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08/12/2000 | SUISSE | N°4C.166/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 08 décembre 2000, 4C.166/2000


«/2»
4C.166/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

8 décembre 2000

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Corboz,
juge, et M. Pagan, juge suppléant.
Greffière: Mme de Montmollin Hermann.

____________

Dans la cause civile pendante
entre

A.________, demandeur et recourant, représenté par Me José
Coret, avocat à Lausanne,

et

C.________, défenderesse et intimée, représentée par Me
Henri Baudraz, avocat à Lausanne;

(cont

rat bancaire; gestion de fortune)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) A.________ a entr...

«/2»
4C.166/2000

Ie C O U R C I V I L E
****************************

8 décembre 2000

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Corboz,
juge, et M. Pagan, juge suppléant.
Greffière: Mme de Montmollin Hermann.

____________

Dans la cause civile pendante
entre

A.________, demandeur et recourant, représenté par Me José
Coret, avocat à Lausanne,

et

C.________, défenderesse et intimée, représentée par Me
Henri Baudraz, avocat à Lausanne;

(contrat bancaire; gestion de fortune)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) A.________ a entretenu des relations bancaires
régulières avec C.________ (ci-après: la banque) depuis
1981. Ancien entraîneur de hockey sur glace, il est au bé-
néfice de connaissances générales en matière commerciale
ou bancaire; il a acquis une expérience dans le domaine de
la finance et du placement en faisant des opérations sur
options. Des rapports de confiance particuliers le liaient
avec l'ancien directeur de l'agence de la banque de
D.________, E.________, promu à la fin de l'année 1991 di-
recteur de la succursale de F.________, dont dépend l'agence
de D.________. A la banque, A.________ a également eu affai-
re avec G.________. Ce dernier avait la réputation d'être
compétent et secondait H.________ en matière de gestion de
fortune dans le domaine spécialisé des devises et des op-
tions.

Depuis le 7 mai 1981, A.________ dispose d'un compte à
son nom (n° xxx) ainsi que d'un dossier de titres auprès de
l'agence de D.________. Par la suite, d'autres comptes en
diverses monnaies ont été ouverts sous ce numéro.

Le 18 mars 1987, A.________ a signé un acte de nantis-
sement général conférant à la banque le droit de réaliser
ses avoirs de gré à gré sans observer les formalités prévues
par la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la fail-
lite.

b) A partir de 1987, A.________ a effectué des opéra-
tions sur devises. Entre le 25 février et le 15 juin 1987,
il a réalisé 16 transactions pour des sommes oscillant entre
175 000 fr. et 314 000 fr. Jusqu'en 1992, ces opérations sur

devises sont devenues de plus en plus nombreuses et impor-
tantes.

c) Le 4 novembre 1988, A.________ et son épouse ont ou-
vert, sous n° yyy, un compte joint solidaire comportant un
compte en dollars américains. Ils ont simultanément signé un
acte de nantissement général en faveur de la banque, comme
c'est la règle en matière d'opérations sur devises à terme.

Lors de l'ouverture de ce compte, les clients ont signé
un "ordre pour placements fiduciaires" et un formulaire re-
latif aux opérations à terme. Celui-ci réservait notamment
à la banque le droit d'exiger le dépôt d'une marge de garan-
tie destinée à préserver ses prétentions éventuelles. Le 30
novembre 1988, A.________ a encore paraphé un document con-
cernant les opérations réalisées à la I.________, qui met-
tait en garde contre les risques liés à la négociation des
options.

La relation bancaire yyy a enregistré dès son ouverture
de nombreuses opérations sur devises qui portaient en parti-
culier sur du dollar contre du mark allemand. Les montants
en jeu étaient souvent importants: ainsi, entre le 15 octo-
bre et le 23 décembre 1991, il y a eu sur ce compte au moins
21 opérations sur devises portant sur un montant de plus de
4 millions de dollars. Trois d'entre elles concernaient des
montants s'élevant respectivement à 200 000 US$, 626 769 DM
et 848 150 DM.

d) A.________ a aussi acheté en décembre 1988 et avril
1989 deux warrants japonais. Etant donné le degré de volati-
lité des actions japonaises, l'investissement représentait
un risque relativement élevé.

e) Le 21 décembre 1989, A.________ a emprunté à la ban-
que un montant de 200 000 fr., dans le but de participer à
une opération immobilière avec la société J.________ S.A.

B.- a) Après avoir obtenu des renseignements techniques
de la part de G.________, A.________ adressait lui-même à la
banque ses ordres et contrordres, généralement confirmés par
sa signature, pour de nombreuses opérations sur devises, y
compris des achats et des ventes d'options. Les instructions
ainsi données étaient précises; il n'y avait pas place pour
d'éventuelles initiatives des employés de la banque.

b) Avant mars 1992, A.________ a réalisé des gains
spéculatifs. Sur les transactions opérées à partir du 17
juin 1992, il a en revanche subi une perte de l'ordre de
110 000 fr., soit environ 1/6 de sa fortune.

c) Le 15 juin 1992, A.________ a obtenu un crédit de
2 440 000 DM avec intérêts à 10,25 % et échéance au 16 sep-
tembre 1992. Ce montant avait été déterminé, après discus-
sion avec G.________, de manière à couvrir le solde débiteur
du compte courant en mark allemand au nom de A.________, qui
s'élevait au 17 juin 1992 à 2 438 458 DM; il dépassait les
compétences de l'agence de D.________.

Le prêt était garanti à hauteur de 2 121 000 DM, le
solde du crédit étant accordé sous réserve de la valeur de
la créance résultant du prêt partiaire concédé le 29 décem-
bre 1989 par le client à la société J.________ S.A. Le but
de l'emprunt était l'acquisition de 269 parts "K.________"
pour 1 848 398 US$ 74, transaction qui était intervenue
sur la base d'un ordre téléphonique donné la veille par le
client qui, en 1991 et 1992, avait déjà acheté de tels ti-
tres. Ce placement, à dire d'expert, satisfaisait aux exi-
gences de la sécurité et prenait en considération les inté-
rêts de la banque et de son client, sous réserve d'une évo-

lution favorable du cours du dollar, conviction qui semblait
être celle de G.________ selon une note manuscrite de sa
main comportant la mention "reste à la hausse à terme". En
fait, le cours du dollar avait chuté durant la première par-
tie du second semestre 1992. En avril, il était de 1.5158,
en juillet de 1.3314, en octobre de 1.3150; il devait remon-
ter à un taux de 1.4294 en novembre 1992. Cette baisse du
dollar par rapport au franc suisse et sa remontée sensible
au cours du mois de novembre 1992 n'étaient pas prévisibles
de la part de personnes même bien informées des affaires in-
ternationales et du cours du dollar.

d) Du 6 juillet au 24 août 1992, il a été procédé à 23
transactions portant chacune sur 1 800 000 US$; trois d'en-
tre elles consistaient en des achats et des ventes à terme,
20 en des achats et des ventes d'options put et call; pour
16 d'entre elles, la banque ne dispose ni de confirmation ni
d'ordre de son client. Ces opérations ont donné lieu à une
perte globale de 1980 DM.

e) Le 13 août 1992, après vaine sollicitation par la
banque d'une garantie complémentaire, l'agence de D.________
a fait savoir à A.________ qu'il ne restait aucune disponi-
bilité sur le compte yyy pour qu'il soit procédé à des opé-
rations à terme ou à des transactions d'options sur devises.
Ainsi, toutes nouvelles transactions autres qu'un "rachat
de call pour en revendre un autre" ne pouvaient intervenir
avant le 16 septembre 1992, "date de régularisation du cré-
dit en DM". Pour les opérations dont l'exécution serait de-
mandée par le client, un ordre signé serait requis ainsi
qu'une "couverture supplémentaire" sur son compte.

Le 24 août 1992, A.________ a donné l'ordre écrit
"stop loss" de vendre à terme - au 16 septembre 1992 -
1 860 000 US$ contre 2 662 786 DM au cours de 1.4101.
Le 11 septembre 1992, la banque a vendu les 269 parts

K.________ pour 1 859 895 US$ 59. Le bénéfice dégagé par
cette opération, 14 615 US$, a permis le remboursement
complet de l'emprunt en DM. Toutefois, le taux de change
défavorable de la vente ordonnée le 24 août 1992 a occa-
sionné une perte de change de 287 665 DM.

C.- Au cours de la période allant du 24 avril au 13
août 1992, la banque a renoncé à demander une garantie à
A.________, bien que la marge minimum de 10 % prévue selon
ses directives internes ne soit plus assurée.

D.- Le 3 octobre 1994, A.________ a assigné la banque
en paiement de 500 000 fr. avec intérêts à 5 % à titre de
dommages-intérêts. Ses conclusions tendaient également à
la condamnation de la banque à lui remettre la totalité des
biens et valeurs qu'elle détenait pour son compte, interdic-
tion étant faite à celle-ci de les réaliser à son profit.

Le demandeur reprochait à la banque de l'avoir entraîné
en 1992 dans des opérations spéculatives sans qu'il soit
averti des risques de celles-ci et il lui imputait la res-
ponsabilité de la perte de sa fortune. Il se prévalait en
particulier de la conclusion d'un mandat de gestion de for-
tune dont les obligations de diligence et d'information
n'auraient pas été respectées par la banque.

La banque a conclu au rejet de la demande et, reconven-
tionnellement, au paiement par A.________ de la somme de
116 583 fr. 65 représentant le solde débiteur du compte xxx
au 31 décembre 1994, avec intérêts à 6,75 % dès cette date.

Deux expertises ont été ordonnées en cours d'instance.

Par jugement du 18 juin 1999, la Cour civile du Tribu-
nal cantonal du canton de Vaud a condamné A.________ à payer

à C.________ 116 583 fr. 65 avec intérêts à 5 % dès le 1er
janvier 1995.

E.- A.________ recourt en réforme au Tribunal fédéral.
Ses conclusions tendent à la condamnation de la défenderesse
au paiement de 500 000 fr. avec intérêts à 5 % l'an dès le 3
octobre 1994, dont à déduire 116 583 fr. 65 avec intérêts à
5 % dès le 1er janvier 1995.

C.________ invite le Tribunal fédéral à rejeter le re-
cours.

Parallèlement à son recours en réforme, le demandeur
avait interjeté un recours en nullité de droit cantonal
qu'il a ensuite retiré.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Il ne peut être présenté de nouvelles conclusions
devant le Tribunal fédéral statuant en instance de réforme
(art. 55 al. 1 let. b OJ). Mais il est possible de diminuer
ses prétentions (Poudret, COJ II, n. 1.4.3 ad art. 55 OJ).

La réduction des conclusions au fond du demandeur à ce
stade de la procédure est donc admissible.

2.- Lorsqu'il statue sur un recours en réforme, le Tri-
bunal fédéral fonde son arrêt sur les faits tels qu'ils ont
été constatés par la dernière autorité cantonale, sauf vio-
lation de dispositions fédérales en matière de preuve ou
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ). Il ne peut être
présenté de griefs contre les constatations de fait (art. 55
al. 1 let. c OJ; ATF 126 III 59 consid. 2a), ni contre l'ap-
préciation des preuves à laquelle s'est livrée la cour can-

tonale (ATF 126 III 189 consid. 2a). Les faits nouveaux sont
irrecevables (ATF 121 III 436 consid. 5b p. 440).

3.- a) aa) Après avoir relevé qu'il n'existe pas, en
droit suisse, de contrat cadre régissant les relations entre
les banques et leurs clients, la cour cantonale a considéré
qu'en l'espèce le demandeur n'avait pas passé avec la défen-
deresse de mandat de gestion ou de gérance de fortune. Le
comportement du client démontrait sans ambiguïté sa volonté
d'assurer personnellement la gestion de ses biens, même s'il
sollicitait des renseignements techniques de la part de col-
laborateurs de la banque. Les 16 opérations effectuées entre
le 6 juillet et le 24 août 1992 par la défenderesse pour le
compte du demandeur sans ordre ni confirmation ne représen-
taient que des exceptions limitées dans le temps et en quan-
tité, au regard des très nombreuses instructions données par
le demandeur durant plusieurs années; elles ne suffisaient
pas à établir l'existence d'une gérance de fortune globale.
Manquait en particulier l'indice de l'existence d'une obli-
gation de gérance, caractéristique essentielle du contrat
de gestion de fortune.

En définitive donc, pour la cour cantonale, les nom-
breuses opérations effectuées par la défenderesse pour le
compte du demandeur constituaient autant de conventions en-
tre les parties. Dans un tel contexte, la banque n'avait en
principe pas de devoir général d'information. Le rapport de
confiance résultant des relations d'affaires suivies entre-
tenues par les parties durant une dizaine d'années, ainsi
que le fait que l'acquisition des parts K.________ avait été
rendue possible grâce à un crédit de la banque ne fondaient
pas de devoir spécial de renseignement en l'espèce, vu la
connaissance qu'avait le demandeur des risques liés à la
spéculation et sa capacité à les apprécier.

En agissant sur instructions précises de son client, la
banque n'assumait pas une obligation générale de veiller aux
intérêts de celui-ci. Elle devait par contre exécuter avec
diligence les instructions reçues; dans ce cadre limité, les
règles du contrat de mandat s'appliquaient, singulièrement
l'art. 398 CO.

bb) A cet égard, la cour cantonale a distingué deux
types d'opérations.

S'agissant de l'achat des 269 parts K.________, elle a
retenu que la défenderesse avait agi sur ordre du demandeur,
qui n'acquérait pas ce produit pour la première fois; en ou-
tre, ce placement satisfaisait aux exigences de la sécurité
et prenait en compte les intérêts des deux parties, sous ré-
serve d'une évolution favorable du cours du dollar. La ban-
que n'avait donc pas violé ses obligations contractuelles.
Au surplus, les pertes importantes subies par le demandeur
ne provenaient pas de l'achat et de la vente des parts
K.________, qui s'étaient soldés finalement par un bénéfice,
mais de la perte de change résultant de la vente à terme de
1 860 000 US$ sur ordre écrit du demandeur et pour laquelle
il n'était ni allégué ni établi que ce dernier aurait deman-
dé conseil. Quant à l'évolution du cours du dollar, elle
était imprévisible pour tout le monde à l'époque.

Pour les 16 opérations effectuées
entre le 6 juillet et
le 24 août 1992 sans ordre ni confirmation de la part du de-
mandeur, la cour cantonale a retenu que la défenderesse au-
rait dû, conformément aux clauses contractuelles, procéder
à un appel de marge avant de liquider les contrats en cours,
et qu'elle n'était pas autorisée à effectuer les transac-
tions litigieuses en l'absence d'instructions du demandeur.
Elle a qualifié cette immixtion sans mandat de la défende-
resse de gestion d'affaires imparfaite, permettant au maître
d'exiger réparation de son dommage aux conditions de l'art.

41 CO. La cour cantonale a cependant retenu que si 3 opéra-
tions sur les 16 auraient pu être évitées - ce qui aurait
représenté pour le demandeur l'économie du paiement de
46 800 DM de primes -, l'état de fait ne permettait pas de
déterminer si, globalement, les initiatives de la banque
avaient occasionné un réel préjudice à son client.

cc) En instance cantonale, le demandeur invoquait
encore
une violation du devoir de diligence de la défenderesse. Il
lui reprochait de n'avoir pas accepté, contrairement aux in-
térêts de son client, de reporter le remboursement du prêt
des 2 millions et demi de DM. La cour a considéré que
l'existence d'une requête en ce sens et d'un refus n'étaient
pas établis. À supposer d'ailleurs qu'ils le fussent, la
responsabilité de la banque n'en aurait pas pour autant été
engagée: le dommage invoqué n'était en effet pas en relation
de causalité avec le remboursement de l'emprunt, puisqu'il
résultait des pertes de change découlant de la vente à terme
conclue le 24 août 1992.

Le demandeur faisait par ailleurs grief à la défen-
deresse de ne pas avoir réclamé des garanties supplémen-
taires alors que la marge fixée n'était plus couverte, et
de n'avoir pas respecté les différentes prescriptions in-
ternes de l'établissement bancaire, ce qui avait provoqué
ou augmenté son dommage. La cour cantonale a écarté ces ar-
guments, retenant que les conventions passées entre les par-
ties ne mentionnaient que la faculté, mais non l'obligation,
pour la défenderesse de demander des garanties supplémentai-
res; pour le reste, les directives internes de la défende-
resse n'avaient pas été intégrées aux contrats passés entre
la banque et son client, et n'étaient pas destinées à pro-
téger les intérêts de celui-ci; ce dernier ne pouvait donc
s'en prévaloir.

b) Enfin, la cour cantonale a jugé que la défenderesse
n'avait pas non plus engagé sa responsabilité délictuelle,
faute de violation d'une norme protectrice ad hoc, les pres-
criptions relatives aux appels de marge et aux limites de
crédit édictées par la défenderesse ne constituant pas des
prescriptions générales de la loi et n'étant pas destinées
à protéger les clients, mais la banque.

4.- a) Le demandeur conteste tout d'abord l'analyse
faite par la cour cantonale des liens contractuels noués par
les parties. Il soutient que lui et la défenderesse étaient
dans un rapport contractuel spécial, à savoir un mandat oral
de gestion conféré à la banque, n'excluant pas que le client
donne cas échéant des instructions précises. Les 16 opéra-
tions effectuées de sa propre initiative par la défenderesse
constitueraient la preuve de ce mandat.

b) Cette argumentation se heurte aux constatations
souveraines des juges cantonaux (art. 63 al. 2 OJ). Ceux-ci
ont retenu que le comportement du demandeur, par ses nom-
breux ordres concernant des opérations sur devises, démon-
trait sans ambiguïté sa volonté d'assurer lui-même la ges-
tion de ses biens, aucun indice de l'existence d'une obli-
gation de gérance n'étant établi. Or l'intention, la con-
naissance ou l'ignorance et l'erreur, soit ce qu'une partie
savait ou voulait dans le cadre de relations contractuelles,
relèvent des faits (ATF 113 II 25 consid. 1a; cf. également
ATF 125 III 305 consid. 2b; 123 III 165 consid. 3a). Les ju-
ges cantonaux n'ont donc pas procédé, sur la base des faits
qu'ils ont retenus, à une appréciation juridique erronée des
circonstances de la cause lorsqu'ils ont considéré qu'il n'y
avait pas eu de mandat général de gestion conféré à la ban-
que. On observera que la cour cantonale n'a pas non plus
violé le droit fédéral en estimant que la banque avait le
devoir d'exécuter avec diligence les instructions reçues et
que dans ce cadre, il fallait mesurer sa responsabilité se-

lon les règles régissant le contrat de mandat, soit l'art.
398 CO (ATF reproduit in SJ 2000 I 421 consid. 2d; ATF 126
III 20 consid. 3a/aa; 110 II 283 consid. 1). La banque de-
vait donc agir au mieux en vue de sauvegarder les intérêts
de son client; en présence d'instructions inopportunes ou
irréalisables, il lui appartenait de prendre certaines dis-
positions pour ne pas manquer à son devoir de diligence (ATF
reproduit in SJ 1994 p. 729 consid. 2d/aa; ATF 108 II 197
consid. 2a). Comme on le verra ci-après, l'intéressée n'a
toutefois pas failli à ses obligations en l'espèce.

5.- a) Insistant sur les rapports de confiance privilé-
giés et durables qui le liaient à la défenderesse, le deman-
deur accuse la cour cantonale d'avoir raisonné de manière
rigide sans comprendre l'enchaînement "inexorable" des opé-
rations de change dont il s'est en définitive trouvé victi-
me. Il impute plusieurs fautes à la banque.

Le demandeur reproche à la défenderesse de s'être
placée
en position de force vis-à-vis de lui, de l'avoir poussé à
spéculer au-delà de ses possibilités; s'il admet devoir sup-
porter la perte de 110 000 fr. découlant des transactions
échues le 17 juin 1992, il conteste devoir prendre à sa
charge les conséquences de l'emprunt des 2,5 millions de DM;
cet emprunt, dépassant très largement ses possibilités et
accordé à un taux usuraire, lui aurait été imposé par la
banque; sa brusque résiliation sans appel, l'exigence sou-
daine de garanties qui auraient pu et dû être réclamées plus
tôt, auraient été la cause de la perte définitive de sa for-
tune. La défenderesse devrait répondre de la faute ainsi
commise dans le cadre des rapports contractuels accessoires
liant les parties. De manière générale, il y aurait là at-
teinte aux bonnes moeurs commise intentionnellement dans
l'idée de sauvegarder les intérêts de la banque, ce qui ob-
ligerait à réparation sur une autre base juridique, l'art.
41 al. 2 CO.

Le demandeur fait de surcroît grief à la banque d'avoir
acheté et vendu différentes options call et put sans ordre
ni confirmation; de même, l'acquisition des 269 parts
K.________ ne reposerait sur aucun ordre écrit de sa part.

Le demandeur invoque enfin une violation du devoir
d'information de la défenderesse, en se prévalant de l'ex-
pertise judiciaire qui a montré des lacunes dans les rensei-
gnements fournis par l'établissement bancaire. Le rapport de
confiance liant les parties, ainsi que le fait que le client
spéculait avec des crédits fournis par la banque sont autant
d'éléments qui auraient dû amener celle-ci à tirer la son-
nette d'alarme. La banque aurait paniqué en découvrant que
son client s'était aventuré trop loin, cherchant alors es-
sentiellement à sauvegarder ses propres intérêts.

b) aa) Selon l'art. 55 al. 1 let. c OJ, le recourant
doit indiquer succinctement quelles sont les règles de droit
fédéral violées, et en quoi consiste cette violation, ce à
peine d'irrecevabilité (ATF 106 II 175, confirmé in ATF 116
II 745 consid. 3). En l'occurrence, la critique du demandeur
consiste en une série d'affirmations ou de pétitions de
principe dépourvues de véritable argumentation, ou alors
simplement contraires aux constatations de fait souveraines
des premiers juges, et à ce titre irrecevables (cf. consid.
2 ci-dessus).

bb) Il en va ainsi s'agissant du grief principal
formulé
par le demandeur, à savoir le prêt qui lui aurait été
imposé:
la cour cantonale a retenu que l'emprunt incriminé était
intervenu à la demande du client, et que celui-ci s'était
vu contraint de réaliser ses parts K.________ en raison de
l'échéance de celui-ci. Les allégués du demandeur quant à
la décision des organes de la banque de faire marche arrière
et de bloquer la gestion de ses biens ne résultent pas du
jugement déféré et constituent par conséquent des faits

nouveaux irrecevables. Dans ces circonstances, rien ne per-
met de retenir que la défenderesse aurait intentionnellement
adopté un comportement contraire aux moeurs. On n'admet ce
chef de responsabilité qu'à titre exceptionnel, dans la me-
sure où la contrariété aux moeurs ne doit pas être utilisée
pour vider de sa substance l'exigence de l'illicéité. L'art.
41 al. 2 CO vise en premier lieu à prévenir les comporte-
ments purement chicaniers, qui tendent exclusivement ou es-
sentiellement à porter atteinte aux intérêts d'autrui (ATF
124 III 297 consid. 5e p. 302 et 303). Dès lors, même si
l'on suivait le demandeur dans son approche des faits, la
responsabilité de la défenderesse ne pourrait être engagée
selon l'art. 41 al. 2 CO: la banque n'a cherché qu'à sauve-
garder ses intérêts en évitant des pertes dépassant la va-
leur des avoirs de son client; il ne s'agit nullement de
pure chicane.

cc) Le demandeur se heurte également aux circonstances
de fait constatées souverainement par la cour cantonale
(art.
63 al. 2 OJ) lorsqu'il soutient, en se référant au devoir
d'information des banques, que la défenderesse avait l'obli-
gation de réclamer à son client des garanties supplémentai-
res et que si elle avait tiré la sonnette d'alarme, celui-ci
aurait été stoppé dès le 17 juin 1992 dans ses opérations
spéculatives.

On relèvera d'abord le caractère confus de l'argumenta-
tion du demandeur, qui semble confondre la nécessité pour
une banque de réclamer une garantie et celle d'informer son
client des dangers d'une situation.

En ce qui concerne les garanties, la cour cantonale a
retenu que la défenderesse n'avait que la faculté, mais non
l'obligation, d'en demander selon les conventions liant les
parties; les directives violées ne pouvaient par conséquent
constituer un fondement contractuel de responsabilité, ni

même un fondement extracontractuel, n'ayant pas pour but la
protection du client. Le demandeur ne cherche pas à démon-
trer en quoi ce raisonnement, dont il conteste la conclu-
sion, violerait un principe de droit fédéral. L'opinion de
la cour cantonale paraît au contraire bien fondée (ATF re-
produit in SJ 1999 I 205; Lombardini, Droit et pratique de
la gestion de fortune, n. 255 p. 94).

Cela étant, les premiers juges ont retenu que les opé-
rations effectuées n'étaient pas en elles-mêmes déraisonna-
bles, malgré les risques élevés qu'elles présentaient, et
que le demandeur était capable d'apprécier ceux-ci. En ou-
tre, le dommage litigieux avait pour origine la perte de
change résultant de la vente à terme des 1 860 000 US$ in-
tervenue sur ordre écrit du client - transaction pour la-
quelle il n'était ni prétendu ni établi que ce dernier au-
rait demandé conseil. Tous les arguments reposant sur des
éléments non conformes à ces constatations sont irreceva-
bles.

dd) Pour le surplus, il n'existe fondamentalement aucun
devoir d'information à charge de la banque lorsque son
client
lui donne de manière inconditionnelle des instructions ci-
blées pour la gestion de son compte; dans un tel cas, en ef-
fet, le client montre qu'il n'a pas besoin de l'information
et des conseils de la banque ni ne les souhaite. Il n'y a de
devoir d'information que dans des situations exceptionnel-
les, soit lorsque la banque, en faisant preuve de l'atten-
tion requise, a reconnu ou aurait dû reconnaître que le
client n'a pas identifié un danger déterminé lié au place-
ment, ou lorsqu'un rapport particulier de confiance s'est
développé dans le cadre d'une relation d'affaires durable
entre le client et la banque en vertu duquel le premier
peut, sur la base des règles de la bonne foi, attendre
conseil et mise en garde même s'il n'a rien demandé (ATF
reproduit in SJ 1999 I 205 consid. 3b).

Dans les circonstances d'espèce, rien ne permet de re-
tenir que la banque aurait manqué à son devoir d'informa-
tion: la cour cantonale a constaté (art. 63 al. 2 OJ) que
le client disposait des connaissances et de l'expérience
nécessaires, qu'il donnait des instructions précises, que
les opérations spéculatives ordonnées, bien que risquées,
n'étaient pas en soi déraisonnables et qu'elles satisfai-
saient aux exigences de la sécurité. La baisse du dollar
intervenue au cours du second semestre de l'année 1992
n'était pas prévisible de la part des spécialistes. Selon
l'état de fait de la décision attaquée, même des personnes
bien informées des affaires internationales et de l'évolu-
tion du cours du dollar ne pouvaient prévoir ni la faiblesse
de cette monnaie par rapport au franc suisse de juillet à
octobre 1992, ni sa remontée sensible en novembre 1992.
C'est dès lors en vain que le demandeur invoque en sa faveur
la note manuscrite de G.________ "reste à la hausse à terme"
figurant sur les feuillets de calcul établis le 16 juin
1992, étant observé de surcroît que, selon les constatations
souveraines des premiers juges, on ignore si ces prévisions
émanaient du demandeur ou du collaborateur de la défenderes-
se.

Dès lors, même en admettant l'existence d'un rapport de
confiance particulier entre la banque et son client, on ne
voit pas que celle-ci ait failli à son devoir d'information.

ee) Enfin, le grief selon lequel la banque aurait dû
veiller aux intérêts de son client en reportant l'échéance
du prêt en DM tombe également à faux, puisque les juges can-
tonaux ont constaté qu'il n'avait pas été allégué que le
demandeur aurait sollicité en vain le report de l'échéance
convenue.

Pour le reste, on a déjà exposé que l'art. 41 al. 2 CO

ne peut trouver application (consid. 5b/bb).

6.- a) Dans un dernier moyen intitulé "Dommages et rap-
port de causalité", le demandeur reproche à la cour cantona-
le d'avoir mal compris de quel dommage il réclame répara-
tion. Il s'agirait de la disparition de sa fortune ensuite
des engagements qu'il a pris sous la pression de la banque,
et non de ses pertes de change. A le suivre, son dommage
correspondrait au montant de sa fortune le 13 mars 1992, à
savoir 599 788 fr., dont à déduire 110 000 fr. représentant
sa première perte sur spéculation, soit 489 788 fr. arrondis
à 500 000 fr. En effet, si la banque avait refusé d'accorder
le prêt de 2,5 millions de DM et tenu le demandeur informé
de sa réelle situation, ce dernier aurait mis fin à ses
spéculations, de sorte que sa perte se serait limitée à
110 000 fr. La banque l'aurait au contraire "poussé à faire
de l'acrobatie". Reconnaissant qu'il a signé toutes les piè-
ces que la défenderesse lui a soumis, le demandeur admet
toutefois qu'une application des art. 44 et 99 al. 2 CO
pourrait se concevoir.

Le demandeur renouvelle, notamment, le grief adressé à
sa banque d'avoir maintenu de manière rigide la date de rem-
boursement du prêt de 2,5 millions de DM en citant l'avis de
l'expert judiciaire selon lequel si l'échéance du prêt et la
vente des parts avaient été différées, le dommage aurait été
réduit de 88 %.

S'agissant enfin des 16 opérations effectuées sans pou-
voir par la défenderesse, le demandeur conteste l'avis de la
cour cantonale selon lequel les primes qu'il a payées indû-
ment ne devraient pas lui être remboursées au motif que,
globalement, on ne pourrait déterminer si les initiatives
de la banque ont fait subir un réel préjudice à son client.
Or, pour le demandeur, les circonstances relatées dans le
jugement attaqué établiraient le rapport de causalité natu-
relle et adéquate entre les manquements de la défenderesse
et la perte ou la diminution de sa fortune.

b) Le dommage réside dans la diminution involontaire
de la fortune nette. Il peut consister dans une réduction
de l'actif, dans une augmentation du passif ou dans un gain
manqué; il correspond à la différence entre le montant ac-
tuel du patrimoine et le montant que celui-ci aurait atteint
si l'événement dommageable ne s'était pas produit (ATF 120
II 296 consid. 3b).

La fixation du dommage est une question de fait qui
relève exclusivement de la compétence du juge cantonal. En
instance de recours en réforme, le Tribunal fédéral n'inter-
vient que si l'autorité cantonale a méconnu la notion juri-
dique du préjudice ou si elle s'est laissé guider par des
critères juridiques erronés (ATF 126 III 388 consid. 8a; 123
III 241 consid. 3a; 120 II 296 consid. 3b p. 298).

Il incombe au lésé d'établir concrètement le montant de
son dommage, conformément à l'art. 42 al. 1 CO (ATF 123 III
241 consid. 3a; 120 II 296 consid. 3b).

Lorsque le montant du dommage ne peut être établi,
l'art. 42 al. 2 CO ne dispense pas le lésé d'alléguer et
d'établir, autant que cela est possible, toutes les circons-
tances qui font apparaître la survenance du dommage comme
une quasi certitude et permettent d'évaluer son importance
(ATF 122 III 219 consid. 3a et les références).

c) Là encore, le demandeur se heurte aux constatations
souveraines des premiers juges. De plus, son argumentation
se réduit à une série de pétitions de principe contraires
aux considérants des premiers juges, sans tentative de dé-
monstration réelle d'une violation du droit fédéral. Le de-
mandeur n'expose pas en quoi l'opinion de la cour cantonale
de considérer comme un tout les transactions effectuées en-
tre le 6 juillet et le 24 août 1992 contreviendrait à une
règle de droit fédéral. Dans ces conditions, il est inutile

de rectifier l'état de fait pour convertir en francs suisses
le montant des pertes de change arrêté par la cour cantonale
en DM.

7.- Le recours doit être rejeté dans la faible mesure
où il est recevable. Le recourant supportera les frais de
justice et versera une indemnité de dépens à l'intimée (art.
156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est
recevable
et confirme le jugement attaqué.

2. Met un émolument judiciaire de 8000 fr. à la charge
du recourant.

3. Dit que le recourant versera à l'intimée une indem-
nité de 8000 fr. à titre de dépens.

4. Communique le présent arrêt en copie aux mandataires
des parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal du can-
ton de Vaud.
_____________

Lausanne, le 8 décembre 2000
MMH/mnv
Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le président, La greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.166/2000
Date de la décision : 08/12/2000
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-12-08;4c.166.2000 ?
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