La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/12/2000 | SUISSE | N°4C.306/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 14 décembre 2000, 4C.306/2000


«/2»

4C.306/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

14 décembre 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________ S.A., défenderesse et recourante, représentée par
Me Joël Crettaz, avocat à Lausanne,

et

A.________, demanderesse et intimée, représentée par Me
Nicole Wiebach, avocate à Vevey;

(contrat de travail; révocati

on de l'autorisation de travail-
ler; résiliation)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a)...

«/2»

4C.306/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

14 décembre 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffier: M. Ramelet.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

X.________ S.A., défenderesse et recourante, représentée par
Me Joël Crettaz, avocat à Lausanne,

et

A.________, demanderesse et intimée, représentée par Me
Nicole Wiebach, avocate à Vevey;

(contrat de travail; révocation de l'autorisation de travail-
ler; résiliation)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) Par contrat du 31 janvier 1998, X.________
S.A. a engagé A.________ pour des travaux de vente et de se-
crétariat avec effet au 1er février 1998. La convention des
parties réglait le salaire et fixait le temps d'essai à
trois
mois.

Le 9 mars 1998, A.________ a appris qu'elle était
enceinte; elle en a informé son employeur le 2 juillet 1998.
Licenciée le 8 juillet 1998 pour le 31 août 1998, elle a in-
voqué, par lettre du 24 juillet 1998, la nullité de ce congé
et offert de reprendre le travail dès que son état de santé
le lui permettrait.

A la fin de l'année 1998, l'Office vaudois de con-
trôle des habitants et de police des étrangers a révoqué
l'autorisation de séjour et de travail de A.________ avec
effet au 22 décembre 1998. Dans une lettre à l'employeur,
l'office a indiqué que l'employée pouvait former un recours
et obtenir un effet suspensif. A.________ a effectivement re-
couru contre cette décision et sollicité l'effet suspensif.
Par prononcé incident du 11 janvier 1999, le Juge
instructeur
du Tribunal administratif vaudois a suspendu la décision at-
taquée. Il a ajouté que la recourante était autorisée à pour-
suivre son séjour dans le canton de Vaud, sans préciser si
elle était autorisée à y travailler. Interpellé par l'em-
ployeur, l'office cantonal a interprété ce texte en considé-
rant que l'employée n'était plus autorisée à travailler. In-
terrogé sur cette question en cours de procédure, le Juge
instructeur a levé l'ambiguïté, par lettre du 19 juillet
1999, en précisant que l'octroi de l'effet suspensif impli-
quait que l'intéressée pouvait continuer d'exercer son acti-
vité lucrative.

b) Par arrêt du 3 mai 1999, le Tribunal administra-
tif a rejeté le recours de A.________ et lui a imparti un dé-
lai au 30 juin 1999 pour quitter le territoire vaudois. Le
15
juillet 1999, l'employeur lui a adressé une lettre de résili-
ation "à toutes fins utiles".

B.- Le 29 juin 1999, A.________ a déposé devant le
Tribunal des prud'hommes de Lausanne une demande en paiement
dirigée contre X.________ S.A. Soutenant que le contrat
avait
pris fin le 30 juin 1999, elle a formulé des prétentions
dont
elle a limité le montant à 20 000 fr.

Réformant sur recours un jugement rendu le 13 dé-
cembre 1999 par le Tribunal des prud'hommes de Lausanne, la
Chambre des recours du Tribunal cantonal vaudois, par arrêt
du 12 avril 2000, a condamné la défenderesse à payer à la
demanderesse la somme de 17 398 fr.40 à titre de salaire
brut, sous déduction des retenues légales, avec intérêts à
5%
l'an dès le 29 juin 1999; elle a confirmé par ailleurs une
condamnation à payer 952 fr.30 net avec intérêts à 5% l'an
dès le 29 juin 1999.

C.- X.________ S.A. exerce un recours en réforme
au Tribunal fédéral. Elle conclut à l'annulation de l'arrêt
cantonal et à la confirmation du jugement rendu en première
instance, lequel ne l'avait condamnée à payer en capital que
1464 fr.40 brut, ainsi que les 952 fr.30 confirmés par la
Chambre des recours.

L'intimée propose le rejet du recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Interjeté par la partie qui a succombé dans
ses conclusions libératoires et dirigé contre un jugement fi-
nal rendu en dernière instance cantonale par un tribunal su-
périeur (art. 48 al. 1 OJ) sur une contestation civile dont
la valeur litigieuse atteint le seuil de 8000 fr. (art. 46
OJ), le recours en réforme est en principe recevable, puis-
qu'il a été déposé en temps utile (art. 54 al. 1 OJ) dans
les
formes requises (art. 55 OJ).

b) Le recours en réforme est ouvert pour violation
du droit fédéral (art. 43 al. 1 OJ). Il ne permet en
revanche
pas d'invoquer la violation directe d'un droit de rang cons-
titutionnel (art. 43 al. 1 2e phrase OJ) ou la violation du
droit cantonal (ATF 126 III 189 consid. 2a, 370 consid. 5;
125 III 305 consid. 2e).

Saisi d'un recours en réforme, le Tribunal fédéral
doit conduire son raisonnement sur la base des faits
contenus
dans la décision attaquée, à moins que des dispositions fédé-
rales en matière de preuve n'aient été violées, qu'il y ait
lieu à rectification de constatations reposant sur une inad-
vertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ) ou qu'il faille complé-
ter les constatations de l'autorité cantonale parce que
celle-ci n'a pas tenu compte de faits pertinents et réguliè-
rement allégués (art. 64 OJ; ATF 126 III 59 consid. 2a et
les
arrêts cités). Dans la mesure où un recourant invoquerait un
état de fait qui s'écarte de celui contenu dans la décision
attaquée sans se prévaloir avec précision de l'une des excep-
tions qui viennent d'être rappelées, il ne serait pas possi-
ble d'en tenir compte. Il ne peut être présenté de griefs
contre les constatations de fait, ni de faits ou de moyens
de
preuve nouveaux (art. 55 al. 1 let. c OJ).

Si le Tribunal fédéral ne saurait aller au-delà des
conclusions des parties, lesquelles ne peuvent prendre de
conclusions nouvelles (art. 55 al. 1 let. b in fine OJ), il
n'est lié ni par les motifs qu'elles invoquent (art. 63 al.
1
OJ), ni par ceux de la décision cantonale (art. 63 al. 3 OJ;
ATF 126 III 59 consid. 2a; 123 III 246 consid. 2).

2.- a) Il résulte des constatations de fait canto-
nales que les parties ont conclu un contrat individuel de
travail (art. 319 al. 1 CO).

Le congé donné par l'employeur le 8 juillet 1998
(avant la révocation de l'autorisation de travail administra-
tive) est nul, parce qu'il a été donné après le temps
d'essai
(fixé à 3 mois) pendant la grossesse de l'employée (art.
336c
al. 1 let. c et al. 2 CO).

b) Le premier point litigieux entre les parties
concerne les effets sur le contrat de travail en cours de la
révocation de l'autorisation administrative de travailler.
Selon la jurisprudence, le défaut de l'autorisation imposée
par le droit public en raison de la nationalité étrangère du
travailleur n'entraîne pas à lui seul la nullité du contrat
de travail (ATF 122 III 110 consid. 4e p. 116; 114 II 279
consid. 2d). Le refus de l'autorisation nécessaire a pour
seul effet de permettre à l'une ou l'autre des parties de
résilier le contrat avec effet immédiat en application de
l'art. 337 CO (ATF 114 II 279 consid. 2d/cc). La même cons-
truction juridique a été adoptée dans un cas où il
s'agissait
d'un refus de prolonger une autorisation de travail (arrêt
non publié du 23 septembre 1996 dans la cause 4C.235/1996,
consid. 1 c/bb, reproduit in: RVJ 1997 p. 189/190). Il n'y a
pas de raison de remettre en cause cette jurisprudence.

Depuis la révocation de l'autorisation de travail-
ler, l'employeur n'a pas adressé de résiliation avant le 15

juillet 1999. Comme l'employée elle-même admet que le
contrat
a pris fin le 30 juin 1999, il est évident qu'il n'a pas été
résilié par la défenderesse avant cette date pour cause de
révocation de l'autorisation de travail.

c) La recourante soutient que la révocation de
l'autorisation de travailler a entraîné de plein droit la
caducité du contrat en raison d'une condition résolutoire
contenue dans la convention des parties.

Selon les constatations cantonales - qui lient le
Tribunal fédéral saisi d'un recours en réforme (art. 63 al.
2
OJ) -, le contrat indique qu'il est "conclu, sous réserve de
l'obtention d'une autorisation de séjour ou de travail" (con-
sid. 3 de l'arrêt attaqué). La référence à la conclusion du
contrat et à l'obtention d'une autorisation de travail
montre
que les parties avaient en vue l'obtention de l'autorisation
initiale pour la prise de l'emploi, dont elles faisaient dé-
pendre l'existence même de leur convention. La cour
cantonale
a estimé que cette formulation ne permettait pas de dire que
les parties avaient envisagé l'éventualité d'une révocation
de l'autorisation en cours de contrat, de sorte qu'elles
n'avaient en réalité pas réglé cette hypothèse. Elle en a
déduit qu'aucune condition n'avait été valablement stipulée
pour le cas d'une révocation de l'autorisation de
travailler.
On ne voit pas en quoi cette interprétation, fondée sur une
analyse raisonnable des termes de l'accord noué entre les
plaideurs, violerait les règles de droit fédéral sur l'inter-
prétation des déclarations de volonté selon le principe de
la
confiance (sur cette notion: cf. (ATF 126 III 25 consid. 3c,
59 consid. 5b, 375 consid. 2 e/aa).

Le moyen est privé de tout fondement.

d) Il a été retenu que la recourante avait refusé
sans droit le travail offert par son employée (cf. art. 324
al. 1 CO).

D'après les constatations souveraines de la cour
cantonale, la demanderesse a recouru contre la décision de
l'office cantonal et a obtenu un complet effet suspensif, de
sorte que la révocation de son autorisation de travail n'est
devenue exécutoire, à la suite de l'arrêt du Tribunal admi-
nistratif, qu'après le 30 juin 1999. Avant cette date, l'em-
ployeur n'était effectivement pas en droit de refuser le
travail en se prévalant d'une révocation qui ne déployait
alors aucun effet juridique.

La recourante fait valoir que la décision octroyant
l'effet suspensif n'était pas claire et qu'elle a été
induite
en erreur sur sa portée par l'office cantonal. Il appartient
à l'employeur de veiller à ce que son employé dispose de
l'autorisation requise et il doit pour cela entreprendre les
démarches nécessaires auprès de l'autorité (cf. ATF 114 II
279 consid. 2d/bb). Si la décision sur l'effet suspensif lui
paraissait ambiguë, il appartenait donc à la recourante de
prendre contact avec l'autorité qui avait rendu cette déci-
sion, à savoir le Juge instructeur du Tribunal
administratif,
pour clarifier la situation, comme cela a pu être fait sans
difficulté par la suite. Même en admettant que la réponse de
l'office cantonal, qui n'avait manifestement aucune compéten-
ce particulière pour interpréter la volonté du magistrat pré-
cité, a eu pour effet d'induire la recourante en erreur, on
cherche vainement le fondement qui permettrait à celle-ci de
répercuter les conséquences de son erreur sur l'employée, la-
quelle n'en est en rien responsable. Que la recourante ait
erré ou non, il reste que la demanderesse était encore en
droit de travailler et que le refus de l'employeur n'était
donc pas fondé.

e) Le décompte effectué par la cour cantonale
n'étant pas discuté par les parties, il n'y a pas lieu d'y
revenir.

3.- Selon la prétention de la partie demanderesse à
l'ouverture de l'action (ATF 115 II 30 consid. 5b), la
valeur
litigieuse ne dépasse pas 20 000 fr., de sorte que la procé-
dure est gratuite (art. 343 al. 2 et 3 CO). La gratuité de
la
procédure vaut pour tous les degrés de juridiction, y
compris
pour la procédure devant le Tribunal fédéral (ATF 98 Ia 561
consid. 6a et les arrêts cités). Il ne sera donc pas perçu
de
frais de justice. En revanche, des dépens sont dus par la
partie qui succombe (art. 159 al. 1 OJ; ATF 115 II 30
consid.
5c).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours et confirme l'arrêt attaqué;

2. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciai-
re;

3. Dit que la recourante versera à l'intimée une
indemnité de 2000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre des recours du Tribunal
cantonal vaudois.

_________

Lausanne, le 14 décembre 2000
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.306/2000
Date de la décision : 14/12/2000
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-12-14;4c.306.2000 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award