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14/12/2000 | SUISSE | N°H.283/99

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 14 décembre 2000, H.283/99


«AZA 7»
H 283/99 Mh

Ière Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Schön,
Widmer, Meyer et Ferrari; Berset, Greffière

Arrêt du 14 décembre 2000

dans la cause

Caisse de compensation SPIDA, Bergstrasse 21, Zurich,
recourante,

contre

1. B.________, représenté par Maître Pierre Heinis,
avocat, rue de l'Hôpital 11, Neuchâtel,
2. C.________, représenté par Maître Marc von Nieder-
häusern, avocat, avenue Léopold-Robert 73, La Chaux-
de-Fonds, intimés

,

et

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

A.- La faillite de la société X.________ SA, dont le
...

«AZA 7»
H 283/99 Mh

Ière Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Schön,
Widmer, Meyer et Ferrari; Berset, Greffière

Arrêt du 14 décembre 2000

dans la cause

Caisse de compensation SPIDA, Bergstrasse 21, Zurich,
recourante,

contre

1. B.________, représenté par Maître Pierre Heinis,
avocat, rue de l'Hôpital 11, Neuchâtel,
2. C.________, représenté par Maître Marc von Nieder-
häusern, avocat, avenue Léopold-Robert 73, La Chaux-
de-Fonds, intimés,

et

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

A.- La faillite de la société X.________ SA, dont le
siège était à Y.________, a été prononcée le 15 février
1995. Le 31 mars 1995, s'est tenue la première assemblée

des créanciers. Daté du 29 septembre 1997, l'état de
collocation a été déposé le 3 octobre suivant et publié le
même jour à la Feuille officielle suisse de commerce.
X.________ SA était affiliée en qualité d'employeur
auprès de la Caisse de compensation SPIDA qui a produit
dans la faillite une créance de 111'489 fr. 70
correspondant à des cotisations paritaires impayées et des
frais.
Le 22 octobre 1998, SPIDA a notifié des décisions en
réparation du dommage à B.________ et C.________, adminis-
trateurs de la société faillie.

B.- A la suite de l'opposition des prénommés, SPIDA a
ouvert action le 26 novembre 1998 devant le Tribunal admi-
nistratif du canton de Neuchâtel contre B.________, con-
cluant au paiement de 108'069 fr. 70 sous réserve d'un
dividende de faillite éventuel. Le 2 décembre 1998, elle a
ouvert action contre C.________ en prenant les mêmes
conclusions. Les demandes ont été jointes.
Par jugement du 11 août 1999, le tribunal administra-
tif a rejeté les demandes au motif qu'elles étaient péri-
mées. En bref, la juridiction cantonale a considéré qu'au
regard de l'attention raisonnablement exigible, SPIDA pou-
vait connaître son dommage déjà lors de la première assem-
blée des créanciers.

C.- SPIDA interjette recours de droit administratif
contre ce jugement dont elle demande l'annulation. Elle
conclut sous suite de frais et dépens à l'admission de la
demande, subsidiairement au renvoi de la cause à la juri-
diction cantonale pour jugement sur ses prétentions.
B.________ et C.________ ont conclu, sous suite de
frais et dépens, au rejet du recours. L'Office fédéral des
assurances sociales ne s'est pas déterminé.

Considérant en droit :

1.- La décision litigieuse n'ayant pas pour objet
l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, le Tribu-
nal fédéral des assurances doit se borner à examiner si les
premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris par
l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation, ou si
les faits pertinents ont été constatés d'une manière mani-
festement inexacte ou incomplète, ou s'ils ont été établis
au mépris de règles essentielles de procédure (art. 132 en
corrélation avec les art. 104 let. a et b et 105 al. 2 OJ).

2.- a) L'art. 82 RAVS règle la prescription du droit
de la caisse de compensation de demander la réparation du
dommage. Un tel droit se prescrit lorsque la caisse ne le
fait pas valoir par une décision de réparation dans l'année
après qu'elle a eu connaissance du dommage et, en tout cas,
à l'expiration d'un délai de cinq ans à compter du fait
dommageable (al. 1). Lorsque ce droit dérive d'un acte
punissable soumis par le code pénal à un délai de prescrip-
tion de plus longue durée, ce délai est applicable (al. 2).
En dépit de la terminologie dont use l'art. 82 RAVS, les
délais institués par cette norme ont un caractère péremp-
toire (ATF 121 III 388 consid. 3b, 119 V 92 consid. 3,
118 V 195 consid. 2b et les références).
Par moment de la «connaissance du dommage» au sens de
l'art. 82 al. 1 RAVS, il faut entendre, en règle générale,
le moment où la caisse de compensation aurait dû se rendre
compte, en faisant preuve de l'attention raisonnablement
exigible, que les circonstances effectives ne permettaient
plus d'exiger le paiement des cotisations, mais pouvaient
entraîner l'obligation de réparer le dommage (ATF
121 III 388 consid. 3b, 119 V 92 consid. 3, 118 V 195 con-
sid. 3a et les références).
La partie lésée peut toutefois, en raison de circons-
tances spéciales, acquérir la connaissance nécessaire avant

le dépôt de l'état de collocation. Ainsi, selon la juris-
prudence, on peut exiger d'une caisse qu'elle se fasse
représenter à la première assemblée des créanciers, dès
lors que son devoir de diligence lui commande de suivre
l'évolution de la procédure de faillite (ATF 121 V 240
consid. 3c/aa et les références). S'il apparaît à ce
moment-là déjà qu'elle subira un dommage, le délai d'une
année commencera à courir. Même la connaissance d'un domma-
ge partiel est suffisante pour faire partir le délai prévu
par l'art. 82 al. 1 RAVS (ATF 121 V 243 consid. 3c/bb).

b) La recourante ne remet pas en cause le bien-fondé
des incombances fixées par la jurisprudence précitée (ATF
121 V 240 consid. 3c/aa), que le Tribunal fédéral des
assurances a motivé comme suit :
Bien qu'en règle générale, le créancier n'ait aucune
obligation de participer à l'assemblée des créanciers dans
le cadre d'une procédure de faillite, sa présence est une
incombance dont le respect peut être déterminant pour la
sauvegarde de prétentions de droit public ou privé élevées
contre le failli. Au surplus, l'art. 52 LAVS oblige la
caisse de compensation, en qualité de créancière du droit à
la réparation du dommage, à faire valoir celui-ci dans les
délais, par le biais d'une décision. Selon la jurispruden-
ce, on attend de la caisse qu'elle suive l'évolution de la
procédure de faillite et qu'elle prenne connaissance du
dépôt de l'état de collocation et de l'inventaire (ATF
116 V 75 consid. 3b). Ce sont là deux étapes de la
procédure de faillite qui sont annoncées publiquement
(art. 232 et 249 LP). Il est donc logique que la caisse se
fasse représenter à l'assemblée des créanciers dans la
faillite de l'employeur affilié (voir aussi VSI 1995 p. 172
sv. consid. 4c).

c) Aux termes de l'art. 8a de la Loi fédérale sur la
poursuite pour dettes et la faillite (introduit par la

modification du 16 décembre 1994, entrée en vigueur le
1er janvier 1997), toute personne peut consulter les pro-
cès-verbaux et les registres des offices de poursuites et
des offices de faillites et s'en faire délivrer des ex-
traits à condition qu'elle rende son intérêt vraisemblable.
Selon cette disposition, le droit de consulter ne se
limite pas aux procès-verbaux des opérations dont tiennent
procès-verbal les offices des poursuites et les offices des
faillites, aux procès-verbaux des réquisitions et déclara-
tions qu'ils reçoivent, ainsi qu'aux registres qu'ils tien-
nent. Il s'étend à d'autres pièces telles les états de
collocation, états des charges, tableaux de distribution,
procès-verbaux des assemblées des créanciers, procès-ver-
baux des commissions de surveillance, livres comptables et
pièces justificatives notamment. Ce droit de consulter
appartient aussi bien aux personnes formellement parties à
une procédure d'exécution forcée et à celles concernées par
une telle procédure qu'à toute personne ayant un intérêt
digne de protection, même en dehors d'une procédure pendan-
te (Pierre-Robert Gilliéron, Commentaire de la loi fédérale
sur la poursuite pour dettes et la faillite, ad art. 8a
n° 6 et 7).
Ainsi, lorsque la caisse de compensation est partie à
la procédure parce qu'elle a produit sa créance dans la
faillite, un droit de consultation des pièces ou de s'en
faire remettre des copies découle directement de l'art. 8a
LP. Il n'y a dès lors pas d'obstacle à ce que, en temps
utile, elle requière et obtienne notamment copie du pro-
cès-verbal de la première assemblée des créanciers et du
rapport du préposé. Au regard de l'obligation de diligence
assignée à la caisse de compensation par la jurisprudence
précitée (cf. consid. 2b), il apparaît ainsi que cette
incombance peut être satisfaite sous cette forme, sans que
la présence ou la représentation par un tiers de la caisse
de compensation soit systématiquement exigée. C'est dans
ce sens que peut être précisée la jurisprudence publiée à
l'arrêt ATF 121 V 240.

d) Dans le cas particulier, la caisse recourante n'a
pas assisté à la première assemblée des créanciers et ne
s'y est pas faite représenter. Elle n'a donc pas eu direc-
tement connaissance du rapport du préposé. Cela n'est ce-
pendant pas décisif dans le cadre de l'art. 82 al. 1 RAVS,
dès lors qu'il suffit de déterminer si, au regard de ses
incombances, elle aurait pu avoir connaissance de l'exis-
tence du dommage avant la date du dépôt de l'état de col-
location. Cette question peut être tranchée, comme l'ont
fait les premiers juges, en se référant au rapport écrit du
préposé figurant au dossier de la faillite, dont la recou-
rante pouvait, à tout le moins dès le 1er janvier 1997,
demander et obtenir une copie.

3.- a) Selon les faits retenus par les premiers juges
et qui lient la Cour de céans, l'inventaire établi par
l'office des faillites (les 29 et 31 mars 1995), faisait
apparaître un actif provisoire présumé de 822'637 fr. 20
dont 709'000 francs représentant la valeur cadastrale d'un
immeuble sis à Y.________. Les passifs, selon le bilan de
la société faillie établi au 30 novembre 1994, étaient de
4'040'218 fr. 20. Les juges ont déduit de ces faits que la
caisse de compensation aurait pu alors se rendre compte
qu'elle allait subir un dommage, au moins partiel, d'autant
que l'immeuble était grevé d'hypothèques pour un montant de
1'400'000 francs et que les salaires des 19 employés de la
faillie (dont 110'707 francs pour le seul mois de janvier
1995) constituaient des créances privilégiées en
1ère classe.

b) Contestant le fait qu'elle aurait pu alors se ren-
dre compte de l'existence d'un dommage, SPIDA soutient
d'abord qu'elle était fondée à considérer sa créance comme
couverte dès lors que les actifs de la société, au regard
du bilan au 30 novembre 1994, étaient largement plus élevés
que ceux résultant de l'inventaire établi par l'office.

Selon le rapport de l'organe de révision toutefois, les
postes débiteurs et travaux en cours étaient surévalués et
le principe de la tenue régulière des comptes était violé,
si bien que ce moyen n'est d'aucune utilité à la recouran-
te, ce d'autant moins qu'elle n'avait pas connaissance des
comptes en question à l'époque déterminante.
SPIDA soutient ensuite que l'inventaire de l'office ne
prend pas en compte les créances pour travaux en cours dont
elle pouvait s'attendre à ce qu'elles couvrent ses préten-
tions restées en souffrance. Ce moyen revient en réalité à
reprocher aux premiers juges d'avoir procédé à une consta-
tation manifestement inexacte ou incomplète des faits
(art. 105 al. 2 OJ). Il est cependant infondé. Certes dans
ses comptes au 30 novembre 1994, la société faillie avait
fait figurer des créances de plusieurs centaines de mil-
liers de francs pour des travaux en cours; mais, comme on
l'a vu, celles-ci étaient à la fois surévaluées et non
justifiées par des documents probants. La recourante ne
saurait dès lors se prévaloir de l'existence de ces créan-
ces. De toute manière, l'absence de ces créances dans l'in-
ventaire, même pour mémoire, était parfaitement fondée, dès
lors que, selon un document en possession de l'office,
X.________ SA avait consenti une cession générale de toutes
ses créances d'entrepreneur en faveur de la Banque cantona-
le neuchâteloise. On ne voit pas dès lors en quoi les pre-
miers juges auraient failli dans la constatation des faits
en ne prenant pas en considération des créances de la so-
ciété qui faisaient l'objet d'une cession générale.
C'est en vain finalement que la recourante prétend que
la valeur de l'immeuble pouvait lui donner à croire que
l'existence d'un dommage n'était ni connue ni certaine lors
de la première assemblée des créanciers. Le jugement entre-
pris expose de manière convaincante les raisons pour les-
quelles on ne pouvait raisonnablement s'attendre à ce que
la liquidation de l'immeuble laisse un solde suffisant pour
couvrir la totalité des créances privilégiées (1ère et

2ème classe). Sur ce point, on peut renvoyer à son considé-
rant 3.
Comme le relève enfin SPIDA dans son écriture de re-
cours, les créances privilégiées produites avant la premiè-
re assemblée des créanciers s'élevaient à 365'444 fr. 25.
Au vu de tous ces éléments, il apparaissait déjà lors
de la première assemblée des créanciers que la recourante
subirait, de manière certaine, un dommage. Par exception à
la règle générale, elle était en mesure, comme on l'a vu,
d'en avoir une connaissance suffisante plus d'une année
avant la notification des décisions aux administrateurs, le
22 octobre 1998. Dans ces conditions, la péremption était
effectivement encourue à la date de cette notification.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances,

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Les frais de la cause, consistant en un émolument de
justice de 4000 fr., sont mis à la charge de la recou-
rante et sont compensés avec l'avance de frais, d'un
même montant, qu'elle a versée.

III. La recourante versera à chacun des intimés la somme de
1500 fr. à titre de dépens pour l'instance fédérale.

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal administratif du canton de Neuchâtel et à l'Of-
fice fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 14 décembre 2000

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la Ière Chambre :

La Greffière :


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.283/99
Date de la décision : 14/12/2000
Cour des assurances sociales

Analyses

Art. 52 LAVS; art. 82 al. 1 RAVS; art. 8a al. 1 LP: Péremption; connaissance du dommage. Précision de la jurisprudence portant sur l'incombance faite à la caisse d'assister ou de se faire représenter à la première assemblée des créanciers (ATF 121 V 240). L'obligation de diligence est aussi satisfaite lorsque la caisse requiert le procès-verbal de la première assemblée des créanciers et le rapport du préposé.


Références :

14.12.2000 GG 14121/00


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-12-14;h.283.99 ?
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