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04/12/2000 | SUISSE | N°1P.417/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 04 décembre 2000, 1P.417/2000


«/2»

1P.417/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

4 décembre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Catenazzi et Favre. Greffier: M. Thélin.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________, représenté par Me Olivier Vocat, avocat à
Martigny,

contre

le jugement rendu le 26 mai 2000 par la Cour d'appel pénale
du Tribunal cantonal du canton du Valais;

(indemnisation d

u défenseur d'office)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- X.________ exerce la ...

«/2»

1P.417/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

4 décembre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Catenazzi et Favre. Greffier: M. Thélin.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

X.________, représenté par Me Olivier Vocat, avocat à
Martigny,

contre

le jugement rendu le 26 mai 2000 par la Cour d'appel pénale
du Tribunal cantonal du canton du Valais;

(indemnisation du défenseur d'office)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- X.________ exerce la profession d'avocat dans le
canton du Valais. Dès septembre 1996, il a été désigné en
qualité de défenseur d'office du notaire Y.________, prévenu
de diverses infractions liées aux affaires de Z.________.

Me X.________ a assisté son client au cours d'une
longue instruction, puis aux débats devant le Tribunal d'ar-
rondissement. Ce tribunal a acquitté Y.________ de six des
chefs d'accusation élevés contre lui; pour le surplus, il
l'a
reconnu coupable de faux dans les titres commis dans l'exer-
cice d'une fonction publique et l'a condamné à trois mois
d'emprisonnement avec sursis.

Toujours assisté de Me X.________, Y.________, de
même que plusieurs coaccusés, a appelé de ce jugement. Sta-
tuant le 21 mai 1999, la Cour d'appel pénale du Tribunal
cantonal n'a que partiellement confirmé le verdict précité;
elle a réduit la peine à deux mois d'emprisonnement avec
sursis. La Cour d'appel a évalué à 34'000 fr. l'activité
fournie par Me X.________; elle lui a alloué 1'000 fr. de ce
montant sans réduction, à titre de dépens dus à l'appelant
qui obtenait partiellement gain de cause, ainsi que 19'800
fr. correspondant à 60 % du solde, à titre d'indemnisation
due au défenseur d'office d'un prévenu bénéficiant de l'as-
sistance judiciaire; elle lui a en outre alloué les débours,
taxés à 2'200 fr.

B.- Y.________ a déféré l'arrêt du 21 mai 1999 à la
Cour de cassation pénale du Tribunal fédéral, par la voie du
pourvoi en nullité et du recours de droit public, notamment
pour faire valoir qu'une proportion plus importante de ses
frais d'avocat devait être allouée à titre de dépens non ré-

duits. Sur ce point seulement, par arrêt du 3 mars 2000, la
Cour saisie a admis le recours de droit public et a annulé
le
prononcé attaqué; par un autre arrêt du même jour, elle a re-
jeté le pourvoi en nullité. Elle a en outre constaté qu'un
recours de droit public formé par Me X.________ personnelle-
ment, au sujet des dépens, était devenu sans objet.

La Cour d'appel a rendu un nouveau jugement le 26
mai 2000. Elle a, cette fois, évalué à 49'440 fr. les hono-
raires normalement exigibles par l'avocat. Elle lui a attri-
bué les trois quarts de ce montant, soit 37'080 fr., à titre
de dépens non réduits, plus 7'420 fr. correspondant à 60 %
du
solde. Les débours étant maintenus à 2'200 fr., l'Etat
devait
à Me X.________ 46'700 fr. en tout.

C.- Agissant par la voie du recours de droit public,
Me X.________ requiert le Tribunal fédéral d'annuler ce der-
nier jugement. Il se plaint d'inégalité de traitement et
d'arbitraire dans l'application de la législation cantonale.

Invités à répondre, la Cour d'appel a proposé le re-
jet du recours; le Ministère public n'a pas déposé d'observa-
tions. Le recourant a été autorisé à produire une réplique.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- D'après le jugement attaqué, l'avocat est per-
sonnellement créancier non seulement de l'indemnité versée
par l'Etat dans le cadre de l'assistance judiciaire, mais
aussi des dépens que son client obtient à titre de prévenu
partiellement acquitté. Il convient donc d'admettre qu'au
regard de l'art. 88 OJ, l'avocat a qualité pour contester le
montant de l'indemnité et aussi celui des dépens.

2.- Selon la jurisprudence relative aux art. 9 Cst.
ou 4 aCst., l'avocat d'office a contre l'Etat une prétention
de droit public à être rétribué dans le cadre des prescrip-
tions cantonales applicables; il ne s'agit dès lors pas
d'examiner à quelle rémunération l'avocat pourrait prétendre
dans le cadre d'une activité librement consentie et pleine-
ment rétribuée, mais de savoir ce que l'avocat peut exiger
de
l'Etat au titre de l'assistance judiciaire. Dans l'applica-
tion des normes cantonales, l'autorité dispose d'un large
pouvoir d'appréciation et l'avocat n'est protégé, en princi-
pe, que contre l'application arbitraire de ces normes.

Toutefois, l'avocat d'office a droit au moins au
remboursement intégral de ses débours, ainsi qu'à une indem-
nité s'apparentant aux honoraires perçus par le mandataire
plaidant aux frais de son client. Pour fixer cette
indemnité,
l'autorité doit tenir compte de la nature et de l'importance
de la cause, des difficultés particulières que celle-ci peut
présenter en fait et en droit, du temps que l'avocat lui a
consacré, de la qualité de son travail, du nombre des confé-
rences, audiences et instances auxquelles il a pris part, du
résultat obtenu et de la responsabilité qu'il a assumée.
L'autorité doit aussi prendre en considération les charges
inhérentes à l'activité indépendante de l'avocat, telles les
absences dues aux maladies, au service militaire et aux va-
cances, ainsi que la nécessité de s'assurer une retraite con-
venable. A condition d'être équitable, il est admis que la
rémunération de l'avocat d'office puisse être inférieure à
celle du mandataire choisi. En principe, l'indemnité allouée
à l'avocat d'office devrait couvrir les frais généraux de ce
praticien, dont on estime qu'ils correspondent d'ordinaire à
au moins quarante pour cent du revenu professionnel brut,
voire à la moitié. Une indemnité qui ne correspond pas au
moins à cette fraction des honoraires de l'avocat choisi,
normalement destinée à couvrir les frais généraux de
l'étude,
doit en principe être considérée comme inéquitable; à cet

égard, on doit aussi tenir compte de la TVA à acquitter par
l'avocat (ATF 122 I 1 consid. 3a et 3c, avec références dé
taillées; voir aussi ATF 122 I 322 consid. 3b p. 325).

3.- a) En l'occurrence, le jugement attaqué retient
que l'avocat a fourni deux cent quarante-deux heures d'acti-
vité utiles à la cause, et que les dépens correspondant à
cette activité, d'après le tarif applicable, doivent lui
être
versés sans réduction à concurrence des trois quart et à 60
%
pour le solde. Ces points ne sont pas contestés et échappent
donc à l'examen du Tribunal fédéral (cf. art. 90 al. let. b
OJ; ATF 124 I 159 consid. 1e p. 162/163).

b) A l'appui du grief d'inégalité de traitement, le
recourant fait valoir que le montant global non réduit de
49'440 fr. correspond, pour le nombre d'heures précité, à un
tarif horaire de 204 fr. seulement, alors que le Tribunal
cantonal s'est référé à un tarif de 240 fr. dans un jugement
du 27 janvier 2000 concernant l'avocat A.________.

En procédure pénale valaisanne, la décision par la-
quelle les frais sont mis à la charge du fisc entraîne, pour
l'Etat, l'obligation de payer aussi les dépens, au tarif or-
dinaire de l'avocat du prévenu; il incombe à l'avocat de fai-
re valoir les débours et dépens sous la forme d'un décompte
(art. 210 CPP val., dans sa teneur modifiée par l'art. 46
ch.
1 de la loi fixant le tarif des frais et dépens devant les
autorités judiciaires et administratives, ci-après LTar, du
14 mai 1998). Les dépens correspondent essentiellement aux
frais d'avocat, c'est-à-dire aux débours et honoraires de ce
conseil (art. 3 al. 1 et 3 LTar). Les honoraires sont fixés
entre le minimum et le maximum prévus par la loi, TVA compri-
se, d'après la nature et l'importance de la cause, ses diffi-
cultés, l'ampleur du travail, le temps utilement consacré
par
l'avocat et la situation financière de la partie (art. 26
al.
1 et 3 LTar). Dans des circonstances particulières, les hono-

raires peuvent être taxés au dessus ou, au contraire, au des-
sous des limites légales (art. 28 al. 1 et 2 LTar). Les hono-
raires sont ainsi compris, en principe, entre 500 et
5'000 fr. pour la procédure devant le Juge d'instruction,
1'000 et 8'000 fr. pour la procédure devant le Tribunal d'ar-
rondissement en première instance et, également, 1'000 et
8'000 fr. pour l'appel au Tribunal cantonal (art. 36 let. d,
f et i LTar). Ces dispositions de la loi du 14 mai 1998 sont
applicables aussi aux procédures pendantes lors de son
entrée
en vigueur (art. 47 al. 2 LTar).

On constate que la loi applicable ne prévoit aucune-
ment l'évaluation des honoraires sur la base d'un tarif ho-
raire; le juge doit seulement effectuer une appréciation sur
la base de critères généraux, dans le cadre des limites pres-
crites. Dans la présente affaire, celles-ci ont d'ailleurs
été, à juste titre, largement dépassées en raison de l'am-
pleur du dossier et des débats. Pour le surplus, il est
exact
que dans son jugement du 27 janvier 2000 dans la cause
A.________, le Tribunal cantonal a mentionné que le tarif de
240 fr. l'heure était "implicitement retenu par la [loi du
14
mai 1998]". Dans cette affaire toutefois, à la différence de
la présente cause, le Tribunal cantonal n'a procédé à aucune
évaluation chiffrée du nombre d'heures que l'avocat avait
consacrées à sa mission; il apparaît donc que le tribunal
n'a
alors pas non plus effectivement appliqué le tarif précité
pour arrêter le montant des honoraires. Au regard de cette
situation, le recourant n'est pas fondé à réclamer, sur la
base du droit constitutionnel à l'égalité de traitement,
l'application rigoureuse d'un tarif de 240 fr. l'heure qui
n'a pas joué de rôle déterminant dans le précédent invoqué.
Même si, comme le souligne le recourant, il n'existe aucun
motif objectif de réduire les dépens en cause, l'évaluation
critiquée n'apparaît pas non plus arbitraire au sens de la
jurisprudence (ATF 126 I 168 consid. 3a p. 170) pour cette

seule raison qu'elle s'écarte dudit tarif (arrêt non publié
du 10 novembre 2000, V. c. VS, TC, consid. 5).

c) A l'appui du grief d'arbitraire, le recourant
fait en outre valoir que la réduction à 60 % d'un quart de
ses honoraires, conformément à l'art. 29 al. 1 LTar relatif
à
l'indemnité versée dans le cadre de l'assistance judiciaire,
aboutit à un tarif horaire net, hors TVA, de 114 fr. pour
cette indemnité. Il conteste que ce montant suffise à
couvrir
les frais généraux d'une étude d'avocats. Considéré isolé-
ment, ledit montant semble effectivement faible et ne laisse
certainement aucune marge à l'avocat; néanmoins, il n'appa-
raît pas manifestement sous-estimé. En l'espèce, il convient
de prendre aussi en considération qu'une part importante de
l'activité fournie est rémunérée à un tarif plus élevé,
alors
même qu'elle concernait un prévenu assisté. Dans ces condi-
tions, le grief d'arbitraire apparaît lui aussi mal fondé.

4.- Le recours de droit public, en tous points privé
de fondement, doit être rejeté; l'émolument judiciaire incom-
be à son auteur.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours.

2. Met un émolument judiciaire de 3'000 fr. à la
charge du recourant.

3. Communique le présent arrêt en copie au manda-
taire du recourant, au Ministère public et à la Cour d'appel
pénale du Tribunal cantonal du canton du Valais.

Lausanne, le 4 décembre 2000
THE/col

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.417/2000
Date de la décision : 04/12/2000
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-12-04;1p.417.2000 ?
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