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30/11/2000 | SUISSE | N°4P.204/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 30 novembre 2000, 4P.204/2000


«AZA 1/2»

4P.204/2000

Ie C O U R C I V I L E
************************

30 novembre 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffière: Mme Aubry Girardin.

___________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

T é l é v e r b i e r S.A., à Bagnes (VS) et par Guy
A l l a m a n, au Châble (VS), tous deux représentés par
Me Jacques Allet, avocat à Sion,

contre

le jugement rendu le 12 juillet 2000 par la IIe Cour civi

le
du Tribunal cantonal valaisan dans la cause qui oppose les
recourants à Eva V a n n i n e n, à Londres (Grande-Breta-
gne...

«AZA 1/2»

4P.204/2000

Ie C O U R C I V I L E
************************

30 novembre 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffière: Mme Aubry Girardin.

___________

Statuant sur le recours de droit public
formé par

T é l é v e r b i e r S.A., à Bagnes (VS) et par Guy
A l l a m a n, au Châble (VS), tous deux représentés par
Me Jacques Allet, avocat à Sion,

contre

le jugement rendu le 12 juillet 2000 par la IIe Cour civile
du Tribunal cantonal valaisan dans la cause qui oppose les
recourants à Eva V a n n i n e n, à Londres (Grande-Breta-
gne), à Paula V a n n i n e n, à Londres (Grande-Bretagne),
à Laura A i k e n s - V a n n i n e n, à Londres (Grande-
Bretagne), ainsi qu'à Nina D i m o n d - B r o w n -
V a n n i n e n, à Londres (Grande-Bretagne), toutes quatre
représentées par Me Raymond Flückiger, avocat à Sion;

(procédure civile; appréciation arbitraire des preuves)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- A la mi-décembre 1991, la station de Verbier
ne bénéficiait que d'une faible couverture neigeuse et
seules
quelques pistes étaient ouvertes.

Dans la nuit du 19 au 20 décembre 1991, il est tom-
bé entre 20 et 25 cm de neige. Les engins de damage de la so-
ciété Téléverbier S.A. (ci-après: Téléverbier), propriétaire
et exploitante des remontées mécaniques de la station, ont
préparé les pistes.

La piste du Mayentzet, qui constitue l'itinéraire
le plus utilisé par les skieurs pour rejoindre Verbier, a
été
ouverte. Au sommet de cette piste notamment, les organes de
sécurité de Téléverbier ont installé un panneau d'avertisse-
ment mentionnant en français, en allemand et en anglais :
"Attention. Faible enneigement. Soyez prudents".

Au quart inférieur de la descente du Mayentzet, les
pistes noire et rouge coupent un chemin skiable transversal.
Après ce croisement, la piste rouge continue à gauche d'une
grange, puis passe sous le télésiège, à gauche et en amont
du
pylône n° 1.

Un ruisseau prend sa source près de la grange. En
été 1991, il a été capté en aval du pylône n° 1 et canalisé
de façon souterraine. La prise d'eau a été constituée par
deux murets en béton dont l'un en tout cas dépassait du ni-
veau naturel du sol de 20 cm environ et était à nu.

Le 20 décembre 1991 au matin, les patrouilleurs ont
balisé la piste rouge du Mayentzet selon son tracé habituel
(à gauche en descendant du pylône), en posant à droite et à

gauche de la piste des piquets espacés de 10 mètres environ
l'un de l'autre.

Les dameuses sont descendues en suivant le tracé de
la piste, soit à gauche du pylône n° 1, puis sont remontées
de l'autre côté du pylône, où la pente est moins forte. Le
passage des machines à droite du pylône a créé, dans le sens
de la descente, un parcours damé analogue à celui d'une
piste
officielle. Celui-ci n'a pas été balisé, ni barré ou
condamné
par une signalisation adéquate.

Les surfaces damées à gauche et à droite ont laissé
subsister, en aval du pylône n° 1, un triangle de neige vier-
ge dans lequel se trouvait la prise d'eau du ruisseau. Caché
par la neige fraîche, le bloc de béton a échappé aux pa-
trouilleurs. Il n'a pas fait l'objet de mesures de sécurité.
Cet obstacle était situé à environ 2 mètres du bord de la
zone damée descendant à droite, dans une dépression partiel-
lement masquée par une bosse pour les skieurs arrivant de
l'amont.

Après le passage des dameuses, un skieur pouvait
passer sans risque tant à droite qu'à gauche du pylône, sous
réserve du balisage. En pleine saison d'ailleurs, la piste
est damée et balisée des deux côtés du pylône.

Le 20 décembre 1991, la piste du Mayentzet était en
excellent état. La couche de neige était cependant faible.
Le
bord de la piste était clairement défini par la neige
fraîche
non tassée, de 20 à 30 cm plus élevée que la surface damée.
Durant la matinée, les conditions de visibilité étaient mé-
diocres voire mauvaises.

Ce jour-là, Tapio Vanninen, qui est un bon skieur,
est allé skier en compagnie de ses filles Laura et Nina. De
11 heures à midi, ils ont fait du ski "hors-piste" en forêt.

Vers midi, Laura et son père sont descendus en direction de
Verbier et ont rejoint la piste du Mayentzet. A la hauteur
de
la grange, ils ont marqué une pause. Laura est descendue la
première et a atteint la gare de départ. Tapio Vanninen l'a
suivie et s'est engagé sur la surface damée à droite du py-
lône. Alors qu'il allait à vive allure, il a touché la bordu-
re de neige fraîche sur sa gauche et il a pénétré dans la
zone non damée, perdant un ski. Il a poursuivi sa course
muni
d'un seul ski sur une quinzaine de mètres avant de chuter
vers l'avant et de heurter violemment de la poitrine le bloc
de béton faisant saillie sur la prise d'eau. Tapio Vanninen
est décédé quasi instantanément.

Au moment de l'accident, la piste n'était pas très
fréquentée et rien n'indique que d'autres skieurs aient été
mêlés au déroulement de l'accident.

B.- Le 19 mai 1995, Eva Vanninen, l'épouse de
Tapio Vanninen, ainsi que ses trois filles, Paula, Laura et
Nina, ont ouvert une action en dommages-intérêts contre Télé-
verbier et Guy Allaman, responsable du service de sécurité
du
secteur comprenant la piste du Mayentzet. Elles ont initiale-
ment conclu au versement d'un montant total de 3'635'041 fr.
qu'elles ont par la suite réduit à 1'860'175,70 fr.

Par jugement du 12 juillet 2000, la IIe Cour civile
du Tribunal cantonal valaisan a partiellement admis la deman-
de d'Eva Vanninen et de ses trois filles en condamnant Télé-
verbier S.A. et Guy Allaman, solidairement entre eux, au
paiement de 228'476 £ plus 22'500 fr. à Eva Vanninen, de
3'008 £ plus 9'000 fr. à Paula Vanninen, de 17'501 £ plus
9'000 fr. à Laura Aikens-Vanninen et de 64'806 £ plus
15'000 fr. à Nina Dimond-Brown-Vanninen, avec intérêt à 5 %
dès le 21 décembre 1991. Cette dernière a encore reçu
2'404 fr. supplémentaires. Les frais et dépens ont été répar-

tis à raison de 3/5 à la charge des défendeurs,
solidairement
entre eux, et de 2/5 à la charge des demanderesses, solidai-
rement entre elles.

Les juges ont admis la responsabilité contractuelle
de Téléverbier. Ils ont considéré que l'obligation de sécuri-
té imposait à l'entreprise de remontées mécaniques de "capi-
tonner" avec des bottes de paille le bloc de béton situé aux
abords immédiats de la piste descendant à droite du pylône
ou
au moins de signaler l'obstacle et que ce manquement était
dans un rapport de causalité naturelle et adéquate avec le
décès de Tapio Vanninen. La responsabilité délictuelle de
Guy
Allaman a elle aussi été reconnue. Il a été jugé qu'en ne
mettant en place aucune mesure de prévention, le responsable
de la sécurité avait commis une omission fautive constituant
un acte illicite. Une faute concomitante a été retenue à
l'encontre de Tapio Vanninen, qui descendait à vive allure,
alors que la visibilité était médiocre et l'enneigement fai-
ble. En raison de cette faute, la responsabilité des défen-
deurs a été réduite dans la proportion d'un quart.

C.- Contre ce jugement, Téléverbier et Guy Allaman
ont déposé un recours de droit public au Tribunal fédéral.
Se
plaignant d'arbitraire, ils concluent à l'admission du re-
cours.

Eva Vanninen et ses trois filles n'ont pas formulé
d'observations, se ralliant aux considérants du jugement at-
taqué. La cour cantonale a fait de même.

Téléverbier et Guy Allaman ont également interjeté
un recours en réforme contre le jugement du 12 juillet 2000.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Il n'y a pas lieu de déroger en l'espèce au
principe de l'art. 57 al. 5 OJ (cf. ATF 122 I 81 consid. 1;
120 Ia 377 consid. 1 et les arrêts cités), de sorte qu'il
sera tout d'abord statué sur le recours de droit public.

2.- a) Le recours de droit public au Tribunal fé-
déral est ouvert contre une décision cantonale pour
violation
des droits constitutionnels des citoyens (art. 84 al. 1 let.
a OJ).

Le jugement rendu par le tribunal cantonal, qui est
final, n'est susceptible d'aucun autre moyen de droit sur le
plan fédéral ou cantonal dans la mesure où les recourants in-
voquent la violation directe d'un droit constitutionnel, de
sorte que la règle de la subsidiarité du recours de droit pu-
blic est respectée (art. 84 al. 2 et 86 al. 1 OJ). En revan-
che, si les recourants soulèvent une question relevant de
l'application du droit fédéral, le grief n'est pas
recevable,
parce qu'il pouvait faire l'objet d'un recours en réforme
(art. 43 al. 1 et 84 al. 2 OJ).

Les recourants sont personnellement touchés par la
décision attaquée qui les condamne, solidairement entre eux,
à verser diverses indemnités à chacune des intimées, de
sorte
qu'ils ont un intérêt personnel, actuel et juridiquement pro-
tégé à ce que cette décision n'ait pas été prise en
violation
de leurs droits constitutionnels; en conséquence, ils ont
qualité pour recourir (art. 88 OJ).

Le présent recours a été interjeté en temps utile
compte tenu des féries (art. 34 al. 1 let. b et 89 al. 1 OJ)
et dans la forme prévue par la loi (art. 90 al. 1 OJ). Cer-

tes, les recourants ont seulement conclu à l'admission du
recours. Il ressort toutefois de leur motivation, qu'ils ten-
dent à obtenir l'annulation du jugement attaqué, ce qui,
dans
la pratique du Tribunal fédéral, est considéré comme suffi-
sant (ATF 115 Ia 12 consid. 2b; Walter Kälin, Das Verfahren
der staatsrechtlichen Beschwerde, 2e éd. Berne 1994, p. 362).

Le recours est donc en principe recevable.

b) Saisi d'un recours de droit public, le Tribunal
fédéral n'examine que les griefs d'ordre constitutionnel in-
voqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours (art.
90 al. 1 let. b OJ; ATF 125 I 492 consid. 1b et les arrêts
cités).

3.- Invoquant l'art. 9 Cst., les recourants se
plaignent exclusivement d'arbitraire, dans l'application du
droit cantonal de procédure d'une part et, d'autre part,
dans
l'appréciation des preuves.

a) Selon la jurisprudence, l'arbitraire, prohibé
par l'art. 9 Cst., ne résulte pas du seul fait qu'une autre
solution que celle retenue par l'autorité cantonale pourrait
entrer en considération ou même qu'elle serait préférable;
le
Tribunal fédéral ne s'écarte de la décision attaquée que
lorsque celle-ci est manifestement insoutenable, qu'elle se
trouve en contradiction claire avec la situation de fait,
qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique
indiscuté ou encore lorsqu'elle heurte de manière choquante
le sentiment de la justice et de l'équité; pour qu'une déci-
sion soit annulée pour cause d'arbitraire, il ne suffit pas
que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore
que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF
125 I 166 consid. 2a, II 10 consid. 3a, 129 consid. 5b p.
134; 124 I 247 consid. 5 p. 250).

Arbitraire et violation de la loi ne sauraient être
confondus; une violation doit être manifeste et reconnue
d'emblée pour être considérée comme arbitraire. Le Tribunal
fédéral n'a pas à examiner quelle est l'interprétation cor-
recte que l'autorité cantonale aurait dû donner des disposi-
tions applicables; il doit uniquement dire si l'interpréta-
tion qui a été faite est défendable. Il n'y a pas arbitraire
du seul fait qu'une autre solution paraît également conceva-
ble, voire même préférable (ATF 125 I 166 consid. 2a, II 10
consid. 3a, 129 consid. 5b p. 134; 124 I 247 consid. 5).

S'agissant de l'appréciation des preuves et des
constatations de fait, il y a arbitraire lorsque l'autorité
ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élé-
ment de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se
trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore
lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en
tire des constatations insoutenables. Il appartient au recou-
rant d'établir la réalisation de ces conditions en tentant
de
démontrer, par une argumentation précise, que la décision
incriminée est insoutenable (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF
122
I 70 consid. 1c; 119 Ia 197 consid. 1d; 117 Ia 393 consid.
1c; 110 Ia 3 consid. 2a).

b) Les recourants soutiennent tout d'abord qu'en
mettant les 3/5 des frais à leur charge, la cour cantonale a
appliqué de manière arbitraire l'art. 302 aCPC valaisan.

Le premier alinéa de cette disposition prévoit
qu'en règle générale, la partie qui succombe est condamnée
aux frais. Si aucune des parties n'obtient en entier l'ad-
mission de ses conclusions ou en cas d'intervention, le juge
peut, selon les circonstances, compenser les frais en tout
ou
en partie. Selon le deuxième alinéa de l'art. 302 aCPC, le
juge peut toutefois mettre tous les frais à la charge du dé-
fendeur, lorsque le demandeur ne pouvait pas évaluer exacte-

ment sa demande et que celle-ci a été reconnue fondée en
principe.

Il ressort clairement de cette disposition que le
législateur cantonal a laissé au juge un très large pouvoir
d'appréciation dans la répartition des frais. Contrairement
à
ce que soutiennent les recourants, il n'est en aucun cas im-
posé au juge de répartir les frais dans une proportion qui
correspond mathématiquement à la différence entre les conclu-
sions et les montants finalement alloués. Ainsi, ce n'est
pas
parce que les intimées ont obtenu le quart de ce qu'elles de-
mandaient initialement ou la moitié de leurs prétentions au
terme de la procédure que les recourants ne devraient, en ap-
plication de l'art. 302 aCPC valaisan,
supporter que 25 à
50 % des frais.

De plus, les recourants semblent perdre de vue que,
sur le principe, les intimées ont obtenu entièrement gain de
cause, puisque leur responsabilité a été reconnue. Or, comme
l'a expliqué de manière convainquante la cour cantonale, il
est délicat de chiffrer les conclusions en matière de perte
de soutien. On se trouve donc en l'espèce dans l'hypothèse
expressément visée par l'art. 302 al. 2 CPC valaisan, qui au-
rait même permis à la cour cantonale de mettre l'entier des
frais à la charge des recourants. On ne peut donc à l'éviden-
ce pas lui reprocher d'avoir appliqué de manière
indéfendable
cette disposition en mettant les 3/5 des frais à la charge
de
ceux-ci.

Quant aux critiques des recourants concernant
l'absence de justification à l'appui de la répartition des
frais, elles sont manifestement infondées. La cour cantonale
a expliqué à ce sujet que les intimées n'avaient obtenu que
le quart de leurs prétentions initiales, mais qu'elles
avaient été contraintes d'introduire une action en justice
et
qu'en matière de perte de soutien, il était délicat de chif-

frer les conclusions. Une telle motivation est parfaitement
suffisante, dès lors qu'elle permet de comprendre les
raisons
qui, en l'espèce, ont guidé les juges à répartir les frais à
raison de 3/5 à la charge des recourants (cf. ATF 126 I 15
consid. 2a/aa in fine, 97 consid. 2b; 125 II 369 consid. 2c).

c) En second lieu, les recourants s'en prennent aux
faits tels que retenus par la cour cantonale.

aa) Ils relèvent premièrement que c'est de manière
insoutenable que les juges ont retenu que le passage des ma-
chines à droite du pylône avait créé un parcours damé analo-
gue à celui d'une piste officielle.

Les recourants se fondent sur trois témoignages
desquels il ressort que la piste avait été damée sur la gau-
che du pylône, et que, sur la droite, les traces avaient été
faites uniquement en remontant avec les machines. Ce fait
n'a
pas été méconnu par la cour cantonale, qui a elle aussi sou-
ligné que, sur la droite du pylône, les machines étaient seu-
lement remontées. Le jugement entrepris mentionne à ce
propos
les déclarations de Georges Maret, un conducteur d'engins de
damage, qui a déclaré qu'après le passage des dameuses un
skieur pouvait descendre sans risque tant à droite qu'à gau-
che du pylône. On ne saisit donc pas pourquoi il serait in-
soutenable de considérer que le passage des machines dans le
sens de la remontée créait une apparence de piste.

En outre, il ressort du jugement entrepris que ce
tracé n'avait ni été barré ni condamné par une signalisation
adéquate, que d'expérience, le simple balisage ne suffisait
pas à condamner la piste de droite en l'absence de signalisa-
tion visible et impérative, que la surface damée s'offrait
comme une piste praticable des deux côtés du pylône et, en-
fin, que, pour les habitués dont faisait partie Tapio Vanni-
nen, cette possibilité était d'autant plus évidente qu'en

pleine saison la piste était damée de part et d'autre du py-
lône.

Dans un tel contexte, on ne voit pas ce qu'il y
aurait d'arbitraire à admettre que le tracé à la droite du
pylône était analogue à une piste officielle, même s'il
n'était pas balisé.

bb) Selon les recourants, il serait insoutenable
d'admettre que c'est par erreur que Tapio Vanninen se serait
engagé sur la piste de droite, alors qu'il avait voulu quit-
ter la piste pour la haute neige.

Savoir ce qu'une personne sait, veut ou si elle est
dans l'erreur sont des questions de fait, de sorte qu'elles
relèvent bien de l'appréciation des preuves (cf. Bernard
Corboz, Le recours en réforme au Tribunal fédéral, SJ 2000
II
p. 1 ss, 62 s.) et peuvent être revues dans le cadre d'un re-
cours de droit public sous l'angle de l'arbitraire.

L'argumentation présentée à ce sujet par les recou-
rants ne répond toutefois pas aux exigences de motivation
d'un recours de droit public posées par la loi et la juris-
prudence (art. 90 al. 1 let. b OJ; ATF 125 I 71 consid. 1c
p.
76; 120 Ia 369 consid. 3a et les arrêts cités). En effet, on
ne discerne pas, dans le jugement entrepris, sur quels élé-
ments les recourants se fondent pour affirmer que la cour
cantonale aurait retenu que Tapio Vanninen se serait trompé
en empruntant le tracé à droite du pylône. Il a seulement
été
constaté que le skieur s'était engagé sur la surface damée à
droite du pylône et qu'ensuite celui-ci avait touché la bor-
dure de neige fraîche sur sa gauche et pénétré dans la zone
non damée, perdant un ski. De même, il n'apparaît pas que la
cour cantonale ait catégoriquement affirmé que le skieur
avait voulu quitter le tracé damé pour la haute neige, comme
le soutiennent les recourants. En relevant qu'il avait appa-

remment voulu passer dans le triangle de neige fraîche, elle
a certes indiqué que c'était l'hypothèse la plus probable,
mais elle n'a pas non plus exclu qu'il ait perdu la maîtrise
de ses skis en raison de sa vitesse élevée. Le grief n'est
donc pas recevable.

cc) Les recourants considèrent enfin que c'est de
manière insoutenable que la cour cantonale a retenu que, si
le cube de béton avait été balisé de manière adéquate, Tapio
Vanninen aurait pu modifier sa trajectoire et éviter le
muret
enfoui sous la neige, alors que celui-ci a chuté et qu'il
était donc incapable de se diriger au moment où il a heurté
l'obstacle.

Selon la jurisprudence, lorsque la décision atta-
quée se fonde sur plusieurs motivations indépendantes, alter-
natives ou subsidiaires, toutes suffisantes, le recourant
doit, à peine d'irrecevabilité, démontrer que chacune
d'entre
elles viole ses droits constitutionnels (art. 90 al. 1 let.
b
OJ; ATF 119 Ia 13 consid. 2; 107 Ib 264 consid. 3b p. 268).
En l'occurrence, la cour cantonale a non seulement considéré
que, si le muret avait été balisé, le skieur aurait pu modi-
fier sa trajectoire, mais elle a également admis que si
l'obstacle avait été "capitonné", la chute du skieur
n'aurait
pas eu de suites mortelles. Or, les recourants ne s'en pren-
nent qu'à la partie du raisonnement concernant le balisage
défectueux, sans mentionner l'absence de matelassage que
leur
a également reprochée la cour cantonale. Dirigée contre un
seul pan de la motivation adoptée par la cour cantonale,
leur
critique n'est pas admissible.

Dans ces circonstances, le recours doit être reje-
té.

4.- Les recourants, qui succombent, seront condam-
nés, solidairement entre eux, aux frais (art. 156 al. 1 et 7
OJ).

Invitées à répondre, les intimées ont déclaré se
rallier aux considérants du jugement attaqué, sans formuler
d'observations. Dans ces circonstances, il ne leur sera pas
alloué de dépens.

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours;

2. Met un émolument judiciaire de 8'000 fr. à la
charge des recourants, solidairement entre eux;

3. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la IIe Cour civile du Tribunal
cantonal valaisan.

__________

Lausanne, le 30 novembre 2000
ECH

Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FÉDÉRAL SUISSE:
Le Président, La Greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4P.204/2000
Date de la décision : 30/11/2000
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-11-30;4p.204.2000 ?
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