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05/12/2000 | SUISSE | N°1P.212/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 05 décembre 2000, 1P.212/2000


«/2»

1P.212/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

5 décembre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Nay et Jacot-Guillarmod. Greffier: M. Kurz.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

R._________, représenté par Mes Pierre Christe et Sylvaine
Perret-Gentil Hofstetter, avocats à Delémont et Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 1er mars 2000 par la Cour pénale du
Tribunal
canto

nal de la République et canton du Jura, dans la cause
qui oppose le recourant à la Confédération Suisse, représen-
tée p...

«/2»

1P.212/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

5 décembre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Nay et Jacot-Guillarmod. Greffier: M. Kurz.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

R._________, représenté par Mes Pierre Christe et Sylvaine
Perret-Gentil Hofstetter, avocats à Delémont et Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 1er mars 2000 par la Cour pénale du
Tribunal
cantonal de la République et canton du Jura, dans la cause
qui oppose le recourant à la Confédération Suisse, représen-
tée par Me Pierre Vallat, avocat à Porrentruy;

(procédure pénale; administration des preuves en appel)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Par jugement du 27 octobre 1998, le Tribunal de
district de Delémont a condamné R._________ à quinze mois
d'emprisonnement avec sursis et à 10'000 fr. d'amende, pour
escroquerie et infraction à la loi fédérale sur l'assurance-
chômage.

R._________ a fait appel de ce jugement auprès de la
Cour pénale du Tribunal cantonal jurassien (ci-après: la
Cour
pénale). Dans le cadre de cette procédure, il a requis, les
7 et 8 octobre 1999, l'administration de preuves complémen-
taires, notamment des auditions de témoins, des productions
de pièces et une expertise.

B.- Par arrêt du 1er mars 2000, la Cour pénale a or-
donné une nouvelle expertise requise par le Ministère public
et la plaignante, et a rejeté la demande de compléments de
preuves de l'appelant, considérant en substance que les preu-
ves proposées n'étaient pas pertinentes.

Par acte du 5 avril 2000, R._________ a formé un re-
cours de droit public contre cet arrêt. Il soutient que le
refus d'administrer les preuves pertinentes et valablement
offertes violerait son droit d'être entendu, ainsi que la
présomption d'innocence et les droits de la défense (art. 6
CEDH et 32 Cst.), en raison de certaines considérations de
la
Cour pénale laissant entendre qu'elle aurait préjugé de la
cause.

R._________ a également déposé une prise à partie
auprès du Tribunal cantonal jurassien contre les juges de la
Cour pénale, auxquels il reprochait de violer leur devoir
d'établir la vérité, et de ne pas instruire à charge et à
décharge. Il demandait que les preuves requises par lui

soient administrées, et qu'une nouvelle procédure de nomina-
tion d'expert soit mise sur pied.

La procédure de recours de droit public a été sus-
pendue, par ordonnance du 13 avril 2000, jusqu'à droit connu
sur la prise à partie.

C.- Par arrêt du 28 juin 2000, le Tribunal extraor-
dinaire désigné le 17 mai 2000 par le Parlement jurassien a
déclaré irrecevable la demande de prise à partie, le droit
cantonal ne prévoyant pas une telle procédure à l'encontre
des juges cantonaux. En tant que moyen de nature discipli-
naire, il était douteux que la prise à partie puisse s'éten-
dre à une autorité collégiale; en tant qu'elle concernait le
refus d'administrer des preuves, le moyen devait être
soulevé
par les voies ordinaires.

Par arrêt du 22 septembre 2000, le Tribunal fédéral
a rejeté, dans la mesure où il était recevable au regard de
l'art. 87 OJ, un recours de droit public formé par
R._________ contre cet arrêt. Les griefs relatifs à la com-
position et à la compétence du Tribunal extraordinaire de-
vaient être soulevés avant que celui-ci ne statue. En dehors
des moyens de droit ordinaires concernant l'administration
des preuves et la récusation des magistrats, ni le droit can-
tonal ni le droit constitutionnel n'exigeaient l'aménagement
d'une procédure de prise à partie.

D.- Sur le vu de cet arrêt, la procédure relative au
recours de droit public dirigé contre l'arrêt du 1er mars
2000 a été reprise le 5 octobre 2000.

Les parties intimées n'ont pas été invitées à se dé-
terminer.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral examine d'office la receva-
bilité des recours qui lui sont soumis (ATF 126 I 81 consid.
1, 125 I 253 consid. 1a, 412 consid. 1a p. 414 et les arrêts
cités).

a) Selon l'art. 87 OJ, dans sa version antérieure au
1er mars 2000, le recours de droit public fondé sur l'art. 4
aCst. n'est recevable que contre les décisions finales ou
les
décisions incidentes causant à l'intéressé un préjudice irré-
parable. La modification entrée en vigueur le 1er mars 2000,
étend cette restriction à tous les recours de droit public,
quel que soit le grief invoqué. Le recours formé le 5 avril
2000 contre un arrêt rendu le 1er mars 2000, doit être
soumis
à la nouvelle disposition, de sorte qu'il est indifférent
que
le recourant invoque d'autres griefs que ceux tirés de
l'art.
4 aCst. Au reste, l'ancien art. 87 OJ aurait également été
applicable, car, comme cela est relevé ci-dessous, les
griefs
tirés de la présomption d'innocence apparaissent, pour
autant
qu'ils aient une portée indépendante, manifestement mal fon-
dés. Selon l'art. 87 al. 1 OJ, le recours de droit public
est
recevable contre les décisions incidentes sur la compétence
et sur les demandes de récusation. Dans une certaine mesure,
le recourant met en doute l'impartialité de la Cour d'appel,
puisqu'il lui reproche d'avoir une opinion préformée sur la
cause, notamment quant au caractère indu des indemnités per-
çues. Le recourant n'a toutefois pas formellement requis la
récusation de la cour pour ce motif, et l'argument soulevé
n'a guère de rapport avec le refus d'administrer des
preuves,
unique objet de la décision attaquée.

b) L'arrêt attaqué est incident, car il se rapporte
à l'administration de compléments de preuves au cours de la
procédure d'appel (ATF 123 I 325 consid. 3b p. 327; 122 I 39
consid. 1a/aa p. 41; 120 Ia 369 consid. 1b p. 372, 120 III

143 consid. 1a p. 144 et les arrêts cités). Il y a donc lieu
de s'interroger sur l'existence d'un préjudice irréparable.

c) Pour qu'un dommage soit irréparable au sens de
l'art. 87 OJ, la décision incidente doit causer à
l'intéressé
un préjudice juridique que la décision finale, par hypothèse
favorable à celui-ci, ne ferait pas entièrement disparaître.
Est exposé à un tel dommage le justiciable qui court le ris-
que d'une atteinte à sa position juridique quant aux voies
de
droit à sa disposition, par l'impossibilité d'un contrôle
constitutionnel (ATF 123 I 325 consid. 3c; 117 Ia 247
consid.
3, 251 consid. 1b p. 253/254 et 396 consid. 1 p. 398/399).
Un
dommage de pur fait, tel que la prolongation de la procédure
ou un accroissement des frais de celle-ci, n'est pas considé-
ré comme un dommage irréparable de ce point de vue (ATF 123
I
325 consid. 3c). Il appartient au recourant non seulement
d'alléguer, mais encore d'établir le risque de la survenance
d'un dommage irréparable, à moins que cette possibilité ne
laisse pas place au doute (ATF 116 II 80 consid. 2c in fine).

La jurisprudence constante considère ainsi que les
décisions relatives à l'administration des preuves, au stade
de l'instruction, de la première instance ou de la procédure
de recours, ne causent pas de préjudice irréparable, car il
est possible que l'intéressé obtienne ultérieurement une dé-
cision qui efface les effets du refus dont il se plaint (cf.
la jurisprudence citée dans l'arrêt du 22 septembre 2000).
Même si, comme le prétend le recourant, la cour cantonale a
"fermé la porte à toute modification de l'état de fait rete-
nu", il sera possible au recourant de s'en plaindre par le
biais d'un recours dirigé contre la décision finale, en invo-
quant notamment son droit d'être entendu (cf. ATF 126 I 15
consid. 2a p. 16 et les arrêts cités; voir également l'art.
87 al. 3 OJ, ATF 122 I 37 consid. 1a/aa p. 42; 122 II 464
consid. 4a).

d) Le recourant relève qu'en raison d'un changement
de main de l'entreprise, les renseignements et documents re-
quis, qui ne figurent pas au dossier, seraient "encore davan-
tage" exposés à disparaître. L'éventuelle destruction ou al-
tération de documents propres à servir de moyens de preuve
peut constituer, dans la perspective de la procédure pénale,
un préjudice irréparable (cf. arrêt du 26 octobre 1998, pu-
blié in SJ 1999 I 186 consid. 1b/bb/aaa p. 188). Le
recourant
doit toutefois démontrer en quoi ce risque serait vraisembla-
ble, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Faute de toute in-
dication de la part du recourant, on ne voit pas en quoi des
documents - que le repreneur de l'entreprise est a priori
tenu de conserver - risqueraient d'être détruits ou altérés.
Ce risque paraît en outre exclu en ce qui concerne les audi-
tions de témoins et l'expertise requises par le recourant.

2.- Sur le vu de ce qui précède, le recours de droit
public doit être déclaré irrecevable. Un émolument
judiciaire
est mis à la charge du recourant qui succombe, conformément
à
l'art. 156 al. 1 OJ.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

vu l'art. 36a OJ:

1. Déclare le recours irrecevable.

2. Met à la charge du recourant un émolument judi-
ciaire de 4000 fr.

3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires du recourant, de la Confédération Suisse et de
M.________, ainsi qu'au Substitut du Procureur général, à la
Cour pénale du Tribunal cantonal et au Tribunal cantonal
extraordinaire du canton du Jura.

Lausanne, le 5 décembre 2000
KUR/col

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.212/2000
Date de la décision : 05/12/2000
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-12-05;1p.212.2000 ?
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