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05/12/2000 | SUISSE | N°1P.613/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 05 décembre 2000, 1P.613/2000


«/2»

1P.613/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

5 décembre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Favre et Mme Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffier: M. Parmelin.

_______

Statuant sur le recours de droit public
formé par

K.________, représentée par Me Pierre Scherb, avocat à
Genève,

contre

l'arrêt rendu le 25 août 2000 par la Cour de cassation du
canton de Genève da

ns la cause qui oppose la recourante au
Procureur général du canton de G e n è v e ;

(procédure pénale; appréciation des pre...

«/2»

1P.613/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

5 décembre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Favre et Mme Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffier: M. Parmelin.

_______

Statuant sur le recours de droit public
formé par

K.________, représentée par Me Pierre Scherb, avocat à
Genève,

contre

l'arrêt rendu le 25 août 2000 par la Cour de cassation du
canton de Genève dans la cause qui oppose la recourante au
Procureur général du canton de G e n è v e ;

(procédure pénale; appréciation des preuves;
assistance judiciaire)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par arrêt du 27 janvier 2000, la Cour d'assises
du canton de Genève a condamné K.________ à deux ans et demi
de réclusion pour infraction grave à la loi fédérale sur les
stupéfiants. Elle l'a reconnue coupable d'avoir transporté
et
importé en Suisse 1,2 kg de cocaïne au début janvier 1999,
en
échange de la promesse d'une rémunération de 10'000 fr. dont
elle n'avait reçu que 400 fr.

Agissant par l'intermédiaire de l'avocate stagiaire
Fabienne Hugener, K.________ s'est pourvue contre cet arrêt
auprès de la Cour de cassation du canton de Genève
(ci-après,
la Cour de cassation) en contestant la quotité de la peine
qui lui a été infligée. Statuant par arrêt du 25 août 2000,
cette autorité a rejeté le pourvoi en relevant que les pre-
miers juges n'avaient pas abusé de leur pouvoir d'apprécia-
tion dans la fixation de la peine. Dans les considérants en
droit, elle a notamment retenu que la jeune femme s'était
rendue en toute connaissance de cause à deux reprises en
Jamaïque, qu'elle y avait résidé un certain nombre de jours
et qu'elle avait "importé une quantité importante de co-
caïne".

B.- Agissant par la voie du recours de droit public,
K.________ demande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt
et
de renvoyer la cause à la Cour de cassation pour nouvelle dé-
cision. Elle lui reproche d'avoir fait preuve d'arbitraire
dans l'établissement des faits en retenant qu'elle s'était
rendue à deux reprises en Jamaïque pour importer en Suisse
de
la cocaïne, alors qu'elle n'avait fait qu'un seul voyage
dont
elle ignorait le but réel. Elle voit également une violation
de son droit à l'assistance judiciaire gratuite,
constitutive
d'un déni de justice, dans la désignation d'une avocate sta-

giaire inexpérimentée et dépassée par la difficulté de la
procédure. Elle requiert l'assistance judiciaire.

Le Procureur général du canton de Genève conclut au
rejet du recours. La Cour de cassation se réfère à son
arrêt,
tout en relevant et en regrettant "qu'une confusion (s'est)
glissée dans un considérant", (...) "Mme K.________ ne
(s'étant) pas rendue, comme une autre coaccusée, à deux re-
prises en Jamaïque, mais à une seule".

K.________ a répliqué.

C.- Par ordonnance du 26 octobre 2000, le Président
de la Ie Cour de droit public a admis la requête d'effet sus-
pensif présentée par la recourante.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Le pourvoi en nullité à la Cour de cassation
pénale du Tribunal fédéral n'est pas ouvert pour se plaindre
d'une appréciation arbitraire des preuves et des constata-
tions de fait qui en découlent (ATF 124 IV 81 consid. 2a p.
83 et les arrêts cités) ou pour invoquer la violation
directe
d'un droit constitutionnel (ATF 120 IV 113 consid. 1a p.
114). Au vu des arguments soulevés, seul le recours de droit
public est ouvert en l'occurrence.

b) K.________ est personnellement touchée par l'arr-
êt attaqué, qui confirme sa condamnation à deux ans et demi
de réclusion. Elle a un intérêt personnel, actuel et juridi-
quement protégé à ce que celui-ci soit annulé et a, partant,
qualité pour recourir selon l'art. 88 OJ. Pour le surplus,
les autres conditions de recevabilité du recours de droit

public sont réunies, de sorte qu'il convient d'entrer en ma-
tière sur le fond.

2.- La recourante reproche à la Cour de cassation
d'avoir constaté les faits de manière arbitraire en retenant
qu'elle s'était rendue à deux reprises en Jamaïque pour im-
porter en Suisse de la cocaïne, alors qu'elle n'avait fait
qu'un seul voyage dont elle ignorait le but réel.

a) La jurisprudence rendue en application de l'art.
4 aCst., qui garde toute sa valeur sous l'empire de l'art. 9
Cst., reconnaît au juge un important pouvoir d'appréciation
dans la constatation des faits et leur appréciation (ATF 120
Ia 31 consid. 4b p. 40). Le Tribunal fédéral n'intervient en
conséquence pour violation de l'art. 9 Cst. que si celui-ci
a
abusé de ce pouvoir, en particulier lorsqu'il admet ou nie
un
fait pertinent en se mettant en contradiction évidente avec
les pièces et les éléments du dossier, lorsqu'il méconnaît
des preuves pertinentes ou qu'il n'en tient arbitrairement
pas compte, lorsque les constatations de fait sont manifeste-
ment fausses ou encore lorsque l'appréciation des preuves se
révèle insoutenable (ATF 118 Ia 28 consid. 1b p. 30; 117 Ia
133 consid. 2c p. 39, 292 consid. 3a p. 294; cf. ATF 126 I
168 consid. 3a p. 170).

b) En l'espèce, la Cour de cassation a retenu, dans
les considérants en droit de son arrêt, que la recourante
s'était rendue en Jamaïque à deux reprises, qu'elle y avait
résidé un certain nombre de jours et qu'elle avait "importé
en Suisse une quantité importante de cocaïne". Ces constata-
tions sont en contradiction avec les faits établis par la
Cour d'assises et correctement relatés dans les considérants
de fait de l'arrêt attaqué, selon lesquels K.________ ne
s'est rendue qu'une seule fois en Jamaïque en décembre 1998.

Il ressort par ailleurs des observations formulées
par la Cour de cassation, en réponse au recours de droit pu-
blic, que l'évocation de deux déplacements en Jamaïque ne
constitue pas une simple erreur dans la retranscription d'un
élément de fait dans la partie "en droit" de l'arrêt, mais
relève d'une confusion avec le cas d'une coaccusée, qui a
fait deux voyages en Jamaïque dans le but de rapporter de la
drogue, le second lui ayant permis d'introduire en Suisse
une
quantité importante de cocaïne. Il n'est pas exclu que cette
confusion ait joué un rôle dans l'appréciation de la quotité
de la peine infligée à la recourante et, partant, dans la
confirmation de l'arrêt de la Cour d'assises.

Dans ces conditions, le recours doit être admis sur
ce point et l'arrêt attaqué être annulé, sans qu'il soit né-
cessaire d'examiner plus avant le grief de déni de justice
prétendument lié au défaut d'assistance judiciaire gratuite.
A toutes fins utiles, il convient de rappeler, au cas où
l'autorité compétente serait amenée à désigner un nouveau
défenseur d'office, que la nomination en cette qualité d'un
avocat stagiaire est conforme tant à l'art. 29 al. 3 Cst.
qu'à l'art. 6 § 1 et 3 let. c CEDH, pour une procédure de
l'importance de celle dans laquelle la recourante est impli-
quée (ATF 126 I 194 ss).

3.- Vu l'issue du recours, la requête d'assistance
judiciaire devient sans objet. Conformément à l'art. 156 al.
2 OJ, aucun émolument ne sera mis à la charge du canton de
Genève. Ce dernier versera en revanche une indemnité de
1'200 fr. à titre de dépens à la recourante, qui obtient
gain
de cause avec l'assistance d'un homme de loi (art. 159 al. 1
OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet le recours et annule l'arrêt rendu le 25
août 2000 par la Cour de cassation du canton de Genève.

2. Dit qu'il n'est pas perçu d'émolument judiciaire.

3. Dit que l'Etat de Genève versera à la recourante
une indemnité de 1'200 fr. à titre de dépens.

4. Communique le présent arrêt en copie au mandatai-
re de la recourante, au Procureur général et à la Cour de
cassation du canton de Genève.

Lausanne, le 5 décembre 2000
PMN/col

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.613/2000
Date de la décision : 05/12/2000
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-12-05;1p.613.2000 ?
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