa-
toire (art. 277ter al. 1 PPF), ne peut être formé que

pour violation du droit fédéral et non pour violation di-
recte d'un droit de rang constitutionnel (art. 269 PPF).

La Cour de cassation n'est pas liée par les mo-
tifs invoqués, mais elle ne peut aller au-delà des con-
clusions du recourant (art. 277bis PPF), lesquelles doi-
vent être interprétées à la lumière de leur motivation
(ATF 126 IV 65 consid. 1; 124 IV 53 consid. 1; 123 IV
125 consid. 1).

4.- Le recourant dénonce une violation de l'art.
63 CP. Il fait grief au Tribunal cantonal d'avoir confir-
mé la peine prononcée par l'autorité de première instance
en reconnaissant néanmoins que celle-ci avait à tort tenu
compte d'un but de prévention générale.

a) Tout en exigeant que la peine soit fondée sur
la faute, l'art. 63 CP n'énonce pas de manière détaillée
et exhaustive les éléments qui doivent être pris en con-
sidération, ni les conséquences exactes qu'il faut en
tirer quant à la fixation de la peine; cette disposition
confère donc au juge un large pouvoir d'appréciation;
même s'il est vrai que la Cour de cassation examine li-
brement s'il y a eu violation du droit fédéral, elle ne
peut admettre un pourvoi en nullité portant sur la quo-
tité de la peine, compte tenu du pouvoir d'appréciation
reconnu en cette matière à l'autorité cantonale, que si
la sanction a été fixée en dehors du cadre légal, si elle
est fondée sur des critères étrangers à l'art. 63 CP, si
les éléments d'appréciation prévus par cette disposition
n'ont pas été pris en compte ou enfin si la peine appa-
raît exagérément sévère ou clémente au point que l'on
doive parler d'un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 124
IV 286 consid. 4a; 123 IV 49 consid. 2a, 150 consid. 2a;
122 IV 156 consid. 3b, 241 consid. 1a, 299 consid. 2a).

Les éléments pertinents pour la fixation de la peine ont
été exposés de manière détaillée dans les ATF 117 IV 112
consid. 1 et 116 IV 288 consid. 2a, auxquels il convient
de se référer.

La motivation présentée doit justifier la peine,
en permettant de suivre le raisonnement adopté, à savoir
les éléments pris en compte et l'importance qui leur est
accordée (ATF 120 IV 136 consid. 3a). La motivation n'est
pas un exercice formel sans rapport avec le résultat; il
doit exister un lien harmonieux entre la motivation pré-
sentée et la peine infligée (Bernard Corboz, La motiva-
tion de la peine, RJB 1995 p. 33; cf. également ATF 121
IV 49 consid. 2a/bb).

b) L'autorité intimée a examiné la formulation du
Tribunal correctionnel, selon laquelle une peine sévère
se justifiait "tant en raison des faits commis que dans
un but de prévention générale, particulièrement important
à l'égard du crime organisé." Elle a retenu que cette ex-
pression, "qui paraît mettre presque sur un pied d'égali-
té la gravité des actes commis par le recourant et des
considérations de prévention générale, conduit à consi-
dérer que le Tribunal (correctionnel) a voulu, en tenant
compte de motifs de prévention générale, aggraver la
peine au-delà de ce que justifierait la faute de l'au-
teur." En conséquence, toujours selon le Tribunal can-
tonal, l'autorité de première instance a procédé à une
mauvaise application de l'art. 63 CP. Toutefois, rappe-
lant son pouvoir d'examen limité, le Tribunal cantonal a
confirmé la mesure de la peine, estimant que la suppres-
sion du critère considéré comme inadmissible ne la ren-
dait pas "arbitrairement sévère".

c) Ce raisonnement tombe à faux.

Lorsqu'à la suite d'un recours, un élément d'ap-
préciation retenu par les premiers juges est écarté,
l'autorité ne peut maintenir la peine inchangée sans que
cela ne soit justifié par une motivation particulière
(ATF 117 IV 395 consid. 4; cf. également ATF 118 IV 18
consid. 1c/bb; Corboz, op. cit. p. 22; Hans-Jürgen Bruns,
Das Recht der Strafzumessung, 2ème éd. Cologne 1985,
p. 276). Cette règle s'impose comme la conséquence du
lien qui doit exister entre la motivation présentée et la
peine infligée; elle tend aussi à ne pas rendre illusoire
l'exercice des voies de recours. Sauf justification spé-
ciale, on ne saurait admettre que la peine reste inchan-
gée, quels que soient la qualification juridique des in-
fractions ou les critères retenus dans la fixation de la
peine.

En l'occurrence, le Tribunal cantonal a reconnu
que des motifs de prévention générale avaient conduit le
Tribunal correctionnel à aggraver la peine. Il a en outre
estimé, à juste titre (cf. ATF 118 IV 14 consid. 2, 21
consid. 2b, 342 consid. 2g; 116 IV 288 consid. 2a), que
ce facteur était en l'espèce inadmissible. Force est dès
lors de déduire que l'autorité de première instance au-
rait infligé une peine moindre si elle avait su que ce
critère ne pouvait être pris en considération. Dès lors,
le Tribunal cantonal ne pouvait se borner à examiner la
peine infligée sous l'angle de l'arbitraire; il devait,
suivant les règles de procédure cantonale qu'il n'y a pas
lieu d'étudier ici, soit en revoir lui-même la quotité
avec plein pouvoir d'appréciation en retranchant le cri-
tère jugé inadmissible, soit renvoyer l'affaire au Tri-
bunal correctionnel pour nouvelle décision dans ce sens.
Seule la prise en compte de circonstances aggravantes
ayant pu échapper à l'autorité de première instance au-
rait permis à l'autorité intimée de maintenir la même

peine, ce qu'elle n'a pas exposé en l'occurrence. Sur ce
point, l'arrêt attaqué est d'autant moins soutenable que,
selon les constatations du Tribunal cantonal, les motifs
de prévention générale "paraissent" avoir joué dans la
fixation de la peine un rôle "presque" aussi important
que les considérations de prévention spéciale; il n'était
donc en tout cas pas exclu que la suppression des pre-
miers doive impliquer une réduction appréciable de la
peine.

L'autorité intimée a dès lors violé l'art. 63 CP
en se limitant à revoir sous l'angle de l'arbitraire la
peine infligée par le Tribunal correctionnel, alors
qu'elle avait constaté que celui-ci avait tenu compte
d'un critère inadmissible dans la fixation de la peine.

Encore peut-on relever qu'il est de toute façon
étonnant que le Tribunal cantonal ne revoie la quotité de
la peine que sous l'angle de l'arbitraire, alors que le
Tribunal fédéral, auquel il se réfère pourtant en citant
l'ATF 117 IV 112, examine librement si la peine apparaît
exagérément sévère ou clémente. Enfin, il sied de souli-
gner qu'un arrêt publié du Tribunal fédéral (ATF 117 IV
395 consid. 4 susmentionné) a déjà annulé, pour des mo-
tifs quasi identiques à ceux de la présente affaire, un
prononcé de l'autorité intimée.

5.- Vu ce qui précède, le recours de droit pu-
blic doit être rejeté. Ses conclusions étant dénuées de
chances de succès, il convient de refuser l'assistance
judiciaire (art. 152 OJ) et de mettre à la charge du
recourant des frais judiciaires, qui seront fixés compte
tenu de sa situation financière (art. 156 al. 1, 153 et
153a OJ).

Le pourvoi en nullité doit être admis, l'arrêt
attaqué annulé en tant qu'il concerne la fixation de la
peine et la cause renvoyée à l'autorité cantonale pour
nouvelle décision. Le recourant obtenant gain de cause,
la Caisse du Tribunal fédéral lui versera (à son manda-
taire) une indemnité à titre de dépens (art. 278 al. 3
PPF), ce qui rend la demande d'assistance judiciaire sans
objet sur ce point.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

1. Rejette le recours de droit public.

2. Admet le pourvoi en nullité, annule l'arrêt
attaqué dans le sens des considérants et renvoie la cause
à l'autorité cantonale pour nouvelle décision.

3. Refuse la demande d'assistance judiciaire dans
la mesure où elle n'est pas devenue sans objet.

4. Met un émolument judiciaire de 800 fr. à la
charge du recourant.

5. Dit que la Caisse du Tribunal fédéral versera
au mandataire du recourant une indemnité de 1'500 fr. à
titre de dépens.

6. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire du recourant, au Ministère public du canton de Vaud
et à la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal
vaudois.
__________

Lausanne, le 19 décembre 2000

Au nom de la Cour de cassation pénale
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6P.151/2000
Date de la décision : 19/12/2000
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-12-19;6p.151.2000 ?
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