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02/11/2000 | SUISSE | N°U.74/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 02 novembre 2000, U.74/00


«AZA 7»
U 74/00 Co

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
von Zwehl, Greffière

Arrêt du 2 novembre 2000

dans la cause

H.________, recourant, représenté par Me Jean-Michel Conti,
avocat, rue Achille-Merguin 18, Porrentruy,

contre

La Mobilière Suisse, Société d'assurances, Bundesgasse 35,
Berne, intimée, représentée par Me Erich Stauffacher,
avocat, place Saint-François 11, Lausanne,

et

Tribunal cantonal jurassien, Porrentruy


A.- a) H.________ travaillait comme concierge à la
Banque X.________. A ce titre, il était assuré contre le
risque d'accidents pr...

«AZA 7»
U 74/00 Co

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer;
von Zwehl, Greffière

Arrêt du 2 novembre 2000

dans la cause

H.________, recourant, représenté par Me Jean-Michel Conti,
avocat, rue Achille-Merguin 18, Porrentruy,

contre

La Mobilière Suisse, Société d'assurances, Bundesgasse 35,
Berne, intimée, représentée par Me Erich Stauffacher,
avocat, place Saint-François 11, Lausanne,

et

Tribunal cantonal jurassien, Porrentruy

A.- a) H.________ travaillait comme concierge à la
Banque X.________. A ce titre, il était assuré contre le
risque d'accidents professionnels et non professionnels
auprès de la Mobilière Suisse, Société d'Assurances
(ci-après : la Mobilière).

Le 30 mai 1989, il a chuté d'une hauteur de 4 mètres
alors qu'il était occupé à nettoyer les fenêtres du
1er étage de la banque. Il fut immédiatement transporté à
l'Hôpital régional de X.________ où l'on a diagnostiqué une
double fracture du bassin ainsi qu'une fracture du calca-
néum gauche. Après avoir été envoyé en convalescence, au
mois de juillet 1989, dans un sanatorium, H.________ fut à
nouveau hospitalisé à X.________ le 4 août suivant en
raison notamment de plaintes relatives à des paresthésies
dans les membres inférieurs. A sa sortie d'hôpital le
2 septembre 1989, il a été pris en charge et suivi par son
médecin traitant, le docteur M.________, qui l'a adressé au
docteur F.________, spécialiste FMH en neurologie. Ce
dernier a procédé à des examens médicaux approfondis qui
n'ont révélé aucun trouble organique à support neu-
rologique; en particulier l'hypothèse d'une affection dégé-
nérative du système nerveux a pu être infirmée. L'assuré a
repris progressivement son travail à partir du 1er janvier
1990, d'abord à 30 %, puis à 50 % et enfin à 100 % dès le
1er février 1990. Interpellé par la Mobilière sur l'évolu-
tion du cas, le docteur M.________ a déclaré, dans un
rapport du 14 août 1992, que les plaintes de son patient
concernant les membres inférieurs avaient disparu, si bien
qu'on pouvait actuellement considérer que le statu quo ante
était atteint; à ses yeux, le choc subi par l'assuré avait
révélé un état anxieux préexistant, entraînant une aggrava-
tion temporaire de son état de santé. Sur cette base, la
Mobilière a accepté d'assumer les frais encourus pour les
examens neurologiques et classé le dossier.

b) Le 19 août 1994, le docteur M.________ a annoncé à
la Mobilière une rechute de l'accident de 1989, en indi-
quant que son patient souffrait à nouveau de troubles dif-
fus dans les membres inférieurs, et que d'après les
constatations des médecins de la clinique neurologique de
l'Hôpital de Y.________ - où celui-ci avait séjourné du

27 juin au 8 juillet 1994 -, ces troubles pourraient dé
couler d'une possible lésion au plexus intervenue à la
suite d'un choc violent. Le docteur M.________ a, par
ailleurs, attesté une incapacité de travail dès le 7 mai
1994.
Sur la suggestion de son médecin-conseil, le docteur
D.________, la Mobilière a confié une expertise au docteur
B.________, spécialiste FMH en orthopédie. Cet expert a
conclu que les troubles actuels de l'assuré étaient de
nature exclusivement psychogène et qu'ils s'inscrivaient
dans un rapport de cause à effet avec l'accident dont ce
dernier avait été victime en 1989 (rapport du 21 août
1995). Une expertise psychiatrique a dès lors été mise en
oeuvre, dont il est ressorti que l'intéressé ne présentait
aucune affection psychique invalidante (rapport du
14 novembre 1995 du docteur H.________, psychiatre).
Se fondant sur ces expertises, la Mobilière a, par dé-
cision du 10 juillet 1996, nié le droit de H.________ à des
prestations d'assurance, en raison de l'absence d'un lien
de causalité entre les troubles actuels et l'accident du
30 mai 1989. Dans l'intervalle, l'assurance-invalidité l'a
mis au bénéfice d'une rente entière d'invalidité avec effet
au 1er mai 1995 (décision du 27 novembre 1995).

c) Ensuite de l'opposition formée par l'assuré contre
la décision de la Mobilière, l'ensemble du dossier médical
a été soumis pour examen au docteur D.________. Selon ce
praticien (orthopédiste), la réapparition en 1994 des trou-
bles aux membres inférieurs ne pouvait, au degré de vrai-
semblance requis, être attribuée à l'événement traumatique
du 30 mai 1989; en outre, l'hypothèse d'une lésion au
plexus, évoquée par les médecins de l'Hôpital de Y.________
devait être écartée car en ce cas, les symptômes seraient
apparus immédiatement après l'accident et non seulement
quelques semaines plus tard, et n'auraient, de surcroît,
pas subi de fluctuations dans le temps (rapport du 6 sep-

tembre 1996). Cette appréciation a fait l'objet d'un avis
complémentaire par chacun des deux experts (rapports des 9
et 21 avril 1997, respectivement des docteurs B.________ et
H.________). Par décision sur opposition du 28 août 1997,
la Mobilière a confirmé son point de vue initial.

B.- L'assuré a recouru contre cette dernière décision
devant la Chambre des assurances du Tribunal cantonal de la
République et canton du Jura, qui l'a débouté par jugement
du 11 janvier 2000.

C.- H.________ interjette recours de droit ad-
ministratif contre ce jugement, dont il requiert l'annula-
tion. Il conclut, sous suite de dépens, principalement à
l'octroi de prestations d'assurance de la Mobilière et, à
titre subsidiaire, au renvoi de la cause, soit au tribunal
cantonal pour nouveau jugement, soit à l'assureur-accidents
pour nouvelle décision.
La Mobilière conclut au rejet du recours, sous suite
de frais et dépens, tandis que l'Office fédéral des
assurances ne s'est pas déterminé.

Considérant en droit :

1.- Le litige porte sur le droit du recourant à des
prestations d'assurance de la Mobilière en relation avec
les troubles qu'il présente depuis le mois de mai 1994.

2.- Les premiers juges ont correctement rappelé les
dispositions légales et les principes jurisprudentiels ap-
plicables en l'espèce, de sorte qu'il peut être renvoyé au
jugement entrepris.
Il convient d'ajouter que la responsabilité de l'assu-
reur-accidents s'étend, en principe, à toutes les consé-
quences dommageables qui se trouvent dans un rapport de

causalité naturelle et adéquate avec l'événement assuré.
Les prestations d'assurance sont donc également versées en
cas de rechutes ou de séquelles (art. 11 OLAA). D'après la
jurisprudence, il y a rechute lorsqu'une atteinte présumée
guérie récidive, de sorte qu'elle conduit à un traitement
médical ou à une incapacité de travail. En revanche, on
parle de séquelles ou de suites tardives lorsqu'une attein-
te apparemment guérie produit, au cours d'un laps de temps
prolongé, des modifications organiques ou psychiques qui
conduisent souvent à un état pathologique différent (ATF
123 V 138 consid. 3a, 118 V 296 consid. 2c et les réfé-
rences). Enfin, on rappellera à l'intention des avocats du
recourant et de l'intimée, que contrairement à ce qu'ils
soutiennent l'un et l'autre, dans la procédure de recours
concernant l'octroi ou le refus de prestations d'assurance,
le Tribunal fédéral des assurances n'est pas lié par l'état
de fait constaté par la juridiction inférieure (art. 132
OJ).

3.- a) Le recourant relève que les deux experts commis
par l'assureur-accidents parviennent à des conclusions con-
tradictoires, si bien que leurs expertises seraient dénuées
de valeur probante. Il allègue que les paresthésies dont il
souffre actuellement se sont manifestées consécutivement à
sa chute en 1989 et n'ont jamais cessé de perdurer depuis
lors; se référant aux nombreux rapports de son médecin
traitant, d'après lequel il n'aurait jamais développé de
tels troubles sans la survenance de l'accident, il estime
que la responsabilité de l'intimée est en l'espèce engagée.
De son côté, l'intimée soutient que les expertises
qu'elle a mises en oeuvre sont concordantes et qu'elles dé-
montrent à satisfaction de droit l'absence d'un lien de
causalité naturelle entre les maux présentés par le recou-
rant et l'événement accidentel du 30 mai 1989.

b) N'ayant pu mettre en évidence de troubles somati-
ques post-traumatiques, le docteur B.________, spécialiste
FMH en orthopédie, en a déduit que l'assuré présentait
vraisemblablement des troubles d'ordre psychique; le
docteur H.________, psychiatre, a considéré que tel n'était
pas le cas. Contrairement à ce que prétend le recourant, on
ne saurait voir de contradiction entre ces deux appré-
ciations médicales. En effet, comme le docteur B.________
l'a précisé ultérieurement dans son rapport complémentaire
du 9 avril 1997, il n'a fait que soupçonner la présence de
troubles psychiques, hypothèse qui n'a pas trouvé confirma-
tion auprès de son confrère psychiatre. Le grief soulevé
par le recourant se révèle ainsi mal fondé et ne justifie
en aucune manière que l'on ne tienne pas compte de ces deux
expertises qui, au demeurant, remplissent toutes les
exigences auxquelles la jurisprudence soumet de tels moyens
de preuve (ATF 125 V 352 consid. 3; 122 V 160 consid. 1c et
les références).
Sur le plan somatique, l'avis du docteur B.________
est entièrement corroboré par celui du docteur D.________.
Tous deux ont, de manière convaincante, écarté la thèse
d'une lésion du plexus évoquée par les médecins de l'Hôpi-
tal de Y.________ et exclu, au terme de leur examen,
l'existence d'une rechute ou de séquelles physiques en re-
lation avec l'événement accidentel de 1989. C'est en vain
que le recourant invoque les rapports de son médecin trai-
tant, le docteur M.________, ou ceux du docteur F.________
pour démontrer le contraire. En effet, depuis 1989, aucun
de ces médecins n'a pu objectiver de support organique aux
troubles présentés par leur patient.
S'ils ont certes admis, sur le plan psychique, un lien
indirect entre ces troubles et l'accident, ce n'est que
dans la mesure où ce dernier a déclenché «une crainte d'un
dommage permanent de type neurologique» qui, à l'époque,
avait été accentuée par le contact de l'assuré avec des
personnes victimes de sclérose en plaque lors de son séjour

dans un sanatorium (rapport du docteur M.________ du
14 août 1992). En 1992, ces praticiens ont toutefois estimé
que le statu quo était atteint : les troubles avaient cessé
d'affecter le recourant, rassuré au sujet de ses peurs. Ces
considérations sont également partagées par le docteur
H.________ dans son avis complémentaire du 21 avril 1997.
Selon cet expert, consécutivement à l'accident de 1989,
l'intéressé avait certainement développé - de manière plus
ou moins marquée - des troubles hypocondriaques; ceux-ci
avaient à nouveau émergé en 1994 pour disparaître au moment
de son examen en 1995, mais il s'agissait là, à ses yeux,
d'une nouvelle manifestation de troubles psychiques qui ne
pouvait être directement attribuée à l'accident du 30 mai
1989. Du reste, H.________ a joui durant plus de trois ans
après sa chute en 1989 d'une pleine capacité de travail.

c) Dans ces conditions, force est de constater qu'au
degré de la vraisemblance prépondérante, il n'existe pas un
lien de causalité naturelle entre les troubles actuels du
recourant et l'accident du 30 mai 1989. Le jugement entre-
pris n'est dès lors pas critiquable et le recours doit être
rejeté.

4.- L'intimée, représentée par un avocat, obtient gain
de cause. Elle ne saurait toutefois prétendre une indemnité
de dépens pour l'instance fédérale. En effet, les autorités
et les organisations chargées de tâches de droit public
n'ont en principe pas droit à des dépens lorsqu'elles
obtiennent gain de cause (art. 159 al. 2 en liaison avec
l'art. 135 OJ). Comptent au nombre des organisations
chargées de tâches de droit public notamment la CNA, les
autres assureurs-accidents, les caisses-maladie et les
caisses de pension (consid. 6 de l'ATF 120 V 352).
Exceptionnellement des dépens peuvent être alloués
lorsqu'en raison de la particularité ou de la difficulté du
cas, le recours à un avocat indépendant était nécessaire

(ATF 119 V 456 consid. 6b; RAMA 1995 no K 955 p. 6). Tel
n'est pas le cas en l'espèce.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice, ni alloué de
dépens.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, à la
Chambre des assurances du Tribunal cantonal de la
République et canton du Jura et à l'Office fédéral des
assurances sociales.

Lucerne, le 2 novembre 2000

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

La Greffière :


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.74/00
Date de la décision : 02/11/2000
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-11-02;u.74.00 ?
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