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06/12/2000 | SUISSE | N°6S.752/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 06 décembre 2000, 6S.752/2000


«/2»
6S.752/2000/ROD

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

6 décembre 2000

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président, Président
du Tribunal fédéral, M. Schneider et M. Kolly, Juges.
Greffier: M. Denys.
__________

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

A.________, représentée par Me Olivier Couchepin, avocat
à Martigny,

contre

la décision prise le 22 septembre 2000 par la Chambre
pénale du Tribu

nal cantonal valaisan dans la cause qui
oppose la recourante à E.________ et à G.________;

(injure; contrainte)

Vu ...

«/2»
6S.752/2000/ROD

C O U R D E C A S S A T I O N P E N A L E
*************************************************

6 décembre 2000

Composition de la Cour: M. Schubarth, Président, Président
du Tribunal fédéral, M. Schneider et M. Kolly, Juges.
Greffier: M. Denys.
__________

Statuant sur le pourvoi en nullité
formé par

A.________, représentée par Me Olivier Couchepin, avocat
à Martigny,

contre

la décision prise le 22 septembre 2000 par la Chambre
pénale du Tribunal cantonal valaisan dans la cause qui
oppose la recourante à E.________ et à G.________;

(injure; contrainte)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- En automne 1999, lors d'une pause sur son
lieu de travail, A.________ aurait laissé entendre
à ses collègues B.________, C.________ et D.________,
que leurs anciens collègues E.________ et F.________
avaient eu une liaison. Le propos a été rapporté à
l'épouse de ce dernier, qui a demandé des explications à
E.________. Celle-ci a alors décidé d'interpeller
A.________ et, par l'intermédiaire de son mandataire, le
notaire G.________, elle lui a adressé, le 22 novembre
1999, un courrier au contenu suivant:

"Je suis consulté par Mme E.________ à Fully au
sujet de propos désobligeants que vous avez proféré en
son temps sur son compte. En effet, Mme E.________ a été
informée par M. F.________, domicilié à Martigny, que
vous avez émis devant de nombreux témoins des accusations
totalement fausses. Celles-ci concernaient une relation
qu'aurait eue Mme E.________ avec M. F.________. Ces
allégations sont attentatoires à l'honneur de ma cliente
et constituent à l'évidence un délit réprimé par le Code
pénal, notamment l'art. 173. Ma mandante ne tolérera pas
d'autres assertions mensongères à son égard, spécialement
celles dont vous connaissez la fausseté. De tels éléments
peuvent éventuellement constituer également un délit par
l'art. 174 CPS. Aussi, vous voudrez bien, dans les dix
jours, adresser un courrier regrettant les ragots que
vous avez propagés [...] D'ores et déjà, Mme E.________
m'a chargé de déposer plainte pénale à votre encontre
auprès du Juge d'instruction pénale à St-Maurice si je
devais apprendre que vous vous êtes permise à nouveau de
tenir des propos attentatoires à l'honneur."

Le 17 février 2000, A.________ a déposé plainte
pénale contre E.________ et G.________, pour injure (art.
177 CP) et tentative de contrainte (art. 22 al. 1 et 181
CP). Dans le cadre de l'enquête, B.________, C.________
et D.________ ont été entendus comme témoins. Les deux

premières ont confirmé que A.________ avait tenu les
propos litigieux auxquels la lettre du 22 novembre 1999
faisait référence.

B.- Le 14 mars 2000, le juge d'instruction
pénale du Bas-Valais a refusé de donner suite à la
plainte pénale.

Par décision du 22 septembre 2000, la Chambre
pénale du Tribunal cantonal valaisan a rejeté le recours
de A.________.

C.- Cette dernière se pourvoit en nullité au
Tribunal fédéral contre cette décision. Elle conclut,
avec suite de frais et dépens, à son annulation.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Selon l'art. 270 al. 1 PPF, la qualité du
lésé pour se pourvoir en nullité dépend de trois condi-
tions cumulatives: il faut que le recourant soit lésé par
l'acte dénoncé, qu'il ait déjà été partie à la procédure
auparavant et que la sentence pénale attaquée puisse
avoir un effet négatif sur le jugement de ses prétentions
civiles.

Il n'est pas douteux que la recourante est direc-
tement touchée par les propos qu'elle reproche aux inti-
més et qu'elle a participé, en sa qualité de plaignante,
à la procédure auparavant. Comme la cause n'a pas été
portée devant une autorité de jugement, on ne peut lui

reprocher de n'avoir pas pris de conclusions civiles dans
la procédure pénale. Selon ses indications, elle entend
fonder ses prétentions civiles sur les art. 28 ss CC,
41 et 46 CO. On voit ainsi avec suffisamment de clarté
quelles prétentions civiles sont en jeu. Au demeurant,
celui qui, comme en l'espèce, se prétend lésé par une
infraction contre l'honneur a qualité pour former un
pourvoi en nullité sans être tenu d'exposer quelles sont
ses prétentions civiles et les effets que pourrait avoir
la décision pénale sur ces dernières (ATF 124 IV 262
consid. 1a p. 265; 121 IV 76 consid. 1c p. 80). Il y a
ainsi lieu de conclure que les conditions de l'art. 270
al. 1 PPF sont réalisées.

b) Saisie d'un pourvoi en nullité, la Cour de
cassation contrôle l'application du droit fédéral (art.
269 PPF) sur la base d'un état de fait définitivement
arrêté par l'autorité cantonale (cf. art. 277bis et 273
al. 1 let. b PPF). Le raisonnement juridique doit donc
être mené sur la base des faits retenus dans la décision
attaquée, dont la recourante est irrecevable à s'écarter
(ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66/67 et les arrêts cités).

La Cour de cassation n'est pas liée par les mo-
tifs invoqués, mais elle ne peut aller au-delà des
conclusions de la recourante (art. 277bis PPF). Les con-
clusions devant être interprétées à la lumière de leur
motivation (ATF 126 IV 65 consid. 1 p. 66 et les arrêts
cités), la recourante a circonscrit les points litigieux.

2.- a) L'honneur protégé par le droit pénal est
le droit de chacun de ne pas être considéré comme une
personne méprisable (ATF 117 IV 27 consid. 2c p. 28/29).
Selon la jurisprudence, les art. 173 ss CP ne protègent
que l'honneur personnel, la réputation et le sentiment

d'être un homme honorable, de se comporter, en d'autres
termes, comme un homme digne a coutume de le faire selon
les idées généralement reçues; échappent à ces disposi-
tions les déclarations qui sont propres seulement à ter-
nir de quelque autre manière la réputation dont jouit
quelqu'un dans son entourage ou à ébranler sa confiance
en lui-même: ainsi en va-t-il des critiques qui visent
comme tel l'homme de métier, l'artiste ou le politicien
(ATF 119 IV 44 consid. 2a p. 47; 117 IV 27 consid. 2c
p. 28; 116 IV 205 consid. 2 p. 206/207). L'honneur pro-
tégé par le droit pénal doit être conçu de façon générale
comme un droit au respect, qui est lésé par toute asser-
tion propre à exposer la personne visée au mépris en sa
qualité d'homme (ATF 117 IV 27 consid. 2c et les arrêts
cités). Pour déterminer si une déclaration est attenta-
toire à l'honneur, il faut procéder à une interprétation
objective selon le sens qu'un auditeur ou un lecteur non
prévenu devait, dans les circonstances données, lui at-
tribuer (ATF 119 IV 44 consid. 2a p. 47; 117 IV 27
consid. 2c p. 29/30 et les arrêts cités).

Dans le courrier du 22 novembre 1999, il est re-
proché à la recourante d'avoir proféré des accusations
totalement fausses, mensongères, attentatoires à l'hon-
neur et constitutives "à l'évidence" de diffamation (art.
173 CP), soit un délit passible d'une peine de six mois
d'emprisonnement. Interprétés objectivement, de tels pro-
pos évoquent un comportement méprisable de la recourante.
Affirmer que quelqu'un a commis une atteinte à l'honneur
constitue une atteinte à l'honneur (ATF 81 IV 323 consid.
2 p. 324; ATF non publié du 5 avril 1995 consid. 2a/aa,
reproduit in RJJ 1995 p. 70). C'est donc à bon escient
que la Chambre pénale a admis que les assertions conte-
nues dans le courrier étaient attentatoires à l'honneur.

b) Quoique le courrier litigieux ait été rédigé
par le notaire G.________, il faut partir de l'idée,
faute d'indices contraires ressortant de la décision
attaquée, que celui-ci et sa cliente E.________ ont agi
d'un commun accord (ATF 110 IV 87 consid. 2b p. 89/90).
Comme cet écrit n'a pas été communiqué à un tiers mais
uniquement à la recourante, seul entre en ligne de compte
l'art. 177 CP et non l'art. 173 CP (cf. Corboz, Les in-
fractions principales, Berne 1997, art. 173 n. 32 et art.
177 n. 20; Trechsel, Kurzkommentar, 2ème éd., Zurich
1997, art. 177 n. 2).

Dans la mesure où E.________ a relaté au notaire
G.________, donc à un tiers (cf. Corboz, op. cit., art.
173 n. 45), les accusations portées dans le courrier,
elle s'est ainsi exposée à l'art. 173 CP. En ce qui la
concerne, les art. 173 et 177 CP auraient donc pu con-
courir. Toutefois, la Chambre pénale a uniquement mené
son analyse sous l'angle de l'art. 177 CP relativement au
courrier adressé à la recourante. Cette dernière ne remet
pas en cause ce point de sorte qu'il n'y a pas lieu d'y
revenir.

c) Lorsque l'auteur a allégué des faits attenta-
toires à l'honneur en s'adressant uniquement à la per-
sonne visée et qu'il tombe ainsi sous le coup de l'art.
177 CP, il est admis que sont aussi ouvertes les preuves
libératoires selon l'art. 173 ch. 2 et 3 CP, qui excluent
la condamnation de l'auteur à une peine (cf. Corboz, op.
cit., art. 177 n. 26 et les auteurs cités; Trechsel, op.
cit., art. 177 n. 4). Toutefois, les motifs de disculpa-
tion de la partie générale du Code pénal, notamment le
devoir de fonction ou de profession selon l'art. 32 CP,
s'appliquent de préférence aux preuves libératoires de
l'art. 173 ch. 2 CP, lesquelles ne peuvent être retenues

que si l'art. 32 CP n'est pas applicable (ATF 123 IV 97
consid. 2c/aa p. 98).

La Chambre pénale a admis le bénéfice de l'art.
32 CP. Elle a considéré que si les déclarations incrimi-
nées avaient été proférées en procédure par un avocat,
elles auraient été couvertes par cette disposition. Selon
elle, il serait vain de reprocher au notaire G.________,
qui est intervenu comme conseiller juridique, d'avoir
formulé des accusations qu'un avocat aurait pu articuler
dans une plainte pénale.

Selon la jurisprudence, des déclarations objecti-
vement attentatoires à l'honneur peuvent être justifiées
par le devoir d'alléguer des faits dans le cadre d'une
procédure judiciaire. Tant la partie que son avocat
peuvent se prévaloir de l'art. 32 CP à condition de
s'être exprimé de bonne foi, de s'être limité à ce qui
est nécessaire et pertinent et d'avoir présenté comme
telles de simples suppositions (ATF 118 IV 248 consid. 2c
et d p. 252/253; 116 IV 211 consid. 4a p. 213 ss).

En l'espèce, c'est hors toute procédure judi-
ciaire que le courrier litigieux a été adressé. En tant
que conseiller juridique, le notaire G.________ n'a pas à
être assimilé à un avocat qui intervient dans une pro-
cédure judiciaire ou qui est chargé de démarches en vue
d'une telle procédure. L'art. 32 CP n'a pas pour portée
de couvrir toute activité juridique sans exception. En
l'espèce, on ne saurait conclure qu'il existât un devoir
procédural d'alléguer qui pût justifier une obligation de
s'exprimer selon l'art. 32 CP.

A défaut du bénéfice de l'art. 32 CP, il convient
encore de se pencher sur les preuves libératoires de
l'art. 173 ch. 2 CP, la Chambre pénale ayant en particu-

lier considéré dans une motivation subsidiaire que les
intimés avaient apporté la preuve de leur bonne foi.

d) La recourante reproche d'abord à la Chambre
pénale d'avoir omis de prendre en compte l'art. 173 ch. 3
CP.

A teneur de l'art. 173 ch. 3 CP, l'auteur d'une
diffamation n'est pas admis à apporter les preuves libé-
ratoires prévues au ch. 2 de cette disposition, si ses
allégations ont été articulées ou propagées sans égard à
l'intérêt public ou sans autre motif suffisant, principa-
lement dans le dessein de dire du mal d'autrui, notamment
lorsqu'elles ont trait à la vie privée ou à la vie de fa-
mille. L'admission à la preuve libératoire constitue la
règle, de sorte que les conditions d'un refus sont inter-
prétées plutôt restrictivement (cf. Corboz, La diffama-
tion, SJ 1992 p. 629 ss, 653; Schubarth, Kommentar zum
schweizerischen Strafrecht, Bes. Teil, 3. Band, Berne
1984, art. 173 n. 69). La preuve libératoire ne peut être
refusée que si l'auteur s'est exprimé sans motif suffi-
sant et s'il a agi principalement dans le dessein de dire
du mal d'autrui. Les deux conditions sont cumulatives
(ATF 116 IV 31 consid. 3 p. 38, 205 consid. 3b p. 208).

Il est vrai que la décision attaquée ne traite
pas de l'art. 173 ch. 3 CP. Cependant, il en ressort que
l'une des preuves libératoires de l'art. 173 ch. 2 CP a
été admise. On en déduit que la Chambre pénale a préala-
blement admis, de manière implicite, que les conditions
d'un refus selon l'art. 173 ch. 3 CP n'étaient pas réu-
nies. Le courrier adressé à la recourante tendait en
particulier à empêcher que celle-ci relate de nouveau une
prétendue relation adultérine entre E.________ et
F.________. E.________ avait incontestablement un intérêt
à ce qu'une pareille accusation ne soit pas répétée.

Aussi, contrairement à l'avis de la recourante, le cour-
rier n'a-t-il pas été adressé sans motif suffisant de
sorte que c'est sans violer le droit fédéral que les
intimés ont été admis à apporter les preuves libératoires
de l'art. 173 ch. 2 CP.

e) Selon l'art. 173 ch. 2 CP, l'inculpé n'encour-
ra aucune peine s'il prouve que les allégations qu'il a
articulées ou propagées sont conformes à la vérité ou
qu'il avait des raisons sérieuses de les tenir de bonne
foi pour vraies. Les intimés pouvaient donc apporter soit
la preuve de la véracité des allégations contenues dans
le courrier, soit la preuve qu'ils avaient des raisons
sérieuses de les tenir de bonne foi pour vraies.

aa) Un accusé apporte la preuve de la vérité s'il
établit que ce qu'il a dit est vrai; il peut apporter
même des éléments de preuve qui lui étaient inconnus au
moment où il s'est exprimé, car la seule question perti-
nente est celle de la véracité du propos (ATF 124 IV 149
consid. 3 p. 150). En première instance, le juge d'ins-
truction avait
retenu en fait que les propos prêtés à la
recourante dans le courrier du 22 novembre 1999 corres-
pondaient à la réalité. Sur cette base-là, il eût été
correct de conclure que la preuve de la vérité avait été
rapportée. La Chambre pénale n'a cependant pas abordé la
question de la preuve de la vérité et il est impossible
de déduire de sa décision si elle a, à l'instar du juge
d'instruction, tenu les allégations contenues dans le
courrier pour vraies ou non.

bb) La Chambre pénale a admis que les intimés
avaient apporté la preuve de leur bonne foi. Elle a
relevé que les accusations contre la recourante n'avaient
pas été avancées de mauvaise foi. Que les intimés aient
été de bonne foi, autrement dit qu'ils aient véritable-

ment cru que la recourante avait tenu les propos repro-
chés, n'est pas remis en cause ici. Cela ne permet cepen-
dant pas encore de conclure que cette preuve libératoire
a été apportée.

En effet, il résulte de l'art. 173 ch. 2 CP que
la bonne foi ne suffit pas, il faut encore que l'accusé
établisse qu'il avait des raisons sérieuses de croire à
ce qu'il disait. Un devoir de prudence incombe à celui
qui porte atteinte à l'honneur d'autrui. Il ne saurait
s'avancer à la légère. Pour échapper à la sanction pé-
nale, l'accusé de bonne foi doit démontrer qu'il a ac-
compli les actes que l'on pouvait exiger de lui, selon
les circonstances et sa situation personnelle, pour con-
trôler la véracité de ses allégations et la considérer
comme établie. L'accusé doit prouver qu'il a cru à la
véracité de ses allégations après avoir fait conscien-
cieusement tout ce que l'on pouvait attendre de lui pour
s'assurer de leur exactitude. Une prudence particulière
doit être exigée de celui qui donne une large diffusion à
ses allégations par la voie d'un média. L'accusé ne sau-
rait se fier aveuglément aux déclarations d'un tiers. Que
l'on ait admis, au sens de l'art. 173 ch. 3 CP, que l'ac-
cusé avait des motifs suffisants de s'exprimer ne signi-
fie pas encore qu'il avait des raisons sérieuses de tenir
pour vrai ce qu'il a dit. Pour dire si l'accusé avait des
raisons sérieuses de tenir de bonne foi pour vrai ce
qu'il a dit, il faut se fonder exclusivement sur les élé-
ments dont il avait connaissance à l'époque de sa décla-
ration; il n'est pas question de prendre en compte des
moyens de preuve découverts ou des faits survenus posté-
rieurement. Il faut donc que l'accusé établisse les élé-
ments dont il disposait à l'époque, ce qui relève du
fait; sur cette base, le juge doit apprécier si ces
éléments étaient suffisants pour croire à la véracité du

propos, ce qui relève du droit (ATF 124 IV 149 consid. 3b
p. 151/152 et les références citées).

La Chambre pénale a observé que le notaire
G.________ pouvait se fier à sa cliente E.________ et que
celle-ci avait des raisons sérieuses de tenir ses accusa-
tions contre la recourante pour vraies puisque les époux
F.________ lui en avaient fait part. En l'espèce, le
courrier litigieux a uniquement été adressé à la personne
visée, soit la recourante. En pareil cas, il faut conve-
nir que les exigences quant à la prudence dont l'auteur
doit faire montre sont sensiblement moindres que s'il
donne une large diffusion à ses allégations, en parti-
culier par la voie des médias. En outre, E.________ ne
s'est pas exprimée sans bonnes raisons puisque, comme on
l'a vu, elle cherchait en particulier à empêcher que la
recourante évoque de nouveau à son sujet des faits déso-
bligeants. L'existence de bonnes raisons implique aussi
que l'on se montre moins exigeant (Stratenwerth,
Schweizerisches Strafrecht, Bes. Teil I, 5ème éd., Zurich
1995, § 11, n. 43; Corboz, Les principales infractions,
op. cit., art. 173 n. 79; José Hurtado Pozo, Droit pénal,
Partie spéciale II, Zurich 1998, § 2, n. 145). Aussi,
seules des exigences limitées de vérification
s'imposaient-elles en l'occurrence. E.________ s'est
fondée sur les renseignements fournis par les époux
F.________. Or, ceux-ci étaient eux-mêmes directement
touchés par les propos prêtés à la recourante de sorte
que E.________ pouvait en déduire qu'ils ne s'étaient pas
manifestés auprès d'elle à la légère. Dans ces condi-
tions, l'intervention des époux F.________ suffisaient
pour que celle-ci ait des raisons sérieuses de concevoir
que la recourante l'avait accusée d'une relation adulté-
rine. Cela vaut aussi pour le notaire G.________, à
l'égard de qui rien ne justifie de se montrer plus
strict. C'est donc sans violer le droit fédéral que la

Chambre pénale a admis que la preuve de la bonne foi
était apportée. Sur ce point, le pourvoi est infondé.

3.- Selon la recourante, la menace de déposer
plainte pénale contre elle contenue dans le courrier du
22 novembre 1999 aurait dû conduire la Chambre pénale à
admettre l'existence d'une tentative de contrainte.

Selon l'art. 181 CP, se rend coupable de con-
trainte celui qui, en usant de violence envers une per-
sonne ou en la menaçant d'un dommage sérieux, ou en
l'entravant de quelque autre manière dans sa liberté
d'action, l'aura obligée à faire, à ne pas faire ou à
laisser faire un acte.

Pour que soit réalisée la menace d'un dommage
sérieux au sens de l'art. 181 CP, il faut non seulement
que le dommage apparaisse sérieux (ATF 122 IV 322 consid.
1a p. 324/325; 120 IV 17 consid. 2a/aa p. 19 et les ar-
rêts cités), mais encore que la contrainte soit illicite
(ATF 122 IV 322 consid. 2 p. 326; 120 IV 17 consid. 2a/bb
p. 20 et les arrêts cités).

La menace d'une plainte pénale peut constituer
un dommage sérieux (ATF 120 IV 17 consid. 2a/aa p. 19).
Selon la jurisprudence, une contrainte est illicite lors-
que le moyen ou le but est contraire au droit ou lorsque
le moyen est disproportionné pour atteindre le but visé
ou encore lorsqu'un moyen de contrainte conforme au droit
utilisé pour atteindre un but légitime constitue, au vu
des circonstances, un moyen de pression abusif ou con-
traire aux moeurs. Menacer de déposer une plainte pénale
(lorsque l'on est victime d'une infraction) constitue en
principe un acte licite. L'illicéité n'apparaît que si le
moyen utilisé n'est pas dans un rapport raisonnable avec

le but visé et constitue un moyen de pression abusif; tel
est le cas en particulier si l'objet de la plainte est
sans rapport avec la prestation demandée ou si la menace
doit permettre d'obtenir un avantage indu (ATF 120 IV 17
consid. 2a/bb p. 20).

La question de savoir si, dans le cas concret, la
menace d'une plainte pénale représentait un dommage sé-
rieux peut rester ouverte. En effet, le moyen employé
apparaît de toute façon licite. Il ressort du courrier
litigieux que la menace de déposer plainte pénale a uni-
quement été formulée dans l'hypothèse où la recourante
parlerait de nouveau de la relation adultérine.
E.________ a donc voulu empêcher la répétition de propos
désobligeants sur son compte. En outre, comme on l'a vu
plus haut, elle était de bonne foi, c'est-à-dire qu'elle
a véritablement cru que la recourante l'avait accusée
d'une relation adultérine, sans qu'il importe ici de
savoir si les propos prêtés à la recourante ont véri-
tablement été tenus ou non. Certes, l'adultère n'est plus
réprimé pénalement. Il n'en reste pas moins qu'accuser
une personne d'adultère peut, suivant les circonstances,
attenter à son honneur en jetant sur elle le soupçon
d'avoir eu un comportement méprisable. Dès lors que
E.________ a cru qu'une telle accusation avait été
proférée et a cherché à éviter qu'elle le soit de nou-
veau, rien ne permet de conclure, dans de telles cir-
constances, que sa menace visait l'obtention d'un avan-
tage indu ou était abusive. Pour le reste, la recourante
s'écarte des faits constatés, ce qui n'est pas admissible
dans un pourvoi, lorsqu'elle affirme que la menace devait
permettre à E.________ d'obtenir une lettre d'excuses. En
tant qu'il est recevable, le grief est infondé.

4.- La recourante, qui succombe, sera condamnée
aux frais (art. 278 al. 1 PPF).

Il n'est pas alloué d'indemnité aux intimés, qui
n'ont pas eu à intervenir dans la procédure devant le
Tribunal fédéral.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le pourvoi dans la mesure où il est
recevable.

2. Met un émolument judiciaire de 2'000 francs à
la charge de la recourante.

3. Dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité.

4. Communique le présent arrêt en copie au man-
dataire de la recourante, aux intimés, au Procureur du
Bas-Valais et à la Chambre pénale du Tribunal cantonal
valaisan.
__________

Lausanne, le 6 décembre 2000

Au nom de la Cour de cassation pénale
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président, Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 6S.752/2000
Date de la décision : 06/12/2000
Cour de cassation pénale

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-12-06;6s.752.2000 ?
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