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14/12/2000 | SUISSE | N°1P.545/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 14 décembre 2000, 1P.545/2000


«/2»
1P.545/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

14 décembre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Nay et Favre. Greffier: M. Parmelin.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

B.________ , représenté par Me Jean-Pierre Garbade, avocat à
Genève,

contre

l'ordonnance rendue le 3 juillet 2000 par la Chambre d'accu-
sation du canton de Genève, dans la cause qui oppo

se le re-
courant au Chef de la police du canton de G e n è v e ;

(liberté personnelle; contrôle d'identité)

V...

«/2»
1P.545/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

14 décembre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Nay et Favre. Greffier: M. Parmelin.

__________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

B.________ , représenté par Me Jean-Pierre Garbade, avocat à
Genève,

contre

l'ordonnance rendue le 3 juillet 2000 par la Chambre d'accu-
sation du canton de Genève, dans la cause qui oppose le re-
courant au Chef de la police du canton de G e n è v e ;

(liberté personnelle; contrôle d'identité)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Une manifestation autorisée à l'encontre de l'Orga-
nisation Mondiale du Commerce s'est déroulée en ville de Ge-
nève dans l'après-midi du 16 mai 1998. A un certain moment,
des casseurs ont infiltré le cortège et ont causé de nom-
breux dégâts; en fin de soirée, les manifestants se sont dé-
placés en direction de la Plaine de Plainpalais où de nou-
veaux dommages ont été commis. Ces faits, au cours desquels
neuf policiers ont été blessés, ont donné lieu à cinquante-
cinq interpellations, entre les 16 et 17 mai 1998 au soir.
A la suite de nouveaux heurts entre la police et les mani-
festants, des interpellations ont eu lieu les jours suivants
en ville de Genève, au Cimetière des Rois, à la Place des
Nations et dans les locaux de l'association Artamis, à la
rue du Stand.

B.- Le 17 mai 1998, vers 18h00, B.________ a été inter-
pellé par la police genevoise à proximité de la douane de
Moillesullaz, avec une quinzaine de personnes soupçonnées
d'être impliquées dans les débordements. Il a été menotté au
moyen d'un ruban adhésif et conduit au poste de police amé-
nagé pour l'occasion dans les locaux de la protection civile
du Bachet-de-Pesay. Après avoir été photographié, il a dû se
déshabiller complètement durant deux minutes pour les be-
soins d'une fouille. Il a fait l'objet de deux interroga-
toires, l'un de trente minutes et l'autre de quinze minutes,
avant d'être enfermé dans une cellule avec quatre à dix per-
sonnes, sans couverture. Il a pu utiliser les toilettes et
boire de l'eau, mais n'a pas reçu l'autorisation d'aviser un
proche de son interpellation. Il a été libéré le 18 mai 1998
entre 03h00 et 03h30. B.________ a été interpellé le lende-
main matin au Cimetière des Rois, en compagnie de huit au-

tres personnes, et entendu dans les locaux de la police de
sûreté.

C.- A raison des faits survenus dans la nuit du 17 au
18 mai 1998, B.________ a déposé, le 3 juin 1998, auprès du
Procureur général du canton de Genève (ci-après, le Procu-
reur général), une plainte contre les interventions de la
police, au sens de l'art. 114A du Code de procédure pénale
genevois (CPP gen.), valant plainte pénale pour arrestation
et détention illicites. Il concluait à la constatation de
la violation des art. 17, 20 et 24 de la loi genevoise sur
la police du 26 octobre 1957 (LPol), à la constatation de
l'illicéité de son arrestation et de sa détention prolongée,
à l'allocation d'une indemnité équitable de 1'000 fr., à la
destruction du matériel photographique recueilli lors de son
interpellation et à l'ouverture d'une instruction pénale.

Par ordonnance du 29 juillet 1999, notifiée le 5 mai
2000, le Procureur général a classé la plainte pénale et a
constaté pour le surplus que les art. 16 à 22 LPol n'avaient
pas été violés.

B.________ a recouru le 16 mai 2000 contre cette déci-
sion, en tant qu'elle rejetait la plainte déposée en appli-
cation de l'art. 114A CPP gen., auprès de la Chambre d'ac-
cusation du canton de Genève (ci-après, la Chambre d'accu-
sation ou la cour cantonale) en invoquant le non-respect
des exigences de notification et de motivation de l'art.
114B al. 1 CPP gen. ainsi que la violation des art. 17 et
20 LPol. A l'audience de plaidoiries du 21 juin 2000, il a
requis, outre son audition, l'apport au dossier du procès-
verbal de son interrogatoire par la police le jour de son
interpellation et des enquêtes de la gendarmerie le concer-
nant.

Statuant par ordonnance du 3 juillet 2000, la Chambre
d'accusation a rejeté le recours et confirmé la décision at-
taquée. Elle a retenu en substance que la motivation unique
de l'ordonnance de classement, malgré le dépôt de plusieurs
plaintes, était suffisante pour que B.________ puisse faire
valoir ses droits devant elle et a rejeté en conséquence les
conclusions subsidiaires du recours tendant à ce que le Pro-
cureur général motive succinctement sa décision après avoir
recueilli les observations écrites du Chef de la police.
Elle n'est par ailleurs pas entrée en matière sur les griefs
relevant de l'équipement des locaux ou des droits de la per-
sonne entendue dans la mesure où ils ne concernaient pas une
intervention de la police au sens des art. 16 à 22 LPol. Sur
le fond, elle a considéré que l'interpellation du plaignant
était justifiée non seulement pour vérifier son identité,
mais également pour prévenir de nouveaux troubles à l'ordre
public, les conditions dans lesquelles cette mesure est in-
tervenue étant au surplus proportionnées et conformes aux
art. 17, 18 et 20 LPol.

D.- Agissant par la voie du recours de droit public,
B.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cette or-
donnance et de renvoyer la cause à l'autorité cantonale pour
nouvelle décision dans le sens des considérants. Il voit une
violation de son droit d'être entendu dans le fait que la
Chambre d'accusation a statué sur la base d'un dossier in-
complet et qu'elle a rejeté ses offres de preuve portant sur
des éléments contestés pour la première fois devant elle, au
terme d'une appréciation anticipée arbitraire des preuves.
Il reproche également à la cour cantonale de ne pas avoir
sanctionné la motivation insuffisante de l'ordonnance de
classement du Procureur général et de ne pas être entrée en
matière sur le grief tiré de la violation du droit d'avertir
un proche de son interpellation. Invoquant enfin la liberté
personnelle, il tient son arrestation pour dénuée de base

légale et disproportionnée. Il requiert l'assistance judi-
ciaire.

Le Chef de la police conclut au rejet du recours, de
même que le Procureur général, ce dernier dans la mesure où
il serait recevable. La Chambre d'accusation se réfère aux
considérants de sa décision.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et librement
la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 126 I
50 consid. 1 p. 52, 207 consid. 1 p. 209; 126 II 377 consid.
1 p. 381).

a) Selon la jurisprudence relative à l'art. 88 OJ, le
recours de droit public est ouvert seulement à celui qui est
atteint par l'acte attaqué dans ses intérêts personnels et
juridiquement protégés; le recours formé pour sauvegarder
l'intérêt général, ou visant à préserver de simples intérêts
de fait, est en revanche irrecevable (ATF 126 I 43 consid.
1a p. 44). Un intérêt est juridiquement protégé s'il est
l'objet d'une garantie constitutionnelle spécifique ou si
une règle de droit fédéral ou cantonal tend au moins acces-
soirement à sa protection; à elle seule, l'interdiction gé-
nérale de l'arbitraire n'est pas une protection suffisant à
conférer la qualité pour agir au sens de l'art. 88 OJ. La
qualité pour former un recours fondé, comme en l'espèce, sur
l'art. 9 Cst. dépend bien plutôt du fait que la législation
dont l'application arbitraire est alléguée accorde un droit
au recourant ou a pour but de le protéger d'une atteinte à
ses intérêts (ATF 126 II 377 consid. 4 p. 388; 126 I 81 con-
sid. 4 à 6 p. 87; 123 I 279 consid. 1b/aa p. 280; 122 I 44
consid. 3b/bb p. 47 et les arrêts cités).

Dans cette perspective, la jurisprudence dénie au plai-
gnant, sous réserve de l'hypothèse prévue à l'art. 8 al. 1
let. c de la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur l'aide aux
victimes d'infractions (ATF 120 Ia 101 consid. 2a p. 105,
157 consid. 2c p. 162), la qualité pour recourir sur le
fond, par la voie du recours de droit public, contre une dé-
cision de classement de la procédure pénale ou un jugement
d'acquittement au motif qu'il n'est pas lésé dans un intérêt
personnel et juridiquement protégé par la décision de ne pas
poursuivre ou punir l'auteur d'une prétendue infraction (ATF
69 I 17; cf. ATF 125 I 253 consid. 1b p. 255; pour un aperçu
de la jurisprudence, voir Frank Meister, L'autorité de pour-
suite et le classement pour des raisons d'opportunité en
procédure pénale, thèse Lausanne 1993, p. 317). Il en va de
même de l'auteur d'une plainte à l'autorité de surveillance
qui n'entre pas en matière ou rejette celle-ci (ATF 121 I 42
consid. 2a p. 45, 87 consid. 1a p. 90).

En l'occurrence, la plainte formée en application de
l'art. 114A CPP gen. est indépendante de la plainte pénale
et a une portée plus large en tant qu'elle vise à faire
constater l'illicéité des actes d'intervention de la police
qui ne sont pas nécessairement constitutifs d'un abus d'au-
torité (cf. SJ 1986 p. 284 consid. 4 p. 287). De même, si
elle présente certaines analogies avec la plainte à l'auto-
rité de surveillance, elle s'en distingue en ce sens que la
victime d'actes d'intervention de la police contraires aux
règles des art. 16 à 22 LPol a droit à une décision motivée
portant non seulement sur la constatation d'une violation de
la loi, mais aussi sur la destruction du matériel photogra-
phique et, en cas de violation établie de la loi, sur l'al-
location éventuelle d'une indemnité équitable (cf. art. 114B
al. 1 et 4 CPP gen.).

Le recourant peut ainsi se prévaloir d'un intérêt juri-
diquement protégé à l'annulation de l'ordonnance attaquée,

qui confirme le rejet de sa plainte au Procureur général et
le refus de lui verser une indemnité équitable de 1'000 fr.
en réparation du préjudice résultant de son interpellation
et de sa rétention dans les locaux de la police pendant en-
viron neuf heures. Il a, partant, qualité pour recourir se-
lon l'art. 88 OJ.

b) Pour le surplus, le recours répond aux conditions
de recevabilité des art. 84 ss OJ, de sorte qu'il convient
d'entrer en matière sur le fond.

2.- Dans un moyen d'ordre formel qu'il convient d'exa-
miner en premier lieu, le recourant reproche à la cour can-
tonale d'avoir violé son droit d'être entendu en lui remet-
tant en consultation un dossier qui ne comportait pas le
procès-verbal de son audition par la police lors de son in-
terpellation le 17 mai 1998, en refusant d'ordonner l'apport
à la procédure de ce document et de l'entendre personnelle-
ment. Ces mesures d'instruction auraient été nécessaires
pour déterminer s'il y avait effectivement eu un regroupe-
ment de manifestants au moment de son interpellation et si
la fouille corporelle s'était déroulée en violation des
prescriptions légales et réglementaires.

a) La portée du droit d'être entendu et les modalités
de sa mise en oeuvre sont tout d'abord déterminées par la
législation cantonale, dont le Tribunal fédéral ne contrôle
l'application et l'interprétation que sous l'angle restreint
de l'arbitraire. Dans tous les cas cependant, l'autorité
cantonale doit respecter les garanties minimales déduites
de l'art. 29 al. 2 Cst., dont le Tribunal fédéral vérifie
librement si elles ont été observées (ATF 126 I 15 consid.
2a p. 16 et les arrêts cités).

En l'espèce, on cherche en vain, dans les normes régis-
sant la procédure de recours contre les décisions du Procu-

reur général et les ordonnances du Juge d'instruction, une
disposition traitant de l'administration des preuves devant
la Chambre d'accusation; quant aux art. 19 et 51 CPP gen.,
qui investissent les présidents de tribunaux d'un pouvoir
discrétionnaire pour ordonner toute mesure utile à la mani-
festation de la vérité, ils ne confèrent pas une réelle pré-
tention au justiciable à l'administration de ses moyens de
preuve, de sorte que les griefs allégués en relation avec la
violation du droit d'être entendu doivent être examinés à la
lumière de l'art. 29 al. 2 Cst.

b) Le droit d'être entendu est une garantie constitu-
tionnelle de caractère formel, dont la violation doit en-
traîner l'annulation de la décision attaquée, indépendamment
des chances de succès du recours sur le fond. Tel qu'il est
reconnu par l'art. 29 al. 2 Cst., il comprend en particulier
le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes,
de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit
donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de partici-
per à l'administration des preuves essentielles ou à tout le
moins de s'exprimer sur son résultat lorsque cela est de na-
ture à influer sur la décision à rendre (ATF 126 I 15 con-
sid. 2a/aa p. 16 et les arrêts cités). Toutefois, selon la
jurisprudence tirée de l'art. 4 aCst. qui conserve toute
sa valeur sous l'empire de l'art. 29 al. 2 Cst., le droit
d'être entendu ne peut être exercé que sur les éléments qui
sont déterminants pour décider de l'issue du litige. Il est
ainsi possible de renoncer à l'administration de certaines
preuves offertes lorsque le fait à établir est sans impor-
tance pour la solution du cas, qu'il résulte déjà de consta-
tations ressortant du dossier ou lorsque le moyen de preuve
avancé est impropre à fournir les éclaircissements nécessai-
res. L'appréciation anticipée des preuves ne constitue pas
une atteinte au droit d'être entendu directement déduit de
l'art. 29 al. 2 Cst. (ATF 125 I 127 consid. 6c/cc p. 135;
124 I 208 consid. 4a p. 211, 241 consid. 2 p. 242; 124 V 180

consid. 1a p. 181 et les arrêts cités). Au même titre que
toute appréciation des preuves, l'appréciation anticipée de
celles-ci est soumise à l'interdiction
de l'arbitraire (ATF
124 I 274 consid. 5b p. 285 et les références citées).

c) Concernant plus particulièrement le droit de consul-
ter le dossier, il est justifié par la nécessité de connaî-
tre préalablement les éléments dont dispose l'autorité pour
jouir d'une réelle possibilité de faire valoir ses arguments
dans une procédure. Cela suppose la consultation des pièces
au siège de l'autorité avec la possibilité de prendre des
notes et de faire des photocopies; ce droit ne peut être
limité que pour la sauvegarde d'un intérêt public prépondé-
rant, dans l'intérêt d'un particulier, voire même dans celui
du requérant lui-même (ATF 126 I 7 consid. 2b p. 10/11 et
les arrêts cités). En l'absence d'un tel intérêt, la consul-
tation s'étend à l'ensemble du dossier; l'autorité n'a pas
le droit de choisir certaines pièces à communiquer et d'en
soustraire d'autres à la consultation, sous réserve des do-
cuments internes qui ne concernent pas les administrés ou
les justiciables (cf. ATF 125 II 473 consid. 4a p. 474/475;
117 Ia 90 consid. 5b p. 96 et l'arrêt cité).

d) En l'espèce, le recourant a fait l'objet d'une ré-
tention policière d'environ neuf heures, au cours de laquel-
le il a subi deux interrogatoires par un officier de police,
qui ont duré respectivement trente et quinze minutes, et
dont le contenu devait être consigné dans un rapport de po-
lice, en vertu de l'art. 25 al. 2 LPol. Concernant les cir-
constances de l'interpellation du recourant et de sa condui-
te au poste de police installé dans les locaux de la protec-
tion civile du Bachet-de-Pesay, les déclarations des parties
sont concordantes, s'agissant notamment de la présence de
quinze personnes sur l'aire de la douane au moment de son
interpellation. La Chambre d'accusation retient en revanche
qu'il s'agissait d'un "regroupement de manifestants", ce que

conteste le recourant. Comme le nombre d'interpellations à
la douane de Moillesullaz le 17 mai 1998 s'élevait à seize,
dont au moins deux opérées à 18h00, il n'est pas possible de
savoir si les quinze personnes présentes à ce moment "se re-
groupaient" en vue d'une manifestation, éventuellement vio-
lente, ou s'il s'agissait de personnes n'ayant aucune dispo-
sition hostile, comme le soutient le recourant. A cet égard,
le dossier ne contient pas d'indications suffisantes sur les
circonstances de l'interpellation des personnes concernées,
quant à leur nombre exact et leur attitude dans le secteur
de la douane de Moillesullaz.

Ces questions pouvaient en revanche être élucidées de
façon satisfaisante par la production du rapport de police
établi immédiatement après l'interpellation du recourant, à
la suite de son interrogatoire, auquel le Chef de la police
fait référence dans ses observations du 31 mai 1999 à l'at-
tention du Procureur général. Le recourant ayant par ail-
leurs expressément invoqué la violation des art. 17, 18 et
20 LPol, qui régissent les restrictions à la liberté person-
nelle dans le cadre de l'intervention de la police, la Cham-
bre d'accusation devait par conséquent l'autoriser à consul-
ter le procès-verbal de son audition effectuée à la suite de
sa première interpellation afin de lui donner la possibilité
de développer ses moyens devant elle en toute connaissance
de cause et pour qu'elle puisse elle-même établir les faits
avec toute l'objectivité et la précision voulues.

e) En n'autorisant pas le recourant à consulter cette
pièce, la cour cantonale a empêché celui-ci d'organiser sa
défense devant elle, en violation de son droit d'être enten-
du. Vu la nature formelle de ce dernier, la décision entre-
prise doit être annulée, la procédure se retrouvant dans
l'état où elle figurait avant son prononcé, le dossier en-
tier devant être mis à disposition du recourant avant toute
nouvelle audience de plaidoiries et de jugement.

3.- Au titre de la violation du droit d'être entendu,
le recourant reproche également à la cour cantonale d'avoir
refusé son audition sur les conditions de sa fouille, qu'il
estime s'être déroulée en violation de l'art. 20 LPol.

a) Selon cette disposition, les fonctionnaires de poli-
ce peuvent fouiller les personnes qui sont arrêtées ou mises
à disposition d'un officier de police en vue de leur arres-
tation, ainsi que celles retenues aux fins de vérification
d'identité, si des raisons de sécurité le justifient. Lors-
qu'elle s'avère nécessaire, la fouille doit être adaptée aux
circonstances et être aussi prévenante et décente que possi-
ble, les directives de la hiérarchie de la police précisant
qu'elle doit être effectuée en deux temps, soit d'abord le
haut du corps, puis le bas du corps, de manière à ce que la
personne fouillée ne soit pas entièrement dénudée.

Le recourant prétend s'être trouvé complètement nu de-
vant l'agent qui a procédé à sa fouille pendant deux minu-
tes. Le Chef de la police relève dans ses observations du 31
mai 1999 à l'attention du Procureur général que, compte tenu
des circonstances exceptionnelles dans lesquelles s'est pas-
sée la rétention, il n'est pas exclu que quelques personnes
interpellées se soient trouvées dévêtues un bref instant, ce
qui n'entraînerait pas, à son avis, une violation de la loi
sur la police. Dans sa réponse au recours de droit public,
il ne conteste pas le fait que le recourant soit resté nu
pendant cinq minutes en présence du gendarme, avant de re-
lever dans son argumentation juridique que la fouille a été
pratiquée de la manière la plus prévenante possible et en
conformité avec les instructions de service.

Se fondant sur le rapport de renseignements établi le
20 mars 1999 par la gendarmerie genevoise à la demande du
Chef de la police, la Chambre d'accusation a retenu que la
fouille avait eu lieu selon les prescriptions réglementai-

res, partageant au surplus, au terme d'une appréciation an-
ticipée des preuves, l'avis du Procureur général suivant le-
quel, avec l'écoulement du temps, il ne serait très vraisem-
blablement pas possible que le gendarme concerné puisse se
rappeler des circonstances exactes de la fouille du recou-
rant vu le nombre important d'interpellations intervenues
pendant le week-end en question. Enfin, à supposer que le
recourant se soit trouvé nu pendant deux minutes devant le
gendarme procédant à la fouille, elle a considéré que ce dé-
sagrément ne constituait pas, dans les circonstances excep-
tionnelles de l'espèce, une violation des art. 16 à 22 LPol.

Il résulte de ces constatations et déclarations que
quelques personnes ont été fouillées en une seule opération,
et non pas en deux temps, et qu'aucun élément du dossier ne
permet de dire que le recourant ne figurait pas dans le pe-
tit groupe de ceux qui se sont trouvés complètement nus,
contrairement aux instructions de police explicitant l'art.
20 al. 3 LPol. Dans ces conditions, la cour cantonale ne
pouvait retenir, sur la foi d'un rapport de renseignements
établi près d'une année après les faits incriminés sur la
base de l'enquête, que la fouille du recourant s'était pas-
sée de manière réglementaire sans procéder à une instruction
plus complète des faits; elle devait soit retenir la version
des faits du recourant et considérer que la fouille s'était
déroulée en violation de l'art. 20 LPol, même si elle esti-
mait qu'une telle atteinte aux droits de l'intéressé n'im-
pliquait pas de réparation au sens de l'art. 114B al. 3 et
4 CPP gen., soit convoquer le gendarme ayant procédé à la
fouille corporelle du recourant pour contribuer à élucider
cet élément de fait. Il n'est certes pas exclu que cette
mesure d'instruction ne donne aucun résultat en raison du
temps écoulé depuis les faits et du nombre de personnes que
le gendarme en cause a dû fouiller. Toutefois, dans la mesu-
re où l'autorité intimée entendait ne pas retenir la version
des faits du recourant, une telle mesure s'imposait.

b) En refusant de donner suite aux mesures d'instruc-
tion requises par le recourant sur ce point, au terme d'une
appréciation anticipée arbitraire des preuves, et en con-
cluant directement à l'absence de violation de l'art. 20
LPol, la Chambre d'accusation a par conséquent violé l'art.
29 al. 2 Cst.

4.- Le recourant reproche en outre à l'autorité intimée
d'avoir commis un déni de justice formel en n'entrant pas en
matière sur le grief tiré de la violation du droit d'avertir
un proche de son interpellation au motif arbitraire qu'il ne
concernait pas une intervention de la police, au sens des
art. 16 à 22 LPol, susceptible de faire l'objet d'une plain-
te auprès du Procureur général en application de l'art. 114A
CPP gen., mais qu'il relèverait de l'art. 107A CPP gen.

Les art. 16 à 22 LPol ne renferment aucune disposition
qui consacrerait le droit des personnes retenues au poste de
police à des fins d'identification d'aviser des proches de
leur interpellation. Par ailleurs, la plainte prévue par
l'art. 114A CPP gen. est une voie de droit spécifique, de
nature administrative, qui est ouverte contre les interven-
tions de la police énumérées aux art. 16 à 22 LPol (cf. SJ
1986 p. 284 consid. 3 p. 286; Gabriel Aubert, Les interven-
tions de la police en droit genevois, Genève 1985, p. 22).
Elle n'exclut pas le dépôt d'une plainte pénale, d'une ac-
tion civile ou disciplinaire ou d'une éventuelle action en
responsabilité contre l'Etat à raison d'autres actes d'in-
tervention de la police qui ne seraient pas couverts par ces
dispositions ou pour faire valoir des droits qui ne découle-
raient pas expressément de celles-ci (cf. Mémorial des séan-
ces du Grand Conseil 1982, p. 394). Dans ces conditions,
l'autorité intimée pouvait, au terme d'une interprétation
certes formaliste mais encore soutenable du droit cantonal,
admettre que le droit de la personne retenue au poste de po-
lice à des fins d'identification d'avertir un proche ne ré-

sultait pas des art. 16 à 22 LPol et que sa violation éven-
tuelle ne pouvait pas être examinée dans le cadre de la
plainte prévue par l'art. 114A CPP gen.; en ne statuant pas
sur ce grief, la Chambre d'accusation n'a pas commis un déni
de justice formel ni violé le droit d'être entendu du recou-
rant.

Sur ce point, le recours se révèle mal fondé.

5.- Vu les considérants qui précèdent, le recours doit
être partiellement admis à raison de diverses violations du
droit d'être entendu commises au détriment du recourant.
Etant donné la nature formelle de ce droit, l'ordonnance
rendue le 3 juillet 2000 par la Chambre d'accusation doit
être annulée, sans qu'il y ait lieu d'examiner les griefs
de fond invoqués à son encontre. L'annulation de la décision
attaquée a pour effet de replacer la procédure dans l'état
où elle se trouvait avant son prononcé, le dossier entier
devant être mis à disposition du recourant avant toute nou-
velle audience de plaidoiries et de jugement.

Vu l'issue du recours, il y a lieu de statuer sans
frais. L'Etat de Genève versera en revanche une indemnité de
1'000 fr. à titre de dépens au recourant qui obtient gain de
cause sur l'essentiel des griefs invoqués avec l'assistance
d'un homme de loi (art. 159 al. 1 OJ), ce qui rend sans ob-
jet la demande d'assistance judiciaire.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet partiellement le recours.

2. Annule l'ordonnance rendue le 3 juillet 2000 par la
Chambre d'accusation du canton de Genève.

3. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

4. Dit que l'Etat de Genève versera au recourant une
indemnité de 1'000 fr. à titre de dépens.

5. Communique le présent arrêt en copie au mandataire
du recourant, au Chef de la police, au Procureur général et
à la Chambre d'accusation du canton de Genève.

Lausanne, le 14 décembre 2000
PMN/mnv

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.545/2000
Date de la décision : 14/12/2000
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-12-14;1p.545.2000 ?
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