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11/12/2000 | SUISSE | N°K.64/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 11 décembre 2000, K.64/00


«AZA 7»
K 64/00 Mh

Ière Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Schön,
Spira, Widmer et Leuzinger; Beauverd, Greffier

Arrêt du 11 décembre 2000

dans la cause

FUTURA Caisse-maladie et accident, rue du Nord 5, Martigny,
recourante,

contre

C.________, intimée, représentée par Maître Alessandra
Cambi, rue de Hesse 8-10, Genève,

et

Tribunal administratif du canton de Genève, Genève

A.- F. K.________ est affilié à la Caisse-maladie

et
accidents FUTURA (ci-après : la caisse) notamment pour
l'assurance obligatoire des soins en cas de maladie avec
une franchise ann...

«AZA 7»
K 64/00 Mh

Ière Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Schön,
Spira, Widmer et Leuzinger; Beauverd, Greffier

Arrêt du 11 décembre 2000

dans la cause

FUTURA Caisse-maladie et accident, rue du Nord 5, Martigny,
recourante,

contre

C.________, intimée, représentée par Maître Alessandra
Cambi, rue de Hesse 8-10, Genève,

et

Tribunal administratif du canton de Genève, Genève

A.- F. K.________ est affilié à la Caisse-maladie et
accidents FUTURA (ci-après : la caisse) notamment pour
l'assurance obligatoire des soins en cas de maladie avec
une franchise annuelle de 230 fr.
Le 23 janvier 1998, il a subi une intervention chirur-
gicale de réassignation sexuelle homme-femme.

Par ordonnance du 26 mai 1998, le Tribunal de première
instance du canton de Genève a ordonné la rectification des
actes d'état civil concernant la personne de F. K.________,
en ce sens qu'elle est de sexe féminin et qu'elle porte
désormais le prénom de C.________.
Par décision du 12 juin 1998, la caisse a refusé de
prendre en charge les actes chirurgicaux et les traitements
relatifs au changement de sexe de l'assurée. Saisie d'une
opposition, elle l'a rejetée par décision du 30 juillet
1998.
Saisi d'un recours, le Tribunal administratif du
canton de Genève a condamné la caisse à prendre en charge
l'intégralité des frais liés à l'opération (jugement du
9 février 1999).
Par arrêt du 10 décembre 1999, le Tribunal fédéral des
assurances a admis un recours formé par la caisse et a
annulé ce jugement. Il a considéré, en résumé, que l'as-
surée n'avait pas droit à la prise en charge des actes
chirurgicaux et des traitements relatifs au changement de
sexe, du moment que l'opération de réassignation sexuelle
avait été effectuée avant l'accomplissement d'une période
d'observation de deux ans à compter du moment où une dys-
phorie de genre avait été seulement suspectée et sans même
que des investigations psychiatriques et endocrinologiques
eussent été effectuées (RAMA 2000 n° KV 106, p. 63).

B.- Les 31 août et 11 septembre 1998, C.________ a
demandé à la caisse le remboursement de deux factures d'un
montant de 331 fr. chacune. La première concernait diverses
analyses médicales effectuées par le laboratoire
X.________, ordonnées par le docteur G.________, spécia-
liste en médecine interne et endocrinologie. La seconde
portait sur les honoraires du médecin prénommé, y compris
des frais d'analyses de sang effectuées dans son cabinet.
Le docteur G.________ a attesté qu'un traitement hormo-

nal associant Premarin et Primolut était nécessaire «à vie»
ensuite de l'opération de réassignation sexuelle subie par
l'assurée le 23 janvier 1998 (certificat du 6 août 1998).
La caisse ayant refusé de rembourser les factures
précitées (décision du 2 octobre 1998), l'assurée a formé
opposition.
Par décision du 20 novembre 1998, la caisse a rejeté
l'opposition et maintenu son refus d'allouer des presta-
tions jusqu'à ce que le Tribunal administratif du canton de
Genève se prononçât sur le droit à la prise en charge des
frais liés à l'opération du 23 janvier 1998.

C.- C.________ a recouru contre cette décision devant
le tribunal administratif cantonal.
Par jugement du 14 mars 2000, celui-ci a annulé impli-
citement la décision sur opposition et condamné la caisse à
prendre en charge le traitement litigieux. En outre, il a
alloué à la prénommée une indemnité de 1500 fr. à titre de
dépens.

D.- La caisse interjette recours de droit administra-
tif contre ce jugement, dont elle requiert la réforme, en
concluant au rétablissement de sa décision sur opposition,
subsidiairement au renvoi de la cause à la juridiction
cantonale pour nouveau jugement.
C.________ conclut, sous suite de dépens, au rejet du
recours.
L'Office fédéral des assurances sociales n'a pas
présenté de détermination.

Considérant en droit :

1.- Le litige porte sur le point de savoir si le
traitement hormonal administré à l'intimée doit être pris
en charge par la recourante au titre des prestations de
l'assurance obligatoire des soins.

2.- a) Dans un certificat du 15 octobre 1998, produit
à l'appui de l'opposition à la décision du 2 octobre pré-
cédent, le docteur G.________ a attesté que l'assurée
requérait, sa vie durant, un traitement hormonal. Cette
mesure thérapeutique était indispensable non seulement pour
maintenir les caractères sexuels secondaires de type fémi-
nin, mais également pour prévenir le risque d'ostéoporose
chez l'intéressée. A la suite de l'opération de réassigna-
tion sexuelle, celle-ci se trouve en effet dans la situa-
tion d'une femme ménopausée, chez qui l'absence d'hormones
sexuelles suffisantes doit être compensée par la prise
d'hormones de remplacement. Par ailleurs, ce traitement
permet de protéger le système cardio-vasculaire fragilisé
par la diminution des hormones naturelles. Le docteur
G.________ a relevé que cette mesure thérapeutique n'aurait
pas eu de raison d'être sans l'intervention de réassi-
gnation sexuelle homme-femme. Appelé à témoigner devant le
juge délégué à l'instruction de la cause en instance
cantonale, ce praticien a précisé qu'avant cette inter-
vention, l'assurée suivait déjà un traitement en raison
d'une hypertension artérielle assez sévère.

b) Sur le vu de l'arrêt de la Cour de céans du 10 dé-
cembre 1999, il est constant que l'intimée n'a pas droit au
traitement litigieux en tant qu'il sert à maintenir les
caractères sexuels secondaires de type féminin.

c) En revanche, qu'en est-il dans la mesure où cette
mesure thérapeutique a également pour but de prévenir le
risque d'ostéoporose ? Autrement dit, la question liti-
gieuse est de savoir si l'on peut assimiler l'intimée, qui
a changé de sexe à l'âge de cinquante ans ensuite d'une
intervention chirurgicale, à une femme ménopausée ayant
besoin d'un traitement hormonal pour prévenir l'ostéo-
porose.

Tel est bien le cas sur le vu du certificat du docteur
G.________ (du 15 octobre 1998), lequel a attesté que sa
patiente se trouve, à la suite de l'opération de réassi-
gnation sexuelle, dans la situation d'une femme ménopausée,
chez qui l'absence d'hormones sexuelles suffisantes doit
être compensée par la prise d'hormones de remplacement. Cet
avis médical, confirmé devant le juge délégué à l'instruc-
tion de la cause en instance cantonale, n'est pas contesté
par la recourante. A l'appui de son refus de prestations,
celle-ci fait valoir toutefois que l'intimée n'aurait pas
eu besoin d'un traitement hormonal sans l'opération de
changement de sexe qu'elle a subie. Elle infère de cette
constatation que l'intéressée n'a pas droit à la prise en
charge du traitement litigieux. Il est vrai que, selon la
jurisprudence, les interventions ou traitements complé-
mentaires destinés à modifier les caractères sexuels se-
condaires ne font partie des prestations de l'assurance
obligatoire des soins que si les conditions justifiant
l'opération en cause sont réalisées (cf. ATF 120 V 471
consid. 6b). Dans cette mesure, on a déjà relevé (con-
sid. 2b) qu'en l'espèce le droit à des prestations pour le
traitement hormonal litigieux doit être nié en tant que
celui-ci sert à maintenir les caractères sexuels secon-
daires de type féminin. En revanche, dans le cas d'une
personne qui se trouve dans la situation d'une femme méno-
pausée ensuite d'une opération de réassignation sexuelle
homme-femme, rien ne s'oppose à la prise en charge d'un tel
traitement s'il est destiné à prévenir l'ostéoporose, quand
bien même ladite opération ne doit pas être prise en charge
au titre de l'assurance obligatoire des soins (cf. RAMA
1997 n° KV 987 p. 290 consid. 3).

d) Cela étant, la recourante n'était pas en droit, par
sa décision sur opposition du 20 novembre 1998, de refuser
ses prestations pour le traitement litigieux. Le jugement
entrepris n'est pas critiquable dans son résultat et le
recours se révèle mal fondé.

3.- L'intimée, qui obtient gain de cause, est repré-
sentée par un avocat. Elle a droit à une indemnité de
dépens pour l'instance fédérale (art. 159 al. 1 en relation
avec l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. La recourante versera à l'intimée la somme de 2500 fr.
(y compris la taxe à la valeur ajoutée) à titre de
dépens pour l'instance fédérale.

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au
Tribunal administratif du canton de Genève et à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 11 décembre 2000

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la Ière Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : K.64/00
Date de la décision : 11/12/2000
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-12-11;k.64.00 ?
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