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01/12/2000 | SUISSE | N°1P.577/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 01 décembre 2000, 1P.577/2000


«/2»

1P.577/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

1er décembre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Favre et Mme Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffier: M. Parmelin.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

F.________, représenté par Me Jacques Roulet, avocat à
Genève,

contre

l'arrêt rendu le 9 août 2000 par le Tribunal administratif
du
canton de Genève dans la ca

use qui oppose le recourant à la
société G.________, à la communauté des propriétaires par
étage X.________, aux consorts M._...

«/2»

1P.577/2000

Ie C O U R D E D R O I T P U B L I C
**********************************************

1er décembre 2000

Composition de la Cour: MM. les Juges Aemisegger, Président,
Favre et Mme Pont Veuthey, Juge suppléante.
Greffier: M. Parmelin.

Statuant sur le recours de droit public
formé par

F.________, représenté par Me Jacques Roulet, avocat à
Genève,

contre

l'arrêt rendu le 9 août 2000 par le Tribunal administratif
du
canton de Genève dans la cause qui oppose le recourant à la
société G.________, à la communauté des propriétaires par
étage X.________, aux consorts M.________, à savoir
A.________, B.________ et M.________, tous représentés par
Me
Christian Fischele, avocat à Genève, à S.________, à
O.________, et au Département de l'aménagement, de l'équipe-
ment et du logement du canton de G e n è v e ;

(permis de construire; indice d'utilisation)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- F.________ est propriétaire de la parcelle n°
2563 de la commune de Bernex, au n° 10 du chemin de la Dis-
tillerie; d'une surface de 736 mètres carrés, ce bien-fonds,
classé en 4ème zone B protégée au sens des art. 19 al. 2
let.
b et 28 de la loi genevoise d'application de la loi fédérale
sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987, accueille
sept places de parc en limite de propriété avec la parcelle
n° 2564. Ces places ont été réalisées en exécution d'une
autorisation de construire sur cette dernière parcelle un
immeuble locatif de quatre appartements avec surface com-
merciale délivrée le 30 mars 1984; elles font l'objet d'une
servitude d'usage de place de stationnement au profit de la
parcelle n° 2564, inscrite au registre foncier le 5 octobre
1988.

B.- Le 22 avril 1998, F.________ a déposé une deman-
de définitive en autorisation de construire visant à
réaliser
sur la parcelle n° 2563 trois villas contiguës ainsi qu'un
couvert pour voitures.

Par décision du 15 octobre 1998, publiée dans la
Feuille d'Avis Officielle du canton de Genève le 21 octobre
1998, le Département cantonal de l'aménagement, de l'équipe-
ment et du logement (ci-après: le Département) a accordé
l'autorisation de construire sollicitée.

C.- Par acte du 12 novembre 1998, mis à la poste le
17 novembre 1998, la communauté des propriétaires par étage
X.________ (ci-après: la PPE X.________), propriétaire de la
parcelle n° 2564, a saisi la Commission cantonale de recours
instituée par la loi sur les constructions et installations
diverses (ci-après: la Commission de recours) d'un recours

contre cette décision en dénonçant notamment un dépassement
de l'indice d'utilisation du sol fixé par le règlement de
construction du village de Bernex, adopté par le Conseil
d'Etat genevois le 30 avril 1980, et le non-respect des rè-
gles sur les distances aux limites.

Le 18 novembre 1998, les consorts M.________, pro-
priétaires de la parcelle n° 2562, ont également recouru con-
tre la décision du Département en se plaignant de la viola-
tion d'une servitude de non-bâtir inscrite au registre fon-
cier le 9 janvier 1945 et grevant la parcelle n° 2563 au pro-
fit de l'Etat de Genève. O.________, propriétaire de l'immeu-
ble sis au n° 7 du chemin de la Distillerie, en a fait de
même en invoquant la violation de la servitude d'usage de
parking grevant la parcelle n° 2563 en sa faveur.

S.________, propriétaire avec son épouse de la par-
celle n° 2565, s'est opposé à l'octroi de l'autorisation de
construire délivrée à F.________ en faisant valoir un dépas-
sement de l'indice d'utilisation du sol, la perte de vue et
d'ensoleillement, les problèmes de circulation et de station-
nement engendrés par le projet, ainsi que l'absence au dos-
sier de toute indication relative à l'abattage d'arbres.

Quant à la société G.________, propriétaire d'un lo-
cal commercial au sous-sol de l'immeuble érigé sur la parcel-
le n° 2564, elle a recouru le 20 novembre 1998 au motif que
la construction érigée sur cette parcelle avait épuisé les
droits à bâtir des deux biens-fonds, que le projet litigieux
ne tenait pas compte de la servitude d'usage de place de sta-
tionnement et que l'autorisation nécessaire à l'abattage de
deux sapins et d'une haie de thuyas faisait défaut.

D.- Statuant le 29 juin 1999, la Commission de re-
cours a rejeté les recours des opposants, après les avoir
joints, et a confirmé la décision du Département du 15 octo-
bre 1998; elle a considéré en substance que le projet liti-
gieux devait être examiné exclusivement au regard de la par-
celle n° 2563, s'agissant des droits à bâtir, et qu'il res-
pectait l'indice d'utilisation du sol fixé dans le règlement
de construction du village de Bernex. Elle s'est au surplus
estimée incompétente pour traiter des questions de
servitude,
qui ressortaient exclusivement du domaine du droit privé.

Par actes du 27 août 1999, les consorts M.________
et la société G.________ ont saisi le Tribunal administratif
du canton de Genève (ci-après: le Tribunal administratif ou
la cour cantonale) d'un recours que cette autorité a admis
par arrêt du 9 août 2000. Elle a retenu pour sa part que la
surface de la parcelle n° 2563 avait été prise en compte
dans
le cadre du projet de construction réalisé sur la parcelle

2564 pour calculer l'indice d'utilisation du sol, que les
droits à bâtir de la parcelle n° 2563 étaient ainsi épuisés
et que l'octroi d'une dérogation au règlement communal de
construction du village de Bernex sur ce point ne se justi-
fiait pas. En conséquence, elle a annulé l'autorisation de
construire délivrée le 15 octobre 1998 par le Département.

E.- Agissant par la voie du recours de droit public
pour violation des art. 9 et 26 Cst., F.________ demande au
Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt. Il reproche au
Tribunal
administratif d'avoir arbitrairement apprécié les faits en
retenant que les propriétaires de la parcelle n° 2564
avaient
utilisé les droits à bâtir de la parcelle n° 2563. Il voit
en
outre dans la solution retenue dans l'arrêt attaqué une at-
teinte à son droit de propriété équivalant à une expropria-
tion matérielle, sans que les conditions posées à une telle
restriction ne soient respectées.

La cour cantonale se réfère à son arrêt. Le Départe-
ment conclut à l'admission du recours. La société G.________
S.A., la PPE X.________ et les consorts M.________ proposent
son rejet. S.________, O.________ et la Commission de
recours
n'ont pas déposé d'observations.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Interjeté en temps utile contre une décision fi-
nale prise en dernière instance cantonale, qui ne peut être
attaquée que par la voie du recours de droit public et qui
touche le recourant dans ses intérêts juridiquement protégés
(cf. ATF 114 Ia 209 consid. 1a p. 211), le présent recours
est recevable au regard des art. 84 ss OJ.

2.- Le recourant reproche au Tribunal administratif
d'avoir apprécié les faits de manière arbitraire en retenant
que les droits à bâtir de la parcelle n° 2563 avaient été
épuisés par la construction réalisée sur la parcelle n° 2564
en exécution de l'autorisation de construire délivrée le 30
mars 1984.

a) L'art. 4 du règlement de construction du village
de Bernex fixe l'indice d'utilisation maximum des terrains
situés à l'intérieur des zones de construction à 0,4 pour
les
secteurs des habitations collectives, dont font partie les
parcelles nos 2563 et 2564, et à 0,6 pour le secteur artisa-
nal, les dispositions de l'art. 129 de la loi genevoise sur
les constructions et les installations diverses, du 14 avril
1988 (LCI) étant applicables dans les secteurs des habita-
tions individuelles. L'art. 10 de ce règlement autorise le
département, après consultation de la commune et de la com-
mission compétente, à déroger aux dispositions du présent

règlement si les circonstances le justifient et si cette me-
sure ne porte pas atteinte au but général visé.

En l'occurrence, il n'est pas contesté que l'indice
d'utilisation de 0,4 serait légèrement dépassé par le projet
de construction litigieux mis en rapport avec la surface iso-
lée de la parcelle n° 2563. Il est par ailleurs constant que
cet indice serait largement dépassé s'il fallait tenir
compte
de la construction réalisée sur la parcelle voisine dans le
calcul de la surface brute de plancher. Le recourant
conteste
toutefois cette dernière solution qui résulterait, selon
lui,
d'une interprétation arbitraire de l'accord donné le 28 octo-
bre 1983 par la précédente propriétaire de la parcelle n°
2563 à l'édification d'un immeuble locatif sur la parcelle

2564.

b) Une décision est arbitraire lorsqu'elle viole
gravement une règle ou un principe juridique clair et indis-
cuté ou lorsqu'elle contredit d'une manière choquante le
sentiment de la justice ou de l'équité. Le Tribunal fédéral
ne s'écarte de la solution retenue par l'autorité cantonale
de dernière instance que si elle est insoutenable ou en
contradiction évidente avec la situation de fait, si elle a
été adoptée sans motif objectif ou en violation d'un droit
certain; par ailleurs, il ne suffit pas que les motifs de la
décision attaquée soient insoutenables, encore faut-il que
celle-ci soit arbitraire dans son résultat (ATF 126 I 168
consid. 3a p. 170; 124 I 247 consid. 5 p. 250 et les arrêts
cités). L'appréciation des faits à laquelle l'autorité inti-
mée a procédé ne saurait être taxée d'arbitraire, au sens où
l'entend la jurisprudence précitée. Il ressort en effet de
l'extrait du plan cadastral, annexé à la demande préalable
en
autorisation de construire déposée le 25 avril 1983 pour la
construction d'un immeuble locatif sur la parcelle n° 2564,
que l'indice d'utilisation de 0,4 a été calculé en tenant
compte de la surface cumulée des biens-fonds nos 2563 et

2564, la parcelle n° 2563 étant affectée à une zone de ver-
dure et à une place de jeux, sous réserve des neuf places de
parc prévues en limite de propriété avec la parcelle n°
2564,
réduites à sept places dans le cadre du projet définitif.
L'autorité intimée pouvait sans arbitraire déduire de ces
éléments - au demeurant non contestés par les parties - que
l'immeuble édifié sur la parcelle n° 2564 avait utilisé l'en-
semble des droits à bâtir des deux parcelles. Cette interpré-
tation trouve par ailleurs un appui supplémentaire dans le
fait qu'aucune dérogation à l'art. 4 du règlement de cons-
truction du village de Bernex relatif à l'indice d'utilisa-
tion du sol n'a été accordée, ce qui aurait dû être le cas
si, comme l'affirme le recourant sans pour autant le démon-
trer, l'accord donné le 28 octobre 1983 par la précédente
propriétaire de la parcelle n° 2563 à la réalisation du pro-
jet se limitait à l'implantation de places de parc en limite
de propriété et ne s'étendait pas au transfert de ses droits
à bâtir.

Le recourant est d'avis que cet accord n'aurait
qu'un effet personnel entre parties et n'engagerait pas les
futurs acquéreurs de la parcelle n° 2563. Ce faisant, il
perd
de vue que le transfert d'indice d'utilisation d'une
parcelle
à l'autre implique l'interdiction d'utiliser ultérieurement,
pour le calcul de la surface constructible, la portion de
terrain ainsi mise à contribution (ATF 101 Ia 289 consid. 3a
p. 291; voir aussi, ATF 119 Ia 113 consid. 3c p. 118; 109 Ia
188 consid. 3 p. 190; 108 Ia 116 consid. 3b p. 121/122; 104
Ia 328 consid. 5e p. 335). Il est dès lors douteux que l'ac-
quéreur, fût-il de bonne foi, d'un terrain ayant déjà servi
dans le calcul de la surface constructible d'un projet immo-
bilier réalisé sur une parcelle voisine puisse contester
l'effet d'un tel accord, à tout le moins sous l'angle du
droit public. Il n'y a cependant pas lieu d'examiner plus
avant cette question, car le recourant ne saurait de toute
manière prétendre de bonne foi ignorer les conditions dans

lesquelles est intervenue la réalisation du bâtiment locatif
sur la parcelle n° 2564, étant donné qu'il était l'un des
promoteurs de ce projet.

c) Le recourant prétend que le résultat auquel par-
vient l'arrêt du Tribunal administratif consacrerait une at-
teinte à son droit de propriété équivalant à une expropria-
tion matérielle.

Ce faisant, il perd de vue que l'inconstructibilité
de la parcelle n° 2563 n'est pas due à une mesure d'aménage-
ment du territoire prise par la collectivité publique, mais
à
une décision du précédent propriétaire de céder ses droits à
bâtir à son voisin, qui ne saurait engager la responsabilité
financière de la commune. L'interdiction, qui en résulte,
d'utiliser, pour le calcul de la surface constructible, tout
ou partie de la surface qui a déjà servi à un tel calcul ne
constitue au surplus pas une restriction inadmissible à la
propriété, faute de quoi on parviendrait à détourner par ce
biais la limite d'utilisation imposée par la réglementation
cantonale ou communale à une parcelle déterminée (cf. ATF
108
Ib 116 consid. 3b p. 121/122). Quant à la limitation de l'in-
dice d'utilisation du sol à 0,4, elle repose sur une base lé-
gale, répond à un intérêt public suffisant et n'est pas dis-
proportionnée, s'agissant d'une zone réservée aux
habitations
collectives.

Le grief tiré de la violation de la garantie de la
propriété ancrée à l'art. 26 al. 1 Cst. est donc mal fondé.

d) Pour le surplus, le recourant ne prétend pas que
la cour cantonale aurait fait preuve d'arbitraire en
retenant
que la construction d'un nouveau bâtiment sur la parcelle n°
2563 ne pouvait être admise qu'en dérogation au règlement de
construction du village de Bernex et que les conditions à

l'octroi d'une telle dérogation n'étaient pas réalisées. En

l'absence de tout grief à ce sujet, il n'appartient pas au
Tribunal fédéral d'examiner d'office cette question (cf.
art.
90 al. 1 let. b OJ; ATF 125 I 492 consid. 1b p. 495 et les
arrêts cités).

3.- Le recours doit par conséquent être rejeté aux
frais du recourant, qui succombe (art. 156 al. 1 OJ); ce der-
nier versera en outre une indemnité de dépens à la société
G.________, à la communauté des propriétaires par étage
X.________, et aux consorts M.________, qui obtiennent gain
de cause avec l'assistance d'un mandataire professionnel
(art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours;

2. Met à la charge du recourant un émolument judi-
ciaire de 5'000 fr.;

3. Alloue à la société G.________, à la communauté
des propriétaires par étage X.________, et aux consorts
M.________, créanciers solidaires, une indemnité de 1'000
fr.
à titre de dépens, à la charge du recourant;

4. Communique le présent arrêt en copie aux parties,
au Département de l'aménagement, de l'équipement et du loge-
ment, à la Commission de recours instituée par loi sur les
constructions et installations diverses ainsi qu'au Tribunal
administratif du canton de Genève.

Lausanne, le 1er décembre 2000
PMN/col

Au nom de la Ie Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 1P.577/2000
Date de la décision : 01/12/2000
1re cour de droit public

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-12-01;1p.577.2000 ?
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