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15/12/2000 | SUISSE | N°U.85/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 15 décembre 2000, U.85/00


«AZA 7»
U 85/00 Mh

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Beauverd, Greffier

Arrêt du 15 décembre 2000

dans la cause

M.________, recourant, représenté par Maître Jean-Pierre
Garbade, avocat, rue de la Synagogue 41, Genève,

contre

Zurich, Compagnie d'assurances, Mythenquai 2, Zurich,
intimée, représentée par Maître Michel Bergmann, avocat,
rue de Hesse 8-10, Genève,

et

Tribunal administratif du canton de Genève,

Genève

A.- En février 1994, M.________ a été victime d'une
aggression alors qu'il se trouvait au pub X.________. Il a
reçu p...

«AZA 7»
U 85/00 Mh

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Beauverd, Greffier

Arrêt du 15 décembre 2000

dans la cause

M.________, recourant, représenté par Maître Jean-Pierre
Garbade, avocat, rue de la Synagogue 41, Genève,

contre

Zurich, Compagnie d'assurances, Mythenquai 2, Zurich,
intimée, représentée par Maître Michel Bergmann, avocat,
rue de Hesse 8-10, Genève,

et

Tribunal administratif du canton de Genève, Genève

A.- En février 1994, M.________ a été victime d'une
aggression alors qu'il se trouvait au pub X.________. Il a
reçu plusieurs balles tirées d'un pistolet-mitrailleur qui
lui ont occasionné de sérieuses blessures.

Par décision du 21 septembre 1994, confirmée par la
décision sur opposition du 27 juillet 1995, la Zurich, com-
pagnie d'assurances (la Zurich), a refusé toute prise en
charge de l'accident au motif que l'existence d'un rapport
de travail entre le tenancier de l'établissement
C.________, preneur d'assurance, et M.________, n'était pas
établie.

B.- M.________ a recouru auprès du Tribunal adminis-
tratif du canton de Genève contre cette décision dont il
demandait l'annulation.
En cours d'instruction, le juge-délégué a dénoncé au
procureur général M.________, A.________ et C.________. Ce
dernier a été condamné pénalement pour «complicité d'escro-
querie manquée par repentir actif» et faux dans les titres;
A.________ a été condamnée pour complicité d'escroquerie
manquée et complicité de faux dans les titres. Quant à
M.________ il a été condamné d'abord par ordonnance pénale
pour escroquerie manquée et faux dans les titres. A la
suite de ses recours successifs, le Tribunal de police puis
la Chambre pénale de la Cour de justice ont confirmé sa
condamnation à raison de ces chefs d'accusation.
Par jugement du 18 janvier 2000, le tribunal adminis-
tratif a rejeté le recours de M.________.

C.- L'intéressé interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement dont il demande l'annulation. Il
conclut en particulier à ce que l'intimée prenne en charge
les suites de l'accident et sollicite l'assistance judi-
ciaire.
La Zurich a conclu au rejet du recours sous suite de
frais et dépens, alors que l'Office fédéral des assurances
sociales ne s'est pas déterminé.

D.- L'édition du dossier de la procédure pénale ins-
truite à l'encontre de M.________ et de la procédure
opposant M.________ à C.________ devant le tribunal des
prud'hommes a été ordonnée.

Considérant en droit :

1.- a) Le juge des assurances sociales n'est lié par
les constatations et l'appréciation du juge pénal ni en ce
qui concerne la désignation des prescriptions enfreintes,
ni quant à l'évaluation de la faute commise. En revanche,
il ne s'écarte des constatations de fait du juge pénal que
si les faits établis au cours de l'instruction pénale et
leur qualification juridique ne sont pas convaincants, ou
s'ils se fondent sur des considérations spécifiques du
droit pénal, qui ne sont pas déterminantes en droit des
assurances sociales (ATF 125 V 242 consid. 6a et les
références).

b) En l'espèce, il ressort du jugement pénal que le
soir de l'aggression, M.________ se trouvait comme client
au bar X.________, qu'il fréquentait régulièrement. Il
n'avait pas travaillé pour le compte de C.________ et
n'avait pas été engagé comme videur dès le début février
1994. Par ailleurs, le contrat de travail écrit, rédigé par
la soeur du recourant et signé par les parties, était anti-
daté et ne correspondait pas à leur volonté réelle. Il
n'avait été établi que dans le but d'accréditer auprès de
la Zurich la thèse de l'existence d'un emploi, comme l'a
reconnu C.________. En réalité, M.________ était à l'époque
des faits sans travail et vivait d'expédients.
Ces constatations qui fondent la condamnation pénale
des intéressés reposent en premier lieu sur l'ensemble des
dépositions faites en début d'enquête par tous les témoins,
y compris le recourant lui-même. Or, comme l'ont retenu en

conclusion les juges pénaux, «rien dans le dossier ne
permet de considérer que les premières explications re-
cueillies seraient fausses et aucun élément n'autorise à
considérer que les revirements survenus depuis lors, éma-
nant principalement des proches de l'appelant, seraient
dictées par un autre souci que la recherche d'un soutien
financier à la situation de M.________».
Les arguments présentés en procédure fédérale par le
recourant reposent pour l'essentiel sur des témoignages
ultérieurs que les juges précités ont écartés pour des
motifs convaincants. Il y a ainsi lieu de se fonder sur les
constatations de faits du juge pénal que celui-ci a quali-
fié d'escroquerie manquée. Partant, c'est à juste titre que
les juges administratifs ont nié l'existence du contrat de
travail allégué avec la conséquence que le recourant
n'était pas assuré le 27 février 1994.

2.- Le recourant soutient encore la thèse que ses
activités consistant à fournir des services occasionnels
relèvent également d'un contrat de travail et qu'en consé-
quence, il doit être tenu pour obligatoirement assuré
contre les risques d'accidents.

a) Aux termes de l'art. 1er al. 1 LAA, sont assurés à
titre obligatoire conformément aux dispositions de la pré-
sente loi les travailleurs occupés en Suisse, y compris les
travailleurs à domicile, les apprentis, les stagiaires, les
volontaires ainsi que les personnes travaillant dans des
écoles de métiers ou des ateliers protégés.
Selon la jurisprudence, est réputé travailleur au sens
de cette disposition celui qui, dans un but lucratif ou de
formation et sans devoir supporter de risque économique
propre, exécute durablement ou provisoirement un travail
pour un employeur, auquel il est plus ou moins subordonné.
Sont ainsi visées avant tout les personnes au bénéfice d'un
contrat de travail au sens des art. 319 ss CO ou qui sont

soumises à des rapports de service de droit public. Dans le
doute, la qualité de travailleur doit être déterminée de
cas en cas, à la lumière de l'ensemble des circonstances de
l'espèce, notamment au regard de l'existence d'une presta-
tion de travail, d'un lien de subordination et d'un droit
au salaire sous quelque forme que ce soit. De simples coups
de main ne suffisent cependant pas pour créer une relation
de travail. Il en va de même par exemple lorsque, par pure
complaisance, une personne exerce pour une autre des acti-
vités durant une période limitée (ATF 115 V 58 ss con-
sid. 2d, et les références; RAMA 1992 no U 155 p. 252 ss
consid. 2b).

b) A l'époque de l'accident, il existait avec
C.________ des relations d'amitié qui tenaient d'une part
au fait que le recourant était le frère de la barmaid, com-
pagne à l'époque du gérant, et d'autre part à ce qu'il
passait, depuis une année, pour un bon client de l'éta-
blissement. Venant fréquemment dans ce bar, selon ses
envies et sans horaire ni contrainte, le recourant a été à
l'une ou l'autre reprise sollicité par C.________ pour
rendre des services (rangements ou commissions par exem-
ple). Pour ses coups de main occasionnels, le recourant qui
n'exerçait pas d'activité régulière, s'est vu offrir des
consommations et parfois remettre de petites sommes d'ar-
gent.
Rien ne permet cependant de considérer que ces ser-
vices aient été rendu autrement qu'à bien plaire. On doit
ainsi en déduire qu'ils ne répondaient pas à des obliga-
tions convenues ou consenties, qu'ils étaient fournis sans
qu'existe un lien de subordination et ne devaient pas,
comme tels, donner droit à rémunération ou prestations en
nature. Pour ces motifs, le recourant ne peut être consi-
déré comme un travailleur au sens de l'art. 1er al. 1 LAA,
si bien qu'il n'était pas obligatoirement assuré au moment
de l'accident.

3.- a) Le recourant, qui succombe, ne saurait pré-
tendre une indemnité de dépens pour l'instance fédérale
(art. 159 al. 1 en corrélation avec l'art. 135 OJ).
Par ailleurs, s'agissant d'un litige qui a trait à
l'octroi ou au refus de prestations d'assurance, la pro-
cédure est gratuite (art. 134 OJ). Dans cette mesure, la
requête du recourant tendant à l'octroi de l'assistance
judiciaire gratuite est sans objet.
En revanche, elle est bien fondée dans la mesure où
elle vise la prise en charge des honoraires de son avocat
(art. 152 al. 2 en liaison avec l'art. 135 OJ) : sur le vu
des pièces du dossier, l'état de besoin est en effet établi
et les conclusions du recourant n'étaient pas d'emblée
vouées à l'échec. Celui-ci est toutefois expressément rendu
attentif au fait qu'il sera tenu de rembourser la caisse du
tribunal s'il est ultérieurement en mesure de le faire
(art. 152 al. 3 OJ).

b) L'intimée a également conclu à l'octroi de dépens.
Bien qu'elle obtienne gain de cause, elle ne saurait en
prétendre, aucune indemnité pour les frais de procès
n'étant allouée, en règle générale, aux organismes chargés
de tâches de droit public (art. 159 al. 2 in fine OJ; ATF
118 V 169-170 consid. 7 et les références).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice ni alloué de
dépens.

III. L'assistance judiciaire est accordée au recourant. Les
honoraires de Me Jean-Pierre Garbade, désigné en
qualité d'avocat d'office, sont fixés à 2500 fr. pour
la procédure fédérale et seront supportés par la
caisse du tribunal.

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal administratif du canton de Genève et à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 15 décembre 2000

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.85/00
Date de la décision : 15/12/2000
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-12-15;u.85.00 ?
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