La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

01/12/2000 | SUISSE | N°5P.422/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 01 décembre 2000, 5P.422/2000


«/2»

5P.422/2000

IIe C O U R C I V I L E
**************************

1er décembre 2000

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme Nordmann, juges. Greffier: M. Abrecht.

_________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

U.________, représenté par Me Peter Schaufelberger, avocat à
Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 28 septembre 2000 par la Cour
administrative
du Tribunal cantonal du canton de Vaud, rejetant la requête
de ré

cusation du Juge cantonal X.________, Juge instructeur
de la Cour civile du Tribunal cantonal dans la cause qui
oppose le recoura...

«/2»

5P.422/2000

IIe C O U R C I V I L E
**************************

1er décembre 2000

Composition de la Cour: M. Reeb, président, M. Bianchi et
Mme Nordmann, juges. Greffier: M. Abrecht.

_________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

U.________, représenté par Me Peter Schaufelberger, avocat à
Lausanne,

contre

l'arrêt rendu le 28 septembre 2000 par la Cour
administrative
du Tribunal cantonal du canton de Vaud, rejetant la requête
de récusation du Juge cantonal X.________, Juge instructeur
de la Cour civile du Tribunal cantonal dans la cause qui
oppose le recourant à A.________, B.________ et C.________,
tous trois représentés par Me Eric Stoudmann, avocat à Lau-
sanne;

(violation du droit d'être entendu)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- U.________ (ci-après: le recourant) est deman-
deur dans un procès en nullité de testaments dans la succes-
sion de dame S.________. Ce procès, ouvert en 1986 devant la
Cour civile du Tribunal cantonal vaudois contre A.________,
B.________ et C.________, est instruit par le Juge cantonal
X.________.

B.- Le 14 mars 2000, le recourant a déposé une re-
quête de réforme (art. 153 ss CPC/VD) ainsi qu'une requête
de
seconde expertise (art. 239 CPC/VD).

La requête de réforme tendait en substance à intro-
duire au procès un certain nombre d'allégués nouveaux - à
prouver par pièces, expertise et témoins - démontrant qu'en
raison d'une cécité quasi complète, la défunte dame
S.________ était dans l'incapacité de rédiger de sa propre
main des testaments olographes ou même d'apposer sa
signature
au bas d'un testament public sans que son écriture ne soit
affectée de malformations apparentes.

Quant à la requête en seconde expertise, elle était
motivée notamment par des auditions de témoins effectuées
postérieurement à l'expertise judiciaire du Dr P.________,
rendue le 17 janvier 1996; selon le demandeur, certains de
ces témoignages mettaient en cause la force probante d'un
rapport d'expertise antérieur - établi le 27 février 1984
sous la direction du Prof. B.________ - sur lequel l'expert
judiciaire s'était en partie fondé, tandis que d'autres
apportaient des précisions déterminantes pour l'appréciation
de la capacité de tester de la défunte.

C.- Le 14 juin 2000, le Juge instructeur de la Cour
civile a écrit ce qui suit à l'avocat du recourant:

"Je refuse de traiter, partant vous restitue en
annexe, la requête de seconde expertise déposée le
14 mars 2000.

J'ai déjà statué sur ce point en 1996 et aucune
disposition du code de procédure civile ne me per-
met de réexaminer une telle décision."

En outre, le 31 juillet 2000, ce magistrat a rendu
un jugement incident rejetant la requête de réforme déposée
le 14 mars 2000. Il y a utilisé à plusieurs reprises le
terme
de "disposante" et s'est notamment exprimé sur la pertinence
d'une pièce produite "sur la cécité supposée de dame
S.________ lorsqu'elle a rédigé ses testaments", ainsi que
sur la pertinence de l'audition d'un témoin qui se trouvait
chez le Professeur Y.________ "le jour où celui-ci a reçu
dame S._________ pour la rédaction du testament litigieux".

D.- Le 6 septembre 2000, le recourant a déposé une
requête de récusation du Juge cantonal X.________. Il y expo-
se notamment qu'en qualifiant la défunte de "disposante"
dans
son jugement rejetant la requête de réforme, ce magistrat
"laisse déjà entrevoir qu'il reconnaît pleinement les derniè-
res volontés rédigées par dame S.________", et que
"lorsqu'il
écrit que c'est elle qui a rédigé les testaments litigieux,
alors que c'est l'un des points les plus contestés de toute
la procédure, il révèle qu'il a déjà acquis une opinion sur
l'issue à donner au litige". Il y soutient par ailleurs que
le Juge instructeur, en refusant tout simplement de statuer
sur la requête de deuxième expertise, "reconnaît nécessaire-
ment à l'expertise déjà au dossier une valeur probante que
le
requérant lui conteste et exprime son opinion au sujet de
l'appréciation des preuves et du sort du procès".

La Cour administrative a recueilli les détermina-
tions du Juge cantonal X.________ et des défendeurs au fond

sur la requête de récusation. Les déterminations du Juge
cantonal X.________ étaient les suivantes:

"Sur la question de la seconde expertise, je me ré-
fère à la décision, motivée, du 3 juin 1996 à la-
quelle renvoie ma correspondance du 14 juin 2000 et
j'annexe à la présente une copie de dite décision.

Sur la question de la réforme, je me réfère dans
son entier au jugement incident du 31 juillet 2000
et aux dispositions légales qui y sont citées."

La Cour administrative du Tribunal cantonal a impar-
ti au recourant un délai au 27 septembre 2000 pour faire
part
de ses éventuelles remarques sur ces déterminations. Dans le
délai imparti, le recourant a formulé ses observations, dans
lesquelles il expose notamment que la requête de seconde ex-
pertise du 14 mars 2000 se fonde sur "des éléments nouveaux
que l'administration des preuves, postérieure au dépôt du
rapport d'expertise, a permis de mettre en lumière".

E.- Statuant dans sa séance du 28 septembre 2000, la
Cour administrative a rejeté la requête de récusation.

S'agissant du rejet de la requête de seconde exper-
tise du 14 mars 2000, les juges cantonaux ont considéré que
le recourant avait déjà déposé, pour les mêmes motifs et au
sujet des mêmes faits, une requête de seconde expertise que
le Juge instructeur avait rejetée le 3 juin 1996, de sorte
qu'en écartant préjudiciellement comme identique la requête
du 14 mars 2000, le Juge instructeur ne s'était pas rendu
suspect de partialité (arrêt attaqué, p. 3).

Pour ce qui est du jugement incident du 31 juillet
2000, la cour cantonale a estimé que l'évocation par le Juge
instructeur du jour où le Professeur Y.________ avait "reçu
dame S.________ pour la rédaction" de l'un des trois testa-

ments litigieux - alors même qu'au fond la question de
savoir
si la défunte était bien l'auteur de ces testaments restait
à
trancher - s'expliquait manifestement par le souci stylisti-
que de ne pas alourdir le texte du jugement incident. Au sur-
plus, le recourant avait lui-même recouru à de telles el-
lipses, de sorte que la demande de récusation ne pouvait
être
admise de ce chef (arrêt attaqué, p. 3/4).

F.- Agissant par la voie du recours de droit public
au Tribunal fédéral, le recourant conclut avec suite de
frais
et dépens à l'annulation de cet arrêt. Un échange
d'écritures
n'a pas été ordonné.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Le recourant invoque la violation de son droit
d'être entendu au sens des art. 6 § 1 CEDH et 29 al. 2 Cst.,
ceci sous l'angle du droit de s'exprimer et d'exposer ses
moyens, du déni de justice formel - en tant que l'autorité
cantonale ne se serait pas prononcée sur certains des griefs
soulevés - et de l'obligation de rendre une décision
motivée,
dans la mesure où ce troisième grief ne se recoupe pas avec
le précédent.

2.- a) Le recourant rappelle tout d'abord que le
droit d'être entendu, au sens propre, comprend la faculté
d'exposer ses arguments de fait et de droit, de répondre aux
objections des parties adverses et de se déterminer sur le
dossier de la cause. Or la Cour administrative a statué le
28
septembre 2000, "c'est-à-dire au mieux le jour même où les
observations du recourant du 27 septembre 2000 lui parve-
naient". Dès lors que l'arrêt attaqué ne contient aucune
référence au fait que la requête de seconde expertise était
motivée par des éléments de preuve postérieurs au dépôt du
rapport d'expertise et à l'ordonnance du Juge instructeur du

3 juin 1996, force est de conclure, selon le recourant, que
"la Cour administrative a statué avant de recevoir les obser-
vations du recourant du 27 septembre 2000", violant ainsi
son
droit d'être entendu.

b) Les observations du recourant du 27 septembre
2000 sont parvenues à l'autorité cantonale le 28 septembre
2000, comme l'atteste le timbre humide apposé sur les obser-
vations figurant au dossier. Comportant 5 pages, elles peu-
vent être rapidement lues, et rien ne permet de mettre en
doute le fait que les juges cantonaux les ont effectivement
lues avant de rendre leur décision.

c) Par ailleurs, l'autorité cantonale n'avait aucune
obligation de se prononcer expressément sur l'argument - que
le recourant n'avait pas évoqué dans sa requête de récusa-
tion, de sorte que l'on peut déjà se demander s'il pouvait
encore le faire dans ses observations du 27 septembre 2000
en
réponse à des déterminations du Juge cantonal X.________ qui
ne comportaient aucun élément nouveau (cf. Michele
Albertini,
Der verfassungsmässige Anspruch auf rechtliches Gehör im
Verwaltungsverfahren des modernen Staates, thèse Berne 2000,
p. 332 et les références citées) - tiré du fait que la requê-
te de seconde expertise était motivée par des éléments de
preuve postérieurs au dépôt du rapport d'expertise et à l'or-
donnance du Juge instructeur du 3 juin 1996.

En effet, si le droit d'être entendu - tel qu'il
était déduit de l'art. 4 de la Constitution fédérale du 29
mai 1874 et tel qu'il est désormais garanti par l'art. 29
al.
2 de la Constitution fédérale du 18 avril 1999 - implique
l'obligation pour le juge de motiver ses décisions, le juge
n'est pas tenu d'exposer et de discuter tous les faits,
moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais
peut au contraire se limiter à ceux qui, sans arbitraire,
apparaissent pertinents (ATF 126 I 97 consid. 2b; 122 IV 8

consid. 2c; 121 I 54 consid. 2c; 117 Ib 64 consid. 4 p. 86;
112 Ia 107 consid. 2b et les arrêts cités).

Or le refus d'une requête en complément de preuve,
telle qu'une requête de seconde expertise, relève d'une ap-
préciation anticipée admissible des preuves (cf. ATF 117 Ia
262 consid. 4b) qui ne saurait en soi fonder une suspicion
de
partialité (arrêt non publié H. et cts c. CFF du 22 août
1997
[1P.105/1997], consid. 2b; cf. aussi l'ATF 115 Ia 400
consid.
3b, selon lequel une faute de procédure ou une décision éven-
tuellement erronée matériellement ne peut, en principe, pas
à
elle seule fonder l'apparence de prévention chez un juge).
Sous cet angle, la requête de récusation apparaissait d'em-
blée comme non-pertinente et visant à pallier l'absence d'un
recours immédiat contre la décision du Juge instructeur refu-
sant d'ordonner une seconde expertise (sur les correctifs et
recours à disposition des parties, cf. Poudret/Wurzburger/
Haldy, Procédure civile vaudoise, 1996, n. 3 ad art. 239 et
n. 3 ad art. 238 CPC/VD).

3.- a) Le recourant se plaint également d'un déni de
justice formel (cf. ATF 115 Ia 1), respectivement d'une vio-
lation de l'obligation faite au juge de motiver sa décision,
à deux égards: d'une part, en tant que la cour cantonale n'a
fait aucune référence au fait que la requête de seconde ex-
pertise était motivée par des éléments de preuve postérieurs
au dépôt du rapport d'expertise; d'autre part, en tant qu'el-
le ne se serait pas déterminée sur la prévention résultant
du
passage du jugement incident du 31 juillet 2000 sur "la céci-
té supposée de dame S.________ lorsqu'elle a rédigé ses tes-
taments", où la cécité est qualifiée de supposée tandis que
la rédaction des testaments litigieux par la défunte serait
présentée comme un fait acquis.

b) Ainsi qu'il a déjà été exposé (cf. consid. 2c
supra), le refus par le Juge instructeur d'ordonner une se-

conde expertise, en tant qu'il relève d'une appréciation
anticipée admissible des preuves, apparaissait d'emblée im-
propre à fonder la requête de motivation, de sorte que la
cour administrative ne peut se voir reprocher ni déni de
justice formel, ni violation de l'obligation de motiver sa
décision pour n'être pas entrée en discussion sur le bien-
fondé ou non du refus d'ordonner une seconde expertise.

c) Quant à l'argument, soulevé dans la requête de
récusation, selon lequel le Juge instructeur, en écrivant
que
dame S.________ a rédigé les testaments litigieux, aurait
déjà révélé son opinion sur l'issue à donner au litige, non
seulement la cour cantonale y a répondu, mais l'insistance
du
recourant sur ce point est au surplus desservie par le fait
qu'il parle lui-même, dans sa requête de récusation (p. 9),
des "dernières volontés rédigées par dame S.________", démon-
trant par là même l'inanité de son exégèse stylistique.

4.- En définitive, le recours se révèle manifeste-
ment mal fondé et ne peut dès lors qu'être rejeté aux frais
de son auteur (art. 156 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l ,

vu l'art. 36a OJ:

1. Rejette le recours.

2. Met un émolument judiciaire de 2'000 fr. à la
charge du recourant.

3. Communique le présent arrêt en copie au man-
dataire du recourant et à la Cour administrative du Tribunal
cantonal du canton de Vaud.

__________

Lausanne, le 1er décembre 2000
ABR/frs

Au nom de la IIe Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE :
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 5P.422/2000
Date de la décision : 01/12/2000
2e cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-12-01;5p.422.2000 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award