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06/11/2000 | SUISSE | N°I.328/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 06 novembre 2000, I.328/00


«AZA 7»
I 328/00 Kt

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Décaillet, Greffier ad hoc,

Arrêt du 6 novembre 2000

dans la cause

Office cantonal AI Genève, Boulevard du Pont-d'Arve 28,
Genève, recourant,

contre

P.________, intimée, représentée par Me Didier Plantin,
avocat, rue François-Bellot 2, Genève,

et

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

A.- P.________, née en 1962, a travaillé

en qualité
d'employée de bureau puis de chauffeur de taxi. Le
15 février 1996, elle a déposé une demande de prestations
d'assurance-...

«AZA 7»
I 328/00 Kt

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Décaillet, Greffier ad hoc,

Arrêt du 6 novembre 2000

dans la cause

Office cantonal AI Genève, Boulevard du Pont-d'Arve 28,
Genève, recourant,

contre

P.________, intimée, représentée par Me Didier Plantin,
avocat, rue François-Bellot 2, Genève,

et

Commission cantonale de recours en matière d'AVS/AI, Genève

A.- P.________, née en 1962, a travaillé en qualité
d'employée de bureau puis de chauffeur de taxi. Le
15 février 1996, elle a déposé une demande de prestations
d'assurance-invalidité tendant à l'octroi d'une rente, mo-
tif pris qu'elle avait subi une éventration suite à une
grossesse.
Le 18 janvier 1997, le docteur R.________, généralis-
te, a diagnostiqué une hernie de Spiegel récidivante, une

éventration abdominale, une hyopathie de la paroi abdomi-
nale et un état dépressif sur douleur chronique de la paroi
abdominale. Il a conclu à l'incapacité totale de travail de
l'assurée depuis le 25 mars 1996.
L'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève
(ci-après : l'office) a confié au docteur S.________, chi-
rurgien, le soin de procéder à l'expertise de P.________.
Dans son rapport du 7 septembre 1998, ce médecin a diagnos-
tiqué des douleurs abdominales diffuses, un status après
trois laparotomies pour suspicion non confirmée de hernie,
une petite hernie cicatricielle sous-xyphoïdienne et des
troubles psychiques. Il a conclu que sur le plan somatique
la patiente ne subissait aucune incapacité de travail dans
son activité d'employée de bureau. Dans un rapport du
15 novembre 1998, la doctoresse B.________, psychiatre, a
diagnostiqué une personnalité limite avec des défenses de
type caractériel et hystérique, une symptomatologie anxio-
dépressive fluctuante, des douleurs abdominales chroniques
et diffuses, une névrose de revendication avec majoration
des symptômes physiques en vue de l'obtention d'une rente
et un abus de substances médicamenteuses. Cet expert a con-
staté que P.________ jouissait d'une capacité de travail
entière et non exploitée.
Par décision du 3 février 1999, l'office a rejeté la
demande.

B.- P.________ a recouru contre cette décision devant
la Commission cantonale genevoise de recours en matière
d'assurance-vieillesse, survivants et invalidité. Elle a
produit en procédure cantonale un rapport du 26 février
1999 de son médecin traitant le docteur D.________.
Par jugement du 22 mars 2000, la Cour cantonale a
admis le recours et renvoyé la cause à l'office pour un
complément d'instruction sous la forme d'une expertise
pluridisciplinaire.

C.- L'office interjette recours de droit administratif
contre ce jugement dont il demande l'annulation, en con-
cluant, principalement, au maintien de sa décision et,
subsidiairement, au renvoi de la cause aux premiers juges.
P.________ conclut au rejet du recours. L'Office
fédéral des assurances sociales propose de son côté le re-
jet du recours.

Considérant en droit :

1.- Le litige porte sur le droit de l'intimée à une
rente d'invalidité.

2.- a) Le jugement entrepris expose correctement les
dispositions légales et réglementaires, ainsi que les prin-
cipes jurisprudentiels applicables en l'espèce, de sorte
qu'il peut y être renvoyé.
A propos des expertises médicales judiciaires, la ju-
risprudence considère que le juge ne saurait s'en écarter
sans motifs impérieux, la tâche de l'expert étant précisé-
ment de mettre ses connaissances spéciales à la disposition
de la justice afin de l'éclairer sur les aspects médicaux
d'un état de fait donné (ATF 121 V 161 consid. 1c). Peut
constituer une raison de s'écarter d'une expertise judi-
ciaire le fait que celle-ci contient des contradictions, ou
qu'une surexpertise ordonnée par le tribunal en infirme les
conclusions de manière convaincante. En outre, lorsque
d'autres spécialistes émettent des opinions contraires
aptes à mettre sérieusement en doute la pertinence des
déductions de l'expert, on ne peut exclure, selon les cas,
une interprétation divergente des conclusions de ce dernier
par le juge ou, au besoin, une instruction complémentaire
sous la forme d'une nouvelle expertise médicale (ATF
118 V 290 consid. 1b, 112 V 32 sv. et les références). Le
juge doit, de la même manière, reconnaître une pleine force

probante aux expertises ordonnées par l'administration,
dans la mesure où il n'existe pas non plus d'indices con-
crets qui permettraient de douter de la valeur des conclu-
sions de l'expert (ATF 122 V 161 consid. 1c; RAMA 1985
no K 646 p. 237 consid. 2b et la jurisprudence citée).
Par ailleurs, conformément à ce que relève le recou-
rant, on peut admettre qu'un refus de rente n'atteindra pas
son but seulement si, dans le cas concret, les conclusions
d'un psychiatre, qui sont en outre conformes à la doctrine
reconnue, le confirment (RCC 1986 p. 279).

b) La Cour cantonale a considéré en bref que les ex-
pertises du docteur S.________ et de la doctoresse
B.________ ne permettaient pas de trancher le point de
savoir si la névrose et les affections gastriques de
l'assurée revêtaient un caractère invalidant.
L'office fait valoir en particulier que les renseigne-
ments médicaux du dossier sont suffisants pour statuer sur
le droit de l'assurée à des prestations d'assurance-invali-
dité. Il ajoute que si un complément d'instruction était
nécessaire, il incombe aux premiers juges d'y procéder en
vertu du principe de l'économie de la procédure. L'intimée
soutient que seule une expertise pluridisciplinaire du CO-
MAI permettra de se prononcer sur son invalidité

3.- En l'occurrence, selon l'expertise du 7 septembre
1998 du docteur S.________, l'intimée n'est plus en mesure
d'effectuer les efforts requis par la profession de chauf-
feur de taxi. Ce médecin relève toutefois qu'il n'existe
sous l'angle physique aucune contre-indication à la reprise
par l'intéressée de son ancienne activité d'employée de
bureau. L'avis du docteur D.________, selon lequel l'assu-
rée ne peut plus exercer son activité de chauffeur de taxi
en raison d'une gastroduodenite et d'une colopathie fonc-
tionnelle, ne fait que confirmer l'opinion de l'expert
précité à cet égard. Il faut dès lors admettre que, du

point de vue somatique, l'intimée ne subit pas d'incapacité
de travail susceptible de fonder son droit à une rente
d'invalidité.
Sous l'angle psychique, la doctoresse B.________ a
posé, en particulier, le diagnostic de névrose de revendi-
cation avec majoration des symptômes physiques en vue de
l'obtention d'une rente (rapport du 15 novembre 1998).
Cette praticienne relève qu'elle ne voit pas d'autre
atteinte à la capacité de travail qui est potentiellement
entière et intacte. Elle se prononce contre la mise en
oeuvre d'un traitement relatif à l'évolution sinistrosique
de sa patiente, dès lors que celui-ci aurait dû intervenir
de manière précoce et que l'on ne peut plus rien faire
après plusieurs années. Elle préconise le refus de toute
prestation de l'assurance-invalidité et l'arrêt du verse-
ment des avances financières sur l'octroi de la rente pour
pousser l'assurée à exploiter sa capacité de travail. Elle
précise que si les conditions financières favorables
actuelles perdurent, il y a bien peu de chance de convain-
cre l'assurée de mettre à profit sa capacité de travail et
que celle-ci mettra en échec toute reprise d'une activité.
Il n'y a pas de raison de mettre en doute ce rapport, le-
quel apparaît exempt de contradictions, a été établi par
une spécialiste reconnue, sur la base d'observations ap-
profondies et d'investigations complètes, sans qu'aucun
indice ne permette de douter de son bien fondé (ATF
125 V 352 consid. 3a). Il ne ressort dès lors nullement des
conclusions de l'experte qu'un refus de rente n'atteindra
pas son but. La doctoresse précitée voit au contraire dans
cette mesure la seule possibilité de remettre l'intéressée
au travail. Il faut donc constater, sans qu'il soit néces-
saire de procéder à un complément d'instruction, que la
capacité de travail de l'intimée n'est pas affectée par un
état psychique maladif propre à ouvrir le droit à des
prestations d'assurance-invalidité.
Le recours apparaît bien fondé et le jugement entre-
pris doit être annulé.

4.- L'intimée, qui succombe, n'a pas droit à une in-
demnité de dépens pour l'instance fédérale (art. 159 al. 1
en corrélation avec l'art. 135 OJ).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis et le jugement du 22 mars 2000 de
la Commission cantonale genevoise de recours en matiè-
re d'assurance-vieillesse, survivants et invalidité
est annulé.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice ni alloué de
dépens.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la
Commission cantonale genevoise de recours en matière
d'assurance-vieillesse, survivants et invalidité, et à
l'Office fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 6 novembre 2000

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre :

Le Greffier ad hoc :


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.328/00
Date de la décision : 06/11/2000
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-11-06;i.328.00 ?
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