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02/11/2000 | SUISSE | N°I.238/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 02 novembre 2000, I.238/00


«AZA 7»
I 238/00 Rl

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Berset, Greffière

Arrêt du 2 novembre 2000

dans la cause

S.________, recourante, représentée par la Fédération
suisse pour l'intégration des handicapés, Place
Grand-Saint-Jean 1, Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
rue du Lac 37, Clarens, intimé,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- S.

________, née au Viêt-nam, souffre d'amaurose
totale depuis sa naissance. En dépit de sa cécité, elle a
obtenu un baccalauréat en lang...

«AZA 7»
I 238/00 Rl

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président, Meyer
et Ferrari; Berset, Greffière

Arrêt du 2 novembre 2000

dans la cause

S.________, recourante, représentée par la Fédération
suisse pour l'intégration des handicapés, Place
Grand-Saint-Jean 1, Lausanne,

contre

Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
rue du Lac 37, Clarens, intimé,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- S.________, née au Viêt-nam, souffre d'amaurose
totale depuis sa naissance. En dépit de sa cécité, elle a
obtenu un baccalauréat en langues modernes en 1987 et a

accompli en France, de septembre 1988 à juin 1991, une
formation complète de masseuse-kinésithérapeute, financée
par l'assurance-invalidité et couronnée par un diplôme.
De 1991 à 1993, elle a travaillé à plein temps comme
physiothérapeute à la Fondation X.________ (institution
pour handicapés physiques). Après deux mois de chômage,
elle a trouvé en 1994 un emploi à 40 % dans le cabinet d'un
physiothérapeute malvoyant. Elle bénéficiait d'indemnités
de l'assurance-chômage pour le surplus.
Dans un rapport du 5 décembre 1996, le conseiller en
professions de la division réadaptation de l'Office de
l'assurance-invalidité du canton de Vaud (ci-après : l'of-
fice) a précisé que l'assurée, qui exerçait son activité
lucrative à raison de 40 %, n'avait pas été en mesure de se
trouver un autre emploi à temps partiel dans son domaine,
malgré ses diverses recherches. Selon lui, il serait faux
d'affirmer qu'elle se heurte essentiellement à une situa-
tion conjoncturelle défavorable : elle est avant tout con-
frontée aux problèmes engendrés par son handicap visuel. A
son avis, sa capacité de travail en tant que physiothéra-
peute ne pourra excéder 50 %, de sorte que le droit à une
demi-rente d'invalidité est pleinement justifié.
Au cours de l'année 1997, pour des motifs économiques,
S.________ a dû réduire son activité à 25 %. En automne
1997, elle a commencé des études de langues à la Faculté
des Lettres de l'Université de Genève, à l'aide d'une bour-
se de 11 000 fr. par an. Elle travaille par ailleurs dans
une bibliothèque pour un revenu de 7200 fr. par an.
Le 12 avril 1997, elle a déposé une demande de reclas-
sement (dans la profession de traductrice) et de rente de
l'assurance-invalidité.
Chargés d'une expertise, les professeurs P.________ et
C.________, respectivement directeur et médecin assistant
de Y._______, ont posé le diagnostic d'abulbie bilatérale

secondaire à un buphtalme bilatéral ayant entraîné une
cécité complète et d'infection urinaire à répétition sur
probable reflux vésico-urétéral. De l'avis de ces médecins,
la capacité de travail de l'assurée était réduite de 50 %,
en raison de la cécité bilatérale. Les chances de
S.________ d'achever une formation de traductrice étaient
bonnes. Selon eux, la prénommée devrait bénéficier d'une
rente d'invalidité de 50 %, ainsi que d'une aide financière
pour les frais liés à sa formation actuelle (rapport du
16 mars 1998).
Dans un rapport complémentaire du 6 décembre 1998, les
experts précités ont relevé qu'après un succès partiel, il
y avait eu un échec de fait dans le choix professionnel
initial, lié tant au handicap de la patiente qu'à la situa-
tion conjoncturelle. Ils ont expliqué que si l'assurée
avait été en mesure de travailler en qualité de physiothé-
rapeute, «cela n'avait pas été sans mal puisqu'elle a tout
d'abord perdu sa place à X.________ en raison de son
handicap (ses supérieurs ont estimé que son handicap met-
tait en jeu la santé des patients) et que de 1993 à 1997,
elle a connu plusieurs périodes de chômage».
Par décision du 27 avril 1999, l'office a nié le droit
de S._________ aux prestations demandées, motif pris
qu'elle bénéficiait d'une pleine capacité de travail et de
gain dans sa profession de masseuse-kinésithérapeute.

B.- Saisi d'un recours contre cette décision, le Tri-
bunal des assurances du canton de Vaud l'a rejeté par juge-
ment du 28 octobre 1999. Il a considéré, en bref, que la
formation acquise aux frais de l'assurance-invalidité l'a
été compte tenu du handicap de la vue; il n'y avait pas
d'obstacles médicaux empêchant l'assurée d'exercer à plein
temps sa profession de physiothérapeute.

C.- S.________ interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement, dont elle requiert l'annulation,
en concluant, sous suite de frais et dépens, principalement
à l'octroi d'une mesure de reclassement dans la profession
d'interprète-traductrice. Subsidiairement, elle conclut à
l'octroi d'une demi-rente d'invalidité.
L'office propose implicitement le rejet du recours. De
son côté, l'Office fédéral des assurances sociales ne s'est
pas déterminé.

Considérant en droit :

1.- Le jugement entrepris expose de manière exacte les
règles légales et les principes jurisprudentiels applica-
bles au présent cas, de sorte qu'il suffit d'y renvoyer.
Il convient néanmoins de préciser que le droit au
reclassement dans une nouvelle profession suppose que l'at-
teinte à la santé entraîne une perte de gain durable de
20 % environ dans toute activité exigible et qui ne néces-
site pas une formation professionnelle complémentaire (ATF
124 V 110 sv. consid. 2b; VSI 2000, p. 64 consid. 1).

2.- Les experts de Y.________ considèrent (comme le
conseiller en profession de la division réadaptation de
l'intimé, d'ailleurs) qu'en raison des seules répercussions
liées à sa cécité, la capacité de travail de l'assurée en
tant que physiothérapeute est de 50 %.
Pour déterminer la valeur probante d'un rapport médi-
cal, il importe en particulier que les conclusions de l'ex-
pert soient bien motivées (ATF 125 V 352 consid. 3b;
122 V 160 consid. 1c). Tel n'est cependant pas le cas en
l'espèce où l'évaluation de la capacité de travail au re-
gard de l'atteinte à la santé ne repose pas sur une appré-
ciation soigneusement motivée. Il s'ensuit que, contraire-
ment à l'opinion de la recourante, on ne saurait en tirer

aucune conclusion quant à l'incapacité de travail de la
recourante.
Comme l'office avait cependant sollicité une expertise
médicale - à juste titre au vu du rapport de son conseiller
en professions -, il lui incombait de poursuivre l'instruc-
tion en requérant au besoin d'autres avis médicaux, voire
d'autres moyens de preuve dès lors qu'il estimait que les
conclusions du premier expert n'étaient pas probantes. Dans
le même sens, la juridiction cantonale a considéré, à tort,
qu'il lui était possible de statuer sur la capacité de
travail de la recourante alors qu'elle ne disposait en
particulier pas de documents médicaux pertinents pour dé-
terminer précisément les conséquences de l'atteinte à la
santé sur la capacité de travail comme masseuse-kinésithé-
rapeute.
Un complément d'instruction s'impose dès lors, afin
de déterminer si et dans quelle mesure la capacité de tra-
vail de la recourante est diminuée par une atteinte à la
santé, et, le cas échéant, si elle a droit à une mesure de
reclassement ou à une rente d'invalidité.

3.- En ce qui concerne le droit à une rente, les pre-
miers juges auraient dû se prononcer sur ce point, qui
faisait partie de l'objet du litige. Par mesure d'économie
de procédure, la cause ne leur sera pas renvoyée, dès lors
que l'office est appelé à réexaminer entièrement la situa-
tion de la recourante.

4.- S.________, qui obtient partiellement gain de
cause, est représentée par le Service juridique de la Fédé-
ration suisse pour l'intégration des handicapés (FSIH) et a
droit à une indemnité de dépens à la charge de l'office
intimé (ATF 126 V 11 consid. 2; SVR 1997 IV n° 110 p. 341).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est partiellement admis et le jugement du
Tribunal des assurances du canton de Vaud du 28 octo-
bre 1999, ainsi que la décision de l'Office de l'as-
surance-invalidité du canton de Vaud du 27 avril 1999
sont annulés; la cause est renvoyée à cet office pour
instruction complémentaire au sens des considérants et
nouvelle décision.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. L'office intimé versera à la recourante la somme de
2000 fr. à titre de dépens pour l'instance fédérale.

IV. Le dossier est renvoyé à l'autorité judiciaire canto-
nale pour qu'elle statue sur les dépens de première
instance au regard de l'issue du litige en procédure
fédérale.

V. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal des assurances du canton de Vaud, et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 2 novembre 2000

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre :

La Greffière :


Synthèse
Numéro d'arrêt : I.238/00
Date de la décision : 02/11/2000
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-11-02;i.238.00 ?
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