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10/11/2000 | SUISSE | N°4C.190/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 10 novembre 2000, 4C.190/2000


«AZA 1/2»

4C.190/2000

Ie C O U R C I V I L E
**************************

10 novembre 2000

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Corboz,
juge, M. Pagan, juge suppléant. Greffière: Mme de Montmollin
Hermann.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

Hydrotechnique Graf Jac-Email S.A., à Ecublens, défenderesse
et recourante, représentée par Me Yves Gonset, avocat à
Lausanne,

et

A. und S. Bäder GmbH & Co, à Stuttgart (Allemagne), représen-r> tée par Me Jacques Baumgartner, avocat à Lausanne;

(contrat de vente; représentation, concurrence déloyale,
culpa in contrah...

«AZA 1/2»

4C.190/2000

Ie C O U R C I V I L E
**************************

10 novembre 2000

Composition de la Cour: M. Walter, président, M. Corboz,
juge, M. Pagan, juge suppléant. Greffière: Mme de Montmollin
Hermann.

__________

Dans la cause civile pendante
entre

Hydrotechnique Graf Jac-Email S.A., à Ecublens, défenderesse
et recourante, représentée par Me Yves Gonset, avocat à
Lausanne,

et

A. und S. Bäder GmbH & Co, à Stuttgart (Allemagne), représen-
tée par Me Jacques Baumgartner, avocat à Lausanne;

(contrat de vente; représentation, concurrence déloyale,
culpa in contrahendo)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- a) A. & S. Bäder GmbH & Co, à Stuttgart (Alle-
magne) (ci-après: Bäder GmbH), est une entreprise de pointe
dans le domaine de la fabrication et de la commercialisation
de baignoires.

Hydrotechnique Graf Jac-Email S.A. (ci-après: Jac-
Email S.A.), à Ecublens, exerce ses activités notamment dans
la production, la distribution et le commerce
d'installations
sanitaires. Elle réalise des systèmes d'hydrothérapie, desti-
nés à être posés dans des baignoires, avec massage par air
ou
eau pulsés par des buses. Son président est Massimiliano
Keiser.

Les deux entreprises ont développé ensemble un sys-
tème de baignoire avec massage intégré. Ce dispositif a été
commercialisé par Bäder GmbH en Allemagne, en Suisse alleman-
de ainsi que dans d'autres pays d'Europe, et par Jac-Email
S.A., agissant sous la dénomination de "A & S. Technique bai-
gnoires", en Suisse romande. Vu ses relations avec Bäder
GmbH, Jac-Email S.A. a renoncé à développer ses ventes à
l'étranger.

b) Les relations entre Bäder GmbH et Massimiliano
Keiser, qui dirigeait alors une autre société, avaient com-
mencé en 1984. Afin d'obtenir des installations d'hydrothéra-
pie, Bäder GmbH s'était aussi approchée d'autres sociétés.

En 1985, des représentants de la société alors di-
rigée par Massimiliano Keiser, puis de Jac-Email S.A., se
sont rendus à plusieurs reprises à Stuttgart pour mettre au
point un système d'hydrothérapie. Les problèmes techniques
et
esthétiques ont été résolus. Des négociations en vue de dé-

velopper la vente des installations et de fixer par écrit
les
modalités d'une collaboration entre les sociétés suisse et
allemande ont été engagées.

Dès 1986, Bäder GmbH a livré des baignoires à Jac-
Email S.A., qui s'approvisionnait exclusivement chez elle
pour les installations d'hydrothérapie commercialisées dans
le cadre de leur collaboration. De son côté, la société
suisse fournissait à l'entreprise allemande des systèmes
d'hydrothérapie déjà montés dans des baignoires, ou sous
formes de "kit" encore à installer. Elle a communiqué à sa
partenaire les noms d'au moins un revendeur et un client.

c) Lors d'un déplacement à la foire de Francfort en
mars 1987, Massimiliano Keiser a vu exposé un modèle d'ins-
tallation d'hydrothérapie identique à celui mis au point par
sa société; les buses et le collecteur de cet appareil
n'avaient pourtant pas été fournis par celle-ci, mais par
une
entreprise autrichienne du nom de Koller.

Bäder GmbH et Jac-Email S.A. ont pris part à une
rencontre à Wels (Autriche) avec la direction des ventes de
l'entreprise Wiro qui fabriquait des baignoires pour le comp-
te de Bäder GmbH. A cette occasion, le système d'hydrothéra-
pie a été présenté et expliqué.

d) Le 23 mars 1987, Jac-Email S.A. a adressé à
Bäder GmbH un projet d'accord que celle-ci n'a pas signé.

e) Le 2 avril 1987, Massimiliano Keiser a déposé
une demande de brevet pour la Suisse portant sur un nouveau
type de buse comprenant une tête plate; il a informé Bäder
GmbH de cette démarche. Le 12 décembre 1987, Massimiliano
Keiser devait réintroduire une demande de brevet européen,
de
nouveau en communiquant ce dépôt à la société allemande.

Néanmoins, Bäder GmbH a copié cette nouvelle buse.
Elle l'a commercialisée en Suisse par l'intermédiaire de la
société Tonercote AG à Zurich. Par courrier du 12 mai 1987,
Bäder GmbH a proposé de régler l'affaire "autour d'une ta-
ble".

Le 6 avril 1987, Jac-Email S.A. a obtenu une mé-
daille de bronze lors du Salon international des inventions
et des techniques nouvelles à Genève pour un "Système de
baignoire dans baignoire avec aéro-massage ou aqua-massage
intégré".

f) Diverses difficultés ont séparé les parties. Le
3 juin 1987, Bäder GmbH, faisant référence à leurs accords,
qu'elle déclarait considérer comme "restant intacts" (tra-
duction de l'allemand), a soumis à sa partenaire un projet
de
contrat. Celui-ci n'a pas été signé.

Le 9 novembre 1987, Bäder GmbH a commandé à la
société vaudoise deux installations d'hydrothérapie compre-
nant des buses nouvelles afin d'en contrôler la qualité;
dans
la lettre d'accompagnement, elle précisait que désormais les
baignoires équipées de systèmes de massage seraient comman-
dées auprès de Jac-Email S.A. Le produit que celle-ci a pro-
posé n'a toutefois pas été accepté.

B.- Indépendamment des négociations en cours, Bäder
GmbH a fourni à Jac-Email S.A. du matériel sanitaire. Huit
factures ont été établies de ce fait entre le 31 décembre
1987 et le 20 avril 1988, pour un montant total de
49 299, 07 marks allemands (ci-après: DM).

Les livraisons successives de Bäder GmbH n'ont don-
né lieu à aucune réclamation de la part de Jac-Email S.A.
Celle-ci a payé 10 511,24 DM et a invoqué la compensation
pour une somme de 1 544,90 DM.

Le 21 avril 1988, Jac-Email S.A. a émis une protes-
tation auprès de Bäder GmbH en lui adressant une facture de
95 000 fr. à titre de dommages-intérêts. Elle a interrompu
ses paiements. Bäder GmbH a alors cessé de livrer de la mar-
chandise à Jac-Email S.A. et lui a interdit d'utiliser le
sigle "A & S" comme elle en avait l'autorisation jusque-là.
Jac-Email S.A. a alors vu tous ses efforts de collaboration
mis à néant. Elle s'est trouvée avec du matériel
publicitaire
et des prospectus inutilisables, de même qu'un stock impor-
tant de matériel invendu qui devait équiper les
installations
destinées au marché allemand et à d'autres pays d'Europe.

C.- Le brevet relatif à la nouvelle buse a été
accordé à Massimiliano Keiser le 15 septembre 1989 pour la
Suisse. Il a fait l'objet d'une renonciation partielle le 7
mars 1990. Le brevet européen déposé par Massimiliano Keiser
a été accepté et délivré le 17 avril 1992. Il a été mis à
disposition de Jac-Email S.A.

D.- Le 11 décembre 1991, Bäder GmbH a assigné Jac-
Email S.A. en mainlevée d'opposition et en paiement devant
la
Cour civile du Tribunal cantonal vaudois. Elle réclamait à
la défenderesse 31 507 fr.50 avec intérêts à 5 % l'an dès le
1er mars 1988.

La défenderesse a conclu au rejet de l'action. Re-
conventionnellement, elle a conclu au paiement, à titre de
dommages-intérêts, principalement de 180 000 fr., subsidiai-
rement de 148 492 fr.50, ces deux sommes portant intérêts à
5
% l'an dès le 21 avril 1988. Bäder GmbH a conclu au rejet de
la demande reconventionnelle.

Deux expertises, l'une technique, l'autre compta-
ble, ont été ordonnées en cours d'instance.

Par jugement du 10 novembre 2000, la Cour civile du
Tribunal cantonal vaudois a condamné Jac-Email S.A. à verser
à Bäder GmbH 31 209 fr.60 avec intérêts à 5 % dès le 1er
mars
1988; elle a prononcé à due concurrence la mainlevée dé-
finitive de l'opposition formée par la défenderesse au com-
mandement de payer dans la poursuite 253 789 de l'Office des
poursuites de l'arrondissement de Morges.

E.- Jac-Email S.A. recourt en réforme au Tribunal
fédéral contre le jugement du 10 novembre 2000. Ses conclu-
sions tendent à la condamnation de Bäder GmbH au paiement de
122 580 fr.90 avec intérêts à 5 % dès le 1er mars 1988.

Bäder GmbH invite le Tribunal fédéral à rejeter le
recours.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- Il ne peut être présenté de nouvelles conclu-
sions devant le Tribunal fédéral statuant en instance de ré-
forme (art. 55 al. 1 let. b OJ). Mais il est possible de di-
minuer ses prétentions (Poudret, COJ II, n. 1.4.3 ad art. 55
OJ).

La réduction des conclusions au fond de la défende-
resse devant le Tribunal fédéral est donc admissible.

2.- Lorsqu'il statue sur un recours en réforme, le
Tribunal fédéral fonde son arrêt sur les faits tels qu'ils
ont été constatés par la dernière autorité cantonale, sauf
violation de dispositions fédérales en matière de preuve ou
inadvertance manifeste (art. 63 al. 2 OJ). Il ne peut être
présenté de griefs contre les constatations de fait (art. 55
al. 1 lettre c OJ; ATF 126 III 59 consid. 2a), ni contre

l'appréciation des preuves à laquelle s'est livrée la cour
cantonale (ATF 113 II 52 consid. 2).

3.- a) La cour cantonale a considéré que les rap-
ports noués entre les parties s'étaient apparentés, de façon
prépondérante, à un contrat de représentation exclusive,
même
s'il y avait quelques éléments de vente dans leurs
relations.
Elle a jugé que ces relations formaient une unité et
qu'elles
devaient être intégralement soumises au droit suisse.

b) Les prétentions de la demanderesse concernant
l'achat de marchandises ont été presqu'entièrement allouées.
La défenderesse ne conteste pas le jugement sur ce point. El-
le s'en prend uniquement au rejet de ses conclusions recon-
ventionnelles.

c) La défenderesse invoquait d'abord la culpa in
contrahendo. La cour cantonale a retenu que les parties
n'étaient pas parvenues à fixer les principes de leur colla-
boration par écrit et qu'elles avaient chacune refusé de si-
gner les projets de contrat qu'elles s'étaient mutuellement
adressés, ce qu'elles pouvaient légitimement faire aussi
longtemps que demeurait l'intention de parvenir à un accord.
Que la demanderesse ait pu prendre des contacts avec plu-
sieurs partenaires ne démontrait pas qu'il y avait eu trompe-
rie. Il ne ressortait pas de l'état de fait que la société
allemande aurait d'emblée indiqué à la défenderesse qu'elle
avait en vue un partenariat exclusif. Les parties auraient
pu, par contre, passer un accord oral afin d'organiser une
coopération commerciale entre elles. La défenderesse n'éta-
blissait toutefois pas précisément les termes de cette col-
laboration. Ce n'était qu'au mois de novembre 1987 que la
demanderesse avait déclaré qu'elle s'approvisionnerait dé-
sormais uniquement chez la défenderesse, même si, pour sa
part, la demanderesse se fournissait seulement auprès d'elle
et utilisait le sigle "A & S" depuis plus de temps. Il

n'était ainsi pas démontré qu'avant novembre 1987 la demande-
resse se trouvait dans l'interdiction de prendre contact
avec
des concurrents de la défenderesse, notamment avec l'entre-
prise Koller. La défenderesse n'alléguait en outre pas que
ces contacts litigieux aient perduré après novembre 1987. Au
demeurant, même si un accord de collaboration exclusive
avait
pu être conclu plus tôt, ses éléments essentiels n'étaient
pas connus de la Cour civile. L'envoi de deux projets de con-
trat établis par chacune des parties et restés non signés dé-
montrait surtout l'existence d'un désaccord entre les inté-
ressées. Il n'était donc pas possible de déterminer avec cer-
titude si les investissements effectués par la défenderesse
sous forme de réalisation de prototypes, de kits d'installa-
tion et de matériel publicitaire étaient le fruit d'une en-
tente claire avec la demanderesse, ou le résultat de la
seule
initiative de la défenderesse. Cette dernière avait échoué à
établir la faute de sa partie adverse; elle ne pouvait donc
se prévaloir d'une violation des devoirs de diligence de
celle-ci.

La défenderesse invoquait aussi la LCD. La cour
cantonale a immédiatement écarté ses prétentions en dommages-
intérêts qui ne se trouvaient pas dans un lien de causalité
naturelle et adéquate avec les actes de concurrence déloyale
qu'elle imputait à la demanderesse - soit l'exposition d'un
modèle de baignoire comprenant une copie du système d'hydro-
thérapie mis au point avec la défenderesse avant le dépôt de
la demande de brevet et la réalisation d'une copie du
nouveau
type de buse réalisé par la défenderesse afin de le commer-
cialiser. Ainsi, la perte liée à la réalisation de
prototypes
ou de kits, ou encore à l'acquisition de matériel publicitai-
re, ne pouvait être mise en relation avec une possible viola-
tion des règles de la LCD. Il en allait pareillement du dom-
mage résultant d'un manque à gagner, étant encore observé no-
tamment que le montant de cette perte de gain ne pouvait
être
considéré comme établi, même compte tenu des facilités accor-

dées par l'art. 42 al. 2 CO en matière de preuve du dommage.
Enfin, la buse copiée ne l'avait pas été par le biais d'un
procédé technique de reproduction, de sorte que l'art. 5 LCD
n'était pas applicable.

La défenderesse faisait encore grief à la demande-
resse d'avoir violé les dispositions de la LBI. Là aussi, la
cour cantonale a admis que le droit suisse devait s'appli-
quer. Elle a retenu, sur le vu de l'expertise technique, que
l'entreprise Koller avait effectivement reproduit les buses
plates désignées dans les brevets remis à la défenderesse et
qu'elle avait violé les droits protégés de cette dernière.
La
cour a néanmoins jugé que l'intéressée n'avait ni allégué,
ni
prouvé, le montant de son dommage, ou à tout le moins des
éléments qui auraient permis à la cour de le fixer en équité
selon l'art. 73 al. 2 LBI.

Enfin, une facture adressée à la demanderesse
de
4 294,81 DM contestée ne pouvait être allouée, ni sa quotité
ni la valeur des prestations fournies par la défenderesse
n'étant établies.

4.- La défenderesse reproche d'abord aux premiers
juges de n'avoir pas admis que la demanderesse se serait par
deux fois rendue coupable de culpa in contrahendo à son en-
droit. La société allemande aurait ainsi violé les règles de
la bonne foi en faisant copier par l'entreprise Koller le
modèle d'installation d'hydrothérapie inventé par elle, puis
en commercialisant par l'entremise de la maison Tonercote AG

une installation copiée sur celle de la demanderesse.

La défenderesse soutient ensuite qu'en faisant re-
produire, soit contrefaire ou imiter par l'entreprise Koller
les buses plates faisant l'objet de son invention, la deman-
deresse aurait violé la LBI.

Elle expose que le dommage dont elle réclame répa-
ration trouverait sa source dans les procédés déloyaux aux-
quels la demanderesse aurait recouru, puis dans l'interdic-
tion signifiée par celle-ci à la défenderesse d'utiliser le
nom abrégé "A & S". Cela aurait eu pour effet de priver la
société suisse de la faculté d'écouler les systèmes d'hydro-
thérapie qu'elle avait conçus, alors que la demanderesse
disposait d'un important réseau de vente.

Les divers éléments du dommage seraient établis à
dire d'expert; par surabondance de droit, le préjudice pou-
vait être fixé par la cour cantonale en application de
l'art.
73 al. 2 LBI.

5.- Certes, le Tribunal fédéral applique le droit
d'office (art. 63 al. 3 OJ). Selon l'art. 55 al. 1 let. c
OJ,
le recourant doit néanmoins indiquer succinctement quelles
sont les règles de droit fédéral violées, et en quoi
consiste
cette violation. Le mémoire présenté par la défenderesse ne
respecte pas cette condition, dans la mesure où pour l'essen-
tiel il ne consiste qu'en une série d'affirmations
contraires
aux considérants de la cour cantonale, mais sans tentative
d'expliquer en quoi le raisonnement de celle-ci est erroné.
Le recours pourrait être déclaré purement et simplement irre-
cevable de ce chef (ATF 106 II 175, confirmé in ATF 116 II
745 consid. 3).

6.- De toute façon, l'application par la cour can-
tonale des règles du droit fédéral invoquées par la défende-
resse aux faits qu'elle a retenus résiste à l'examen.

a) La responsabilité découlant d'une culpa in con-
trahendo, cas particulier de la responsabilité fondée sur la
confiance, repose sur l'idée que, pendant les pourparlers
contractuels, les parties doivent agir selon les règles de
la
bonne foi: l'ouverture de négociations crée déjà une
relation

juridique entre elles et leur impose des devoirs réciproques
comme de négocier sérieusement conformément à leurs vérita-
bles intentions (ATF 121 III 350 consid. 6c p. 354).

En particulier, chaque partie doit renseigner l'au-
tre, dans une certaine mesure, sur les circonstances propres
à influencer sa décision de conclure le contrat ou de le con-
clure à certaines conditions (ATF 105 II 75 consid. 2a; 101
Ib 422 consid. 4b). Une partie qui ne respecte pas cette
obligation répond de ce chef non seulement lorsqu'au cours
des pourparlers elle a agi astucieusement, mais déjà lorsque
son attitude a été de quelque manière fautive, qu'il
s'agisse
de dol ou de négligence, dans les limites tout au moins de
la
responsabilité qu'elle encourt sous l'empire du contrat envi-
sagé (ATF 101 Ib 422 consid. 4b et les références). La culpa
in contrahendo suppose que l'on cache à l'autre partie quel-
que chose que celle-ci ne connaît pas et n'est pas tenue de
connaître (ATF 102 II 81 consid. 2 p. 84).

b) Tout d'abord, on observera que la défenderesse
ne prétend pas à l'octroi de dommages-intérêts spécifiques
fondés sur une culpa in contrahendo, mais qu'elle formule
une
prétention globale à ce titre, comprenant tant ce chef de
responsabilité que celui lié à la violation de la LCD ou de
la LBI pour l'exposition par la demanderesse d'une installa-
tion d'hydrothérapie identique à celle mise au point par la
défenderesse lors de la Foire de Francfort, ou pour la viola-
tion du brevet d'invention concédé à Massimiliano Keiser.

Dans la mesure où l'autorité cantonale a considéré
de manière à lier le Tribunal fédéral, on va le voir plus
bas, que la défenderesse avait échoué dans la preuve du pré-
judice résultant de ces actes, la question de l'existence ou
non d'une culpa in contrahendo engageant la responsabilité
de
la demanderesse pourrait être laissée indécise.

Quoi qu'il en soit, l'état de fait du jugement at-
taqué ne permet pas de fonder une telle hypothèse. S'il est
vrai que la confiance de la défenderesse a été trompée par
le
comportement déloyal de la demanderesse, ce n'est pas dans
le
cadre des négociations intervenues entre les parties ni en
raison d'un rapport de confiance que leurs pourparlers au-
raient été susceptibles de faire naître; le préjudice
allégué
par la défenderesse trouve plutôt sa source dans des
procédés
commerciaux contraires à la loyauté des affaires résultant
de
l'imitation ou de la contrefaçon du système d'hydrothérapie
vendu par elle.

c) Le dommage réside dans la diminution involontai-
re de la fortune nette. Il peut consister dans une réduction
de l'actif, dans une augmentation du passif ou dans un gain
manqué; il correspond à la différence entre le montant
actuel
du patrimoine et le montant que celui-ci aurait atteint si
l'événement dommageable ne s'était pas produit (ATF 120 II
296 consid. 3b).

Il incombe au lésé d'établir concrètement le mon-
tant de son dommage, conformément à l'art. 42 al. 1 CO (ATF
123 III 241 consid. 3a; 120 II 296 consid. 3b p. 299).

Lorsque le montant du dommage ne peut être établi,
l'art. 42 al. 2 CO, qui est une règle générale applicable en
matière de propriété intellectuelle (Kamen Troller, Manuel
du
droit suisse des biens immatériels, 2e éd., tome II, p. 1042
et 1043; cf. aussi ATF 115 II 387 consid. 2; 98 II 325 con-
sid. 5c p. 334), ne dispense pas le lésé d'alléguer et d'éta-
blir, autant que cela est possible, toutes les circonstances
qui font apparaître la survenance du dommage comme une quasi
certitude et permettent d'évaluer son importance (ATF 122
III
219 consid. 3a et les références). La LBI contient une règle
semblable, à l'art. 73 al. 2 LBI: s'il n'est pas en mesure
d'indiquer par avance le montant du dommage qu'il a subi, le

lésé peut demander au juge de fixer l'indemnité selon sa li-
bre appréciation au vu des preuves intervenues pour détermi-
ner l'étendue du dommage. La jurisprudence a, là aussi, rap-
pelé que cette faculté ne supprimait pas le devoir du lésé
de
donner des indications au sujet de son préjudice et d'appor-
ter les preuves ou de formuler les offres de preuves permet-
tant au juge de déterminer l'étendue du dommage (ATF 97 II
169 consid. 3b p. 178 et 179).

En effet, la fixation du dommage est une question
de fait qui relève exclusivement de la compétence du juge
cantonal. En instance de recours en réforme, le Tribunal fé-
déral n'intervient que si l'autorité cantonale a méconnu la
notion juridique du préjudice ou si elle s'est laissée
guider
par des critères juridiques erronés (ATF 123 III 241 consid.
3a; 120 II 296 consid. 3b p. 298; 119 II 249 consid. 3a). Il
en va de même dans l'hypothèse de l'art. 42 al. 2 CO. Le pou-
voir d'estimation élargi que confère cette disposition au
juge du fait ne procède pas d'un pouvoir d'appréciation juri-
dique au sens de l'art. 4 CC, dont les éléments pourraient
être revus dans l'examen d'un recours en réforme, d'ailleurs
avec une certaine retenue; on reste sur le terrain de l'ap-
préciation des faits (ATF 122 III 219 consid. 3b; 122 III 61
consid. 2c/bb).

d) En l'occurrence, on ne voit pas en quoi la cour
cantonale aurait méconnu la notion juridique du dommage.
Elle
a considéré sans pour autant violer l'art. 42 al. 2 CO ou
l'art. 73 al. 2 LBI que la défenderesse avait failli à son
devoir d'allégation concernant les éléments de son
préjudice,
et le Tribunal fédéral ne peut que se rallier à ses considé-
rants sur ce point.

Au surplus, le Tribunal fédéral est de toute maniè-
re lié - s'agissant d'une question de fait (ATF 123 III 110
consid. 2) - par la constatation de la cour cantonale selon

laquelle il n'y a pas de rapport de causalité naturelle
entre
les actes contraires à la LCD ou à la LBI imputés par la dé-
fenderesse à son adverse partie et le préjudice allégué.

6.- Pour autant qu'il est recevable, le recours est
mal fondé. La défenderesse supportera par conséquent les
frais de justice et versera une indemnité de dépens à la de-
manderesse (art. 156 al. 1 et 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Rejette le recours dans la mesure où il est re-
cevable et confirme le jugement attaqué;

2. Met un émolument judiciaire de 5 000 fr. à la
charge de la recourante;

3. Dit que la recourante versera à l'intimée une
indemnité de 5 000 fr. à titre de dépens;

4. Communique le présent arrêt en copie aux manda-
taires des parties et à la Cour civile du Tribunal cantonal
du canton de Vaud.

_____________

Lausanne, le 10 novembre 2000
ECH
Au nom de la Ie Cour civile
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le président,

La greffière,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 4C.190/2000
Date de la décision : 10/11/2000
1re cour civile

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-11-10;4c.190.2000 ?
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