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07/11/2000 | SUISSE | N°U.118/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 07 novembre 2000, U.118/00


«AZA 7»
U 118/00 Sm

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Wagner, Greffier

Arrêt du 7 novembre 2000

dans la cause

P.________, recourant, représenté par Maître Rainer Weibel,
avocat, Herrengasse 30, Berne,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, Lucerne, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Berne, Berne

A.- P.________ a travaillé depuis le 1er septembre

1981 en qualité de chauffeur de taxi au service
d'U.________, à B.________. A ce titre, il était assuré par
la Caisse nationale su...

«AZA 7»
U 118/00 Sm

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Wagner, Greffier

Arrêt du 7 novembre 2000

dans la cause

P.________, recourant, représenté par Maître Rainer Weibel,
avocat, Herrengasse 30, Berne,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, Lucerne, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Berne, Berne

A.- P.________ a travaillé depuis le 1er septembre
1981 en qualité de chauffeur de taxi au service
d'U.________, à B.________. A ce titre, il était assuré par
la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents
(CNA) pour les accidents professionnels et non profession-
nels.
Le 13 septembre 1996, lors d'une course à vélo, le
prénommé fut victime d'un accident, au cours duquel le cy-

cle qu'il conduisait entra en collision avec un piéton.
Atteint d'une fracture du fémur droit et d'une fracture
latérale de la clavicule droite, nécessitant toutes deux
une ostéosynthèse, il fut hospitalisé du 13 septembre au
2 octobre 1996. Tant les médecins de l'Hôpital régional de
B.________, dans leur rapport du 1er octobre 1996, que les
médecins de la clinique médicale de réhabilitation de
C.________, où il séjourna du 2 octobre au 22 novembre
1996, relevèrent une réaction dépressive grave post-trau-
matique (rapport de sortie, du 2 décembre 1996). Depuis le
23 juin 1997, il suit un traitement psychiatrique auprès du
docteur V.________, médecin à B.________. Il a cessé d'ex-
ercer toute activité lucrative.
La CNA prit en charge le cas. Le 7 janvier 1998, le
docteur K.________, médecin d'arrondissement de la CNA, a
constaté des séquelles de la clavicule au niveau de l'épau-
le droite, dont la capacité de charge et la mobilité
étaient réduites (examen médical final). Il évaluait à 15 %
l'atteinte à l'intégrité physique.
Le 13 octobre 1998, la CNA avisa P.________ qu'elle
mettait fin au paiement de l'indemnité journalière au
30 novembre 1998, tout en continuant de prendre en charge
les contrôles médicaux de l'épaule droite. Quant aux pro-
blèmes d'ordre psychique de l'assuré, ils n'étaient pas en
relation de causalité avec l'accident du 13 septembre 1996.

Par décision du 22 avril 1999, la CNA alloua à
P.________ une rente d'invalidité à partir du 1er décembre
1998 pour une incapacité de gain de 15 % et une indemnité
pour atteinte à l'intégrité de 14 580 fr.
L'assuré forma opposition contre cette décision. Par
décision du 9 juillet 1999, la CNA rejeta l'opposition.

B.- Par jugement du 9 février 2000, le Tribunal admi-
nistratif du canton de Berne a rejeté le recours formé par
P.________ contre cette décision. Il a considéré, en bref,

que l'accident incriminé et les circonstances en connexité
étroite avec celui-ci n'étaient pas en relation de causa-
lité adéquate avec les troubles psychiques dont il est
atteint.

C.- P.________ interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement, en concluant, sous suite de
frais et dépens, à l'annulation de celui-ci et à l'allo-
cation d'une rente d'invalidité pour une incapacité de gain
de 100 % et d'une indemnité pour atteinte à l'intégrité
correspondant à une diminution de l'intégrité de 100 %. Il
sollicite la mise en oeuvre d'une expertise psychiatrique
portant sur la question de la causalité adéquate entre
l'accident incriminé et son incapacité de travail et de
gain. En cours de procédure, il a produit une décision de
l'Office AI du canton de Berne, du 3 août 2000, lui al-
louant une rente entière d'invalidité à partir du 1er août
2000, compte tenu d'un taux d'invalidité de 100 %.
La CNA renonce à répondre au recours, mais demande que
le jugement attaqué soit confirmé.

Considérant en droit :

1.- La demande d'expertise psychiatrique du recourant
est dénuée de pertinence. En effet, il existe à cet égard
suffisamment de renseignements au dossier pour permettre de
se convaincre de l'existence d'une affection d'ordre psy-
chique (examen médical final du docteur K.________, du
7 janvier 1998; rapport du docteur V.________ pour l'assu-
rance-invalidité, du 11 février 1998). Il est établi que
cette affection est en relation de causalité naturelle avec
l'accident incriminé, ce que ni le recourant, ni l'intimée
ne remettent en cause. Enfin, contrairement à ce que semble
croire le recourant, la causalité adéquate, qui est une
question de droit, ne saurait faire l'objet d'une experti-
se.

Il reste ainsi à examiner la question litigieuse de la
causalité adéquate entre l'accident du 13 septembre 1996 et
l'atteinte à la santé du recourant.

2.- Le jugement attaqué, auquel soit renvoi, expose de
manière correcte les principes jurisprudentiels en la ma-
tière. On ajoutera qu'il n'est pas admissible de s'écarter
après coup des conclusions qui s'imposent à l'issue d'un
examen du caractère adéquat du lien de causalité et de con-
sidérer, sous l'angle de l'art. 36 al. 2 LAA, les troubles
physiques et psychiques comme une seule atteinte à la san-
té. Bien qu'ils soient dans un rapport de connexité étroit,
ces troubles représentent des atteintes à la santé dis-
tinctes (arrêt M.-T. du 17 avril 2000 [U 276/99], destiné à
la publication, paru in SVR 2000 UV no 17 p. 55).

3.- a) Le recourant allègue que l'accident incriminé
est de gravité moyenne, mais qu'il se situe à la limite de
la catégorie des accidents graves. Il reproche à la juri-
diction cantonale d'avoir mal apprécié les critères déter-
minants, soit la durée anormalement longue du traitement
médical, les douleurs physiques persistantes, les difficul-
tés apparues au cours de la guérison et les complications
importantes, ainsi que la durée de l'incapacité de travail
due aux lésions physiques, critères dont il allègue qu'ils
se cumulent en l'espèce.

b) Compte tenu du rapport de police du 27 septembre
1996, l'accident du 13 septembre 1996 est de gravité moyen-
ne, mais il n'apparaît pas comme l'un des plus graves de la
catégorie intermédiaire ni ne se trouve à la limite de la
catégorie des accidents graves (comp. RAMA 1999 n° U 330
p. 123 sv. consid. 4b/bb et cc).

c) Contrairement à ce que semble croire le recourant,
aucune des circonstances sur lesquelles il se fonde ne se

cumule ni ne revêt en l'espèce une intensité particulière.
En effet, le 19 septembre 1996, lorsque les médecins
de l'Hôpital régional de B.________ procédèrent à une
ostéosynthèse de la fracture de la clavicule droite, ils
constatèrent déjà une forte réaction dépressive, laquelle
avait contribué à la survenance de douleurs intenses (rap-
port des docteurs G.________ et D.________). Dans leur
rapport du 1er octobre 1996, les médecins de la Clinique de
chirurgie de cet établissement hospitalier posèrent notam-
ment le diagnostic de sévère réaction dépressive post-
traumatique.
Il est ainsi établi que des troubles d'ordre psychique
sont survenus immédiatement après l'accident. En outre,
ceux-ci sont passés au premier plan. Il ressort, en effet,
du rapport des docteurs H.________ et M.________, médecins
de la Clinique de chirurgie de l'Hôpital régional de
B.________, du 20 novembre 1997, qu'une incapacité totale
de travail ne se justifiait plus sur le plan physique, le
patient pouvant à nouveau reprendre son métier de chauffeur
de taxi. Or, d'après le docteur V.________, la sévère dé-
pression réactionnelle post-traumatique était devenue
chronique (rapport du 11 février 1998). A cet égard, on
peut inférer de l'examen médical final du médecin d'arron-
dissement de l'intimée, du 7 janvier 1998, que les problè-
mes d'ordre psychique de l'assuré entravaient, voire empê-
chaient sa guérison sur le plan physique.
Ainsi que cela ressort du dossier, la fracture du fé-
mur et celle de la clavicule n'étaient pas particulièrement
graves, ni de nature à provoquer une résistance aux théra-
pies. En ce qui concerne la possibilité d'améliorer l'état
de l'épaule droite, il résulte d'un document du 22 août
1997 que le docteur E.________, chef de service de la Cli-
nique de chirurgie orthopédique de l'Hôpital régional de
B.________, envisageait d'enlever le matériel d'ostéo-
synthèse et de procéder à une plastie de l'acromion ainsi
qu'à la résection partielle latérale de la clavicule. De

son côté, le docteur W.________, spécialiste FMH en
médecine interne et rhumatologue à B.________, dans un
rapport du 3 octobre 1997, partageait cette proposition de
traitement, à laquelle s'opposait toutefois le patient,
mais qui devait être discutée avec lui lors d'une consul-
tation auprès du docteur E.________, prévue pour le
11 novembre 1997. Selon le docteur W.________, il était dès
lors prévisible que le traitement dure encore des mois,
voire des années. Dans un document du 17 novembre 1997, le
docteur E.________, après avoir vu l'assuré, a indiqué que
celui-ci attendait le rapport de l'intimée avant de donner
son accord pour une opération de l'épaule.
Cette situation a donc duré, mais cela est imputable
aux troubles d'ordre psychique survenus immédiatement après
l'accident incriminé, qui sont passés au premier plan et
ont entravé, voire empêché la guérison du recourant sur le
plan physique. Dans ces circonstances, les critères déter-
minants que sont la durée anormalement longue du traitement
médical et les douleurs physiques persistantes ne sont pas
remplis. Par ailleurs, les arguments du recourant concer-
nant d'autres critères déterminants sont sans pertinence.

d) Il s'ensuit que l'accident du 13 septembre 1996
n'est pas en relation de causalité adéquate avec l'affec-
tion d'ordre psychique dont est atteint le recourant.

4.- Que l'on se fonde sur les descriptions du poste de
travail (DPT) prises en considération par l'intimée ou sur
les salaires statistiques (arrêts A. du 9 mai 2000
[I 482/99] et L. du 2 août 2000 [I 498/99]), le taux d'in-
validité de 15 % retenu par l'assurance-accidents n'est pas
critiquable. Le fait que l'assurance-invalidité a fixé à
100 % son taux d'invalidité n'est pas déterminant, s'agis-
sant de son incapacité de gain due à la maladie et à un
accident (décision de l'office AI du 3 août 2000).

5.- Le recourant, qui succombe, ne saurait prétendre à
une indemnité de dépens pour l'instance fédérale (art. 159
al. 1 en corrélation avec l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal administratif du canton de Berne, Cour des af-
faires de langue française et à l'Office fédéral des
assurances sociales.

Lucerne, le 7 novembre 2000

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.118/00
Date de la décision : 07/11/2000
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-11-07;u.118.00 ?
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