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15/11/2000 | SUISSE | N°4C.234/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 15 novembre 2000, 4C.234/2000


«AZA 1/2»

4C.234/2000

Ie C O U R C I V I L E
**************************

15 novembre 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffière: Mme de Montmollin Hermann.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

Mayra Atencio, à Genève, demanderesse et recourante, repré-
sentée par Me Jérôme Bassan, avocat à Genève,

et

Rewimar S.A., à Genève, défenderesse et intimée, représentée
par Me Guy Stanislas, avocat à Genèv

e;

(contrat de travail; contrat de gérance; légitimation
passive)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s su...

«AZA 1/2»

4C.234/2000

Ie C O U R C I V I L E
**************************

15 novembre 2000

Composition de la Cour: MM. Walter, président, Leu et
Corboz,
juges. Greffière: Mme de Montmollin Hermann.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

Mayra Atencio, à Genève, demanderesse et recourante, repré-
sentée par Me Jérôme Bassan, avocat à Genève,

et

Rewimar S.A., à Genève, défenderesse et intimée, représentée
par Me Guy Stanislas, avocat à Genève;

(contrat de travail; contrat de gérance; légitimation
passive)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants :

A.- a) Ke Gong Chin a conclu le 27 septembre 1993
un contrat de gérance libre et un contrat de bail avec Rewi-
mar S.A. en vue de l'exploitation du restaurant "Le Dragon
d'Asie" sis dans le complexe hôtelier "Warwick", propriété
de
la société anonyme. Les obligations de Ke Gong Chin étaient
garanties par l'engagement de Sophie Ren Urech, selon une
convention dite "de porte-fort" signée le 23 septembre 1993.
André Baggenstos, administrateur et directeur financier de
Rewimar S.A., était le détenteur de la patente
d'exploitation
pour tous les établissements de restauration du complexe hô-
telier, y compris "Le Dragon d'Asie".

Mayra Atencio a été engagée par contrat de travail
écrit et contresigné par Sophie Ren Urech, le 17 novembre
1993, en qualité de serveuse pour le restaurant "Le Dragon
d'Asie". De décembre 1993 à août 1994, Patrick Eichenberger
a
travaillé exclusivement pour le compte de Ke Gong Chin, en
qualité de directeur de l'établissement; à ce titre, il a en-
gagé, géré et payé le personnel. Sophie Ren Urech a, sur ins-
truction et pour le compte de Ke Gong Chin, géré et parfois
payé le personnel du restaurant. De telles instructions
étaient également transmises au personnel par
l'intermédiaire
de Linda Zhao, qui aurait été la compagne de Ke Gong Chin.

Ke Gong Chin n'a pas exécuté ses obligations con-
tractuelles envers Rewimar S.A. Celle-ci a résilié les con-
trats de gérance et de bail puis a entamé une procédure
d'évacuation. L'établissement a été fermé vers la
mi-novembre
1994 et les employés qui y travaillaient ont été de facto
congédiés.

Les salaires des mois d'octobre et novembre 1994
n'ont pas été versés à Mayra Atencio. Rewimar S.A., par l'en-
tremise d'André Baggenstos, a cependant pris la liberté de
donner à l'intimée, à bien plaire et sans qu'il soit stipulé
que cela fasse partie d'un salaire, une somme de 500 fr.

Ke Gong Chin est retourné en Chine, laissant der-
rière lui des arriérés de loyer et des factures impayées du
restaurant "Le Dragon d'Asie". Rewimar S.A. a alors réclamé
à
Sophie Ren Urech le paiement des dettes de Ke Gong Chin en
exécution de la convention signée le 23 septembre 1993. Dans
un arrêt du 21 janvier 1999, la Cour de justice de Genève a
jugé que cette convention devait être qualifiée de cautionne-
ment, et que celui-ci était formellement nul.

B.- Mayra Atencio a ouvert action devant la juri-
diction des prud'hommes du canton de Genève le 14 septembre
1998. Dans ses dernières conclusions, elle réclamait le
paiement de 16 227 fr.65 brut, plus intérêts, représentant
des salaires ainsi que des indemnités pour vacances et jours
fériés.

Par jugement du 30 novembre 1998, le Tribunal des
prud'hommes de Genève a condamné la défenderesse à payer à
la
demanderesse la somme brute de 13 757 fr.10, intérêts en
sus.
En substance, le Tribunal a considéré, sur la base d'un fais-
ceau d'indices, que Rewimar S.A. avait bien été l'employeur
de la demanderesse, même si le contrat de travail avait été
conclu par Sophie Ren Urech agissant pour Ke Gong Chin.

La défenderesse a interjeté un appel ne portant que
sur la détermination de l'employeur de la demanderesse. Elle
a soutenu n'avoir eu aucune relation contractuelle avec
celle-ci et reproché aux premiers juges de lui avoir reconnu
à tort la légitimation passive. Par arrêt du 2 décembre
1999,
la Chambre d'appel des prud'hommes du canton de Genève a an-

nulé le jugement du Tribunal et, statuant à nouveau, a débou-
té la demanderesse de toutes ses conclusions.

C.- La demanderesse recourt en réforme au Tribunal
fédéral. Ses conclusions tendent à l'annulation de l'arrêt
de
la Chambre d'appel, puis à la réforme de celui-ci, en ce
sens
que le jugement du Tribunal des prud'hommes est confirmé.
Subsidiairement, elle conclut au renvoi de la cause à l'ins-
tance cantonale.

La défenderesse propose le rejet du recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Constatant qu'il était établi qu'un contrat de
gérance libre avait lié la défenderesse à Ke Gong Chin, la
Chambre d'appel a considéré que c'était en exécution de ce
contrat que Ke Gong Chin avait engagé la demanderesse, même
s'il avait agi par l'intermédiaire de tiers. Elle a jugé que
le Tribunal, particulièrement en ce qui concerne le critère
du rapport de subordination, avait considéré à tort que la
défenderesse était le réel employeur de la demanderesse; il
apparaissait en effet à cet égard que le travail de la deman-
deresse dépendait soit de Sophie Ren Urech, soit de Linda
Zhao - lesquelles étaient en relation avec Ke Gong Chin qui
leur donnait les instructions nécessaires - puis de Patrick
Eichenberger.

La cour cantonale a aussi considéré que le fait que
la défenderesse soit en possession de la patente d'exploita-
tion d'un établissement qu'elle ne gérait pas elle-même ne
lui conférait pas automatiquement le statut d'employeur.

Elle a estimé, enfin, que si la défenderesse, par
l'intermédiaire d'André Baggenstos, faisait régulièrement
acte de présence au "Dragon d'Asie", notamment vers la fin
du
contrat de gérance libre la liant à Ke Gong Chin, elle
n'avait cependant pas agi comme un employeur à l'égard du
personnel du restaurant; elle n'a en particulier pas versé
de
salaire, nonobstant le fait qu'André Baggenstos avait
octroyé
à bien plaire un unique montant de 500 fr. à la demanderesse.

2.- a) Le recours en réforme n'est pas une voie
d'appel. Saisi selon les art. 43 ss OJ, le Tribunal fédéral
fonde son arrêt sur les faits tels qu'ils ont été constatés
par la dernière autorité cantonale, sauf violation de dispo-
sitions fédérales en matière de preuve ou inadvertance mani-
feste (art. 63 al.2 OJ). Il ne peut être présenté de griefs
contre les constatations de fait (art. 55 al.1 lettre c OJ;
ATF 126 III 59 consid. 2a), ni contre l'appréciation des
preuves à laquelle s'est livrée la cour cantonale (ATF 113
II
52 consid. 2).

La demanderesse ignore ces règles. Sous la plume de
son conseil, elle développe sur une dizaine de pages un expo-
sé des faits totalement étranger aux constatations de fait
qui résultent de l'arrêt attaqué, en s'appuyant sur des ex-
traits du dossier, principalement des dépositions de
témoins.
Cette manière de procéder est inadmissible en instance de ré-
forme devant le Tribunal fédéral. Tout l'exposé des faits fi-
gurant dans l'écriture de recours est irrecevable.

b) En droit, la demanderesse invoque la violation
des articles 319 ss CO et soutient que la défenderesse cons-
tituait son véritable employeur et avait donc la
légitimation
passive. Il importerait de déterminer à quelle autorité la
travailleuse a été soumise pour l'exécution de son contrat
et
qui lui versait son salaire.

aa) La demanderesse fait valoir que le contrat de
travail du 17 novembre 1993 n'a pas été passé avec Ke Gong
Chin, prétendu gérant libre du restaurant, mais signé par
Sophie Ren Urech; elle relève qu'elle n'a jamais rencontré
Ke
Gong Chin qui, étant à l'étranger, n'a jamais pu gérer l'éta-
blissement; soulignant que Sophie Ren Urech invoque une rela-
tion de subordination avec la défenderesse, elle reproche à
la cour cantonale de n'avoir pas établi à quel titre ladite
Sophie Ren Urech intervenait, et que dès lors l'identité de
l'employeur lui est demeurée obscure; elle ajoute qu'elle a
eu également affaire à Patrick Eichenberger et à André
Baggenstos, en arguant encore que la fermeture du restaurant
a été ordonnée par la défenderesse.

Il est inexact de dire que les juges cantonaux
n'ont pas établi à quel titre Sophie Ren Urech intervenait.
Selon l'arrêt attaqué, le contrat de travail a été signé par
celle-ci, et c'est en exécution du contrat de gérance libre
que Ke Gong Chin a engagé la demanderesse, par l'intermé-
diaire de Sophie Ren Urech. Il résulte ainsi clairement de
l'arrêt cantonal que cette dernière a agi comme
représentante
de Ke Gong Chin, avec lequel elle était en relation et de
qui
elle recevait des instructions. En outre, rien dans l'arrêt
attaqué ne révèle une relation de subordination entre Sophie
Ren Urech et la défenderesse.

bb) La demanderesse invoque encore la situation ad-
ministrative précaire de Ke Gong Chin (attente d'un permis
de
travail, absence de certificat professionnel, voire absence
de visa pour séjourner en Suisse), le fait que le directeur
et administrateur de la défenderesse était le détenteur de
la
patente d'exploitation du "Dragon d'Asie", ainsi que le pré-
lèvement de 500 fr. dans la caisse du restaurant afin de sa-
tisfaire la réclamation de l'employée. La demanderesse sou-
tient que le contrat de gérance libre n'aurait jamais
reflété
la réalité des rapports juridiques entre la défenderesse et

Ke Gong Chin, et ne saurait, en tout état, être invoqué pour
régler les questions concernant la travailleuse, qui n'était
pas partie au contrat et qui ignorait son existence.

Ces critiques sont vaines. Les faits concernant la
situation administrative du gérant ne ressortent pas de l'ar-
rêt attaqué. Rien ne permet, en outre, de dire que le
contrat
de gérance libre ne refléterait pas la réalité des rapports
juridiques entre le gérant et la défenderesse. A supposer
qu'il soit vrai que la demanderesse n'ait pas été au courant
de l'existence du contrat de gérance, cela ne suffirait enco-
re pas à établir que la défenderesse était son véritable em-
ployeur. Enfin, le versement de 500 fr. n'a pas la portée
que
lui prête la recourante, dans la mesure où il est constant
que la défenderesse n'a pas versé de salaire aux employés du
restaurant, et que ce paiement de 500 fr. a été effectué à
bien plaire.

cc) Se référant à l'art. 320 al. 2 et 3 CO, la de-
manderesse fait valoir qu'elle a accompli de bonne foi son
travail au sein du restaurant "Le Dragon d'Asie", que cette
activité, d'après les circonstances, ne pouvait être fournie
que contre rémunération. Elle allègue qu'elle croyait de tou-
te bonne foi qu'elle était au service de la défenderesse.

Là encore, le moyen doit être écarté. Rien dans les
faits retenus ne permet de conclure que la demanderesse a ac-
compli son travail pour le compte de la défenderesse, ni
même
qu'elle croyait de bonne foi que celle-ci était son em-
ployeur.

dd) Enfin, la demanderesse se plaint d'abus de
droit. Invoquant le caractère fictif du contrat de gérance
libre liant Ke Gong Chin et la défenderesse, elle soutient
que le directeur de la défenderesse lui aurait laissé
croire,
par son attitude et les instructions qu'il lui donnait,

qu'elle était l'employée de l'hôtel Warwick et que c'était
la
défenderesse qui lui versait son salaire, laquelle aurait
aussi économiquement bénéficié de ses prestations par le
biais de redevances et de loyers.

On est en présence, à nouveau, de pures affirma-
tions unilatérales d'une partie qui ne trouvent aucun appui
dans l'état de fait de l'arrêt attaqué. Le grief d'abus de
droit est mal fondé.

3.- Le recours doit être rejeté, pour autant qu'il
soit recevable. La procédure est gratuite (art. 343 al. 2 et
3 CO). En revanche, la recourante devra verser une indemnité
de dépens à l'intimée (ATF 115 II 39 consid. 5c).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est re-
cevable et confirme l'arrêt attaqué.

2. Dit que la recourante versera à l'intimée une
indemnité de 2000 fr. à titre de dépens.

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Chambre d'appel de la juridiction
des prud'hommes du canton de Genève (cause n°
C/23953/1998-6).

_____________

Lausanne, le 15 novembre 2000
ECH
Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le président,

La greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.234/2000
Date de la décision : 15/11/2000
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-11-15;4c.234.2000 ?
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