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04/12/2000 | SUISSE | N°5P.427/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 décembre 2000, 5P.427/2000


«AZA 1/2»
5P.427/2000

IIe C O U R C I V I L E
**************************

4 décembre 2000

Composition de la Cour: M. Bianchi, Juge présidant,
M. Raselli et Mme Nordmann, juges. Greffier: M. Abrecht.

_________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

Andreea R a d u c a n, domiciliée en Roumanie, représentée
avec élection de domicile par Mes Jacques Michod et Olivier
Rodondi, avocats à Lausanne,

contre

la sentence arbitrale rendue le 28 septembre 2000 par l

a
Chambre ad hoc, constituée pour les Jeux olympiques de Syd-
ney, du Tribunal arbitral du sport, dont le siège est à L...

«AZA 1/2»
5P.427/2000

IIe C O U R C I V I L E
**************************

4 décembre 2000

Composition de la Cour: M. Bianchi, Juge présidant,
M. Raselli et Mme Nordmann, juges. Greffier: M. Abrecht.

_________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

Andreea R a d u c a n, domiciliée en Roumanie, représentée
avec élection de domicile par Mes Jacques Michod et Olivier
Rodondi, avocats à Lausanne,

contre

la sentence arbitrale rendue le 28 septembre 2000 par la
Chambre ad hoc, constituée pour les Jeux olympiques de Syd-
ney, du Tribunal arbitral du sport, dont le siège est à Lau-
sanne, dans la cause qui oppose la recourante au Comité In-
ternational Olympique, à Lausanne, intimé;

(arbitrage international en matière sportive)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- Andreea Raducan, gymnaste roumaine née le 30
septembre 1983, a remporté le 19 septembre 2000 la médaille
d'or en finale du concours général féminin par équipe de
gymnastique aux Jeux olympiques de Sydney. Elle n'a pas subi
de contrôle antidopage à l'issue de cette épreuve.

Le 20 septembre 2000, Andreea Raducan s'est plainte
d'avoir des maux de tête et le nez qui coule auprès du méde-
cin de l'équipe roumaine de gymnastique, le Dr Oana.
Celui-ci
lui a donné un comprimé de "Nurofen Cold and Flu", qu'elle a
pris en sa présence.

Le 21 septembre 2000, Andreea Raducan a remporté la
finale du concours général féminin individuel de
gymnastique.
Avant le début de cette épreuve, pendant son échauffement,
elle s'est à nouveau plainte de ne pas se sentir bien auprès
du Dr Oana. Ce médecin lui a alors donné un second comprimé
de "Nurofen Cold and Flu", qu'elle a ingéré.

B.- A l'issue de l'épreuve du 21 septembre 2000,
conformément à la procédure antidopage adoptée pour les Jeux
olympiques de Sydney, Andreea Raducan a été conduite au
poste
de contrôle de dopage. Elle y a fourni en trois
prélévements,
entre 23:03 le 21 septembre 2000 et 00:20 le 22 septembre
2000, une quantité d'urine de 62 millilitres (ml) au total.

Analysant cette urine, répartie en deux échantillons
"A" et "B", le "Australian Sports Drug Testing Laboratory" y
a détecté la présence de pseudoéphédrine. La concentration
de
cette substance était comprise entre 88 et 90,6 microgrammes
par millilitre dans l'échantillon "A", qui contenait 80 ml
d'urine, et entre 90,8 et 93,71 microgrammes par millilitre
dans l'échantillon "B", qui contenait 20 ml d'urine.

C.- Le Code antidopage du Mouvement olympique
(ci-après: le Code antidopage), révisé le 1er janvier 2000,
prévoit ce qui suit:

"Chapitre II : Répression du dopage

Article 1

1. Le dopage est contraire aux principes fondamen-
taux de l'Olympisme et de l'éthique sportive et
médicale.

2. Le dopage est interdit.

Article 2

Est qualifié de dopage:

1. l'usage d'un artifice (substance ou méthode) po-
tentiellement dangereux pour la santé des athlètes
et/ou susceptible d'améliorer leur performance, ou

2. la présence dans l'organisme de l'athlète d'une
substance interdite, la constatation de l'usage
d'une telle substance ou la constatation de l'ap-
plication d'une méthode interdite."

L'appendice A du Code antidopage, révisé le 1er
avril 2000, contient les dispositions suivantes:

"I. Classes de substances interdites

A. Stimulants

Les substances interdites appartenant à la classe
(A) comprennent les exemples suivants: (...)
éphédrines**, (...)

**Pour l'éphédrine et la méthyléphédrine, une con-
centration dans l'urine supérieure à 10 microgram-
mes par millilitre sera considérée comme un résul-
tat positif. Pour la phénylpropanolamine et la
pseudoéphédrine, une concentration dans l'urine
supérieure à 25 microgrammes par millilitre sera
considérée comme un résultat positif".

D.- Il résulte d'un rapport établi le 27 septembre
2000 par le Dr Richard Day et déposé à l'audience du même
jour du Tribunal arbitral du sport (cf. lettre F infra) par
Andreea Raducan qu'un comprimé de "Nurofen Cold and Flu" con-
tient 30 mg de pseudoéphédrine et que la concentration de
cette substance trouvée dans les échantillons "A" et "B" est
compatible avec l'ingestion par Andreea Raducan d'un
comprimé
de "Nurofen Cold and Flu" le soir de la compétition du 21
septembre 2000.

E.- Par décision du 26 septembre 2000, le Comité
International Olympique (ci-après: le CIO) a disqualifié
Andreea Raducan du concours général féminin individuel de
gymnastique "pour usage de substances interdites (Chapitre
2,
article 2.2 du Code antidopage du Mouvement olympique)" et a
ordonné au Comité national olympique de Roumanie de retirer
et restituer la médaille d'or et le diplôme accordés à An-
dreea Raducan pour sa première place dans cette épreuve.

F.- Le 26 septembre 2000, Andreea Raducan a déposé
une demande d'arbitrage auprès du Tribunal arbitral du sport
(ci-après: le TAS), en concluant à l'annulation de la déci-
sion du CIO et à sa réintégration comme médaillée d'or.

Par sentence arbitrale motivée du 28 septembre 2000,
le TAS a rejeté la demande et confirmé la décision du CIO.

G.- Agissant par la voie du recours de droit public
au Tribunal fédéral, Andreea Raducan conclut avec suite de
frais et dépens à l'annulation de cette sentence.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le Tribunal fédéral examine d'office et avec une
pleine cognition la recevabilité des recours qui lui sont
soumis (ATF 126 III 275 consid. 1 et les arrêts cités).

a) Le recours de droit public n'est ouvert contre la
sentence du TAS qu'à la double condition que ce prononcé
soit
effectivement une sentence arbitrale internationale, au sens
des art. 176 ss LDIP, et qu'il porte sur des points de
droit,
partant qu'il n'ait pas pour unique objet des règles de jeu
dont l'application échappe en principe à tout contrôle juri-
dique (ATF 119 II 271 consid. 3; 118 II 15 consid. 2; 108 II
15; 103 Ia 410).

b) La sentence arbitrale, au sens de l'art. 189
LDIP, est un jugement rendu, sur la base d'une convention
d'arbitrage, par un tribunal non étatique auquel les parties
ont confié le soin de trancher une cause de nature patrimo-
niale (art. 177 al. 1 LDIP) revêtant un caractère internatio-
nal (art. 176 al. 1 LDIP); une véritable sentence, assimila-
ble au jugement d'un tribunal étatique, suppose que le tribu-
nal arbitral qui la rend offre des garanties suffisantes
d'impartialité et d'indépendance, telles qu'elles
découlaient
de l'art. 58 aCst. et maintenant de l'art. 30 al. 1 Cst.
(ATF
119 II 271 consid. 3; 117 Ia 168 consid. 5a; 107 Ia 158 con-
sid. 2b). Le Tribunal fédéral a admis que le TAS peut être
considéré comme un véritable tribunal arbitral pour ce qui
est des procédures dans lesquelles le Comité International
Olympique (ci-après: le CIO) n'apparaît pas comme partie,
mais où le TAS est institué par une association sportive
internationale comme instance de recours chargée d'examiner
la validité des sanctions prononcées par les organes de cel-
le-ci (ATF 119 II 271 consid. 3b).

c) La question de savoir si le TAS, en tant qu'il
statue sur une demande d'arbitrage tendant à l'annulation
d'une décision du CIO, peut être considéré comme rendant une
véritable sentence arbitrale au sens des art. 176 ss LDIP -
la condition du rattachement international, posée à l'art.
176 al. 1 LDIP, étant quant à elle réalisée en l'espèce (cf.

ATF 119 II 271 consid. 3a) - peut rester indécise. En effet,
le recours de droit public, pour autant qu'il soit
recevable,
devrait de toute manière être rejeté, comme on va le voir.

2.- a) La recourante fait d'abord valoir que l'art.
3.4 du Code antidopage, qui prescrit une quantité minimale
d'urine de 75 ml, aurait été violé en l'espèce. Selon la
recourante, le non-respect de cette règle procédurale viole-
rait le droit fondamental de l'athlète d'obtenir un contrôle
rigoureux et infaillible de son état physique et serait in-
compatible avec le respect de l'ordre public au sens de
l'art. 190 al. 2 let. e LDIP. En effet, dans le cadre d'une
procédure de contrôle de dopage, l'athlète se trouverait
dans
une position précaire, puisque la simple présence d'un pro-
duit interdit dans ses urines fait peser sur lui une présomp-
tion légale de dopage, qu'il ne peut pratiquement renverser
qu'en apportant la preuve d'un acte de malveillance d'un
tiers ou d'un résultat erroné des analyses. La rigueur extrê-
me de cette présomption de dopage - que le Tribunal fédéral
a
considérée comme compatible avec l'ordre public (arrêt G. du
15 mars 1993, consid. 8b non publié à l'ATF 119 II 271 mais
reproduit in Bull. ASA 1993 p. 409) - devrait avoir comme
corollaire une rigueur toute particulière dans l'application
scrupuleuse de la procédure de contrôle de dopage édictée
par
l'autorité sportive.

b) La recourante se plaint également de ce que son
droit d'être entendu, au sens de l'art. 190 al. 2 let. d
LDIP, n'aurait pas été respecté. Elle allègue que devant le
TAS, elle a fait valoir qu'il existait une différence de 38
ml entre la quantité d'urine qu'elle a fournie au poste de
contrôle de dopage (62 ml) et celle qui est parvenue au labo-
ratoire (80 ml dans l'échantillon "A" et 20 ml dans l'échan-
tillon "B"). Prenant position sur cet argument, le TAS a
exposé qu'il était constant que le laboratoire avait reçu un
volume d'urine suffisant pour mener à bien une analyse vala-

ble, et que la divergence entre la quantité d'urine fournie
selon le procès-verbal de contrôle antidopage (62 ml) et
celle résultant des rapports de laboratoire (100 ml) ne pou-
vait raisonnablement être considérée comme ayant pu avoir
une
incidence sur les résultats d'une analyse correctement effec-
tuée (cf. sentence attaquée, ch. 7.5 à 7.7 p. 8/9). Ce fai-
sant, selon la recourante, le TAS ne se serait pas prononcé
sur son grief, la question n'étant pas de savoir si le labo-
ratoire avait reçu un volume d'urine suffisant pour mener à
bien les analyses des échantillons "A" et "B", mais comment
et pourquoi une quantité de liquide supérieure aux 62 ml
d'urine fournis par la recourante s'était finalement retrou-
vée en main du laboratoire.

c) Enfin, la recourante soutient que la sentence
attaquée serait contraire à l'ordre public, au sens de
l'art.
190 al. 2 let. e LDIP, en tant qu'elle violerait le principe
de la bonne foi et de l'égalité de traitement. En effet,
dans
une sentence du 25 juin 1992 rendue en application du Règle-
ment général de la Fédération Équestre Internationale (FEI),
le TAS avait constaté que des bocaux contenant les échantil-
lons d'urine (du cheval) à analyser n'avaient pas été fermés
conformément au Règlement vétérinaire de la FEI; considérant
qu'il devenait par là possible de dévisser légèrement les
couvercles et qu'on ne pouvait dès lors exclure
l'éventualité
d'une manipulation et donc la contamination du contenu des
bocaux par une substance extérieure, le TAS a admis qu'il
subsistait un doute qui devait profiter à l'appelant (cf.
Matthieu Reeb (éd.), Recueil des sentences du TAS 1986-1998,
Berne 1998, p. 99 ss). Traiter différemment la présente espè-
ce, où l'adjonction d'un fluide étranger à l'urine de la
recourante est la seule explication plausible à l'excédent
de
liquide constaté, constituerait une inégalité de traitement
flagrante, violant le principe de la bonne foi de manière
incompatible avec l'ordre public au sens de l'art. 190 al. 2
let. e LDIP.

3.- a) Dans l'ensemble des griefs résumés ci-dessus,
la recourante méconnaît un élément essentiel. En effet, la
recourante a été sanctionnée "pour usage de substances inter-
dites (Chapitre 2, article 2.2 du Code antidopage du Mouve-
ment olympique)". Or selon cette disposition, est qualifiée
de dopage non seulement "la présence dans l'organisme de
l'athlète d'une substance interdite", mais aussi "la consta-
tation de l'usage d'une telle substance".

En l'occurrence, la décision du CIO confirmée par le
TAS ne l'a pas été sur la seule base des analyses d'urine,
qui ont révélé une concentration de pseudoéphédrine trois
fois supérieure au seuil à partir duquel un résultat est
considéré comme positif. En effet, la recourante a admis
avoir pris un comprimé de "Nurofen Cold and Flu" - qui con-
tient 30 mg de pseudoéphédrine - pendant son échauffement
pour la finale du concours général féminin individuel de
gymnastique, ce qui tombe manifestement sous la
qualification
de dopage au sens de l'art. 2.2 du Code antidopage. De fait,
il ressort de la sentence attaquée (cf. ch. 7.8-7.19 p.
9-11)
que le TAS a retenu que la présence dans l'organisme de la
recourante de pseudoéphédrine était bel et bien due à l'in-
gestion - reconnue par la recourante - de ce comprimé, comme
le confirme le rapport du Dr Day du 27 septembre 2000.

b) Dès lors qu'il est avéré que la recourante a pris
juste avant la compétition un comprimé de "Nurofen Cold and
Flu" contenant 30 mg de pseudoéphédrine et que c'est cela
qui
explique la présence dans son urine de pseudoéphédrine à une
concentration trois fois supérieure au seuil entraînant la
qualification de dopage, le TAS n'a pas violé le droit
d'être
entendu de la recourante en se bornant à répondre, au grief
tiré de la divergence entre la quantité d'urine fournie
selon
le procès-verbal de contrôle antidopage et celle résultant
des rapports de laboratoire, que cette divergence ne pouvait

raisonnablement être considérée comme ayant pu avoir une
incidence sur les résultats de l'analyse (cf. consid. 2b
supra).


Toujours parce qu'il est avéré que la présence, dans
les échantillons "A" et "B", de pseudoéphédrine à une concen-
tration largement supérieure au seuil fixé à l'appendice A
du
Code antidopage est due à l'ingestion d'un comprimé de "Nuro-
fen Cold and Flu" juste avant la compétition, la présente
espèce est radicalement différente du cas qui a fait l'objet
de la sentence du TAS du 25 juin 1992 citée par la recouran-
te, de sorte que le grief d'une inégalité de traitement in-
compatible avec l'ordre public au sens de l'art. 190 al. 2
let. e LDIP tombe à faux.

Enfin, dans ces circonstances, on ne saurait préten-
dre, comme le fait la recourante (cf. consid. 2a supra), que
l'inobservation de l'art. 3.4 du Code antidopage, qui pres-
crit le prélèvement d'une quantité minimale d'urine de 75
ml,
aurait pour résultat d'entraîner une violation de l'ordre
public procédural au sens de l'art. 190 al. 2 let. e LDIP.

4.- En définitive, le recours se révèle manifeste-
ment mal fondé en tant qu'il peut être considéré comme rece-
vable et doit par conséquence être rejeté dans la mesure de
sa recevabilité. En application de l'art. 156 al. 1 OJ, la
recourante supportera les frais judiciaires. Il n'y a en
revanche pas lieu d'allouer de dépens dès lors que l'intimé
n'a pas été invité à procéder et n'a en conséquence pas assu-
mé de frais en relation avec la procédure devant le Tribunal
fédéral (art. 159 al. 1 et 2 OJ; Poudret/Sandoz-Monod, Com-
mentaire de la loi fédérale d'organisation judiciaire, vol.
V, 1992, n. 2 ad art. 159 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

vu l'art. 36a OJ:

1. Rejette le recours dans la mesure où il est
recevable.

2. Met un émolument judiciaire de 5'000 fr. à la
charge de la recourante.

3. Communique le présent arrêt en copie aux parties
et à la Chambre ad hoc, constituée pour les Jeux olympiques
de Sydney, du Tribunal arbitral du sport.

__________

Lausanne, le 4 décembre 2000
ABR/frs

Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Juge présidant,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.427/2000
Date de la décision : 04/12/2000
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-12-04;5p.427.2000 ?
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