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02/11/2000 | SUISSE | N°2A.271/2000

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 02 novembre 2000, 2A.271/2000


«/2»
2A.271/2000/VIZ

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

2 novembre 2000

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger,
président, Hartmann, Betschart, Müller et Yersin.
Greffier: M. Dayer.
____________

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

l'Administration fédérale des contributions, Division prin-
cipale de l'impôt fédéral direct, de l'impôt anticipé, des
droits de timbres, à Berne,

contre



l'arrêt rendu le 8 mai 2000 par le Tribunal administratif du
canton de Vaud, dans la cause qui oppose la recoura...

«/2»
2A.271/2000/VIZ

IIe C O U R D E D R O I T P U B L I C
***********************************************

2 novembre 2000

Composition de la Cour: MM. et Mme les Juges Wurzburger,
président, Hartmann, Betschart, Müller et Yersin.
Greffier: M. Dayer.
____________

Statuant sur le recours de droit administratif
formé par

l'Administration fédérale des contributions, Division prin-
cipale de l'impôt fédéral direct, de l'impôt anticipé, des
droits de timbres, à Berne,

contre

l'arrêt rendu le 8 mai 2000 par le Tribunal administratif du
canton de Vaud, dans la cause qui oppose la recourante à
A.________, à X.________, représenté par Me Jean-Marc
Rivier, avocat à St-Prex;

(art. 18 al. 4 et 47 al. 1 LIFD;
affermage d'un domaine agricole)

Vu les pièces du dossier d'où ressortent
les f a i t s suivants:

A.- A.________, propriétaire d'un domaine agricole
sur le territoire de la commune de X.________, a cessé son
activité d'agriculteur indépendant le 31 décembre 1995. Dès
le 1er janvier 1996, il a remis son capital fermier (bétail,
machines, etc.) et affermé son domaine - à l'exception d'une
vigne - à un tiers pour une durée initiale de quinze ans. Il
a également demandé au fisc de procéder à une taxation in-
termédiaire avec effet au 1er janvier 1996, ce qui a été
fait.

B.- Par décisions du 25 avril 1997, confirmées sur
réclamation le 15, respectivement le 16 décembre 1997, la
Commission d'impôt et recette de district de Y.________
(ci-après: la Commission d'impôt) a fixé à 206'600 fr. le
bénéfice en capital correspondant au gain réalisé par
A.________ lors de la remise de son capital fermier (86'528
fr.) ainsi qu'aux amortissements cumulés au 31 décembre 1995
(120'144 fr.) sur ses biens-fonds agricoles affermés et a
soumis ce montant à l'impôt cantonal et communal unique et
distinct de l'art. 29 al. 1 lettre b de la loi vaudoise du
26 novembre 1956 sur les impôts directs cantonaux (ci-après:
LI) ainsi qu'à l'impôt fédéral annuel entier de l'art. 47
al. 1 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'impôt
fédéral direct (LIFD; RS 642.11). Les impôts cantonaux et
communaux qui lui étaient réclamés s'élevaient à 21'298,80
fr. et l'impôt fédéral direct à 16'973 fr.

C.- Le 8 mai 2000, le Tribunal administratif du
canton de Vaud a admis le recours de l'intéressé. Il a no-
tamment relevé que l'affermage apparemment irréversible de

son exploitation agricole constituait un transfert d'élé-
ments commerciaux dans sa fortune privée et que le bénéfice
en résultant devait, en principe, être soumis à l'impôt pré-
vu par les art. 29 al. 1 lettre b LI et 47 al. 1 LIFD. Tou-
tefois, du moment qu'il avait cessé son activité profession-
nelle sans procéder à un décompte fiscal des réserves laten-
tes afférentes aux immeubles agricoles affermés, il fallait
admettre, par analogie avec la jurisprudence du Tribunal fé-
déral en matière de commerce professionnel d'immeubles (cf.
ATF 125 II 113 = RDAF 1999 2 p. 385), que ces biens-fonds
n'avaient pas quitté son patrimoine commercial. L'impôt
cantonal et communal, respectivement l'impôt fédéral dont il
devait s'acquitter en raison de la cessation de son activité
d'agriculteur indépendant ne portait dès lors que sur le
gain réalisé lors de la remise de son capital fermier
(86'528 fr.).

D.- Agissant par la voie du recours de droit admi-
nistratif, l'Administration fédérale des contributions de-
mande au Tribunal fédéral d'annuler cet arrêt dans la mesure
où il concerne l'impôt fédéral direct et de confirmer la dé-
cision sur réclamation précitée du 16 décembre 1997, subsi-
diairement de renvoyer la cause au Tribunal administratif
pour nouvelle décision. Elle prétend que c'est à tort que ce
dernier a appliqué par analogie au cas particulier la juris-
prudence du Tribunal fédéral à laquelle il se réfère.

L'autorité intimée renvoie à son arrêt et conclut
au rejet du recours. L'Administration cantonale des impôts
se rallie aux motifs et aux conclusions de la recourante.
A.________ conclut au rejet du recours et à la confirmation
de l'arrêt attaqué dans la mesure où il concerne l'impôt
fédéral direct.

C o n s i d é r a n t e n d r o i t :

1.- a) Conformément à l'art. 103 lettre b OJ, l'Ad-
ministration fédérale des contributions a qualité pour re-
courir (cf. ATF 124 II 58 consid. 1e p. 64).

b) Déposé en temps utile contre une décision prise
par une autorité judiciaire statuant en dernière instance
cantonale et fondée sur le droit public fédéral dans la me-
sure où elle concerne l'impôt fédéral direct, le présent re-
cours est recevable au regard des art. 97 ss OJ ainsi que de
l'art. 146 LIFD.

2.- Saisi d'un recours de droit administratif, le
Tribunal fédéral vérifie d'office l'application du droit fé-
déral qui englobe notamment les droits constitutionnels des
citoyens (cf. ATF 125 II 508 consid. 3a p. 509 et les réfé-
rences citées). Comme il n'est pas lié par les motifs invo-
qués par les parties, il peut admettre le recours pour d'au-
tres raisons que celles avancées par le recourant ou, au con-
traire, confirmer l'arrêt attaqué pour d'autres motifs que
ceux retenus par l'autorité intimée (cf. art. 114 al. 1 in
fine OJ; ATF 125 II 497 consid. 1b/aa p. 500 et la jurispru-
dence citée). En matière de contributions publiques, il peut
en outre aller au-delà des conclusions des parties, à l'avan-
tage ou au détriment de celles-ci, lorsque le droit fédéral
est violé ou lorsque des faits ont été constatés de manière
inexacte ou incomplète (cf. art. 114 al. 1 OJ). Lorsque le
recours est dirigé, comme en l'espèce, contre la décision
d'une autorité judiciaire, le Tribunal fédéral est en revan-
che lié par les faits constatés dans cette décision, sauf
s'ils sont manifestement inexacts ou incomplets, ou s'ils
ont
été établis au mépris de règles essentielles de procédure

(cf. art. 105 al. 2 OJ). Par ailleurs, il ne peut revoir
l'opportunité de l'arrêt entrepris, le droit fédéral ne pré-
voyant pas un tel examen en la matière.

3.- a) L'art. 18 LIFD prévoit notamment que tous
les revenus provenant de l'exploitation d'une entreprise
commerciale, industrielle, artisanale, agricole ou sylvico-
le, de l'exercice d'une profession libérale ou de toute au-
tre activité lucrative indépendante sont imposables (cf.
al.1); tous les bénéfices en capital provenant de l'aliéna-
tion, de la réalisation ou de la réévaluation comptable
d'éléments de la fortune commerciale font partie du produit
de l'activité lucrative indépendante; le transfert d'élé-
ments de la fortune commerciale dans la fortune privée ou
dans une entreprise ou un établissement stable sis à
l'étranger est assimilé à une aliénation (cf. al. 2); les
bénéfices provenant de l'aliénation d'immeubles agricoles ou
sylvicoles ne sont ajoutés au revenu imposable que jusqu'à
concurrence des dépenses d'investissement (cf. al. 4).

L'obligation de tenir des livres n'est plus une
condition d'imposition des bénéfices en capital réalisés sur
des éléments de la fortune commerciale, contrairement à ce
que prévoyait l'art. 21 al. 1 lettres d et f de l'arrêté du
Conseil fédéral du 9 décembre 1940 concernant la perception
d'un impôt fédéral direct (ci-après: AIFD; l'arrêté du Con-
seil fédéral) (cf. ATF 125 II 113 consid. 5c p. 121-122 =
RDAF 1999 2 p. 385 consid. 5c p. 394). Ainsi, de tels
bénéfices réalisés par les agriculteurs sont dorénavant
soumis de manière générale à l'impôt fédéral direct, dans
les limites toutefois de l'art. 18 al. 4 LIFD (cf. également
la lettre c ci-dessous).

b) En cas de modification durable et essentielle
des bases de l'activité lucrative ensuite du début ou de la
cessation de l'activité lucrative ou d'un changement de pro-

fession, le revenu fait l'objet d'une taxation intermédiaire
(cf. art. 45 al. 1 lettre b LIFD). Cette taxation est fondée
sur celle ordinaire en vigueur, augmentée ou diminuée des
éléments du revenu qui ont été modifiés (cf. art. 46 al. 2
LIFD).

Aux termes de l'art. 47 al. 1 LIFD, à la fin de
l'assujettissement ou lors d'une taxation intermédiaire, les
bénéfices en capital, définis à l'art. 18 al. 2 LIFD, qui
n'ont pas été imposés comme revenu ou qui ne l'ont pas en-
core été pendant une période fiscale entière, sont soumis,
l'année fiscale au cours de laquelle ils ont été acquis, à
un impôt annuel entier perçu au taux correspondant à ces
seuls revenus. Cette imposition spéciale - dont la fonction
est similaire à celle qui était prévue par l'art. 43 AIFD
(cf. Marco Duss/Daniel Schär, in Kommentar zum schweizeri-
schen Steuerrecht [cité: Kommentar], vol. I/2a, Bâle 2000,
n. 3 ad art. 47 LIFD; Danielle Yersin, La distinction entre
l'activité indépendante et la gestion de la fortune privée,
dans le domaine immobilier, in Archives 67 p. 97 ss, p.
112) - vise à imposer les bénéfices en capital provenant de
l'aliénation, de la réalisation ou de la réévaluation comp-
table d'éléments de la fortune commerciale. Elle établit une
sorte de décompte fiscal final en soumettant à l'impôt, non
seulement les bénéfices de liquidation obtenus lors de la
cessation ou de l'aliénation de l'entreprise, mais également
toutes les réserves réalisées au cours de la période de cal-
cul et de celle de taxation, qui échapperaient sinon à l'im-
pôt en raison de la brèche de calcul provoquée par la taxa-
tion intermédiaire, soit aussi les réserves qui ne sont pas
en rapport direct avec la liquidation elle-même (cf. dans ce
sens, Archives 66 p. 56 consid. 3c p. 61, 232 consid. 3c p.
236-237).

Ainsi, selon la jurisprudence constante (cf. ATF
125 II 113 consid. 6c/aa p. 125-126 = RDAF 1999 2 p. 385
consid. 6c/aa p. 398-399 et les arrêts cités) - sur laquelle
il n'y a pas lieu de revenir - lorsqu'un contribuable cesse
son activité lucrative indépendante et en informe les
autorités fiscales, le bénéfice en capital réalisé lors du
passage d'éléments de sa fortune commerciale dans sa fortune
privée doit en principe être imposé, à condition que ledit
contribuable n'ait pas expressément indiqué son intention d-
'aliéner ultérieurement ces éléments dans le cadre de la li-
quidation de son entreprise (aliénation différée) ou de don-
ner celle-ci provisoirement à bail, notamment jusqu'à sa
vente à un tiers ou jusqu'à son transfert à ses héritiers.
Il n'y a en principe pas de place pour une imposition des
bénéfices réalisés, lors de ventes ultérieures.

c) L'art. 18 al. 4 LIFD n'impose les gains en capi-
tal réalisés sur des immeubles agricoles qu'à concurrence de
la part correspondant aux amortissements récupérés (cf. Mar-
kus Reich, Kommentar, vol. I/2a, Bâle 2000, n. 64 ad art. 18
LIFD; Yersin, op. cit., p. 108; Laurent Savoy, L'imposition
du revenu agricole, thèse Lausanne 1992, p. 92 et 107-108;
Message du Conseil fédéral du 25 mai 1983 sur l'harmonisa-
tion fiscale, in FF 1983 III p. 1 ss [cité: Message sur
l'harmonisation fiscale], p. 170). Ces derniers correspon-
dent à la différence entre la valeur comptable des biens-
fonds en cause et leur prix d'acquisition augmenté des dé-
penses d'investissement (cf. Jean-Marc Rivier, Droit fiscal
suisse, L'imposition du revenu et de la fortune, 2ème éd.
Lausanne 1998, p. 355). Comme l'a relevé à juste titre le
Tribunal administratif, l'art. 18 al. 4 LIFD s'applique non
seulement aux gains d'aliénation mais également à ceux issus
de réévaluation ou de transfert dans la fortune privée (cf.
Reich, op. cit., n. 65 ad art. 18 LIFD; Peter Gurtner, Ände-

rungen bei der Kapitalgewinnbesteuerung Selbständigerwerben-
der, in Problèmes actuels de droit fiscal, Mélanges en
l'honneur du Professeur Raoul Oberson, Bâle 1995, p. 43 ss,
note 5 p. 45). Par ailleurs, en cas de fin d'assujettisse-
ment ou de taxation intermédiaire, de tels gains sont soumis
à l'impôt annuel entier de l'art. 47 al. 1 LIFD (cf. dans ce
sens Savoy, op. cit., p. 170; cf. également le ch. 1 p. 1 de
la Circulaire n. 3 de l'Administration fédérale des contri-
butions du 25 novembre 1992 "betreffend Neuerungen für die
Land- und Forstwirtschaft aufgrund des Bundesgesetzes vom
14. Dezember 1990 über die direkte Bundessteuer (DBG)", re-
produite in Pestalozzi/Gmür/Patry, Rechtsbuch der schweize-
rischen Bundessteuern, vol. 8, II A c 190), même si cette
disposition ne se réfère expressément qu'à l'art. 18 al. 2
LIFD.

d) aa) Sous l'empire de l'arrêté du Conseil fédé-
ral, l'affermage par son propriétaire d'une entreprise as-
treinte à tenir des livres constituait une réalisation im-
posable en vertu de l'art. 21 al. 1 lettres d et f AIFD ou,
en cas de fin d'assujettissement ou de taxation intermédiai-
re, selon l'art. 43 AIFD, à condition que cette remise à
bail paraisse irrévocable et ne représente pas une mesure
purement provisoire, prise dans l'attente d'un acheteur ou
de la remise de l'affaire à un héritier (cf. Archives 41 p.
450 consid. 3a p. 452-453 = RDAF 1973 p. 389 consid. 3a p.
391-392, Archives 41 p. 504 consid. 2 p. 507-508 = RDAF 1974
p. 182 consid. 2 p. 184-185; StE 1996 B 23.2 n. 16 consid.
3; Ernst Känzig, Wehrsteuer, Ière partie, 2ème éd. Bâle
1982, n. 171 ad art. 21 AIFD; Heinz Masshardt, Kommentar zur
direkten Bundessteuer, 2ème éd. Zurich 1985, n. 23 lettre b
ad art. 43 AIFD).

bb) Le projet de loi fédérale sur l'impôt fédéral
direct prévoyait expressément que, dans la mesure où il
n'était pas temporaire, l'affermage d'une entreprise était

assimilé à un transfert imposable dans la fortune privée
(cf. art. 18 al. 3 dudit projet in FF 1983 III p. 332). Cet-
te prescription avait pour but de remédier à l'insécurité
liée à l'appréciation fiscale des remises à bail commercia-
les (cf. Message sur l'harmonisation fiscale p. 171). Au
cours des débats
parlementaires, cette disposition a toute-
fois été supprimée par crainte de provoquer des charges fis-
cales insupportables pour certains entrepreneurs. Cette sup-
pression impliquait toutefois la poursuite de la pratique
développée sous l'empire de l'arrêté du Conseil fédéral (cf.
BO CN 1987 p. 1740, BO CE 1988 p. 811, BO CN 1989 p. 727 et
BO CE 1989 p. 590-591).

Ainsi, dans la mesure où les conditions posées par
la jurisprudence mentionnées ci-dessus (lettre d/aa) sont
remplies, l'affermage d'une entreprise, astreinte ou non à
tenir des livres, constitue une réalisation au sens de
l'art. 18 al. 2 LIFD - respectivement de l'art. 18 al. 4
LIFD s'il s'agit de la remise à bail d'immeubles agricoles
ou sylvicoles - soumise, en cas de fin d'assujettissement ou
de taxation intermédiaire, à l'impôt annuel entier de l'art.
47 al. 1 LIFD (cf. Reich, op. cit., n. 42 ad art. 18 LIFD;
Duss/Schär, op. cit., n. 13 ad art. 47 LIFD).

4.- L'intimé a bénéficié à bon droit d'une taxation
intermédiaire au 1er janvier 1996 en raison de la cessation
de son activité lucrative indépendante d'agriculteur le 31
décembre 1995 (cf. art. 45 al. 1 lettre b LIFD). En outre,
compte tenu de son âge au moment de l'affermage de son do-
maine (65 ans révolus) et de la durée du contrat conclu
(quinze ans, renouvelable tacitement pour de nouvelles pé-
riodes de six ans), cette remise à bail paraît définitive,
comme le relève à juste titre la recourante. Cette opération
représente dès lors la réalisation des biens-fonds concer-
nés, de sorte que la reprise d'amortissements sur ces der-

niers (cf. art. 18 al. 4 LIFD) doit en principe être imposée
conformément à l'art. 47 al. 1 LIFD (cf. consid. 3c et 3d/bb
ci-dessus).

Reste à examiner si, comme le soutient le Tribunal
administratif, l'arrêt de l'autorité de céans auquel il se
réfère (cf. ATF 125 II 113 = RDAF 1999 2 p. 385) peut être
appliqué par analogie au cas particulier, de sorte qu'il
faudrait admettre, pour des raisons d'équité visant à éviter
une imposition massive du contribuable, que les immeubles
affermés sont demeurés dans sa fortune commerciale, ce que
l'Administration fédérale des contributions conteste.

5.- a) Cet arrêt concerne l'imposition d'un bénéfi-
ce en capital immobilier réalisé en 1994 par un ancien en-
trepreneur en construction qui, en 1981, avait clairement
informé les autorités fiscales de son intention de mettre
fin à cette activité, sans toutefois préciser s'il poursui-
vait ou non son activité indépendante parallèle de commer-
çant d'immeubles, alors qu'il conservait des biens-fonds
commerciaux, tenait une comptabilité pour ceux-ci et conti-
nuait à faire valoir la déduction de pertes commerciales. Le
Tribunal fédéral a estimé que, dans la mesure où ce contri-
buable n'avait pas procédé avec le fisc à un décompte des
réserves latentes sur ses immeubles, ceux-ci étaient restés
dans son patrimoine commercial après la fin de son activité
d'entrepreneur, le simple écoulement du temps ne pouvant les
avoir transférés dans sa fortune privée. La longue durée de
possession du bien-fonds aliéné et le fait que, pendant une
période assez étendue, l'intéressé n'avait effectué aucune
transaction immobilière ne permettaient pas à eux seuls
d'admettre qu'il ne l'avait pas vendu dans l'exercice d'une
activité indépendante visant à l'obtention d'un bénéfice. En

effet, les commerçants professionnels d'immeubles conservent
souvent des objets durant des années pour les raisons les
plus diverses, jusqu'au moment où ils les revendent avec bé-
néfice, que ce soit, par exemple, parce qu'ils ont compté
dès le début sur un gain d'aliénation réalisable à long ter-
me, ou parce qu'ils voulaient tout d'abord faire construire
sur les terrains ou parce qu'une construction projetée s'est
heurtée à des obstacles imprévus. Une vente différée dans
ces circonstances reste néanmoins toujours liée à leur acti-
vité professionnelle dans le domaine immobilier. Peu importe
qu'ils conservent les biens-fonds acquis à des fins commer-
ciales au titre de placement sur une longue durée (cf. ATF
125 II 113 consid. 6c/bb et 6c/cc p. 126-127 = RDAF 1999
2 p. 385 consid. 6c/bb et 6c/cc p. 399-400).

b) Dans cet arrêt, l'autorité de céans n'a nulle-
ment remis en cause sa jurisprudence selon laquelle, lors de
la cessation d'une activité lucrative indépendante, les bé-
néfices en capital issus du passage dans la fortune privée
du contribuable d'éléments commerciaux liés à cette activité
doivent être imposés (cf. consid. 3b ci-dessus). Elle a uni-
quement opté pour une solution tenant compte de la très
grande difficulté de déterminer le moment auquel un commer-
çant d'immeubles met fin à son activité, en particulier
lorsqu'il reste propriétaire de biens-fonds commerciaux
après la fin d'une autre activité professionnelle voisine.
Elle a dès lors estimé que le transfert de ces immeubles
dans son patrimoine privé ne devait être effectué que s'il
manifestait clairement son intention de mettre également fin
à son activité lucrative dans le domaine immobilier (sur
cette question, cf. Yersin, op. cit., p. 113-114; Hans Peter
Derksen et Martin Byland, Die Besteuerung des Liegen-
schaftenhändlers im DBG, in L'Expert fiduciaire 1999 p. 166
ss, p. 170-171; Danielle Yersin, Les gains en capital con-

sidérés comme le revenu d'une activité lucrative, in Archi-
ves 59 p. 137 ss, p. 162-164). Faute d'une telle manifesta-
tion, cette activité était supposée perdurer. Dès lors, on
ne saurait parler d'imposition différée, du moins au sens du
droit en matière d'impôt sur les gains immobiliers (cf. art.
12 al. 3 de la loi fédérale du 14 décembre 1990 sur l'harmo-
nisation des impôts directs des cantons et des communes
[LHID; RS 642.14]; cf. également Bernhard Zwahlen, Kommen-
tar, vol. I/1, Bâle 1997, n. 61 ad art. 12 LHID), aucune
réalisation d'immeubles n'ayant lieu.

c) Contrairement à ce que pense l'autorité intimée,
cet arrêt ne saurait s'appliquer au cas particulier, la si-
tuation de fait étant différente. En affermant son domaine,
l'intéressé - qui n'a jamais fait professionnellement des
opérations immobilières - a en effet mis fin à sa seule et
unique activité lucrative, soit celle d'agriculteur indépen-
dant. Selon les faits retenus par l'arrêt attaqué (cf. art.
105 al. 2 OJ), il a en outre clairement informé le fisc de
la cessation de cette activité et lui a même expressément
demandé, pour ce motif, de procéder à une taxation intermé-
diaire. Sa situation ne diffère dès lors pas de celle du
contribuable qui cesse toute activité (cf. consid. 3b ci-
dessus). En raison de la remise à bail de son domaine, il
n'a en particulier conservé dans son patrimoine aucun immeu-
ble qu'il pourrait utiliser pour poursuivre une activité
commerciale. Par ailleurs, il n'y a aucune raison de le pré-
munir contre une imposition découlant de sa propre demande
de taxation intermédiaire et qui, au demeurant, ne paraît
pas insupportable dans la mesure où il s'est déjà acquitté
de l'ensemble des impôts litigieux. Enfin, la remise à bail
de ses biens-fonds paraît irrévocable (cf. consid. 4 ci-
dessus), de sorte qu'il n'y a pas lieu de croire qu'il en-
tendait se livrer ultérieurement à une aliénation (cf. con-
sid. 3b ci-dessus) de ceux-ci.

d) Vu ce qui précède, force est de constater que
l'affermage des immeubles en cause constitue un acte de
réalisation (cf. la jurisprudence citée au consid. 3b ci-
dessus, et notamment l'ATF 112 Ib 79 consid. 4b p. 86 = RDAF
1990 p. 21 consid. 4b p. 27-28) entraînant l'imposition des
amortissements cumulés sur ceux-ci (cf. art. 18 al. 4 LIFD)
en vertu de l'art. 47 al. 1 LIFD (cf. consid. 3d/bb ci-
dessus).

Contraire au droit fédéral, l'arrêt entrepris doit
ainsi être annulé dans la mesure où il concerne l'impôt fé-
déral direct.

e) Au surplus, le droit fédéral harmonisé ne soumet
l'imposition des gains en capital réalisés sur des immeubles
agricoles, ni à un système dualiste, ni à un système moniste
(sur ces notions, cf. Zwahlen, op. cit., n. 3 ad art. 12
LHID), mais à un système mixte, la différence entre la va-
leur comptable et les dépenses d'investissement étant sou-
mise à la fois aux impôts communaux, cantonaux et fédéraux
sur le revenu, celle entre le prix d'aliénation ou la valeur
vénale et les dépenses d'investissement l'étant à un éven-
tuel impôt cantonal sur les gains immobiliers (cf. l'art. 18
al. 4 LIFD ainsi que les art. 8 al. 1 et 12 al. 1 LHID). Un
tel système s'impose au Tribunal fédéral qui n'a pas à l'in-
terpréter, par exemple, en ne considérant comme imposables
que les gains issus de la seule aliénation de tels immeu-
bles, comme le souhaite l'intimé. Par ailleurs, le fait que
les biens-fonds affermés par ce dernier sont soumis à la loi
fédérale du 4 octobre 1985 sur le bail à ferme agricole
(LBFA; RS 221.213.2) ainsi qu'à la loi fédérale du 4 octobre
1991 sur le droit foncier rural (LDFR; RS 211.412.11) n'em-
pêche nullement de considérer leur remise à bail définitive
comme une réalisation imposable.

6.- a) Dans sa décision sur réclamation du 16 dé-
cembre 1997 (cf. son ch. 8 p. 5), la Commission d'impôt a
relevé que la valeur d'acquisition (468'380 fr.) ainsi que
la valeur comptable (348'236 fr.) des immeubles affermés
n'étaient pas contestées. Ni dans son recours auprès du
Tribunal administratif, ni dans sa réponse au présent re-
cours, l'intimé n'a remis en cause le montant de ces valeurs
qui ressortent au demeurant de pièces figurant au dossier.
Cette Commission a dès lors considéré à bon droit - et sans
violer le principe de la non-rétroactivité des lois, comme
elle le relève à juste titre (cf. le ch. 9 p. 5-6 de sa dé-
cision) - que la différence entre ces deux valeurs (120'144
fr.) correspondait au montant des amortissements cumulés
soumis à l'impôt annuel entier de l'art. 47 al. 1 LIFD (cf.
consid. 3c ci-dessus). A cet égard, la valeur vénale desdits
immeubles - qui doit être déterminée en tenant compte du
prix maximum admis en matière de droit foncier rural (cf.
art. 66 LDFR) - n'est pas directement déterminante. Selon la
Commission d'impôt, cette valeur ne doit être prise en comp-
te pour calculer le gain imposable selon l'art. 18 al. 4
LIFD que si elle est inférieure à la valeur d'acquisition
des biens-fonds en cause, cette disposition ne visant que
les amortissements réellement récupérés en cas d'aliénation
ou de réalisation (cf. Message sur l'harmonisation p. 170).
Or, ainsi que cela ressort de la décision sur réclamation
précitée, la valeur vénale des immeubles affermés par l'in-
timé - calculée au demeurant de manière raisonnable (cf. le
ch. 11 p. 7-8 de cette décision) - est nettement supérieure
à leurs dépenses d'investissement, ce que celui-ci n'a con-
testé ni dans son recours auprès du Tribunal administratif,
ni dans sa réponse sur le présent recours. Ladite valeur vé-
nale n'est dès lors pas entrée dans le calcul du bénéfice
imposable. Le grief que l'intimé entend tirer du calcul de
cette valeur n'est ainsi pas pertinent.

b) Vu ces éléments, la décision sur réclamation du
16 décembre 1997 peut être confirmée dans la mesure où elle
fixe à 120'144 fr. le montant des reprises d'amortissements
sur les biens-fonds affermés, soumises à l'impôt annuel en-
tier de l'art. 47 al. 1 LIFD.

7.- a) Le présent recours doit dès lors être admis,
l'arrêt attaqué annulé dans la mesure où il concerne l'impôt
fédéral direct et la décision sur réclamation du 16 décembre
1997 confirmée en tant qu'elle porte sur ce même impôt.

b) Succombant, A.________ doit supporter les frais
judiciaires (cf. art. 156 al. 1, 153 et 153a OJ).

La recourante n'a pas droit à des dépens (cf. art.
159 al. 2 OJ).

Par ces motifs,

l e T r i b u n a l f é d é r a l :

1. Admet le recours et annule l'arrêt rendu le 8
mai 2000 par le Tribunal administratif du canton de Vaud.

2. Confirme la décision sur réclamation prise le 16
décembre 1997 par la Commission d'impôt et recette de dis-
trict de Y.________ dans la mesure où elle concerne l'impôt
fédéral direct.

3. Met un émolument judiciaire de 3'000 fr. à la
charge de A.________.

4. Dit qu'il n'est pas alloué de dépens.

5. Communique le présent arrêt en copie à la recou-
rante, au mandataire de A.________, à l'Administration can-
tonale des impôts et au Tribunal administratif du canton de
Vaud.

____________

Lausanne, le 2 novembre 2000
DBA

Au nom de la IIe Cour de droit public
du TRIBUNAL FEDERAL SUISSE:
Le Président,

Le Greffier,


Synthèse
Numéro d'arrêt : 2A.271/2000
Date de la décision : 02/11/2000
2e cour de droit public

Analyses

Art. 18 al. 4 et art. 47 al. 1 LIFD: affermage d'immeubles agricoles. Affermage d'immeubles agricoles par un paysan cessant son activité en tant qu'acte de réalisation. Imposition des amortissements repris (consid. 3-5d).


Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-11-02;2a.271.2000 ?
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