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19/12/2000 | SUISSE | N°2A.499/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 19 décembre 2000, 2A.499/2000


2A.499/2000
«/2»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
************************************************

19 décembre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Wurzburger, président,
Müller et Meylan, juge suppléant. Greffière: Mme Rochat.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

SB.________, son épouse XB.________, et leurs enfants
A.________, C.________ et D.________, tous représentés par
Me
Guy Fontanet, avocat à Genève,

contre

la décision prise

le 27 septembre 2000 par le Département
fédéral de justice et police,

(art. 13 lettre f OLE: exception aux mesures d...

2A.499/2000
«/2»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
************************************************

19 décembre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Wurzburger, président,
Müller et Meylan, juge suppléant. Greffière: Mme Rochat.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

SB.________, son épouse XB.________, et leurs enfants
A.________, C.________ et D.________, tous représentés par
Me
Guy Fontanet, avocat à Genève,

contre

la décision prise le 27 septembre 2000 par le Département
fédéral de justice et police,

(art. 13 lettre f OLE: exception aux mesures de limitation)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- SB.________, ressortissant camerounais, est ar-
rivé en Suisse le 24 septembre 1989, en tant que fonctionnai-
re au sein de la Mission permanente de la République du Came-
roun auprès de l'ONU; il a été mis au bénéfice d'une carte
de
légitimation délivrée par le Département fédéral des
affaires
étrangères, régulièrement renouvelée jusqu'au 8 décembre
1999. Son épouse XB.________ l'a rejoint à fin novembre
1990,
accompagnée de leur enfant A.________, né le 1er août 1989;
deux autres enfants sont nés en Suisse, C.________, née le
20
octobre 1991 et D.________, né le 2 octobre 1998. L'épouse
et
les enfants ont aussi obtenu une carte de légitimation déli-
vrée par le Département fédéral des affaires étrangères et
subordonnée à la durée des fonctions de SB.________.

Dès le mois de mars 1992, XB.________ a obtenu des
autorités genevoises de police des étrangers une
autorisation
accessoire de travail pour exercer une activité d'aide hospi-
talière, régulièrement renouvelée jusqu'au 14 juin 1999. Le
25 septembre 1997, SB.________ a obtenu pour sa part une au-
torisation accessoire de travail pour exercer une activité
de
nettoyeur à temps partiel, renouvelée jusqu'au 25 septembre
1999.

Suite à une note verbale de la Mission permanente de
la République du Cameroun auprès de l'ONU du 5 mai 1999,
dans
laquelle il était mentionné que SB.________ avait été
rappelé
à la centrale depuis 1997 et n'avait pas regagné depuis lors
son pays d'origine, la Mission permanente de la Suisse près
les organisations internationales à Genève a mandaté les au-
torités genevoises compétentes afin que les cartes de légiti-
mation, qui avaient entre temps été annulées, soient resti-
tuées et que cette famille quitte la Suisse.

B.- SB.________ a alors sollicité pour lui-même et
sa famille l'octroi d'une autorisation de séjour pour motifs
humanitaires, fondée sur l'art. 13 lettre f de l'ordonnance
du 6 octobre 1986 limitant le nombre des étrangers (OLE; RS
823.21).

Les autorités genevoises ont transmis le dossier à
l'Office fédéral des étrangers avec un préavis favorable. Le
7 avril 2000, ce dernier a refusé d'exempter la famille
B.________ des mesures de limitation.

Saisi d'un recours contre ce prononcé, le Départe-
ment fédéral de justice et police (en abrégé: le
Département)
l'a rejeté, par décision du 27 septembre 2000. Il a retenu
en
bref que, sauf circonstances exceptionnelles non réalisées
en
l'espèce, les membres de missions diplomatiques, les fonc-
tionnaires internationaux et leur personnel auxiliaire titu-
laires d'une pièce de légitimation établie par le
Département
fédéral des affaires étrangères (art. 14 al. 1 lettres a à d
OLE) ne pouvaient pas continuer à être exemptés des mesures
de limitation lorsque leur emploi prenait fin.

C.- Agissant par la voie du recours de droit admi-
nistratif, SB.________ et XB.________, leurs enfants
A.________, C.________ et D.________ demandent au Tribunal
fédéral d'annuler la décision du Département du 27 septembre
2000 et de constater qu'ils ne sont pas soumis aux mesures
de
limitation des étrangers, la cause étant renvoyée à l'Office
fédéral des étrangers en vue de l'octroi d'une autorisation
de séjour et de travail.

Le Département fédéral de justice et police conclut
au rejet du recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t:

1.- La voie du recours de droit administratif est en
principe ouverte contre les décisions relatives à l'assujet-
tissement aux mesures de limitation en vertu des art. 97ss
OJ
(ATF 122 II 403 consid. 1 p. 404-405; 119 Ib 33 consid. 1a
p.
35; 118 Ib 81 consid. 1 p. 82). En tant qu'il vise à faire
constater que les recourants remplissent les conditions pour
être exemptés des mesures de limitation, le présent recours
est recevable au regard des art. 97ss OJ; il est toutefois
irrecevable en tant qu'il conclut au renvoi de la cause à
l'autorité inférieure pour qu'elle délivre l'autorisation
sollicitée.

2.- a) Les mesures de limitation visent, en premier
lieu, à assurer un rapport équilibré entre l'effectif de la
population en Suisse et celui de la population étrangère ré-
sidente, ainsi qu'à améliorer la structure du marché du tra-
vail et à assurer l'équilibre optimal en matière d'emploi
(cf. art. 1er lettres a et c OLE). L'art. 13 lettre f OLE,
selon lequel un étranger n'est pas compté dans les nombres
maximums fixés par le Conseil fédéral, a pour but de facili-
ter la présence en Suisse d'étrangers qui, en principe, se-
raient comptés dans ces nombres maximums, mais pour lesquels
cet assujettissement paraîtrait trop rigoureux par rapport
aux circonstances particulières de leur cas et pas souhaita-
ble du point de vue politique.

Il découle de la formulation de l'art. 13 lettre f
OLE que cette disposition dérogatoire présente un caractère
exceptionnel et que les conditions pour une reconnaissance
d'un cas de rigueur doivent être appréciées restrictivement.
Il est nécessaire que l'étranger concerné se trouve dans une
situation de détresse personnelle. Cela signifie que ses con-

ditions de vie et d'existence, comparées à celles
applicables
à la moyenne des étrangers, doivent être mises en cause de
manière accrue, c'est-à-dire que le refus de soustraire l'in-
téressé aux restrictions des nombres maximums comporte pour
lui de graves conséquences. Pour l'appréciation du cas d'ex-
trême gravité, il y a lieu de tenir compte de l'ensemble des
circonstances du cas particulier. La reconnaissance d'un tel
cas n'implique pas forcément que la présence de l'étranger
en
Suisse constitue l'unique moyen pour échapper à une
situation
de détresse. D'un autre côté, le fait que l'étranger ait sé-
journé en Suisse pendant une assez longue période et s'y
soit
bien intégré ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas
d'extrême gravité; il faut encore que sa relation avec la
Suisse soit si étroite qu'on ne saurait exiger qu'il aille
vivre dans un autre pays, notamment dans son pays d'origine
(ATF 123 II 125 consid. 2 p. 126-127 et la jurisprudence ci-
tée). A cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de
voisinage que le requérant a pu nouer pendant son séjour ne
constituent normalement pas des liens si étroits avec la
Suisse qu'ils justifieraient une exemption des mesures de li-
mitation du nombre des étrangers (ATF 124 II 110 consid. 2
p.
112 et la jurisprudence citée).

Lorsqu'une famille demande à être exemptée des mesu-
res de limitation, chacun de ses membres ne doit pas être
considéré isolément, mais en relation avec le contexte fami-
lial global. En effet, le sort de la famille formera en gé-
néral un tout; il sera difficile d'admettre un cas d'extrême
gravité, par exemple, uniquement pour les parents ou les en-
fants. Ainsi, le problème des enfants est un aspect, certes
important, de l'examen de la situation de la famille, mais
ce
n'est pas le seul critère. Il y a donc lieu de porter une ap-
préciation d'ensemble, tenant compte de tous les membres de
la famille (durée du séjour, intégration professionnelle
pour
les parents et scolaire pour les enfants, etc....; ATF 123
II
125 consid. 4a p. 129).

b) D'une manière générale, l'enfant qui a passé les
premières années de sa vie en Suisse et y a commencé sa sco-
larité, reste encore attaché dans une large mesure à son
pays
d'origine par le biais de ses parents. Son intégration au mi-
lieu socioculturel suisse n'est alors pas si profonde et ir-
réversible qu'un retour au pays d'origine constitue un déra-
cinement complet. Avec la scolarisation, l'intégration au mi-
lieu suisse s'accentue. Dans cette perspective, il faut
tenir
compte de l'âge de l'enfant lors de son arrivée en Suisse et
au moment où se pose la question du retour, des efforts con-
sentis, de la durée, du degré et de la réussite de la scola-
rité, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d'exploi-
ter dans le pays d'origine la scolarisation ou la formation
professionnelle commencée en Suisse. Un retour au pays d'ori-
gine peut représenter une rigueur excessive en particulier
pour des adolescents ayant suivi l'école durant plusieurs an-
nées et achevé leur scolarité avec de bons résultats. L'ado-
lescence est en effet une période essentielle du développe-
ment personnel, scolaire et professionnel, entraînant une
intégration accrue dans un milieu déterminé (ATF 123 II 125
consid. 4 p. 128ss; Alain Wurzburger, La jurisprudence ré-
cente du Tribunal fédéral en matière de police des
étrangers,
in RDAF 1997 I p. 267ss, spéc. p. 297/298).

En outre, les personnes visées par l'art. 4 al. 1
lettres a à d OLE ne sauraient bénéficier de la
jurisprudence
instaurée par l'arrêt Kaynak (ATF 124 II 110ss) selon laquel-
le le renvoi d'un requérant d'asile qui a séjourné en Suisse
pendant dix ans et plus, constitue en principe un cas de ri-
gueur au sens de l'art. 13 lettre f OLE. En effet, un étran-
ger séjournant en Suisse au bénéfice d'une carte de légiti-
mation délivrée par le Département fédéral des affaires
étrangères en vertu de l'art. 4 al. 1 lettres a à d OLE doit
savoir que sa présence en Suisse est directement liée à la
fonction qu'il occupe, de sorte que la durée de son séjour
n'est en principe pas déterminante au regard de l'art. 13

lettre f OLE. Sa situation n'est ainsi pas comparable à
celle
d'un requérant d'asile qui a quitté son pays d'origine dans
d'autres circonstances, dans la mesure où il a la
possibilité
de rester en contact avec son environnement socioculturel et
n'est pas empêché de retourner dans son pays d'origine (ATF
123 II 123 consid. 3 p. 128; arrêts non publiés du 2 mars
1999 en la cause T.M., et du 9 juin 1998 en la cause L.;
Alain Wurzburger, op. cit., p. 293 et la référence citée à
la
note 77). A cet égard, les recourants contestent vainement
la
pertinence de cette distinction: il n'y a en effet aucune
comparaison possible entre celui qui vient en Suisse comme
réfugié avec l'espoir de pouvoir y être admis durablement et
celui qui y séjourne pour y exercer une fonction dont la du-
rée est, par définition, limitée.

c) Dans le cas particulier, aucune circonstance ex-
ceptionnelle ne permet de soustraire les recourants aux mesu-
res de limitation auxquelles ils doivent être soumis en rai-
son de la cessation des rapports de travail de SB.________
auprès de la Mission permanente de la République du
Cameroun,
à Genève.

Il est vrai que les recourants sont bien intégrés en
Suisse et que leur comportement a été exemplaire. En particu-
lier, ils se sont efforcés de subvenir à leurs besoins
malgré
les difficultés de SB.________ à être rémunéré
convenablement
par son employeur. Mais pour digne d'éloges que soit ce com-
portement, il ne saurait, comme le voudraient les
recourants,
être assimilé à une ascension professionnelle si exception-
nelle qu'en cas de retour dans leur pays d'origine, ils n'au-
raient aucune chance de retrouver une position semblable à
celle acquise en Suisse. Rien ne permet non plus de penser
que les recourants se seraient, de toute autre manière, créé
à Genève des liens si étroits qu'ils justifieraient, à eux
seuls, une exception aux mesures de limitation. Pour ce qui
est enfin des enfants, l'aîné est actuellement âgé d'un peu
plus de onze ans et n'a donc pas encore atteint l'âge
décisif
de l'adolescence, de sorte qu'il ne peut être question dans
son cas d'un déracinement propre à justifier l'exemption de
ces mêmes mesures; à plus forte raison en va-t-il de même
pour ses frère et soeur cadets.

Il est toutefois certain qu'en regagnant leur pays
d'origine, les recourants vont s'adapter, respectivement se
réadapter, à un type d'existence très différent de ce qu'ils
ont connu en Suisse, et qu'ils risquent de connaître des dif-
ficultés considérables, mais ils ne devraient pas être expo-
sés à des problèmes sensiblement plus graves que ceux de
leurs compatriotes qui se trouvent contraints de retourner
dans leur pays d'origine après un séjour en Suisse d'une cer-
taine durée. Les époux regagneront d'ailleurs un milieu so-
cioculturel qui est loin de leur être inconnu, puisqu'ils y
ont vécu de longues années avant de venir en Suisse, et en
particulier les années décisives de leur adolescence; quant
aux enfants, ils sont, vu leur âge, encore liés à leurs pa-
rents de manière suffisamment étroite pour que ceux-ci puis-
sent les appuyer tout au long de cette difficile transition.

3.- Il résulte de ce qui précède que le recours doit
être rejeté dans la mesure où il est recevable, avec suite
de
frais à la charge solidaire des recourants (art. 156 al. 1
et
7 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l,

1. Rejette le recours dans la mesure où il est
recevable.

2. Met à la charge des recourants un émolument judi-
ciaire de 2'000 fr., solidairement entre eux.

3. Communique le présent arrêt en copie
au mandatai-
re des recourants et au Département fédéral de justice et po-
lice.
_______________

Lausanne, le 19 décembre 2000
ROC/elo

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.499/2000
Date de la décision : 19/12/2000
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-12-19;2a.499.2000 ?
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