La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

31/10/2000 | SUISSE | N°U.348/99

Suisse | Suisse, Tribunal fédéral suisse, 31 octobre 2000, U.348/99


«AZA 7»
U 348/99 Rl

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président,
Ferrari, Jaeger, suppléant; Berset, Greffière

Arrêt du 31 octobre 2000

dans la cause

S.________, recourant, représenté par Maître Jean-Daniel
Kramer, avocat, avenue Léopold-Robert 88, La
Chaux-de-Fonds,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, Lucerne, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

A

.- S.________ a travaillé comme maçon, dès 1983, dans
l'entreprise B.________. A ce titre, il était assuré contre
les accidents profes...

«AZA 7»
U 348/99 Rl

IIe Chambre

composée des Juges fédéraux Lustenberger, Président,
Ferrari, Jaeger, suppléant; Berset, Greffière

Arrêt du 31 octobre 2000

dans la cause

S.________, recourant, représenté par Maître Jean-Daniel
Kramer, avocat, avenue Léopold-Robert 88, La
Chaux-de-Fonds,

contre

Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'accidents,
Fluhmattstrasse 1, Lucerne, intimée,

et

Tribunal administratif du canton de Neuchâtel, Neuchâtel

A.- S.________ a travaillé comme maçon, dès 1983, dans
l'entreprise B.________. A ce titre, il était assuré contre
les accidents professionnels et non professionnels auprès

de la Caisse nationale suisse d'assurance en cas d'acci-
dents (CNA).
Le 24 juillet 1993, il s'est tordu le genou gauche.
Consulté le 18 août 1993, le docteur M.________, médecin
traitant, a posé le diagnostic d'épanchement articulaire au
genou gauche sur possible lésion du ménisque externe. Une
arthroscopie pratiquée le 7 septembre 1993 a révélé un
ménisque dégénéré et déchiré.
Dans un rapport du 24 janvier 1997, le docteur
D.________, médecin d'arrondissement de la CNA, a constaté,
notamment, que l'ensemble de la région paraissait enflam-
mée. L'assuré présentait une dégénérescence kystique qui
semblait intéresser maintenant toute la capsule articulaire
et les structures péri-articulaires tendineuses.
Dans un rapport du 28 mai 1997, le docteur E.________,
médecin-conseil de la CNA, a déclaré que l'évolution était
caractérisée par la persistance d'un kyste méniscal exter-
ne. Il a fait état également d'un léger signe du rabot.
En dépit d'une cure de réadaptation à Bellikon du
16 juin 1997 au 11 juillet 1997, une reprise du travail, en
août 1997, a débouché sur un échec.
Il ressort d'un rapport du 5 septembre 1997 du docteur
E.________ que l'examen clinique montrait au niveau du
genou gauche une bonne fonction articulaire, sans atrophie
musculaire, sans instabilité antéro-postérieure ni
latérale, sans signes méniscaux évidents. La corrélation
entre les plaintes subjectives et le substrat organique
n'était pas claire. L'avis d'un spécialiste était souhaité.
Dans un rapport du 13 novembre 1997, le docteur
Z.________, chef de clinique adjoint du Service
d'orthopédie et de traumatologie de l'appareil moteur de
X.________ a diagnostiqué un genou diffusément
inflammatoire sur un status après interventions multiples.
Dans un rapport subséquent du 13 février 1998, il a relevé

une «discrépence» entre la topographie et l'importance des
symptômes subjectifs.
Dans un rapport du 9 mars 1998, le docteur E.________,
médecin-conseil de la CNA a évoqué la persistance d'un
kyste méniscal externe et a décrit les tâches exigibles de
l'assuré comme suit :

«Le patient peut soulever et porter des charges légè-
res parfois. Aucune restriction en ce qui concerne le ma-
niement d'outils. Les travaux en dessus de la tête et en
rotation sont exigibles, par contre, les travaux à genoux
et en flexion des genoux sont exigibles rarement. Aucune
limitation en ce qui concerne la position assise de longue
durée, la position debout de longue durée est exigible
pendant deux heures d'affilée, dans le cadre d'une sollici-
tation alternée. Le périmètre de marche n'est pas diminué,
la marche en terrain accidenté et monter et descendre les
escaliers sont exigibles parfois. L'escalade d'échelles est
exigible».

S.________ a déposé une demande de prestations de
l'assurance-invalidité. Celle-ci a renoncé à le reclasser.
Par décision du 8 janvier 1999, et après enquête au-
près de plusieurs entreprises de la région, la CNA a alloué
à S.________, dès le 1er juin 1998, une rente fondée sur
une incapacité de gain de 30 %. Saisie d'une opposition de
la part de l'assuré, elle l'a été rejetée par décision du
23 avril 1999.

B.- Par jugement du 8 septembre 1999, le Tribunal
administratif du canton de Neuchâtel a rejeté le recours de
l'assuré formé contre la décision sur opposition de la CNA.

C.- S.________ interjette recours de droit admi-
nistratif contre ce jugement, dont il demande l'annulation,
sous suite de dépens. Il conclut, principalement, à ce que
son degré d'invalidité soit fixé à 100 % ou, à tout le
moins, à un taux supérieur à 30 %, et à ce qu'une rente de
même pourcentage lui soit accordée. Subsidiairement, il

sollicite le renvoi de la cause à la cour cantonale pour
nouvelle décision.
La CNA a conclu au rejet du recours. L'OFAS ne s'est
pas déterminé.

Considérant en droit :

1.- Le litige porte sur l'évaluation du degré d'inva-
lidité de l'assuré.
Le jugement entrepris expose de manière exacte les
dispositions légales et les principes jurisprudentiels
applicables au présent cas, de sorte qu'il suffit d'y ren-
voyer.

2.- a) En l'occurrence, la juridiction cantonale a
fait siennes les conclusions du docteur E.________ du
9 mars 1998. Elle a considéré, notamment que le recourant
n'était plus apte à poursuivre son occupation de maçon, ni
à exercer une activité de force. Sous ces réserves, il
était à même d'exercer sans aucune restriction, soit à
plein temps et avec un rendement complet, toute activité
légère en position assise de longue durée. Les premiers
juges ont confirmé par ailleurs le taux d'invalidité de
30 % retenu par la CNA.
De son côté, le recourant met en doute la valeur pro-
bante des conclusions du rapport du docteur E.________ et
conteste les éléments retenus par l'intimée pour la compa-
raison des revenus.

b) Selon la jurisprudence, le juge peut accorder va-
leur probante aux rapports et expertises établis par les
médecins de la CNA aussi longtemps que ceux-ci aboutissent
à des résultats convaincants, que leurs conclusions sont
sérieusement motivées, que ces avis ne contiennent pas de

contradictions et qu'aucun indice concret ne permet de
mettre en cause leur bien-fondé. Le simple fait que le
médecin consulté est lié à l'assureur par un rapport de
travail ne permet pas encore de douter de l'objectivité de
son appréciation ni de soupçonner la prévention. Ce n'est
qu'en présence de circonstances particulières que les dou-
tes au sujet de l'impartialité d'une appréciation peuvent
être considérés comme objectivement fondés (ATF 125 V 353
consid. 3b/ee).
En présence d'avis médicaux contradictoires, le juge
doit apprécier l'ensemble des preuves à disposition et
indiquer les motifs pour lesquels il se fonde sur une ap-
préciation plutôt que sur une autre. En ce qui concerne la
valeur probante d'un rapport médical, ce qui est détermi-
nant c'est que les points litigieux importants aient fait
l'objet d'une étude approfondie, que le rapport se fonde
sur des examens complets, qu'il prenne également en consi-
dération les plaintes exprimées, qu'il ait été établi en
pleine connaissance du dossier (anamnèse), que la descrip-
tion du contexte médical et l'analyse de la situation médi-
cale soient claires et enfin que les conclusions de l'ex-
pert soient bien motivées (ATF 125 V 352 consid. 3a).

c) En l'espèce, les conclusions du docteur E.________
- qui a vu trois fois l'assuré et requis à deux reprises
l'avis d'un spécialiste en chirurgie orthopédique, le doc-
teur Z.________ (rapports des 13 novembre 1997 et
13 février 1998) - sont convaincantes et conformes aux
exigences de la jurisprudence précitée. Les diverses
récidives d'un kyste méniscal externe expliquent largement
la différence, relevée par le recourant, qui sépare les
constatations du docteur D.________ (examen du 24 janvier
1997) de celles du docteur E.________ lors de son examen
final du 9 mars 1998. Enfin, le fait que ce praticien ne
mentionne plus l'existence du léger signe du rabot qu'il

avait évoqué dans son rapport du 28 mai 1997 ne permet pas
de mettre en doute ses conclusions, dès lors que ce point
n'est pas déterminant quant à l'évaluation de la capacité
de travail de S.________. Il est au demeurant significatif
que le prénommé ne critique pas concrètement l'appréciation
qu'a faite le docteur E.________ des tâches exigibles,
pourtant décisive pour fixer le taux de la perte de gain
qu'il allègue.
Dans ces circonstances, il y a lieu d'admettre que le
recourant était à même d'exercer à plein temps et avec un
rendement complet, toute activité légère, en position assi-
se de longue durée, la position debout étant exigible deux
heures d'affilée.

3.- a) Concernant le taux d'invalidité, de l'avis du
recourant, l'année de référence pour la comparaison des
revenus devrait être 1998 (au plus tard) et non 1999. C'est
méconnaître la jurisprudence constante de la Cour de céans,
selon laquelle le juge des assurances sociales apprécie la
légalité des décisions attaquées, en règle générale,
d'après l'état de fait existant au moment où la décision
litigieuse a été rendue (ATF 121 V 366 consid. 1b et la
référence), soit en l'occurrence le 23 avril 1999.
En ce qui concerne le revenu hypothétique du recourant
pour l'année 1999, il y a lieu de retenir le montant de
4630 fr. résultant des indications données par son ex-em-
ployeur. Quant au revenu d'invalide, la CNA l'a fixé à
3500 fr. Cette dernière s'est fondée sur des enquêtes éco-
nomiques effectuées dans différentes entreprises de la
région pour des activités dont il n'est pas contesté qu'el-
les seraient adaptées au recourant, compte tenu de son
handicap, sous réserve du poste d'ouvrier à la confection
des câbles, écarté à juste titre par les premiers juges.
Selon ces documents, les salaires relatifs à 1999, corres-
pondant aux six postes admissibles (ouvrier à l'étiquetage,
opérateur à l'enfilage, préposé à l'ébavage, employé au

visitage de pièces d'horlogerie, frappeur-découpeur, prépo-
sé au perçage) vont de 3310 fr. à 3750 fr. (pièces extrai-
tes de l'enquête économique de la CNA N° 84a, 85a, 86a,
107, 108 et 109). En retenant un montant de 3500 fr., somme
légèrement inférieure à la moyenne des salaires moyens
correspondant aux postes indiqués (qui est de 3544 fr. pour
un salaire moyen annuel de 46 078 fr.), l'intimée a fait un
usage correct de son pouvoir d'appréciation. Par ailleurs,
aucune déduction ne se justifie dans ce cadre, dès lors que
le recourant est à même de travailler, à plein temps, avec
un rendement complet dans une profession adaptée et que les
six postes précités tiennent précisément compte de son
handicap, dans la mesure où ils n'impliquent que des tâches
légères et que le travail s'effectue en position assise
uniquement (comp. RAMA 1999 U 343 p. 412 et ss consid. 4).
La comparaison du revenu hypothétique de 60 190 fr.
(4630 x 13) et du revenu d'invalide de 46 078 fr. (moyenne
des salaires moyens des six postes précités) fait apparaî-
tre un taux d'invalidité 23,44 %, inférieur de 6,5 % à
celui retenu dans la décision entreprise. Dans ce contexte,
le fait que le poste de caissier - rémunéré en 1998 à rai-
son de 3000 fr. par mois - n'a pas été retenu ne joue pas
de rôle, dès lors que, dans le cadre d'un calcul de compa-
raison des revenus, sa prise en considération n'aurait pas
permis de dépasser le taux de 30 % fixé par la CNA.
De surcroît, si l'on retenait à titre de revenu d'in-
valide les montants inférieurs des salaires correspondants,
le revenu d'invalide serait de 44 516 fr. Il résulterait de
la comparaison des revenus un taux de 26 %, toujours infé-
rieur au taux fixé par la CNA.

b) Pour déterminer le revenu d'invalide, on peut aussi
se référer à des données statistiques telles qu'elles ré-
sultent des enquêtes suisses sur la structure des salaires
de l'Office fédéral de la statistique, notamment quand

l'assuré n'a pas - comme en l'espèce - repris d'activité
professionnelle. On se référera alors à la statistique des
salaires bruts standardisés (taux de salaire; tableau du
groupe A), en se fondant toujours sur la médiane ou valeur
centrale (ATF 124 V 323 consid. 3b/bb).
En l'occurrence, le salaire de référence est celui
auquel peuvent prétendre les hommes effectuant des activi-
tés simples et répétitives dans le secteur privé, à savoir
4294 fr. par mois (Enquête 1996, tabelle 1; niveau de qua-
lification 4). Comme les salaires bruts standardisés tien-
nent compte d'un horaire de travail de 40 heures, soit une
durée hebdomadaire inférieure à la moyenne usuelle dans les
entreprises ces six dernières années (41,9 heures; La Vie
économique 9/2000, p. 27, Tabelle B9.2), ce montant doit
être porté à 4498 fr. ou 53 976 fr. par an. Après adapta-
tion à l'évolution des salaires de 0,5 pour cent pour 1997,
0,7 % en 1998 et 0,3 % en 1999 (La Vie économique 9/2000,
p. 28, Tabelle B10.2), on obtient un revenu réalisable sans
invalidité de 54 790 fr.
Même si l'on procédait à la déduction globale maximum
de 25 % autorisée par la jurisprudence, pour tenir compte
de certains empêchements propres à la personne de l'assuré
(arrêt A. du 9 mai 2000 destiné à la publication
[I 482/99]) - qu'il conviendrait d'ailleurs de justifier
strictement et qui, à première vue, n'apparaît pas fondée à
raison de ce pourcentage -, il en résulterait un revenu
d'invalide de 41 092 fr. La comparaison avec un revenu
réalisable sans invalidité de 60 190 fr. (4360 x 13), con-
duirait à un taux d'invalidité de 31,72 %, à peine plus
élevé que celui fixé par la CNA.

c) A lire l'ensemble du dossier, il paraît des plus
vraisemblable que les divers refus essuyés par le recourant
sont à mettre sur le compte du fait qu'il est illettré (cf.
rapport de la CNA du 16 février 1998) et ne parle que dif-

ficilement le français (cf. rapport de la CNA sur l'entre-
tien du 6 avril 1998). C'est ce qui explique peut-être que
l'assurance-invalidité a renoncé à toute idée de reclasse-
ment. Or, il est de jurisprudence constante que de tels

facteurs ne peuvent être pris en considération dans l'esti-
mation de l'invalidité (ATF 107 V 21; VSI 2000 p. 155 con-
sid. 3; A. Rumo-Jungo, Bundesgesetz über die Unfallversi-
cherung, ch. IV ad art. 18 [2ème éd.]).

d) Dans ces conditions, l'appréciation du taux d'inva-
lidité de 30 % de l'intimée, à laquelle s'est ralliée l'au-
torité cantonale, n'apparaît pas critiquable.
Le recours s'avère dès lors mal fondé.

4.- Le litige portant sur des prestations d'assuran-
ce, la procédure est gratuite. Le recourant, qui succombe,
n'a pas droit à des dépens.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral des assurances

p r o n o n c e :

I. Le recours est rejeté.

II. Il n'est pas perçu de frais de justice ni accordé de
dépens.

III. Le présent arrêt sera communiqué aux parties, au Tri-
bunal administratif de la République et Canton de
Neuchâtel et à l'Office fédéral des assurances socia-
les.

Lucerne, le 31 octobre 2000

Au nom du
Tribunal fédéral des assurances
Le Président de la IIe Chambre :

p. la Greffière :


Synthèse
Numéro d'arrêt : U.348/99
Date de la décision : 31/10/2000
Cour des assurances sociales

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ch;tribunal.federal.suisse;arret;2000-10-31;u.348.99 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award