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11/12/2000 | SUISSE | N°2A.407/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 11 décembre 2000, 2A.407/2000


2A.407/2000
«/2»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
************************************************

11 décembre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Wurzburger, président,
Müller et Berthoud, juge suppléant. Greffière: Mme Rochat.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

X.________, représenté par Me Guillaume Ruff, avocat à
Genève,

contre

l'arrêt rendu le 27 juin 2000 par le Tribunal administratif
du canton de Genève, dans la cause qui oppos

e le recourant
au
Département de justice et police et des transports du canton
de Genève;

(autorisation de por...

2A.407/2000
«/2»

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
************************************************

11 décembre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Wurzburger, président,
Müller et Berthoud, juge suppléant. Greffière: Mme Rochat.

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

X.________, représenté par Me Guillaume Ruff, avocat à
Genève,

contre

l'arrêt rendu le 27 juin 2000 par le Tribunal administratif
du canton de Genève, dans la cause qui oppose le recourant
au
Département de justice et police et des transports du canton
de Genève;

(autorisation de port d'armes)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- X.________ est propriétaire d'une chocolaterie
et d'un établissement public situés dans le centre ville de
Genève. Titulaire d'un permis de port d'armes depuis 1975,
il
a sollicité, le 22 décembre 1998, le renouvellement de cette
autorisation en exposant qu'il courait un risque d'agression
lorsqu'il transportait à la banque le produit de son
activité
professionnelle, qui s'élevait à 650'000 fr. par an en moyen-
ne.

Cette requête a été rejetée le 13 avril 1999 par
l'Officier de police et, sur recours, par décision du Dépar-
tement de justice et police et des transports (en abrégé: le
Département) du 7 mars 2000. Les autorités cantonales ont no-
tamment retenu que la loi fédérale sur les armes, les acces-
soires d'armes et les munitions du 20 juin 1997 (LArm; RS
514.54), entrée en vigueur le 1er janvier 1999, était plus
restrictive que la réglementation cantonale antérieure et
que
l'intéressé n'avait pas démontré l'existence d'un danger tan-
gible auquel il serait exposé.

B.- Par arrêt du 27 juin 2000, le Tribunal adminis-
tratif a rejeté la recours de X.________ au fond. Il a consi-
déré que l'intéressé pouvait planifier ses transports de
fonds et les confier à des professionnels; partant, il
n'avait pas rendu vraisemblable le besoin d'être armé.

C.- Agissant par la voie du recours de droit admi-
nistratif, X.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler
l'arrêt du Tribunal administratif du 27 juin 2000 et de dire
que l'autorisation de port d'armes lui est accordée, sous ré-
serve de la réussite des examens liés à son octroi. Il se
plaint d'une violation de l'art. 27 al. 2 lettre b LArm et
du

principe de l'égalité de traitement par rapport aux con-
voyeurs de fonds professionnels et au cas d'un bijoutier ge-
nevois auquel le Tribunal administratif a accordé un permis
de port d'armes.

Le Tribunal administratif se réfère à son arrêt. Le
Département de justice et police et des transports, de même
que l'Office fédéral de la police, concluent au rejet du re-
cours.

D.- Par ordonnance du 2 octobre 2000, le Président
de la IIe Cour de droit public a rejeté la demande de
mesures
provisionnelles tendant à ce que le recourant conserve son
permis de port d'armes en vertu de la disposition
transitoire
de l'art. 42 al. 2 LArm.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) La décision attaquée, rendue en dernière ins-
tance cantonale, concerne l'application de l'article 27 LArm
relatif au permis de port d'armes. Elle peut donc faire l'ob-
jet d'un recours de droit administratif en vertu des art.
97ss OJ.

b) Selon l'art. 104 OJ, le recours de droit adminis-
tratif peut être formé pour violation du droit fédéral, y
compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (lettre
a) ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des
faits pertinents, sous réserve de l'art. 105 al. 2 OJ
(lettre
b). Le Tribunal fédéral revoit d'office l'application du
droit fédéral qui englobe notamment les droits constitution-
nels des citoyens (ATF 125 II 508 consid. 3a p. 509; 124 II
517 consid. 1 p. 519; 123 II 385 consid. 3 p. 388).

2.- L'art. 27 al. 2 LArm dispose qu'un permis de
porte d'armes est délivré à toute personne qui:

"a) remplit les conditions d'octroi du permis d'ac-
quisition d'armes (art. 8, 2ème al.);

b) rend vraisemblable qu'elle a besoin d'une arme
pour se protéger ou pour protéger des tiers ou
des choses contre un danger tangible;

c) a passé un examen attestant qu'elle est capable
de manier une arme et qu'elle connaît les dispo-
sitions légales en matière d'utilisation d'ar-
mes; le département compétent édicte un règle-
ment d'examen."

En l'espèce, seule la disposition de la lettre b de
l'art. 27 al. 2 LArm est litigieuse. Le recourant soutient
que sa formulation n'est pas plus restrictive que celle de
l'ancien art. 30C al. 1 du règlement genevois d'exécution du
concordat intercantonal sur le commerce des armes et des mu-
nitions du 27 mars 1969, selon lequel le requérant devait
justifier d'un risque particulier dans l'accomplissement de
son activité professionnelle ou en raison d'une situation de
fait dangereuse. Pour ce faire, il se fonde sur l'interpréta-
tion historique, littérale, téléologique et systématique de
la norme en cause.

b) La loi s'interprète en premier lieu selon sa let-
tre. L'autorité qui applique le droit ne peut s'écarter d'un
texte clair que s'il existe des motifs sérieux de penser que
ce texte ne correspond pas en tous points au sens véritable
de la disposition visée. De tels motifs peuvent résulter des
travaux préparatoires, du fondement et du but de la prescrip-
tion en cause, ainsi que de sa relation avec d'autres dispo-
sitions (ATF 121 III 214 consid. 3, 219 consid. 1d; 117 II
523 consid. 1c).

En l'espèce, le texte de l'art. 27 al. 2 lettre b
LArm est clair: seules les personnes rendant vraisemblable
le
besoin d'une arme pour se protéger ou protéger des tiers ou
des choses contre un danger tangible peuvent être mises au
bénéfice d'un port d'armes. Cette disposition consacre le
principe de la clause du besoin, que connaissait la réglemen-
tation de douze cantons avant l'adoption de la loi. Son in-
troduction dans la législation fédérale a certes fait
l'objet
de certaines réticences lors des débats parlementaires (voir
BOCE 1996, p. 521 à 524 et BOCN 1997, p. 42 à 50). Elle a né-
anmoins été approuvée par le législateur, qui a adopté le
texte de l'art. 27 al. 2 lettre b LArm dans la version élabo-
rée par le Conseil fédéral, sans y apporter de modification.

Dans la mesure où la loi exige du requérant d'un
port d'armes qu'il rende vraisemblable la nécessité de se mu-
nir d'une arme, il est également naturel d'exiger de sa part
qu'il rende vraisemblable que ce moyen constitue pour lui la
meilleure parade aux dangers qu'il redoute. Cette exigence
de
subsidiarité, comme la définit le recourant, découle du prin-
cipe même de la clause du besoin. Elle était expressément
mentionnée dans le Message du Conseil fédéral du 24 janvier
1996 concernant la loi fédérale sur les armes (FF 1996 I p.
1018, ad art. 27). Lors des débats parlementaires, les oppo-
sants à la clause du besoin étaient bien conscients que son
adoption entraînerait l'obligation de démontrer que le port
d'une arme était le seul moyen de se protéger. L'un des exem-
ples fournis était celui d'un travailleur en équipe rentrant
de nuit à son domicile: l'adoption de la clause du besoin en-
traînerait le refus du port d'armes dès lors que l'intéressé
pouvait se faire conduire en taxi (voir intervention Werner
Vetterli, Conseiller national (BOCN 1997, p. 46).

c) La pratique des cantons qui connaissaient le per-
mis de port d'armes soumis à la clause du besoin n'était pas
uniforme. C'est ainsi qu'un bijoutier genevois transportant

certains objets de valeur pouvait obtenir une autorisation
de
port d'armes à Genève, mais pas à Zurich. Or l'un des buts
de
la loi fédérale, ainsi que l'a relevé le Conseiller fédéral
Arnold Koller en réponse à une intervention du Conseiller
aux
Etats Eric Rochat, était précisément d'uniformiser de telles
pratiques (BOCE 1996, p. 523/524). Actuellement, la loi fédé-
rale permet d'assurer une sécurité accrue sur la voie publi-
que en restreignant le nombre de personnes autorisées à se
déplacer avec une arme. Cet objectif implique que certains
détenteurs de port d'armes en application d'anciennes régle-
mentations cantonales puissent en être privés depuis
l'entrée
en vigueur de la loi.

d) Le recourant souhaite pouvoir se munir d'un re-
volver, pour se protéger en cas d'agression, lorsqu'il trans-
fert à la banque le produit de son activité lucrative. Or
une
arme, même portée par d'honnêtes et respectables citoyens,
peut constituer un danger pour la sécurité publique. Quand
aux commerces du recourant (chocolaterie et établissement pu-
blic), ils ne sont pas spécialement de nature à attirer les
agressions, de sorte que l'intéressé peut disposer d'autres
moyens de se prémunir contre le risque d'être dévalisé. A
cet
égard, les autorités cantonales ont considéré que le recou-
rant pouvait déposer ses recettes dans un coffre-fort et les
confier périodiquement à des convoyeurs de fonds profession-
nels. Ces mesures représentent certes une contrainte et peu-
vent entraîner des dépenses supplémentaires, mais elles sont
justifiées par la sauvegarde de la sécurité publique et ne
paraissent donc pas disproportionnées.

Dans ces circonstances, le refus de port d'armes op-
posé au recourant n'est pas contraire au droit fédéral.

3.- Le recourant soutient aussi qu'il est victime
d'une double inégalité de traitement: d'une part par rapport
aux convoyeurs de fonds professionnels, d'autre part par rap-

port à un bijoutier genevois autorisé par le Tribunal admi-
nistratif à porter une arme lorsqu'il se rend auprès de ses
clients pour leur présenter des objets de grande valeur.

a) Selon la jurisprudence rendue sous l'angle de
l'art. 4 aCst., le principe de l'égalité de traitement (art.
8 Cst.) est étroitement lié à celui de l'interdiction de
l'arbitraire (art. 9 Cst.). Ainsi, une décision est arbitrai-
re lorsqu'elle ne repose pas sur des motifs sérieux et objec-
tifs ou n'a ni sens ni but, alors qu'elle viole le principe
de l'égalité de traitement, lorsqu'elle établit des distinc-
tions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raison-
nable au regard de la situation de fait à réglementer ou
lorsqu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au
vu des circonstances, c'est-à-dire lorsque ce qui est sembla-
ble n'est pas traité de manière identique et lorsque ce qui
est dissemblable ne l'est pas de manière différente. Il faut
que le traitement différent ou semblable injustifié se rap-
porte à une situation de fait importante (ATF 125 I 1
consid.
2 b/aa p. 4 et les références citées).

b) En matière de port d'armes, le traitement diffé-
rencié entre un commerçant et un convoyeur de fonds profes-
sionnel n'est pas constitutif d'une inégalité de traitement
prohibée. Les convoyeurs, dont le métier est de transporter
des espèces ou des objets de valeur sont en effet spéciale-
ment entraînés au maniement des armes et savent comment réa-
gir opportunément en cas de danger. De par leur formation,
ils représentent donc un risque moins grand qu'un simple par-
ticulier pour la sécurité publique.

Quant au bijoutier-joailler autorisé par le Tribunal
administratif à porter une arme, sa situation est sensible-
ment différente de celle du recourant. Ce n'est pas parce
qu'il transportait régulièrement des objets de valeur qu'il
a
été autorisé à se munir d'une arme, mais parce qu'en raison

de la nature de son activité et des particularités de sa
clientèle, il pouvait être amené à toute heure à se déplacer
sur-le-champ auprès de ses clients avec ses bijoux. Il était
ainsi dans l'impossibilité de planifier ses déplacements
pour
faire appel à des convoyeurs professionnels. Pour sa part,
le
recourant n'est pas confronté à de telles contraintes et
peut
aisément organiser des transferts de fonds sous protection.
Comme le relève la Commission de travail "Armes et
munitions"
de la Police fédérale suisse du 10 novembre 1998, ce n'est
pas l'appartenance à une catégorie professionnelle particu-
lière (commerçant, bijoutier, fourreur, armurier) qui est dé-
terminante pour l'octroi d'un port d'armes, mais les circons-
tances particulières du cas d'espèce, examinées notamment au
regard des autres mesures de sécurité appropriées qui
peuvent
être aménagées.

Le grief d'inégalité de traitement se révèle ainsi
infondé.

4.- Au vu de ce qui précède, le recours doit être
rejeté, avec suite de frais à la charge du recourant (art.
156 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours.

2. Met à la charge du recourant un émolument judi-
ciaire de 2'000 fr.

3. Communique le présent arrêt en copie au mandatai-
re du recourant, au Département de justice et police et des

transports et au Tribunal administratif du canton de Genève,
ainsi qu'au Département fédéral de justice et police.

_______________

Lausanne, le 11 décembre 2000
ROC/elo

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.407/2000
Date de la décision : 11/12/2000
2e cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-12-11;2a.407.2000 ?
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