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07/11/2000 | SUISSE | N°B.39/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 07 novembre 2000, B.39/00


«AZA 7»
B 39/00 Kt

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Rüedi
et Ferrari; Addy, Greffier

Arrêt du 7 novembre 2000

dans la cause

C.________, recourant, représenté par Me François Berger,
avocat, rue de l'Hôpital 7, Neuchâtel,

contre

Caisse de pension pour le personnel des sociétés
X.________, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Berne, Berne

A.- C.________, né en 1934, a travaillé dès le
1er janvier 1976

pour le compte de X.________ en qualité
d'«inspecteur de ville», à l'agence générale de B.________.
Il a pris une retraite anticipée le 3...

«AZA 7»
B 39/00 Kt

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Rüedi
et Ferrari; Addy, Greffier

Arrêt du 7 novembre 2000

dans la cause

C.________, recourant, représenté par Me François Berger,
avocat, rue de l'Hôpital 7, Neuchâtel,

contre

Caisse de pension pour le personnel des sociétés
X.________, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Berne, Berne

A.- C.________, né en 1934, a travaillé dès le
1er janvier 1976 pour le compte de X.________ en qualité
d'«inspecteur de ville», à l'agence générale de B.________.
Il a pris une retraite anticipée le 31 décembre 1996.
La Caisse de pension pour le personnel des sociétés
X.________ (ci-après : la caisse de pension) lui a reconnu
le droit à une «rente transitoire» d'un montant de 3134 fr.
par mois pour la période allant du 1er janvier 1997

jusqu'au jour où il aurait atteint l'âge ordinaire de la
retraite selon l'AVS; dès cette date, il pourrait préten-
dre, selon les calculs de la caisse, une rente de vieil-
lesse de 2240 fr. par mois. Comme gain annuel déterminant
pour fixer ces prestations, la caisse s'est notamment fon-
dée sur un montant de 71 568 fr. censé représenter, confor-
mément aux statuts, la moyenne des revenus que l'assuré a
perçus au cours des trois années civiles précédant sa mise
à la retraite (1994, 1995, 1996). C.________ a contesté ce
chiffre, en faisant valoir que les primes d'ancienneté
(4301 fr. 75) et de départ (3000 fr.) versées par l'em-
ployeur en 1995 et 1996 devaient être comprises dans le
calcul du gain annuel déterminant, tout comme les montants
versés à titre de «provision» pour le mois de décembre 1996
et de «superprovision» pour l'année 1996, soit respective-
ment 5936 fr. 95 en janvier 1997 (selon décompte de décem-
bre 1996) et 8136 fr. 55 en avril 1997 (selon décompte de
mars 1997). La caisse a refusé de prendre en considération
ces différents montants, en arguant que les primes d'an-
cienneté et de départ étaient des prestations exclues du
gain annuel déterminant aux termes mêmes des statuts et
que, s'agissant de la provision pour le mois de décembre
1996 et de la superprovision pour l'année 1996, du moment
que le versement de ces prestations était intervenu en
1997, celles-ci n'entraient pas dans le salaire soumis à
l'AVS pour l'année 1996 et n'étaient par conséquent pas
comprises dans le gain annuel déterminant de cette année-
là. En dépit d'un important échange de correspondance, les
parties ne sont pas parvenues à s'entendre, toutes les deux
étant restées sur leurs positions.

B.- Par mémoire du 1er février 1999, C.________ a
ouvert action devant le Tribunal administratif du canton de
Berne, Cour des affaires de langue française, en prenant
les conclusions suivantes (selon écriture du 27 avril
1999) :

«1. (...)

2. Dire que la rente mensuelle (Altersrente pro Monat)
que la Caisse de pension pour le personnel des socié-
tés X.________ doit verser à C.________ dès l'âge de
65 ans révolus est de 2'455 fr. 50, et condamner la
Caisse de pension précitée à lui verser ce montant,
mensuellement, conformément aux dispositions légales
et réglementaires applicables.

3. Dire que la rente mensuelle (Altersrente pro Monat)
que la Caisse de pension pour le personnel des socié-
tés X.________ doit verser à C.________ dès le
1er janvier 1997, et ce jusqu'à l'âge de 65 ans révo-
lus est de Frs. 3'351 fr. 50., et condamner la Caisse
précitée à lui verser ce montant, mensuellement, jus-
qu'à l'âge de retraite précité, conformément aux
dispositions légales et réglementaires applicables.

4. (...)».

La caisse a conclu au rejet du recours, pour les mêmes
motifs qu'elle avait précédemment opposés à l'assuré.
Par jugement du 7 avril 2000, le tribunal a partielle-
ment admis la demande, en ce sens qu'il a condamné la cais-
se au versement d'une rente transitoire de 3198 fr. par
mois (au lieu de 3134) dès le 1er janvier 1997, remplacée
par une rente de vieillesse de 2304 fr. par mois (au lieu
de 2240 fr.) dès le jour où l'assuré aurait atteint l'âge
de 65 ans.

C.- C.________ interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement dont il requiert l'annulation, en
reprenant, sous suite de dépens, ses conclusions de pre-
mière instance.
La caisse a renoncé à se déterminer, tandis que l'Of-
fice fédéral des assurances sociales a conclu à l'admission
du recours.

Considérant en droit :

1.- a) La contestation ici en cause relève des autori-
tés juridictionnelles mentionnées à l'art. 73 LPP, tant du
point de vue de la compétence ratione temporis que de celui
de la compétence ratione materiae (ATF 122 V 323 consid. 2,
120 V 18 consid. 1a et les références), et le recours de
droit administratif est recevable de ce chef.

b) Le litige porte sur le montant des prestations de
vieillesse à charge de l'intimée que peut prétendre le
recourant depuis le 1er janvier 1997, singulièrement sur le
calcul du gain annuel déterminant pour la fixation de ces
prestations.

2.- a) Le Règlement de la Caisse de Pension pour le
personnel des sociétés «X.________», dans sa version vala-
ble dès le 1er janvier 1995, est constitué du «Plan de
prévoyance» et des «Dispositions complémentaires» (voir le
préambule du «Plan de prévoyance», p. 5). L'art. 2.1 du
«Plan de prévoyance» dispose ceci :

«Votre gain annuel déterminant effectif correspond au gain
annuel brut que vous avez perçu au cours de l'année civile
précédente (y compris la part correspondante de la gratifi-
cation, à l'exclusion toutefois des suppléments sociaux,
des indemnités versées pour l'accomplissement de tâches
spéciales et des commissions versées aux collaborateurs du
service interne).

Pour les agents généraux, les inspecteurs d'organisation et
de ville, les calculs sont effectués sur la base de la
moyenne des trois années civiles précédentes. Le Conseil de
fondation fixe les règles relatives à la prise en considé-
ration des commissions».

Selon le ch. 4 d'un document intitulé «Anhang zum
Personalstatut für die Stadtinspektoren», en vigueur depuis
le 1er janvier 1990, le gain annuel déterminant des inspec-
teurs de ville doit être calculé de la manière suivante :

«Der im Pensionskassen-Reglement definierte Bruttojahres-
verdienst wird aus dem Durchschnitt der drei vorangehenden
Kalenderjahre berrechnet und setzt sich wie folgt zusammen:

Fixum (inkl. Gratifikation)
+ Abschluss-und Erneuerungsprovisionen WV
+ Spesen

= Brutto-Jahreseinkünfte
./. 30% Spesenabzug nach AHV-Recht

= Bruttojahresverdienst im Sinne des Pensionskassen-
Reglements, im Maximum der Betrag des Grundwerts

b) Les premiers juges ont considéré que la provision
pour le mois de décembre 1996, décomptée au cours de ce
même mois et versée en janvier 1997, était comprise dans le
gain annuel déterminant du recourant. En revanche, ils ont
refusé de faire entrer dans celui-ci la superprovision de
l'année 1996 versée en avril 1997, au motif que le décompte
de cette prestation n'était intervenu qu'en mars 1997. A
leurs yeux, c'est en effet la date à laquelle une presta-
tion de salaire considérée est décomptée qui décide de sa
prise en considération comme gain annuel déterminant, mais
non la période de travail à laquelle elle se rapporte,
contrairement à ce que voudrait le recourant. Ils étayent
leur opinion sur le fait que la caisse de pension «se réfè-
re en général aux inscriptions de la caisse de compensation
(basées sur les déclarations de salaire de l'ex-employeur)
et qu'en pratique, cette dernière se fonde non sur la date
des versements mais sur celle des décomptes (...)». Aussi
bien conviendrait-il, selon les premiers juges, par un
souci d'égalité de traitement entre le recourant et «les
autres rentiers pour lesquels la caisse de pension a aussi
dû se fonder sur les extraits de comptes individuels AVS»,
de procéder de la même manière que pour ceux-ci et donc de
se fier, pour savoir si une prestation de salaire considé-
rée fait partie du gain annuel déterminant, à la date de
son décompte. Ils relèvent par ailleurs que l'art. 2.1

précité du «Plan de prévoyance» fait référence, pour calcu-
ler le gain annuel déterminant des assurés, au gain annuel
brut que ceux-ci ont «perçu» au cours de l'année ou des
trois années civiles précédentes, ce qui contredirait la
thèse du recourant selon laquelle la superprovision de
l'année 1996 entre dans le calcul du gain annuel détermi-
nant de cette même année indépendamment de la date de son
versement.

3.- a) Dans le cas particulier, la caisse de pension
assure des prestations qui vont au-delà de la couverture
légale (cf. art. 1.2 des «Dispositions complémentaires»),
si bien que la contestation relève de la prévoyance profes-
sionnelle plus étendue (sur cette notion, voir par exemple
ATF 122 V 145 consid. 4b). Le recourant est ainsi lié à
l'institution de prévoyance par un contrat innomé (sui
generis) dit de prévoyance, dont le règlement de prévoyance
constitue le contenu préformé, soit les conditions généra-
les auxquelles il se soumet expressément ou par actes con-
cluants. L'interprétation du règlement doit dès lors se
faire selon les règles générales qui sont applicables pour
interpréter les contrats (ATF 122 V 145 consid. 4b).
Celles-ci prévoient en particulier que, lorsque la réelle
et commune intention des parties (art. 18 al. 1 CO) ne peut
être établie, il y a lieu de recourir au principe dit de la
confiance, en tenant compte du mode d'interprétation spéci-
fique aux conditions générales, notamment la règle de la
clause peu claire et la règle dite de l'inhabituel ou de
l'insolite (ATF 122 V 146 consid. 4c).

b) Comme on l'a vu, le gain annuel déterminant du
recourant correspond, aux termes de l'art. 2.1 du «Plan de
prévoyance», au gain brut des trois années civiles ayant
précédé la retraite, à savoir en l'occurrence 1994, 1995 et
1996. Le ch. 4 précité de l'«Anhang zum Personalstatut für
die Stadtinspektoren» précise que ce gain comprend le sa-

laire fixe (Fixum), les provisions (Abschluss- und Erneue-
rungsprovisionen) et l'indemnité pour les frais de repré-
sentation (Spesen), le tout sous déduction d'un taux for-
faitaire de 30 %, soit ce qui est admis comme frais de
représentation par l'AVS (Spesenabzug nach AHV-Recht). Bien
que les superprovisions (Leistungszusatz) ne soient pas
mentionnées expressément dans ce calcul, elles représentent
un mode de rémunération particulier des inspecteurs de
ville en cas de prestations supérieures à la moyenne (cf.
document intitulé «Merkblatt für den Leistungszusatz von
Stadtinspektoren und Agenten der Stufe 2»), si bien qu'el-
les doivent également être prises en considération dans le
revenu déterminant au sens de l'art. 2.1 du «Plan de prévo-
yance». Ce point n'est d'ailleurs pas contesté par les
parties.
Cela étant, dans la mesure où les dispositions régle-
mentaires précitées ne contiennent pas d'autres précisions
que celles exposées ci-avant, l'interprétation des premiers
juges ne peut être suivie, qui voudrait que seules les
provisions et les superprovisions décomptées dans le cou-
rant des années 1994, 1995 et 1996 font partie du gain
déterminant. Interprétées selon le principe de la confian-
ce, ces dispositions réglementaires ne peuvent en effet se
comprendre autrement que ne les a comprises le recourant, à
savoir que le gain déterminant correspond à la moyenne du
gain brut réalisé durant les trois années précédant la
retraite, et cela indépendamment du moment où l'employeur a
procédé au décompte ou au versement des prestations de
salaire entrant en considération. Au reste, dans le système
de l'AVS, le revenu soumis à cotisations d'une personne
exerçant une activité lucrative dépendante doit être ins-
crit au compte individuel pour l'année durant laquelle
l'assuré a exercé l'activité en question. En cas de verse-
ment ultérieur du salaire, l'inscription au compte indivi-
duel pour l'année du paiement n'est admissible que si une
telle opération ne peut influer défavorablement sur les

droits de l'assuré lors du calcul futur d'une rente ou si
elle ne conduit pas à éluder l'obligation légale de cotiser
des personnes n'exerçant aucune activité lucrative (ATF
116 V 5 consid. 4a). Si donc l'intimée entendait, comme
elle l'a soutenu tout au long de la procédure cantonale,
s'inspirer des règles applicables en matière d'AVS, elle
n'avait d'autre choix que de retenir la solution défendue
par le recourant. La procédure d'instruction a d'ailleurs
révélé que la caisse de compensation compétente avait bien
inscrit, dans un premier temps, la provision et la super-
provision concernant l'année 1996 dans le compte individuel
de cette même année, et que ce n'est que dans un second
temps, à la demande de l'employeur, qu'elle aurait - à ce
qu'a allégué l'intimée - modifié cette inscription.
Enfin, on relèvera encore que la référence de
l'art. 2.1 (al. 1er) du «Plan de prévoyance» au gain annuel
brut que l'assuré a «perçu au cours de l'année civile pré-
cédente» n'est pas de nature à conduire à une autre inter-
prétation. Cette référence ne concerne en effet pas direc-
tement les inspecteurs de ville, pour lesquels l'art. 2.1
(al. 2) prévoit une réglementation particulière afin juste-
ment de tenir compte de la spécificité de leur mode de
rémunération. En tout état de cause, il est douteux que
l'expression «gain perçu» puisse se comprendre dans une
acception purement littérale qui s'opposerait, comme le
fait valoir l'intimée, au «gain obtenu» : ainsi comprise,
la clause devrait en effet certainement être qualifiée
d'insolite.

c) Il suit de ce qui précède que la superprovision
de
l'année 1996 doit bien être comprise dans le calcul du gain
déterminant du recourant. Il se justifie dès lors d'annuler
le jugement entrepris et de renvoyer la cause à l'instance
cantonale afin qu'elle fixe à nouveau les prestations de
vieillesse du recourant en tenant compte de cet élément.
Le recours est bien fondé.

4.- Le recourant, qui obtient gain de cause, a droit à
une indemnité de dépens à la charge de l'intimée qui suc-
combe (art. 159 al. 1 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis et le jugement du 7 avril 2000 du
Tribunal administratif du canton de Berne est annulé,
la cause étant renvoyé à cette autorité pour nouveau
jugement au sens des motifs.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. L'intimée versera au recourant une indemnité de dépens
de 2500 fr. pour l'instance fédérale.

IV. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal administratif du canton de Berne, Cour des af-
faires de langue française, et à l'Office fédéral des
assurances sociales.

Lucerne, le 7 novembre 2000

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : B.39/00
Date de la décision : 07/11/2000
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-11-07;b.39.00 ?
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