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05/12/2000 | SUISSE | N°H.16/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 05 décembre 2000, H.16/00


«AZA 7»
H 16/00 Mh

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
Berthoud, Greffier

Arrêt du 5 décembre 2000

dans la cause

Caisse de compensation du canton de Fribourg, Impasse de la
Colline 1, Givisiez, recourante,

contre

D.________, intimé,

et

Tribunal administratif du canton de Fribourg, Givisiez

A.- D.________ a repris un domaine agricole à son
compte le 1er mars 1992, date à partir de laquelle il a été
affilié en tant qu'in

dépendant à la Caisse de compensation
du canton de Fribourg (la caisse). Ses cotisations à
l'AVS/AI/APG concernant les années 1992 e...

«AZA 7»
H 16/00 Mh

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
Berthoud, Greffier

Arrêt du 5 décembre 2000

dans la cause

Caisse de compensation du canton de Fribourg, Impasse de la
Colline 1, Givisiez, recourante,

contre

D.________, intimé,

et

Tribunal administratif du canton de Fribourg, Givisiez

A.- D.________ a repris un domaine agricole à son
compte le 1er mars 1992, date à partir de laquelle il a été
affilié en tant qu'indépendant à la Caisse de compensation
du canton de Fribourg (la caisse). Ses cotisations à
l'AVS/AI/APG concernant les années 1992 et 1993 ont

fait l'objet d'une décision provisoire du 8 mai 1992. Le
2 février 1994, la caisse a rendu une décision semblable
relative aux cotisations des années 1994 et 1995.
Le 24 août 1994, l'autorité fiscale a communiqué à
l'AVS sa taxation pour la période fiscale 1993/1994, basée
sur le revenu que l'assuré avait obtenu en 1992. La caisse
a dès lors rendu une décision complémentaire, le 7 octobre
1994, par laquelle elle fixait les cotisations pour la pé-
riode allant du 1er mars au 31 décembre 1992. Le 2 février
1996, elle a par ailleurs déterminé les cotisations dues
pour les années 1996 et 1997.
Dans une seconde communication du 3 octobre 1996, le
fisc a informé la caisse qu'il avait taxé l'assuré d'office
pour la période fiscale 1995/1996, sur la base des revenus
réalisés en 1993 et 1994. Se fondant sur cette seconde com-
munication, la caisse a rendu cinq décisions, le 18 octobre
1996, par lesquelles elle a fixé les cotisations personnel-
les de D.________ pour les années 1993 à 1997. Ces déci-
sions remplaçaient celles que la caisse avaient rendues
précédemment pour ces années-là.

B.- D.________ a recouru contre les décisions du
18 octobre 1996 devant le Tribunal administratif du canton
de Fribourg, en concluant à leur annulation.
Par jugement du 25 novembre 1999, la juridiction can-
tonale a admis partiellement le recours, annulé les déci-
sions litigieuses portant sur les cotisations relatives aux
années 1993 et 1994 et renvoyé la cause à l'administration
afin qu'elle calcule à nouveau les cotisations afférentes à
ces deux années-là sur la base de la communication fiscale
du 24 août 1994.

C.- La caisse interjette recours de droit administra-
tif contre ce jugement dont elle demande l'annulation, en
concluant au rétablissement de ses décisions du 18 octobre
1996.

L'intimé et l'Office fédéral des assurances sociales
ne se sont pas déterminés.

Considérant en droit :

1.- a) Le litige porte sur la fixation des cotisations
personnelles de l'intimé à l'AVS/AI/APG pour les années
1993 et 1994, à teneur des deux décisions correspondantes
du 18 octobre 1996.
Dès lors, les décisions litigieuses n'ayant pas pour
objet l'octroi ou le refus de prestations d'assurance, le
Tribunal fédéral des assurances doit se borner à examiner
si les premiers juges ont violé le droit fédéral, y compris
par l'excès ou par l'abus de leur pouvoir d'appréciation,
ou si les faits pertinents ont été constatés d'une manière
manifestement inexacte ou incomplète, ou s'ils ont été
établis au mépris de règles essentielles de procédure
(art. 132 en corrélation avec les art. 104 let. a et b et
105 al. 2 OJ).

b) Lorsque le pouvoir d'examen du Tribunal fédéral des
assurances est limité par l'art. 105 al. 2 OJ, la possibi-
lité d'alléguer des faits nouveaux ou de faire valoir de
nouveaux moyens de preuve est très restreinte. Selon la
jurisprudence, seules sont admissibles dans ce cas les
preuves que l'instance inférieure aurait dû réunir d'of-
fice, et dont le défaut d'administration constitue une
violation de règles essentielles de procédure (ATF
121 II 99 consid. 1c, 120 V 485 consid. 1b et les
références).
Cela étant, les divers documents que la recourante
produit en instance fédérale (relatifs à l'obligation des
indépendants de tenir des livres) ne peuvent être pris en
considération par le tribunal.

2.- Selon l'art. 23 al. 1 RAVS, il incombe en principe
aux autorités fiscales d'établir, d'une part, le revenu
déterminant pour le calcul des cotisations des personnes de
condition indépendante - en se fondant sur la taxation
passée en force de l'impôt fédéral direct - et, d'autre
part, le capital propre engagé dans l'entreprise, en se
fondant sur la taxation y relative, passée en force, de
l'impôt cantonal. Les caisses de compensation sont liées
par les données des autorités fiscales (art. 23 al. 4
RAVS).
D'après la jurisprudence, toute taxation fiscale est
présumée conforme à la réalité; cette présomption ne peut
être infirmée que par des faits. Dès lors que les caisses
de compensation sont liées par les données fiscales, et que
le juge des assurances sociales examine, en principe, uni-
quement la décision de la caisse quant à sa légalité, le
juge ne saurait s'écarter des décisions de taxation entrées
en force que si celles-ci contiennent des erreurs manifes-
tes et dûment prouvées, qu'il est possible de rectifier
d'emblée, ou s'il s'impose de tenir compte d'éléments de
fait sans pertinence en matière fiscale mais déterminants
sur le plan des assurances sociales. A cet égard, de sim-
ples doutes sur l'exactitude d'une taxation fiscale ne
suffisent pas. La détermination du revenu est, en effet,
une tâche qui incombe aux autorités fiscales, et il n'ap-
partient pas au juge des assurances sociales de procéder
lui-même à une taxation. L'assuré exerçant une activité
lucrative indépendante doit donc faire valoir ses droits en
matière de taxation - avec les effets que celle-ci peut
avoir sur le calcul des cotisations AVS - en premier lieu
dans la procédure judiciaire fiscale (ATF 110 V 86 con-
sid. 4 et 370 s., 106 V 130 consid. 1, 102 V 30 consid. 3a;
VSI 1997 p. 26 consid. 2b et la référence).
Par ailleurs, les principes concernant la force con-
traignante des communications fiscales s'appliquent égale-
ment en cas de taxation d'office. Aussi, les caisses de

compensation et le juge des assurances sociales sont-ils
liés par la communication fiscale fondée sur une taxation
d'office passée en force, bien que celle-ci soit moins
précise qu'une taxation établie selon la procédure ordi-
naire, c'est-à-dire par rapport à des données concrètes
(RCC 1988 p. 321 et les références).

3.- a) Le Tribunal administratif a constaté que la loi
fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt fédéral direct
(LIFD, RS 642.11), entrée en vigueur le 1er janvier 1995
(RO 1991 p. 1254), avait introduit l'obligation pour les
indépendants, notamment, de tenir des livres dès le
1er janvier 1993 (art. 125 al. 2 LIFD). Il a précisé
qu'auparavant, dans le canton de Fribourg, l'imposition des
agriculteurs qui ne tenaient pas de livres (ils n'en
avaient pas l'obligation) était réglée par des normes
arrêtées par le Conseil d'Etat, lesquelles prenaient en
compte des unités de gros bétail et de surfaces agricoles
utiles; ce système était généralement à l'avantage des
contribuables, dans la mesure où ces normes étaient infé-
rieures aux rendements réels. La juridiction de recours a
rappelé que le législateur cantonal avait adopté de nou-
velles normes relatives à la détermination du revenu
agricole pour la période fiscale 1993/1994 (dont la période
de calcul était constituée par les années 1991/1992), les-
quelles étaient comparables à celles qui existaient par le
passé (arrêté du 12 janvier 1993, Bulletin officiel du
canton de Fribourg 1993, p. 50).
Pour la période fiscale 1995/1996, soit à partir du
1er janvier 1995, les agriculteurs ont été imposés sur le
revenu obtenu en 1993/1994. A cet égard, les premiers juges
ont constaté que les agriculteurs qui n'avaient pas tenu de
livres à compter du 1er janvier 1993 ont été taxés d'of-
fice, selon un nouveau système basé sur des données em-
piriques, qui s'est avéré nettement moins favorable aux
contribuables que celui appliqué jusqu'à la période fiscale
1993/1994 inclusivement.

b) Dans le cas d'espèce, la juridiction de recours a
constaté que la taxation d'office du revenu que l'intimé
avait obtenu en 1993/1994, qui avait fait l'objet de la
communication du 3 octobre 1996, reposait précisément sur
ce nouveau système, car l'intéressé n'avait pas tenu de
comptabilité. Comme la caisse de compensation s'est basée
sur cette taxation pour calculer les cotisations des années
1993 à 1997, les premiers juges se sont demandés si ce pro-
cédé était compatible avec le principe général de la non-
rétroactivité des lois (cf. ATF 122 V 408 consid. 3b/aa;
voir aussi ATF 123 V 135 consid. 2b, 121 V 100 consid. 1a)
en ce qui concerne les années 1993 et 1994, dans la mesure
où cette période était antérieure à l'entrée en vigueur de
la LIFD.
Au terme de son examen, le Tribunal administratif est
parvenu à la conclusion que le nouveau système de taxation
d'office des agriculteurs ne tenant pas de comptabilité
violait le principe de non-rétroactivité, si bien que la
taxation fiscale ne pouvait, en l'occurrence, servir de
base au calcul des cotisations pour les années 1993 et
1994. En conséquence, la juridiction cantonale a estimé que
l'autorité fiscale aurait dû arrêter le revenu de l'intimé
d'après l'ancien système de taxation des agriculteurs ne
tenant pas de comptabilité, ce qui aurait ainsi dû la con-
duire à retenir le revenu réalisé en 1992 qui figurait dans
la communication du 24 août 1994.

4.- a) Dans son recours cantonal du 12 novembre 1996,
l'intimé a indiqué qu'il ne saisissait pas les motifs pour
lesquels l'AVS lui réclamait des cotisations élevées, allé-
guant que les montants retenus ne correspondaient pas à sa
situation financière. A l'appui de ses conclusions, il n'a
toutefois produit aucune pièce comptable relative aux ré-
sultats économiques de son exploitation agricole en 1993 et
1994, se bornant simplement à verser une copie des déci-
sions litigieuses au dossier du Tribunal administratif.

Devant la juridiction inférieure de recours, il eût
pourtant incombé à l'intimé, en vertu de son obligation de
collaborer activement à l'instruction de sa cause (ATF
125 V 195 consid. 2 et les références), d'exposer - chif-
fres détaillés à l'appui - les motifs pour lesquels les
taxations fiscales lui paraissaient erronées pour les
années 1993 et 1994. Néanmoins, il a préféré ne pas divul-
guer l'étendue exacte des revenus réalisés au cours de ces
deux années-là, de sorte que ceux-ci ne sont toujours pas
connus.
En l'état du dossier, les premiers juges auraient dès
lors dû limiter leur examen à la seule question de la con-
formité des décisions de cotisations litigieuses à celles
des décisions de taxation fiscale entrées en force, sans
aborder plus avant le bien-fondé de ces dernières, en
particulier sous l'angle du principe de la non-rétro-
activité des lois.

b) Quant au montant des cotisations fixées le 18 oc-
tobre 1996, il n'est - en instance fédérale - pas contesté
ni sujet à discussion. Le recours est bien fondé.

5.- La procédure n'est pas gratuite, s'agissant d'un
litige qui ne porte pas sur l'octroi ou le refus de presta-
tions d'assurance (art. 134 OJ a contrario). L'intimé, qui
succombe, supportera les frais de justice (art. 153a, 156
al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis et le jugement du Tribunal admi-
nistratif du canton de Fribourg du 25 novembre 1999
est annulé.

II. Les frais de justice, d'un montant total de 700 fr.,
sont mis à la charge de l'intimé.

III. L'avance de frais effectuée par la recourante, d'un
montant de 700 fr., lui est restituée.

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal administratif du canton de Fribourg, Cour des
assurances sociales, ainsi qu'à l'Office fédéral des
assurances sociales.

Lucerne, le 5 décembre 2000

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : H.16/00
Date de la décision : 05/12/2000
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-12-05;h.16.00 ?
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