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02/11/2000 | SUISSE | N°B.50/00

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 02 novembre 2000, B.50/00


«AZA 7»
B 50/00 Mh

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer; Addy,
Greffier

Arrêt du 2 novembre 2000

dans la cause

M.________, recourant,

contre

Caisse de pensions du personnel X.________, intimée,
présentée par Maître Christian Bettex, Place Saint-
François 11, Lausanne,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- A la suite de son engagement comme archiviste chez
C.________, M.________ fut affilié dès le 1er

février 1981
à la Caisse de pensions du personnel X.________ (ci-après :
la caisse).
Dès fin 1989, le prénommé connut différentes...

«AZA 7»
B 50/00 Mh

IIIe Chambre

composée des Juges fédéraux Schön, Spira et Widmer; Addy,
Greffier

Arrêt du 2 novembre 2000

dans la cause

M.________, recourant,

contre

Caisse de pensions du personnel X.________, intimée,
présentée par Maître Christian Bettex, Place Saint-
François 11, Lausanne,

et

Tribunal des assurances du canton de Vaud, Lausanne

A.- A la suite de son engagement comme archiviste chez
C.________, M.________ fut affilié dès le 1er février 1981
à la Caisse de pensions du personnel X.________ (ci-après :
la caisse).
Dès fin 1989, le prénommé connut différentes périodes
d'incapacité de travail de durée variable attestées par le

docteur D.________, psychiatre, qui diagnostiqua une né-
vrose d'angoisse et de caractère avec tendances dépressives
et abus d'alcool occasionnels. En mars 1990, M.________ fut
examiné par le médecin-conseil de la caisse à la demande de
l'employeur, qui souhaitait être renseigné sur le droit
éventuel de son employé à des prestations d'invalidité. A
l'issue de cette consultation, le médecin-conseil décida de
confier un mandat d'expertise au Centre psycho-social du
Département universitaire de psychiatrie Y.________.
M.________ ne donna pas suite à la convocation de l'expert
pour le 22 mai 1990 en raison d'un état grippal. Cinq jours
plus tard, il provoqua, en état d'ébriété avancé, un ac-
cident de la circulation dans lequel trois personnes
perdirent la vie. Immédiatement placé en détention
préventive, il fut relaxé en septembre 1990. Pour des
motifs de sûreté, il fut replacé en détention préventive
dès le mois de janvier 1991 jusqu'à sa condamnation le
6 décembre 1991, où il écopa d'une peine de 33 mois de ré-
clusion pour homicide par négligence, lésions corporelles
simples et ivresse au volant. Incarcéré aux Etablissements
Z.________ pour y subir sa peine, il fut remis en liberté
le 2 juin 1993.
Entre-temps, le 14 juin 1990, son employeur avait
résilié les rapports de travail avec effet immédiat pour
justes motifs et avisé la caisse, le 25 juin 1990, que les
cotisations ne seraient plus versées dès le 30 juin 1990,
en raison de la «démission» de son employé. Informé de ces
faits, le médecin-conseil considéra que la caisse n'était
«plus concernée par la problématique» de l'assuré et re-
nonça à mettre en oeuvre l'expertise psychiatrique initia-
lement prévue en mai 1990.
M.________ déposa une demande de prestations de
l'assurance-invalidité le 5 octobre 1990. Vu ses démêlés
avec la justice, il ne bénéficia toutefois pas de mesures
de reclassement professionnel avant le 3 août 1992. Nonobs-

tant l'obtention d'un diplôme de commerce et d'un certifi-
cat de gestionnaire qualifié en informatique, il ne parvint
pas à réintégrer le monde du travail. Une expertise psy-
chiatrique fut alors ordonnée. Dans un rapport du 21 juil-
let 1997, les docteurs B.________ et R.________,
respectivement médecin associé et médecin assistant de
Y.________, conclurent à l'existence d'une incapacité de
travail de 25 % au moins depuis le mois de février 1990,
puis de 75 % au moins depuis la sortie de prison en juin
1993 et de 100 % dès le mois de novembre 1996. Par décision
du 17 novembre 1997, l'Office de l'assurance-invalidité
pour le canton de Vaud (ci-après : l'office AI) mit
l'assuré au bénéfice d'une rente entière d'invalidité à
partir du 1er janvier 1996, soit dès la fin des mesures de
reclassement.
De son côté, la caisse de pensions refusa d'octroyer
des prestations à M.________, motif pris que l'incapacité
de travail à l'origine de son invalidité remontait, au vu
de la décision précitée de l'office AI, à une date où il ne
remplissait plus la condition d'assurance.

B.- Par écriture du 4 juin 1998, M.________ ouvrit
action devant le Tribunal des assurances du canton de Vaud,
en concluant à ce que la caisse fût condamnée à lui servir
des prestations d'invalidité.
Par jugement du 7 décembre 1999, le tribunal rejeta la
demande de M.________ pour le même motif que la caisse lui
avait précédemment opposé, à savoir qu'il n'était plus
assuré auprès de cette institution de prévoyance au moment
déterminant.

C.- M.________ interjette recours de droit adminis-
tratif contre ce jugement dont il requiert implicitement
l'annulation, en concluant à l'octroi de prestations
d'invalidité conformément aux statuts de la caisse.
La caisse conclut principalement à l'irrecevabilité du
recours, subsidiairement à son rejet. L'office fédéral des
assurances sociales conclut à l'admission du recours.

Considérant en droit :

1.- Invoquant l'art. 104 OJ, la caisse intimée met en
doute la recevabilité du recours dont la motivation serait,
à l'en croire, insuffisante.
L'exigence selon laquelle un recours de droit adminis-
tratif doit, notamment, indiquer les motifs et les conclu-
sions du recourant, ne découle pas de l'art. 104 OJ, mais
de l'art. 108 al. 2 en liaison avec l'art. 132 OJ. La
jurisprudence admet que cette exigence, qui a pour but de
fixer le juge sur la nature et l'objet du litige, est déjà
remplie lorsque les conclusions et les motifs résultent
implicitement du mémoire de recours, pour autant qu'on
puisse déduire de ce dernier, considéré dans son ensemble,
à tout le moins ce que le recourant demande d'une part, et
quels sont les faits sur lesquels il se fonde d'autre part.
Il n'est en revanche pas nécessaire que la motivation soit
pertinente, du moment qu'elle se rapporte bien au litige en
question (ATF 123 V 336 consid. 1a et les références).
En l'espèce, le recourant conclut clairement à l'oc-
troi de prestations d'invalidité à charge de la caisse
intimée, en faisant pour l'essentiel valoir que, contrai-
rement à ce qu'on retenu les premiers juges, son invalidité
remonte à 1990 et non à 1996. Etayée par des faits précis,
cette argumentation satisfait en tous points aux exigences
de motivation déduites de l'art. 108 al. 2 OJ.

2.- Le litige porte sur le droit du recourant à des
prestations d'invalidité à la charge de la caisse intimée,
singulièrement sur le point de savoir si la condition
d'assurance était remplie au moment déterminant.

a) Ont droit à des prestations d'invalidité les in-
valides qui étaient assurés lors de la survenance de
l'incapacité de travail dont la cause est à l'origine de
l'invalidité (art. 23, 2e partie de la phrase, LPP). Selon
la jurisprudence, l'événement assuré au sens de l'art. 23

LPP est uniquement la survenance d'une incapacité de tra-
vail d'une certaine importance, indépendamment du point de
savoir à partir de quel moment et dans quelle mesure un
droit à une prestation d'invalidité est né. La qualité
d'assuré doit exister au moment de la survenance de l'in-
capacité de travail, mais pas nécessairement lors de
l'apparition ou de l'aggravation de l'invalidité. Cette
interprétation littérale est conforme au sens et au but de
la disposition légale en cause, laquelle vise à faire
bénéficier de l'assurance le salarié qui, après une maladie
d'une certaine durée, devient invalide alors qu'il n'est
plus partie à un contrat de travail. Lorsqu'il existe un
droit à une prestation d'invalidité fondée sur une incapa-
cité de travail survenue durant la période d'assurance,
l'institution de prévoyance concernée est tenue de prendre
en charge le cas, même si le degré d'invalidité se modifie
après la fin des rapports de prévoyance. Dans ce sens, la
perte de la qualité d'assuré ne constitue pas un motif
d'extinction du droit aux prestations au sens de l'art. 26
al. 3 LPP (ATF 123 V 263 consid. 1a, 118 V 45 consid. 5).
L'incapacité de travail est la perte ou la diminution
de la capacité de rendement de l'assuré dans sa profession
ou son champ d'activités habituelles. Pour être prise en
considération, la diminution du rendement professionnel
doit être sensible et indiscutable; en outre, cet état de
fait doit être durable (ATF 105 V 159 consid. 2a).

b) Conformément à l'art. 26 al. 1 LPP, les disposi-
tions de la LAI (art. 29 LAI) s'appliquent par analogie à
la naissance du droit aux prestations d'invalidité. Si une
institution de prévoyance reprend - explicitement ou par
renvoi - la définition de l'invalidité de la LAI, elle est
en principe liée, lors de la survenance du fait assuré, par
l'estimation de l'invalidité par les organes de cette assu-
rance, sauf si cette estimation apparaît d'emblée insou-
tenable. Cette force contraignante vaut aussi en ce qui
concerne la naissance du droit à la rente et, par consé-

quent, également pour la détermination du moment à partir
duquel la capacité de travail de l'assuré s'est détériorée
d'une manière sensible (ATF 123 V 271 consid. 2a et les
références citées).

c) Après avoir rappelé cette jurisprudence, les pre-
miers juges l'ont appliquée de la manière suivante au cas
d'espèce :

«la décision de l'OAI fixant le début de l'invalidité
au 1er janvier 1996 ne peut être tenue pour "d'emblée
insoutenable" au sens de la jurisprudence topique. Aussi,
dans le cas d'espèce, l'institution de prévoyance est liée
par la décision des organes de l'AI et la condition d'assu-
rance n'est pas donnée (...). Vu la définition réglemen-
taire de l'invalidité, identique à celle de la LAI, il
apparaît, selon la vraisemblance prépondérante, que la
caisse de pension ne lui aurait pas reconnu une invalidité
avant (le 1er juillet 1990) ou dans l'année qui suit. En
outre, la reconnaissance par les experts psychiatres d'une
incapacité de travail de 25 % à partir de février 1990
remonte au 21 juillet 1997; elle est ainsi de plus de sept
ans postérieure à la période litigieuse et doit, de ce seul
fait déjà, être considérée avec circonspection. Au surplus,
elle ne touche que la capacité de travail médico-théorique
et ne saurait donc être assimilée à une invalidité au sens
des statuts de l'institution de prévoyance. Là encore, vu
la définition de l'invalidité retenue par la défenderesse,
on ne peut lui reprocher d'avoir interrompu l'examen du
droit éventuel du demandeur à une rente d'invalidité de la
caisse de pension suite à la fin des rapports de travail.
On ne saurait davantage lui faire grief de ne pas lui avoir
reconnu le droit à une rente d'invalidité à cette époque,
ni de refuser de le lui reconnaître à l'heure actuelle
encore».

d) Ces considérations sont erronées pour trois raisons
au moins.

aa) En premier lieu, la définition de l'invalidité
adoptée par l'intimée dans ses statuts du 11 mars 1975
(ci-après : les statuts) ne se recoupe pas entièrement avec
celle qui figure dans la LAI, pour les motifs que l'autori-
té de surveillance a pertinemment exposés dans sa prise de
position, et à laquelle il suffit de renvoyer les parties.

Pour cette seule raison déjà, la décision de l'office AI ne
lie pas l'intimée, contrairement à l'opinion des premiers
juges.

bb) En deuxième lieu, selon la jurisprudence, la force
contraignante des décisions rendues par les organes de l'AI
ne s'étend, à l'égard des institutions de prévoyance,
qu'aux constatations et aux appréciations qui revêtent
également, dans le cadre de la procédure AI, une certaine
importance pour statuer sur le droit à une rente d'invali-
dité (arrêt M. du 14 août 2000 [B 50/99] consid. 2b). Or,
en l'espèce, comme le recourant a bénéficié de mesures de
reclassement et d'indemnités journalières jusqu'au
12 janvier 1996, l'office AI devait seulement examiner son
droit à une rente d'invalidité à partir de cette date en
vertu de l'art. 29 al. 2 LAI, conformément au principe de
la priorité de la réadaptation sur la rente et il n'avait
donc pas à se préoccuper d'une incapacité de travail
invalidante remontant au-delà du mois de janvier 1995
(art. 29 al. 1 let. b LAI). Aussi bien, la décision de
l'office AI ne lie-t-elle pas la caisse intimée.

cc) En troisième lieu, la prise en compte d'une in-
capacité de travail déterminante seulement à partir du
1er janvier 1995, comme l'ont fait l'intimée et la Cour
cantonale en se retranchant derrière la décision de l'of-
fice AI, doit être qualifiée d'insoutenable. En effet,
l'office AI a fondé sa décision sur les conclusions des
docteurs B.________ et R.________ (rapport du 21 juillet
1997) qui font état d'une incapacité de travail de 25 % au
moins depuis le mois de février 1990, et de 75 % au moins
depuis la sortie de prison du recourant en juin 1993. Or,
les premiers juges ne pouvaient faire fi des conclusions de
ces médecins pour le seul motif que les faits déterminants
s'étaient produits sept ans avant l'expertise. Rendu au
terme de quatre consultations et d'un entretien télépho-
nique avec le médecin traitant de l'assuré, le docteur

D.________, le rapport d'expertise des docteurs B.________
et R.________ repose en outre sur une anamnèse détaillée et
une étude attentive de l'ensemble du dossier AI; il a donc
pleine valeur probante (cf. ATF 125 V 352 consid. 4a et les
références). Il y a d'autant moins de raison de s'en écar-
ter que d'autres éléments plaident en faveur de la recon-
naissance d'une incapacité de travail d'une certaine impor-
tance dès les premiers mois de l'année 1990. Ainsi le
docteur D.________, qui suit le recourant depuis de nom-
breuses années, faisait état, dans un rapport du 10 novem-
bre 1990, d'une incapacité de travail de 100 % du 15 fé-
vrier au 30 avril 1990 et de 50 % dès le 1er mai 1990; à
cela s'ajoute que le médecin-conseil de la caisse estimait
nécessaire, déjà en mars 1990, la mise en oeuvre d'une
expertise psychiatrique en vue d'examiner l'éventuel droit
du recourant à une rente d'invalidité; enfin, l'employeur
considérait, dans un questionnaire destiné à l'office AI et
rempli le 6 novembre 1990, que le rendement du recourant
était diminué
de 50 % depuis le mois de janvier 1989 déjà.

e) L'existence d'une incapacité de travail de 25 %
depuis le mois de février 1990 étant avérée, la condition
d'assurance s'en trouve ipso iure réalisée. Car ce qui
constitue l'événement assuré au sens de l'art. 23 LPP et de
la jurisprudence y relative, c'est uniquement la survenance
d'une incapacité de travail «d'une certaine importance» et
cela, contrairement à l'opinion des premiers juges, indé-
pendamment du moment auquel se situe la naissance du droit
à la prestation d'invalidité comme telle. Or, une incapa-
cité de travail de 25 % doit déjà être considérée comme un
événement assuré, d'autant que l'art. 32 al. 4 des statuts
de l'intimée prévoit le droit à une pension d'invalidité
dès que l'assuré présente une invalidité d'un taux de 25 %
également.
Le recours est bien fondé. En conséquence, il se jus-
tifie d'annuler le jugement entrepris et de renvoyer la

cause à l'autorité cantonale pour qu'elle fixe, conformé-
ment aux statuts de l'institution de prévoyance et aux
dispositions légales applicables, le droit du recourant à
une pension d'invalidité (début du droit, taux d'invalidi-
té, montant de la pension).

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est admis et le jugement du 7 décembre 1999
du Tribunal des assurances du canton de Vaud est
annulé, la cause étant renvoyée à cette autorité pour
nouveau jugement au sens des motifs.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal des assurances du canton de Vaud et à l'Office
fédéral des assurances sociales.

Lucerne, le 2 novembre 2000

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIIe Chambre :

Le Greffier :


Synthèse
Numéro d'arrêt : B.50/00
Date de la décision : 02/11/2000
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-11-02;b.50.00 ?
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